Interview d`un dirigeant français en Malaisie

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Interview d`un dirigeant français en Malaisie
INTERVIEW D'UN DIRIGEANT FRANÇAIS
EN MALAISIE
Juin 2015, Kuala Lumpur
Quelle est la problématique du travail forcé pour vous en Malaisie ?
De façon générale se pose la problématique des avances de frais :
- si les migrants entrent dans un marché libre de contraintes, pour y accéder, ils
sont contraints de s'endetter dans leur pays d'origine auprès de prêteurs souvent
peu scrupuleux et des risques de pression sur la famille restée sur place existent
- si au contraire l'entrée dans le pays requiert un visa de travail valide, l'avance est
alors faite par les employeurs qui craignent de ne pas amortir leur
"investissement"...
Je suis personnellement plutôt partisan de la deuxième solution mais avec un cadre
plus élaboré à définir par chaque Etat : pas d'intermédiaires, le remboursement de
l'avance dans les premiers mois de travail ouvrant la possibilité de démissionner si
le migrant s'estime lésé ou s'il a des problèmes personnels et un rapatriement.
[...]
Je pense que pour un pays dont plus de 30% de la population active est étrangère
(!) la Malaisie devrait faire plus (au sein du Ministry of Human Resources, il n'existe
apparemment pas de dépôt officiel pour la main d'œuvre étrangère alors que cela
devrait être un gros portefeuille pour un ministre)
[...]
Pouvez-vous réagir aux réponses de la Fédération Malaisienne de l’électronique par
rapport aux accusations de travail forcé?
1) "Les taxes sont payées en avance par les employeurs au Gouvernement et sont
déduites mensuellement des salaires des travailleurs étrangers, comme autorisé par
le Ministère du Travail. Ainsi, un travailleur étranger qui démissionne, est supposé
régler l'intégralité des taxes (levy) sur son dernier salaire."
Le système de prélèvement obligatoire me semble bon sauf qu’il a été transféré
aux migrants lors de l'instauration du SMIC en 2014 au lieu d'être acquitté par les
employeurs souhaitant utiliser de la main d’œuvre étrangère plutôt que locale (ce
qui devrait être promu).
2) "Les employés locaux peuvent démissionner alors que les travailleurs étrangers
qui mettent fin à leur contrat avant que celui-ci n'expire sont rapatriés comme
l'exige le Gouvernement. Un travailleur étranger peut seulement travailler pour
l'entreprise qui est désignée sur son permis de travail".
Dans le cas de visa lié à l'employeur et si ce dernier paye les frais de transport, il est
clair que le coût doit être considéré au prorata de la durée du CDD: si un migrant
démissionne au bout d'un an au lieu de deux ans, il devrait avoir à acquitter la
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moitié du billet retour... Aujourd'hui, c'est un système binaire (fin de contrat ou
rien), c’est ce qui n’est pas normal pour le salarié.
3) "Les employeurs sont obligés par la loi d'informer les autorités de toute fuite
d'un travailleur migrant sans quoi l'entreprise se retrouvera sur liste noire et ne sera
plus autorisée à recruter de nouveaux travailleurs".
Avec le mécanisme actuel, l’employeur est tenu responsable des étrangers pour
lequel il a obtenu un visa ce qui pousse effectivement les employeurs à vouloir se
protéger.
4) "Certains travailleurs étrangers demandent à leurs employeurs de conserver
leurs passeports par mesure de sécurité. Certains employeurs imposent ces
conditions restrictives de la liberté de mouvement surtout quand le logement
fourni est situé sur le lieu de travail pour des raisons de sécurité".
Partiellement vrai : d’un côté ils n’ont souvent pas de lieu sûr pour le conserver,
d’un autre côté certains employeurs en abusent car c'est un levier pour s’assurer
que l’employé soit moins tenté d’aller voir ailleurs.
5) "Les crimes et les activités de gang sont en dehors du contrôle des employeurs
et affectent tout le monde. L'exposition aux crimes et aux activités de gang est
plus grande quand les travailleurs étrangers restent dans des logements en dehors
des locaux de l'entreprise".
Le cas Malaisien est typique : trop forte concentration de main d’œuvre étrangère
(parfois, même si ce n'est pas légal, près de 100% de la main d'œuvre), précaire,
souvent entièrement masculine... Un terreau fertile à toute sorte de crimes et
problèmes sociaux
6)"Les travailleurs étrangers peuvent être trompés par les agents de recrutement
dans leur pays d'origine. Même les locaux n'ont pas la possibilité de changer les
fonctions de leur poste qui leur ont été offertes sauf s'il existe une solide
justification comme l'acquisition de nouvelles compétences, des raisons de santé…".
On en vient effectivement aux intermédiaires qui constituent une pratique qui
devrait être bannie.
7) "La Fédération Malaisienne de l'électronique soutient la proposition du
Gouvernement d'envisager un accord de Gouvernement à Gouvernement pour
recruter des travailleurs étrangers pour des salaires corrects".
Oui mais c’est aussi au gouvernement lui-même d’assurer une évolution du système
de visa/taxe/agents...
8) "Compte tenu des études menées, la Fédération Malaisienne de l'électronique
recommande fortement à ses membres, en tant qu'employeurs responsables, de
faire preuve de diligence et d'assurer un contrôle strict de leurs contractuels, des
agents de recrutement ainsi que de leurs fournisseurs de produits et de services y
compris les gérants des logements pour faire respecter le droit du travail et les
normes".
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La recommandation du FMM me semble louable
Lire l’article de RHSF : "En Malaisie le scandale des agences de placement"
http://www.lexpress.fr/emploi/business-et-sens/en-malaisie-le-scandale-desagences-de-placement- au-coeur-du-travail-force_1495454.html
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