Extension des titres services à l`accueil des enfants : le point

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Extension des titres services à l`accueil des enfants : le point
Extension des titres services à l’accueil
des enfants : le point sur la question
Xavier Bodson
Mai 2008
A.
Organisation du dispositif des titres services en Belgique. ............. 2
B.
Le système des chèques services pour la garde d’enfants en
Communauté flamande. .......................................................................... 3
C.
Les propositions CDH ET MR ........................................................... 3
D.
Les positions des acteurs ............................................................... 4
E.
Analyse .......................................................................................... 5
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Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected]
Cette analyse se propose d’étudier les arguments d’une extension du système
des titres services (TS) à l’accueil de l’enfance en dehors des heures scolaires.
Après avoir présenté le système des titres services actuels pour les travaux ou
les services de proximité, et un détour par le système flamand des chèques
services pour la garde d’enfant malade, il sera fait état des différentes
propositions en matière d’extension à l’accueil extrascolaire.
Ensuite, l’analyse passera en revue les propositions en présence avant de
développer, dans une dernière partie les arguments qui plaident pour
A. Organisation du dispositif des titres services
en Belgique.
Le dispositif des « titres services » est issu de la loi du 20 juillet 2001 et l’arrêté
royal du 12 décembre 2001. Il vise à favoriser le développement de services et
d’emplois de proximité et à lutter contre le travail au noir.
Les TS sont un mode de paiement qui permet aux personnes physiques de régler
leur part dans le prix d’un service de proximité qu’ils ont fait exécuter par une
entreprise agréée, l’autre partie étant prise en charge par l’État.
Les activités autorisées : Les titres services sont actuellement réservés aux
travaux ou services de proximité et visent à rencontrer des besoins individuels,
personnels ou familiaux dans le cadre de la vie quotidienne (aide à domicile de
nature ménagère).
Actuellement, l’entreprise agréée, considérée comme employeur, bénéficie d'une
intervention fédérale par titre service de 13,30€ par titre (donc par heure
d'occupation d'un travailleur) en plus des 6,70€ payés par le particulier.
En février 2008, les travailleurs avec moins d’1 an d’ancienneté touchent 9,11€
bruts de l’heure (9,47€ avec 1 an d’ancienneté et 9,59€ avec 2 ans
d’ancienneté).
Les utilisateurs : Les utilisateurs sont uniquement des particuliers domiciliés en
Belgique. Ils achètent les titres services auprès de la société émettrice Sodexho,
à raison de 6,70 EUR par titre. Ils donnent droit à une réduction d’impôts de
30%. Chaque titre service coûte donc réellement 4,69 € à son utilisateur.
Une heure de TS coûte au total 20€ dont 15,31€ sont finalement supportés par la
collectivité. L’Etat intervient donc à 76% dans le coût réel de cette activité.
En 2006, le volume utilisé s’est monté à 8.082.676 TS dont 58,5% en Flandre,
31,9% en Wallonie et 9,6% à Bruxelles.
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En 2008, le budget des TS sera de 848.547 millions d’€ (soit + 198.820 millions
par rapport à 2007 !) dont 310.05 millions d’€ d’effet retour prévu en 2008.
B. Le système des chèques services pour la
garde d’enfants en Communauté flamande.
Un décret flamand du 7 mai 2004 et son arrêté d’application du 16 mai 2007
instaurent un régime de chèques services pour la garde d'enfants. Ce dispositif
communautaire n’a aucun lien avec le dispositif fédéral. Il est limité au niveau du
public (famille monoparentale) et de la durée d’utilisation (nombre de chèques
octroyés)
Activités autorisées : La garde d’enfant de moins de 4 ans, y compris les
enfants malades au domicile des utilisateurs par un travailleur d’un service
dûment mandaté.
Utilisateurs : Personne physique (parent vivant seul) domiciliée en
Communauté flamande. L’utilisateur peut être employé, fonctionnaire ou
indépendant à titre principal. Le nombre de chèques est limité. L’utilisateur jouit
d’un minimum de 5 et d’un maximum de 40 chèques par an. Délivré par la
société Accor, le prix du chèque dépend du revenu de l’utilisateur (de 1,67€ à
6,70€ si les revenus sont supérieurs à 31.745,12€) et donne droit à la
déductibilité fiscale pour frais de garde d’enfants prévue à l’article 118 de la loi
de 1992.
Le système resterait limité vu les conditions d’octroi et d’utilisation des chèques.
C’est un système de garde d’appoint pour les familles monoparentales.
C. Les propositions CDH ET MR
Le CdH propose d’étendre le système des Titres services à des prestations
d’accueil de l’enfance et à la garde d’enfants malades à domicile. Pour l’accueil
extrascolaire, il propose une utilisation de 16h à 20h les jours de semaine et le
mercredi après midi jusque 20h soit 24h semaine.
Au cours d’une négociation avec les partenaires sociaux de l’accueil extrascolaire,
a été évoqué la possibilité de ne pas passer par les titres services mais
d’augmenter le nombre d’emploi maribel tout en maintenant l’option garde
individuelle à domicile.
Quant au MR, il propose dans son programme fédéral 2007 d’élargir les
prestations payées par titres services à la garde d’enfants. Concrètement,
Florence Reuter a déposé une proposition de modification de l’article 2 & 1 alinéa
3 de la loi du 20 juillet 2001 visant à favoriser le développement de services et
d’emplois de proximité. Elle y ajoute l’aide à la « surveillance d’enfant ».
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Dans l’exposé des motifs, elle précise que les Titres services élargis à la garde
d’enfants répondrait à la fois à un besoin ponctuel en cas de maladie de l’enfant
ou a un besoin récurrent en matière de garderie en dehors des heures d’école.
Elle ajoute une formation adéquate serait organisée pour les travailleurs et que
les services agréés devraient répondre à des règles qualitatives semblables à
celles que l’on impose à d’autres types d’accueil. Elle précise en outre que
l’extension des TS interviendrait là où les structures d’accueil ne peuvent
apporter de solution. Sur ces sujets, l’avis du secteur et des partenaires sociaux
serait sollicité. Enfin, les déclarations publiques qui ont entouré cette proposition
de loi indiquaient qu’un budget de 60 millions € viendrait s’ajouter aux actuels
769 millions €.
D. Les positions des acteurs
Le MOC s’oppose à l’extension des titres services à la garde d’enfants, même à
domicile, et à l’aide aux personnes âgées. Le MOC demande que la garde
d’enfants soit assurée par des professionnel(le)s qualifié(e)s ; un accès
démocratique aux services et la prise en compte du revenu des parents dans la
fixation du prix de la garde ; la suppression de la déductibilité fiscale ; risque de
démantèlement des structures publiques et associatives qui offrent des services
non marchands de qualité et accessibles à toutes les familles en fonction de leurs
revenus.
Le Conseil d’avis de l’Office de la naissance et de l’enfance souligne l’importance
d’apporter une prise en charge professionnelle afin de garantir la qualité de
l’accueil. Un des effets pervers, pourrait par exemple être de favoriser le recours
au travail non déclaré étant entendu que ni les parents, ni les travailleurs inscrits
dans ce système n’auront intérêt à ce que la totalité des heures de gardes soient
prestées « officiellement » tenant compte du coût global du système titres
services. Il souligne encore que l'absence de financement de l'encadrement et de
toutes fonctions logistiques annexes à l'activité, et le sous financement de la
progression barémique due à l'ancienneté, imposent dans ce secteur, sans autre
source d'appui, une rotation très rapide du personnel afin de bénéficier d'un
maximum de réductions bas salaires.
Quant à la FGTB, elle demande, sous la responsabilité des pouvoirs publics, un
développement équilibré d’une offre de prestations qualifiées de qualité,
diversifiées, répondant aux différents besoins de la population tout en étant
accessibles à tous. Or le système proposé, de par son coût, restera inaccessible
pour une majorité de parents. Cette forme individualisée serait pourtant très
coûteuse pour l’Etat. La FGTB demande le développement d’un accueil de qualité
accessible à tous les enfants et souhaite que tout moyen public supplémentaire
s’inscrive en appui de l’approche développée par la CF et la RW pour une
programmation équilibrée de l’offre d’accueil.
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L’Intersyndicale secteur enfance (Setca, CNE et CGSLB) s’oppose à un système
qui favoriserait la commercialisation du secteur (en imposant la stabilisation de la
demande à la place de la subsidiation de l’offre) et l’élitisme de l’accueil
individualisé dans un contexte de déstructuration des conditions de travail de ce
personnel (tôt le matin, tard le soir, prestations fractionnées,…).
Enfin, SAW-B, fédération pluraliste d'entreprises d'économie sociale privilégie
avant tout la garantie de la pérennité des moyens accordés aux activités de titres
services existantes, et un soutien accru aux activités existantes. SAW-B rappelle
qu’à chaque contrôle budgétaire, la question du coût élevé des TS est reposée. Si
cette solution devait aboutir, il faudrait octroyer des montants différenciés en
fonction de la qualité des emplois créés. Et pour la garde d’enfants, la présence
de personnel qualifié.
E. Analyse
Outre les arguments classiques contre les Titres services, principalement des
emplois sans perspectives d’évolution de carrière, plusieurs arguments peuvent
être retenus pour rejeter la proposition d’extension à l’accueil extrascolaire :
1° Le niveau de qualification des accueillant(e)s
Quid du niveau de qualification minimal ? Tout le secteur s’accorde sur la
nécessité d’une professionnalisation accrue du secteur. Un processus qui va dans
ce sens est en cours et il ne faudrait pas que les Titres services viennent brader
cette logique en proposant un accueil sous qualifié.
2° Une utilisation inefficiente des moyens publics
L’extension à l’accueil extrascolaire des Titres services entraînerait un coût
supplémentaire pour la collectivité. Le coût total d’un titre service passera de 20
à au moins 23€1 soit 17,48€ de l’heure à charge des pouvoirs publics, si on garde
le même rapport de 76% de prise en charge par l’Etat. Finalement, c’est un type
d’accueil qui reviendrait de 2 à 6x plus cher que l’accueil collectif, selon
que 3 à 1 seul enfant est pris en charge.
3° Moins de places et des plages horaires réduites
60 millions d’€, hypothèse avancée par la députée MR Florence Reuter,
permettent de créer, via les Titres services, 9.936 places d’accueil pour 24h
semaine durant 37 semaines par an2, soit 888h/an. Cette somme injectée
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Ce montant est calculé à partir du coût horaire d’une puéricultrice soit 11 euros
multiplié par 2 pour le coût employeur. Une aide ménagère touche actuellement de 9,11
à 9,59 € de l’heure.
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Les 60 millions permettent de financer 3.921.568 de TS à concurrence de 15,3 € par
titre (23 euros moins la participation du particulier 7,70 €). Ce qui revient en théorie à
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dans l’accueil collectif permet de créer au moins 24.000 places d’accueil mais
ouvertes 23h30 par semaine durant les 37 semaines de cours et
10h/jour durant au moins 7 semaines de congés scolaires3 soit au total
1219h/an. Ainsi, l’accueil collectif arrive de loin en tête du point de vue de
l’utilisation efficiente des moyens publics.
4° Un contrôle coûteux et complexe
Il demeure une incertitude sur le contrôle qui pourra être exercé sur les
accueillant(e)s. Ce contrôle devra comprendre un volet qualité de l’accueil et un
autre relatif au respect de la législation pour l’utilisation des Titres services. Par
ailleurs ce contrôle risque de coûter très cher aux Communautés.
5° Effet nul sur le travail au noir
Un des arguments avancé par les tenants d’une extension à l’accueil
extrascolaire est que cela permet de lutter contre le travail au noir. Il est à
craindre que l’effet escompté soit assez limité dans la mesure où ce sont souvent
des étudiant(e)s qui exercent ce type d’activité et qu’il est peu probable que ce
type de public n’entre dans une logique de titres services.
6° Un offre de service discriminante socialement
Ce nouveau service ne sera pas accessible à toute la population. Un accueil via
l’usage des Titres services coûterait 409€/mois, déductions fiscale
comprises4, quelle que soit le nombre d’enfant pris en charge. Alors que la prise
en charge via l’accueil collectif coûte maximum 70€/mois et par enfant5. Une
mesure pour le moins paradoxale à l’heure où l’on veut augmenter le pouvoir
d’achat, en particulier des petits salaires.
7° Une dualisation du secteur de l’accueil extrascolaire
L’extension des Titres services à l’accueil extrascolaire risque d’entraîner une
dualisation des formes d’accueil individualisée et collective. Paradoxalement, les
premières, réservées aux parents les plus nantis seront subsidiées
(17,46€/heure) alors que les seconds, où ne seront inscrits que les enfants dont
les parents n’ont pas le choix, bénéficient de moyens variables qui dans le
meilleur des cas, se monte à un subside de 2,5 € par heure et par enfant.
4.416 accueillantes (3.921.568 de TS divisés par 37 semaines d’activités, 24h/semaine).
On postule qu’une accueillante prend en charge en moyenne 2,25 enfants.
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Les 60 millions sont divisés par le coût d’une accueillante soit 35.000. Cette somme
permettrait de créer 1.714 postes pour une capacité d’accueil de 24.000 enfants au total
(nombre d’accueillants multiplié par 14 enfants).
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Pour une base de 5j/semaine à raison de 3h/jour sauf le mercredi 7h, et un titre service
à 7,70€ (le ratio du titre service actuel sur une base de 23€), soit 20h/semaine x 4
semaines x 7,70€ moins la déduction fiscale de 30%.
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Soit 4€/jour x 4jours/semaine + le mercredi à 6 €. Le coût total sur un mois est de
maximum 88€ déductibles à 50%, maximum parce que de nombreux milieux d’accueil
pratiquent des prix inférieurs. En revanche la garde des services publics ne courre
actuellement que jusqu’à 18h.
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8° Une libéralisation du secteur
En finançant les utilisateurs des services plutôt que le producteur de service dans
le cadre d’une programmation, on risque de développer une logique marchande
dans le secteur de l’accueil des enfants, ce qui risque d’entraîner une
libéralisation des normes et des prix et, à terme, une fragilisation des structures
financées par la collectivité.
Alors que la Communauté comme les Régions investissent dans ce type d’accueil
via la réforme du FESC, on risque de détricoter ce que l’on a construit de l’autre
côté.
Si il doit y avoir un soutien supplémentaire pour augmenter et améliorer l’offre
d’accueil après l’école, on voit combien il serait plus judicieux, tant du point de
vue de l’équité que d’un logique de bonne gouvernance, d’augmenter les moyens
des services collectifs. L’augmentation du nombre de places d’accueil de qualité
disponibles et l’amélioration des plages horaires doivent permettre de répondre
aux besoins des parents qui ne peuvent se libérer à la fin du temps scolaire.
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