Le Lien Familial A l - CHU de Clermont

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Le Lien Familial A l - CHU de Clermont
Le Lien Familial A l’Epreuve de la Maladie ou du Handicap de l’Enfant
Dr Robert Kahn, le 12 Juillet 2012
INTRODUCTION
GENERALITES
Les liens
La famille et l’enfant
EPIDEMIOLOGIE
Cancers de l’enfant
Malformations congénitales
Maladies génétiques
Maladies psychiatriques
Discussion
VECU, MECANISMES ET STRATEGIES DE DEFENSE
Le système familial
La fratrie
Le couple
Les différentes réactions
Que faire ?
ASPECTS THEORIQUES : ATTACHEMENT, SEPARATION ET
REPETITION
CONCLUSION
INTRODUCTION :
Comme nous allons parler de choses tristes et difficiles, je commence par la conclusion, plutôt optimiste,
apologie de la culture contre la nature. Il faut croire aux « forces de l’esprit » et aux vertus de la parole,
et les défendre!
Face au malheur, ça vaut vraiment le coup de se battre. Ce combat est toujours payant qui évite le piège
du renoncement et de la résignation. Et il faut rester contre vents et marées tenace, réaliste et
ambitieux. Marcel RUFO parle de « réserve d’espoir » à entretenir d’autant plus qu’elle est fragile et
menacée.
Ne pas s’isoler, ne pas rester seul en est la condition parce que c’est la relation et la parole (autant que
la biologie) qui fondent le vivant et l’humain (« Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie »
Maurice MERLEAU-PONTY / La parole comme affirmation de la supériorité de l’homme sur ce qui lui
arrive : « Ce n’est pas un défi, c’est une simple déclaration de dignité, instant souverain de victoire de
l’homme sur sa condition» Romain GARY, La promesse de l’aube, Gallimard, 1960).
Et c’est ainsi que dans ces situations terribles, dans la douleur, malgré la douleur, on voit se déployer
souvent dans les familles, chez les jeunes, chez leurs proches, chez les soignants, des trésors de
création, d’inventivité, d’intelligence, de vitalité, de générosité et d’humanité.
Cf. : Les logiques de résilience (Boris CYRULNIK) et la diagonale du drame / Sainte Anne, La Vierge et
l’Enfant de Léonard de VINCI (1503-1519) et Les Saltimbanques de Gustave DORE (1874)
GENERALITES
Les liens
La définition du « Petit Robert » met en exergue un paradoxe difficile qui mène du lien qui attache et
enserre à la relation qui libère.
La question du rapport à l’autre est posée d’entrée. Comment se démarquer du lien de dépendance pour
être dans un lien qui porte et qui structure ? Comment éviter l’aliénation ?
Même les antonymes ne sauvent pas la mise : la séparation, rupture du lien n’en est pas moins la
condition sine qua non du développement harmonieux de l’enfant.
Autre complication : Un lien est fait de mille brins et le lien familial est en réalité fait de mille liens, entre
l’enfant et chacun de ses parents, entre les parents, dans la fratrie, entre générations. Ce n’est pas
toujours très simple de s’y repérer d’autant que les nouvelles donnes (familles re et/ou décomposées,
procréation médicalement assistée, greffes, enfants « médicaments », etc.) modifient en profondeur les
représentations et les enjeux.
Cf.: LACAN et la bande de MOEBIUS, figuration de l’angoisse et du retournement de toute chose en son
inverse et FREUD et « l’inquiétante étrangeté »
La famille et l’enfant
Comme la langue d’ESOPE, la famille est «la meilleure et la pire des choses».
La famille actuellement fragilisée dans divers registres (social, culturel, légal, biologique) n’est parfois
plus le contenant suffisant pour assurer, garantir et maintenir certaines de ses fonctions premières,
l’éducation, l’élevage de ou des enfants et la transmission d’une génération à l’autre des valeurs qui la
fondent. Certains équilibres ne sont qu’apparents, d’autres sont provisoires et toujours menacés. La
précarité n’est bien sûr pas la règle mais la stabilité non plus.
L’irruption de la maladie grave ou du handicap de l’enfant avec son cortège d’annonces, de craintes,
d’espoirs, de désespoirs, vient bousculer la famille dans ce déséquilibre où elle se trouve déjà
naturellement engagée.
L’enfant est une invention récente (« L’enfant est une personne » Françoise DOLTO) et sa place n’est pas
garantie a priori. Il doit s’imposer, affirmer son point de vue et sa singularité et on doit le lui permettre.
Cf. : FREUD et la perte du sens moral et du discernement (Psychologie des foules et analyse du moi)
Tout le génie de l’enfant réside dans sa capacité à se construire dans sa famille entre, d’une part, une
position paranoïaque de défense et de protection nécessaire pour garantir son propre narcissisme (l’idée
qu’il a de lui-même) et, d’autre part, une soumission ou une passivité qui l’abêtit. Ces écueils évités,
l’enfant a une chance de grandir droit dans la communauté des hommes.
Il faut rappeler avec force que l’enfant malade ou handicapé (quel que soit son souci de santé ou le
degré de handicap) est avant tout un enfant et que donc il n’échappe bien-sûr pas à ces logiques. Ce
mouvement d’autonomie/individuation doit toujours être encouragé et accompagné pour permettre à
l’enfant d’être « un parmi les autres » (Denis VASSE).
EPIDEMIOLOGIE
Voici quelques chiffres et indicateurs à mettre en perspective:
Cancers de l’enfant :
C’est une maladie rare, 10 à 15 nouveaux cas par an pour 100 000 enfants de 0 à 15 ans, environ 2000
nouveaux cas par an en France et les trois quarts en guérissent. Un tiers environ des enfants guéris
conserve des séquelles invalidantes, soit du cancer soit des traitements.
(40 nouveaux cas par an en Auvergne, 150 en Rhône Alpes, 60 en Lorraine, 120 en PACA Corse Cf. :
registres des cancers de l’enfant).
Dans les années qui viennent, un adulte sur 750 aura été traité et guéri enfant d’un cancer.
Malformations congénitales:
La prévalence est de 300 à 350 cas pour 10 000 naissances (3 à 4 % des naissances), toutes
malformations confondues, de la plus minime à la plus grave.
En Auvergne (14 000 naissances par an), naissent chaque année environ 450 à 500 enfants malformés
dont les trois quarts sont vivants. (Cf. : CEMC Registre des malformations congénitales Auvergne)
Maladies génétiques :
La plus fréquente des maladies chromosomiques est la trisomie 21 qui touche 1 enfant sur 800
naissances. Le diagnostic est anténatal dans 90 % des cas avec une interruption médicale de grossesse
dans 96 % des cas.
Parmi les autres maladies génétiques, la myopathie de Duchenne, la plus fréquente des myopathies,
touche un garçon sur 3300.
La maladie de Di George (micro délétion 22 q 11) touche 1 enfant sur 5000 et associe assez
fréquemment (dans la moitié des cas) au syndrome malformatif (syndrome vélo cardio facial) des
troubles psychiatriques plus ou moins sévères.
Maladies psychiatriques :
Elles représentent de loin les maladies les plus fréquentes et sont à l’origine en fait de la majorité des
handicaps.
L’autisme et les troubles apparentés (troubles envahissants du développement, syndrome d’Asperger)
touchent 1 enfant de moins de 20 ans sur 150 (prévalence de 60/100 000). Il y a actuellement en France
au moins 100 000 enfants et adultes atteints.
L’anorexie mentale concerne 0,5 à 1 % des jeunes filles de 12 à 20 ans avec une mortalité
catastrophique (30 %). La boulimie est plus fréquente et touche environ 2 % de la population.
La schizophrénie touche 1 % de la population (500 à 600 000 personnes en France) avec une incidence
de 1 nouveau cas pour 10 000 habitants par an et une évolution souvent déficitaire.
Discussion :
Premier point :
Au fil de cette énumération, on se rend bien compte que la distinction maladie/handicap ne tient pas.
Les maladies peuvent avoir des conséquences handicapantes et les handicaps des expressions,
neuropsychiatriques en particulier, qu’il convient de traiter (Cf. : Arnold MUNNICH).
La seule définition pertinente du handicap est sa reconnaissance sociale (MDPH) et ce n’est pas parce
que le handicap est majeur qu’il faut négliger les soins. Et on ne peut réduire les soins aux seuls aspects
d’éducation ou de rééducation.
Deuxième point :
En termes de fréquences, de poids, de conséquences sur la qualité de vie et de catastrophes familiales,
la psychiatrie domine!
Les manifestations neuropsychiatriques chez l’enfant et de l’adolescent sont responsables de 12 % des
invalidités dans la tranche 0-9 ans contre 3 % pour les cancers et 2 % pour les maladies
cardiovasculaires. Même podium encore plus net dans la tranche 10-19 ans, respectivement 29, 5 et 4 %
(cf. : Critères de l’indice « DALY », Disability Adjusted Life Years).
Troisième point :
La quasi-totalité des affections psychiatriques ont des manifestations prodromiques repérables dans
l’enfance ou l’adolescence.
Toutes les interventions précoces relationnelles et « cognitives » ont un impact favorable qui diminue
sensiblement le fardeau de ces pathologies. Le bénéfice préventif de ces prises en charge précoces non
pharmacologiques est démontré et légitime les efforts déployés pour repérer et tenter de traiter la
souffrance psychique là où elle s’exprime (la famille, l’hôpital, l’école) sans attendre une fixation et une
aggravation.
Ces actions de prévention sont d’autant plus indispensables que les pathologies mentales (dont les
expressions sont très diverses) représentent un véritable fléau. On dit qu’une personne sur cinq (20 %
de la population) traversera au cours de sa vie un épisode psychiatrique caractérisé.
VECU, MECANISME ET STRATEGIES DE DEFENSE
Le système familial :
La maladie ou le handicap constitue un révélateur intrusif, violent mais pertinent de la cohésion, de la
cohérence et de l’adaptabilité du système familial - famille proche (parents, frères, sœurs, grandsparents) mais aussi élargie (fratrie des parents, des grands-parents, cousins, …) - et du système social
(entourage amical, scolaire…)
La réorganisation familiale et professionnelle qu’elle entraîne et impose (simplement par l’absence même
momentanée d’un parent du domicile parce que au chevet de l’enfant malade, la sollicitation d’amis, la
modification d’un emploi du temps ou d’un mode de garde, les choix professionnels contraints, les
aménagements, déménagements, etc.) met à l’épreuve la solidité des liens. Elle peut les renforcer, leur
donner un relief et un sens jusqu’alors méconnus mais, à l’inverse, elle peut aussi les fragiliser, les
effriter, les détruire.
Maladie et handicap agissent ainsi comme révélateurs et catalyseurs de dysfonctionnements antérieurs,
de conflits latents qui sans cela peut-être n’auraient pas trouvé leur expression. Il ne faut pas trop le
craindre car l’occasion est ainsi donnée de se dégager d’une difficulté préexistante. Le malheur qui
frappe l’enfant apparaît comme un réel et utile accélérateur de pensée.
Ceci dit, les incertitudes et l’angoisse épuisent, les incertitudes cristallisent l’angoisse, l’angoisse fixe les
incertitudes, véritable cercle vicieux dans un contexte marqué par la répétition des situations
traumatiques (annonce du diagnostic ou du handicap, différentes étapes des traitements et rééducations,
rechutes ou aggravations, admission en établissement, péripéties médicales jamais banales, etc.…).
On croit s’en accommoder, on trouve de petits arrangements, mais l’intime est mis à mal.
Et bien sûr, personne n’y échappe. Cela concerne l’enfant, ses parents, sa fratrie mais aussi ses
médecins, ses soignants, ses instituteurs, ses camarades, etc.…
Pour chacun et donc plus particulièrement dans la famille, pour chaque enfant, pour chaque parent, se
ravivent à tous ces moments les soucis antérieurs surtout s’ils n’ont pas été suffisamment élaborés à
chaud, en direct. Plus le refoulement ou le déni des difficultés personnelles ou familiales antérieures est
important, plus le rappel sera vif et douloureux jusqu’à être parfois quasiment intenable.
La fratrie :
Pour la fratrie se rappellent les pertes antérieures, la rivalité, la jalousie éventuelle par exemple qui,
quand tout va bien, est plutôt structurante et stimulante permettant l’intégration et la sublimation
d’affects, de sentiments parfois violents et paradoxaux bien que banals tels les vœux de mort
(inconscients). De tels vœux de mort sont à l’œuvre aussi parfois chez le parent, plus souvent qu’on ne
s’accorde à le penser, difficile à reconnaître et à admettre même si sur ce point particulier on reste dans
l’ordinaire du fonctionnement psychique. Mais dans ce contexte tendu et angoissé, la culpabilité, la
censure (inconsciente) et la honte qui s’attache à de telles pensées risquent de les enfouir et de les fixer
par le truchement de mécanismes subtils qui allient refoulement et déni.
Dans tous les cas, pour la fratrie exactement comme pour les parents, le cortège d’évènements et les
réajustements nécessaires, les annonces démenties ou contradictoires, les propositions plus ou moins
imposées (don intra familial par exemple) viennent résonner dans l’intimité psychique comme pour
confirmer une culpabilité qui ne demande malheureusement qu’à être nourrie. L’idée de la faute
(imaginaire) s’impose toujours dans ces situations.
C’est dans ce contexte que s’installent parfois, en réaction défensive et offensive, des attitudes
agressives (cf. : La « frérocité » LACAN).
Le couple :
Pour le couple parental, la même logique se déploie qui voit les éléments laissés en suspens apparaître
avec force dans un moment où personne n’est vraiment en état de soutenir le travail psychique que
supposent de tels retours. Cela est cause de beaucoup de maladresses et de malentendus sources
d’incompréhensions et de conflits plus ou moins exprimés. La sexualité est bien évidemment touchée et
les repérages antérieurs bousculés.
Et cela est d’autant plus difficile et vertigineux que, comme pour la famille en général, le mouvement
social, sociétal et culturel actuel en conteste la légitimité et la pérennité.
Les différentes réactions:
Les difficultés émotionnelles s’expriment dans des comportements et des attitudes que l’on peut
regrouper sous trois aspects, liés entre eux, fuite, dépression, agression.
Les attitudes de fuite :
La fuite peut être réelle, manifeste. On ne veut plus voir le malade, on ne va plus à l’hôpital, on l’ignore,
il disparaît du discours, on préfère l’absence à la présence ou on choisit la présence ailleurs (dans un
investissement associatif, sportif, dans une relation extraconjugale, etc.).
La fuite peut être plus purement psychique avec une mise à distance des émotions, comme une
apparente indifférence, presque une froideur, très éprouvante tant pour celui qui le vit que pour celui qui
en est témoin.
Les attitudes dépressives :
Ce second aspect est celui des réactions dépressives excessives marquées par la difficulté, voire
l’impossibilité, à s’investir dans autre chose qu’une pensée morbide, avec un effondrement, des troubles
du sommeil et de l’appétit, une baisse de l’efficience (professionnelle, scolaire), une anticipation
systématiquement très angoissée et triste des évènements à venir, dépassant même le cadre de la
maladie ou du handicap de l’enfant, un refus de relation, un repli et des conduites suicidaires plus ou
moins élaborées qu’il ne faut pas négliger.
Les attitudes agressives :
Parfois spectaculaires pouvant aller jusqu’aux insultes et à la violence physique mais habituellement plus
civiles et contrôlées (colère, contestation des soins, mise en cause de l’alliance thérapeutique, etc.), elles
sont le témoin de l’intensité de la souffrance et de l’impossibilité du sujet à articuler sa douleur
autrement que dans l’agir agressif.
L’agressivité est parfois retournée contre soi dans des conduites d’autodestruction. Cela va de
phénomènes mineurs (s’arracher les cheveux ou les cils ou bien de se ronger les ongles) jusqu’à des
conduites addictives plus sévères (alcoolisation par exemple), ou des conduites de risques plus ou moins
dévastatrices.
L’adulte, mais l’enfant aussi, peut se sacrifier pour le malade en laminant sa propre subjectivité. Bien
qu’encouragée parfois, cette attitude ne doit pas être banalisée et son côté altruiste dissimule parfois mal
la violence à l’œuvre.
L’abnégation, l’oubli de soi pour privilégier le malade, à mi-chemin entre agressivité et dépression
recouvre la difficulté et la fixe plutôt qu’elle ne la traite.
Que faire ?
Ces trois types de comportements et de réactions, plus ou moins présents, plus ou moins associés,
constituent des stratégies qui peuvent s’avérer efficaces pour traverser l’épreuve et la tourmente mais ils
ne permettent que rarement la résolution des conflits intra psychiques individuels et ne constituent en
aucun cas un traitement pertinent de la douleur morale ni de la souffrance familiale.
Le repli par exemple peut prendre la forme d’un repli sur ou autour de l’enfant, d’un repli sur la cellule
familiale avec une mise à distance ou une rupture des liens sociaux, familiaux plus larges, amicaux ou
autres, pour les enfants dans la fratrie comme pour les parents. Cette rupture est d’autant plus facilitée
que dans ces histoires difficiles qui durent longtemps, l’entourage a une fâcheuse tendance à se défiler et
les parents se retrouvent souvent très isolés et démunis. C’est une réelle menace pour l’équilibre
psychique de chacun et toutes les initiatives qui restaurent le lien social en rappelant que l’enfant n’est
pas réductible à sa maladie sont bienvenues (salle de jeu, activités à l’hôpital et en dehors, maintien de
la scolarité, etc.). Les soignants ont un rôle majeur pour promouvoir et soutenir ces projets et les
associations de parents, de malades, d’anciens malades en ont compris tout l’intérêt mais connaissent
aussi toute la difficulté pour les mettre en œuvre.
La difficulté resurgit toujours et rarement quand on l’attend. C’est paradoxalement parfois au moment de
la guérison de l’enfant malade, alors que tout devrait rentrer dans un ordre plus ordinaire,
qu’apparaissent dans l’entourage des symptômes dépressifs qui doivent toujours être pris en compte. De
la même façon peuvent apparaître à ce moment là des difficultés (relationnelles, sexuelles) dans le
couple alors qu’il avait traversé sans dommage trop apparent le temps de la maladie de l’enfant.
Ces impasses réactionnelles logiques ne sont pas une fatalité. Les capacités d’invention et d’intelligence
affective sont étonnantes même si elles ne sont pas toujours très accessibles. Les réponses souples, la
plasticité, les stratégies d’adaptation que trouvent les familles quand elles ne se figent pas sur un seul
mode, quand le tissu relationnel reste accueillant et contenant, quand la dépression et l’angoisse sont
traitées et dépassées, permettent à chacun de construire ou reconstruire les liens mis à mal, de
retrouver un équilibre personnel et d’instaurer ou restaurer une qualité relationnelle bien nécessaire pour
tous.
ASPECTS THEORIQUES / ATTACHEMENT? SEPARATION ET REPATITION
Ces trois concepts tentent d’éclairer la même question : comment le petit d’homme construit sa théorie
du monde et de la relation aux autres avec ce qu’il est et ce qu’il reçoit, qui lui est transmis et que, plus
tard, devenu grand si la vie le lui permet, il transmettra à son tour.
Ce n’est déjà pas facile quand tout est à peu près d’équerre mais quand c’est bancal et que la maladie ou
le handicap s’en mêle, ça devient « chaud », tumultueux et tourmenté!
Attachement :
L’attachement, c’est la façon dont se construit chez l’enfant, entre 0 et 3 ans, le lien affectif entre lui et
ceux qui s’en occupent, les figures d’attachement (mère, père ou autre), les « caregivers » des anglosaxons. C’est dépendant et de l’enfant et de la façon dont on se comporte avec lui et du contexte et
comme il est impossible de faire la part des choses, on peut facilement confondre cause et conséquence.
La théorie de l’attachement, née de l’éthologie et de la psychanalyse (avec BOWLBY, WINNICOTT et
LORENZ), en décrit quatre modalités principales, « sécure » dans les deux tiers des cas,
« anxieux/évitant », « ambivalent » ou « désorganisé » dans le tiers restant.
Cette façon organise et oriente les interactions sociales et affectives à venir.
Séparation :
L’enfant est habituellement assez disposé à se séparer de sa mère.
Curieux, très tôt, quand il va bien, le nourrisson regarde de tout son corps, avec ses oreilles autant
qu’avec ses yeux, vers où regarde et parle sa mère. Ce faisant, il est bien obligé de lâcher le sein et
même s’il le reprend, il sait qu’il l’a perdu.
Ce qui complique la donne, c’est que la mère parfois n’a que peu d’intérêt, peu de goût à regarder ou à
parler (quand elle est déprimée par exemple), parfois elle ne sait ni où porter son regard ni où adresser
sa parole.
Autre complication bien-sûr, c’est quand l’enfant n’a pas les moyens neuro ou psychomoteurs de se
tourner vers l’autre.
Autre aspect de la question :
La séparation rime avec la mort et avec l’abandon, alors même que c’est une condition de la vie. Quand
on sait combien cela peut être éprouvant pour les deux parties, comment légitimer la séparation de la
mère et de l’enfant quand l’enfant est appelé à mourir à court ou moyen terme ou quand son autonomie
est gravement et/ ou définitivement compromise?
La réussite de ces processus d’attachement et de séparation suppose d’une part que soit traversée, ou
au moins contenue, l’angoisse que suscite la perte (ou l’idée de la perte ou de la chute) tant chez l’enfant
que chez le parent ou l’éducateur et d’autre part, dernier point et non le moindre, que la fonction
parentale puisse s’exercer sans confusion des places et des rôles.
.
(Cf. : Jean-Pierre LEBRUN, Fonction maternelle Fonction paternelle, Editions Fabert, 2011 et Le Petit
Chaperon Rouge, Charles PERRAULT, 1697, Jacob et Wilhelm GRIMM, 1857)
Répétition :
Derrière l’inconscient, les pulsions et la répétition! On ne change pas une équipe qui perd !
Cf. : André GREEN qui travaille la question du narcissisme et évoque le destin inconscient des pulsions et
leur tropisme naturel vers l’assujettissement de l’autre, la culpabilité et le masochisme (Les enjeux de la
psychanalyse à l’aube du XXIème siècle).
Bien qu’averti, on reste toujours surpris de constater combien dans certaines situations où la souffrance
domine, ce n’est parfois pas le meilleur de l’humain qui s’exprime mais au contraire les logiques de
conflit, de rivalité, d’opposition violente et radicale, de recherche d’emprise et de pouvoir, illustrant la
force de la compulsion de répétition, avatar de « l’humaine pulsion d’agressivité et d’auto
anéantissement » (FREUD).
CONCLUSION:
La psychiatrie est une discipline sinistrée !
Ceci posé, le travail auprès des enfants et des familles nous enseigne qu’il est toujours possible de
réparer, restaurer, instaurer même, des liens plus sécures et stables qui permettent que le meilleur
s’exprime et l’emporte sur les logiques du malheur.
« Guérir rarement, soulager parfois, consoler toujours »
Vive le travail !