1 Informations relatives à l`adoption des enfants grands ou fratrie
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1 Informations relatives à l`adoption des enfants grands ou fratrie
Informations relatives à l’adoption des enfants grands ou fratrie La question de la transition pour les enfants et leur future famille est une question essentielle dans l’adoption internationale, à laquelle tous les parents qui vont adopter devraient être sensibilisés et préparés. C’est la raison pour laquelle l’AFA a mis en place, en amont, des entretiens téléphoniques systématiques avec les adoptants et des réunions de préparation au départ, destinés aux parents en vue de l’adoption d’un enfant grand ou d’une fratrie car très souvent, les candidats ne s’attendent pas à une adoption qui s’avère complexe. L’objectif de la mise en place de cette note vise : - à préparer les parents à mieux décoder la détresse de leur futur enfant et à trouver les moyens de la soulager ; - à sensibiliser les parents à l’image d’un enfant qui a besoin d’être accompagné dans sa maturation et ses étapes de développement quel que soit son âge. 1. L’accueil d’un enfant grand L’expérience de l’adoption internationale démontre que l’arrivée d’un enfant grand ou d’une fratrie peut poser un véritable défi aux parents par rapport à l’intégration de(s) enfant(s) dans la famille. Elle peut même devenir nocive si aucun travail ne se faisait avec les parents. En effet, tout enfant adopté tardivement doit être considéré comme ayant des besoins très spécifiques auxquels il faut trouver des réponses rapides et adéquates. Comme il est fort probable que l’enfant ait eu par ailleurs des relations de mauvaise qualité, au mieux non protectrices, au pire maltraitantes ou abusives dans son histoire, préserver la santé mentale de l’enfant et faciliter sa rencontre avec sa nouvelle vie reste donc un enjeu très important puisque beaucoup de ces enfants souffrent de carences affectives graves. Ainsi, ce n’est pas l’adoption en soi qui est une chance formidable donnée à l’enfant mais les nouvelles conditions qui en font une opportunité de reprise du développement grâce à la mise en place d’une relation d’attachement, si possible sécure, avec ses parents dans un environnement particulièrement sensible à ses besoins. Le manque d’affection entraîne l’atrophie de certaines zones du cerveau par le ralentissement des sécrétions neuro-hormonales. L’expérience clinique et les recherches conduites auprès de ces enfants « en manque de sécurité affective » montrent qu’ils présentent des problèmes physiques, psychologiques et développementaux, notamment des retards de développement sur le plan cognitif et langagier, des difficultés au plan des apprentissages et des troubles des conduites, et de ce fait de multiples facteurs vont infléchir leur évolution. Toutefois, il n’y a pas de fatalité de la vie fœtale ou de la petite enfance car il y a une possibilité de reprise du développement, grâce à la plasticité du cerveau, si un certain nombre de conditions sont réunies pour procurer une « nouvelle base de sécurité » autour de l’enfant. Les caractéristiques personnelles de l’enfant jouent également un rôle dans son évolution ultérieure, selon qu’il existe ou non chez lui une vulnérabilité biologique et selon la nature de son tempérament, qui va induire la façon dont il va réagir au stress et à différents événements de vie. Mais quel que soit son tempérament, les expériences précoces d’absence de base de sécurité et de rupture de lien accroissent chez lui le risque de survenue de troubles de l’attachement et de problèmes développementaux. Bon nombre d’entre eux présentent un attachement désorganisé et des troubles de la base de sécurité, avec des comportements de mise en danger, des conduites agressives ou une hypervigilance avec 1 compliance (obéissance) excessive, ces troubles étant intriqués au début de leur placement à ceux liés à la rupture des liens avec leur famille naturelle. L’enfant, d’abord soumis à des milieux familiaux pathogènes et soumis ensuite au cours des années à des séparations de sa famille d’origine et des familles d’accueil où il a été successivement placé, développe une difficulté à créer des liens de confiance avec les parents adoptifs. La dépression chronique, la rage persistante, les comportements antisociaux, le défaut d’estime de soi, la dépendance affective chronique en sont fréquemment des séquelles à long terme qui témoignent d’un traumatisme de ces enfants à leur arrivée. Ce sont des enfants vulnérables qui sont rapidement désorganisés par les situations stressantes et submergés par des émotions négatives comme la colère, la peur ou le chagrin. Si l’on connaît actuellement les besoins généraux des enfants adoptés tardivement, on ne sait pas ce qu’il en est pour chaque enfant en particulier. De façon générale, nous avons pu observer que l’évolution des enfants qui nous sont présentés est fonction de plusieurs facteurs : de la toxicité du milieu biologique d’où ils viennent (par ex : bidonvilles, enfants de la rue), de la précocité ou non du placement en famille d’accueil ou en orphelinat, de la continuité ou non du milieu d’accueil, de l’investissement affectif de l’enfant par son milieu d’accueil. Ainsi, l’enfant qui a été maltraité (par ses parents biologiques, sa famille d’accueil, la rue ou l’orphelinat), a dû s’adapter à un environnement distordu et « effrayant ». Cette brisure laissera des traces dans sa capacité à établir à l’avenir des relations fondées sur la confiance. Il est très méfiant devant toute nouvelle relation et il a appris à ne compter que sur lui-même, de manière méfiante et prudente. Il a souvent tendance à repousser les mouvements de l’adoptant, craignant de revivre les expériences d’abus ou de rejet expérimentées dans son histoire car il préfère être responsable de l’échec de la mise en place d’une relation d’attachement que de subir une nouvelle rupture. Souvent imprévisibles dans leurs interactions, les enfants ont tendance à rechercher une attention constante, tout en refusant toute tentative de rapprochement. On constate chez eux un mélange d’évitement et d’accrochage équivalent à une sorte de provocation au rejet. Dans ces conditions, les parents peuvent « démissionner » s’ils ne voient chez lui aucune envie de se lier. Plusieurs études soulignent les difficultés que rencontrent de nombreuses familles adoptives face à ces troubles de l’enfant, qui s’inscrivent dans la répétition de comportements développés précocement. L’une des principales difficultés des parents est de comprendre les comportements et les intentions de ces enfants, qui peuvent par exemple se montrer hyperfamiliers avec des personnes étrangères et ne manifester aucun lien préférentiel. L’enfant se montre souvent méfiant, agressif, et refuse d’être consolé ou approché en cas de difficulté, si bien qu’il peut amener des parents à douter de lui et d’eux-mêmes. Certains sont si découragés qu’ils renoncent à continuer à s’occuper d’un enfant si difficile, ce qui vient encore renforcer chez l’enfant sa profonde défiance envers les autres et l’image négative qu’il a de lui-même. Il est vital qu’un enfant ait au moins une personne vers laquelle il se tourne pour chercher du réconfort et pour laquelle il sent qu’il est unique et spécial, indépendamment du fait que le message soit clairement communiqué ou non. Les émotions et les attitudes des enfants, liées à leur parcours de vie, ne doivent pas être considérées comme des résistances mais comme des stratégies protectrices construites depuis leur naissance et qui représentaient alors le meilleur choix stratégique pour eux. L’objectif primordial est de briser cette profonde résistance et de créer cette relation de confiance avec leurs parents adoptifs ouvrant pour l’enfant la possibilité d’évolution vers un modèle de soi comme un modèle digne d’amour et d’intérêt et développer ainsi le sentiment d’appartenance à sa nouvelle famille. Il faut une grande tolérance, une capacité très spéciale afin de maintenir un environnement qui sache donner beaucoup d’affection tout en ayant une organisation quotidienne bien structurée, qui inspire la confiance, sans menacer l’enfant d’abandon en 2 retour de ses comportements insolites ou provocateurs. Les parents doivent pouvoir aménager un cadre serein autour de l’enfant, lui procurer réconfort et apaisement soutenant ainsi sa reconstruction affective. La capacité de réussir avec ces enfants difficiles serait davantage liée, en outre, à la résolution par le parent de sa propre histoire d’attachement qu’elle ne se reposerait sur l’histoire et les caractéristiques de l’enfant lui-même. Parmi cette multitude de paramètres, l’enfant tente de se positionner en fonction de ce qui est optimal pour sa propre survie. Cela va donc dépendre de ceux sur lesquels il croit pouvoir compter maintenant, comme dans le futur. 2. Fratries Dans le cas d’accueil d’une fratrie, c’est le lien fraternel qui contribue à maintenir une donnée permanente et stable et ce lien fraternel doit être considéré comme un facteur de protection, un refuge, un soutien, malgré leur histoire de vie. Dans une telle situation, on constate souvent que l’aîné prend un rôle de parent envers le reste de la fratrie. Toutefois, progressivement, l’aîné devra être déchargé de cette tâche. Ce changement de rôle sera accompagné avec soin par les parents car la perte des fonctions assumées pourrait déclencher des réactions dépressives, d’isolement social car, en quelque sorte, à ses yeux, il perd son utilité. Dans un premier temps, les parents pourront, par exemple, remercier l’enfant pour les services rendus à sa fratrie et lui exprimer leur gratitude. Ensuite, certaines positions singulières pourraient être maintenues quelque temps, afin de faciliter la transition de l’aîné dans son retour au monde en tant qu’enfant. Soulignons qu’au moment de l’arrivée dans la famille, la cohésion fraternelle est primordiale et permet de faciliter l’intégration des enfants. Le processus de différenciation peut alors commencer à se mettre en place, après six, neuf mois. Les parents devraient pouvoir être en connaissance des besoins spécifiques de ces enfants car il faut laisser le temps au temps pour les sentir vivre dans le nouveau nid. Leur intégration nécessite souvent d’être considérée comme s’ils étaient plus jeunes. La disponibilité des parents et leur capacité « plus que bonne » de prendre soin devrait permettre un cheminement vers un développement des capacités d’autorégulation des enfants. Il est essentiel de les aider, quel que soit leur âge, à expérimenter un sentiment de maîtrise et d’efficience dans leur univers. Il importe de créer un monde que les enfants vivent comme contrôlable, de les aider à faire l’expérience d’un monde interpersonnel prévisible et sensible, de les aider à exprimer leurs ressentis afin d’amplifier les émotions positives et d’apaiser les émotions négatives. 3. L’accueil de (s) enfant(s) dans une famille monoparentale Dans le cas des familles monoparentales, le parent devrait pouvoir être épaulé dans le cas d’adoption d’un enfant grand ou d’une fratrie, car l’intégration de(s) enfant(s) le ramène très vite à changer une vision idéalisée de l’adoption. Il est effectivement possible d’aimer très fort son enfant mais de ne pas savoir comment répondre à ses besoins de réconfort et de protection. L’intégration de ces enfants est une épreuve majeure pour le parent et pour l’enfant(s) car la mise en lien pourrait être compromise sans un étayage sécurisant autour du lien. Le mot « lien » illustre bien le travail de notre équipe au service des enfants: lien entre les professionnels, lien entre les services, lien entre les institutions, lien entre les différentes difficultés de ces femmes, de ces couples, lien entre l’enfant et sa mère, lien entre le passé, le présent et l’avenir. Un lien qui permet à ces femmes, à ces hommes, à ces enfants, d’être des sujets à part entière et non des êtres à part. 3