Femmes au bord de la crise de nerfs - Ciné-club Ulm
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Femmes au bord de la crise de nerfs - Ciné-club Ulm
CINÉ- CLUB NORMALE SU P’ Mardi 21 Septembre 1999 Femmes au bord de la crise de nerfs – Pedro Almodovar – MUJERES AL BORDE DE UN ATAQUE DE NERVIOS 1988; 90 min; 35mm scénario Pedro Almodóvar photographie José Luis Alcaine musique Bernardo Bonezzi générique et graphismes Stusio Gatti production E. Garcia pour El Deseo/Laurenfilm ; avec : Carmen Maura (Pepa), Antonio Banderas (Carlos), Julieta Serrano (Lucía), Rossy de Palma (Marisa), María Barranco (Candela), Kiti Manver (Paulina Morales), Guillermo Montesinos (chauffeur de taxi), Chus Lampreave (témoin de Jehová ), Yayo Calvo (policier II), Loles León (secrétaire), Ángel de Andrés López (policier I), Fernando Guillén Cuervo (Iván), Juan Lombardero (Germán), José Antonio Navarro (policier II), Ana Leza (Ana) blage de films à Madrid, se fait quitter par son amant Ivan, rupture qu’elle accepte difficilement et qui la fait osciller entre abattement et énervement violent. Elle décide de renoncer à son appartement, désormais trop grand, lorsqu’arrive son amie Candela qui lui demande de l’aide : elle a eu une liaison avec un terroriste chiite et se croit poursuivie elle aussi par la police ; elle voudrait cependant avertir les autorités du projet d’attentat aérien desdits chiites. Arrive alors par hasard le fils d’Ivan, Carlos, venu visiter l’appartement avec sa fiancée. Il est suivi peu après par sa mère (l’épouse légitime d’Ivan qui a identifiée Pepa comme la maîtresse de son mari)... et même la police, si bien que Pepa n’a plus guère le temps de céder à sa crise de nerfs. cinématographique de Rossellini). Il s’agit du long monologue d’une femme en train de se faire quitter par son amant au téléphone et qui, tout en essayant de rester digne en apparence, vit cette rupture en s’effondrant physiquement. Mais Almodovar, tout en gardant l’idée de départ, transforme peu à peu son film en tout autre chose. Femmes au bord de la crise de nerfs est en effet un film composite, comme l’annonce le long générique fait de collages de photos des années soixante. Almodovar emprunte à des domaines très divers : le drame psychologique, mais aussi la comédie américaine, le théâtre de boulevard, les séries télévisuelles, l’actualité, ou la publicité. Le tout est présenté sur un mode visuel très particulier avec des effets plastiques assez outrés : des cadrages géométriques, l’emploi fréquent du gros plan et des couleurs extrêmement vives, ce qui a beaucoup fait parler à son égard d’esthétique kitsch ou maniériste. La référence à Cocteau et Rossellini reste cependant très présente, surtout dans la première demiheure du film qui ne laisse en rien présager de la suite. Almodovar ne néglige pas de nous montrer les errances de Pepa, sa solitude dans son appartement. Carmen Maura est tout à fait convainquante dans ce rôle. Son personnage est vu en profondeur et non sous le seul angle stylisé que pourrait imposer une comédie pure et le réalisateur fait preuve d’un certain attachement pour elle. Cette situation pourrait facilement être caricaturée, mais ne l’est jamais. Progressivement pourtant, le ton change et ce qui aurait pu être tragique est de plus en plus vu de façon distanciée, comme la tentative de suicide de Candela. L’humour noir trouve une vivacité particulière dans la publicité dans laquelle Pepa incarne la “mère de l’assassin” (qui doit se débarrasser des taches de sang), une splendide parodie de publicité pour les lessives. Le réalisateur explique son scénario est inspiré de La Voix humaine de Cocteau (surtout de la version La plus grande qualité du film est certainement la maîtrise du scénario, par ses changements de ton, mais Pepa, qui travaille dans un studio de dou- surtout son rythme. La composition en trois actes est somme toute assez classique : après la première partie, consacrée à la manière dont Pepa vit sa rupture, on a une grande séquence essentiellement dans son appartement (et ses environs immédiats, les escaliers, la loge de la concierge) où les protagonistes se rassemblent, et une fin délirante en forme de course poursuite et de parodie film à suspense. Le rythme s’accélère considérablement. Les personnages se révèlent : la femme d’Ivan est en fait une dangereuse psychopathe dans son tailleur Channel rose et Pepa n’est finalement n’est pas si déprimée. L’intrigue repose sur un concours de circonstances, parfois un peu invraisemblables, surtout dues aux personnalités des caractères en présence. Le mécanisme du dénouement obéit à l’accumulation rigoureuse de péripéties où chaque détail est pris en compte, presque comme chez Hitchcock, du gaspacho empoisonné à l’arrivée de la police, qui a évidemment localisé l’appel anonyme lui indiquant les intentions des terroristes chiites. L’enchaînement des événements en cascade est extrêmement précis et repose aussi sur l’imbrication des intrigues primaires et secondaires et les coïncidences, ce qui donne un profond sentiment d’unité (le fils d’Ivan qui visite l’appartement de Pepa par hasard, l’avocate choisie par Pepa pour son amie qui s’avère la nouvelle maîtresse d’Ivan...). La partie centrale, qui se déroule quasi exclusivement dans l’appartement de Pepa (où elle élève d’ailleurs une basse-cour) fonctionne comme une scène de théâtre. Au fur et à mesure des coups de sonnette et des entrées des personnages dans l’appartement, on bascule du drame à la comédie et le film pourrait ressembler à un vaudeville qui dégénère, puisqu’au trio traditionnel (le mari, la femme, et la maîtresse) s’ajoutent d’autres maîtresses et surtout un certain nombre de femmes hystériques. Ce moment est essentiellement fondé sur les répliques et la répartie des dialogues (on peut penser en particulier au moment où Candela s’effondre en voyant entrer la police, ce que Pepa explique très naturellement à l’officier concerné en lui disant qu’elle est effrayée par le tailleur de la femme d’Ivan). Autour de cette séquence théâtrale, les séquences de début et de fin sont marquées par des techniques plus spécifiquement cinématographiques, sonores au début et visuelles à la fin. Le début est en effet placé sous le signe de la voix, par téléphone et répondeur interposés. On voit très peu Ivan et Pepa simultanément. A la fin, au contraire, on passe sur un mode visuel. Après l’abondance verbale, les dialogues se font rares. La poursuite est muette et le comique dépend des effets de coiffure de la femme d’Ivan, évoluant au cours des plans, des cadrages et de la musique imitant le film à suspense. Pour ce septième long métrage, Pedro Almodovar fait preuve d’une grande maîtrise de sa mise en scène et le film est bien plus efficace que les précédents, au-delà de nombreuses thématiques communes. Ce sont toujours ce qu’on est tenté d’appeler des histoires de fous, mais là, cette impression de folie permanente repose sur un scénario solidement construit (essentiellement sur les personnages, leur situation ou leur caractère), sur l’abondante pratique de la parodie et non sur la simple illustration d’un motif délirant en soi (les religieuses qui se droguent de Dans les ténèbres, les junkies de Pepi, Luci, Bom..., la famille en pleine crise de Qu’estce que j’ai fait pour mériter ça ? etc.). Le réalisateur présente un des édifices les plus solides de sa filmographie, avant de trouver un ton plus émouvant dans Talons aiguilles et le récent Tout sur ma mère. celles d’Ivan et Pepa qui se jurent un amour éternel dans leurs rôles de doublage, avant de se quitter. Dans le privé, ils communiquent quasi exclusivement Marguerite Chabrol Actualités Ciné-Club La semaine prochaine (mardi 28) : New-York Miami (It happened one night ), une comédie de Frank Capra.; 1934 ; 105 min. Ellie Andrews, fille d’un riche banquier, s’enfuit pour épouser un aviateur contre l’avis de son père. Dans le bus qu’elle a pris, elle fait la connaissance d’un journaliste, Peter Warne, qui, pour la débarasser d’un voyageur importun, se fait passer pour son mari. Au fil des péripéties, les deux jeunes gens finissent par s’éprendre l’un de l’autre... Une comédie romantique aux scènes truculentes, avec Clark Gable et Claudette Colbert, couronné par cinq Oscars : meilleur film, meilleur acteur, meilleure actrice, meilleur réalisateur et meilleur scénariste. A ne manquer sous aucun prétexte ! La maquette du synopsis a changé : vos réactions sont les bienvenues... http://www.eleves.ens.fr/COF/cineclub/ [email protected]