Une lecture geopolitique et geoculturelle des conflits dans le monde

Transcription

Une lecture geopolitique et geoculturelle des conflits dans le monde
Une lecture géopolitique et géoculturelle des conflits dans le monde
[corrigé annabac 2015]
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La consigne vous invite à exposer et à critiquer la représentation du monde de Samuel Huntington, fondée sur la mise en relation de
données culturelles (les civilisations) et géopolitiques (les conflits).
 La problématique que vous choisirez doit mettre en évidence les limites de ce type de lecture.
 Pour répondre à cette problématique, votre plan doit permettre de comparer les deux planisphères. Vous devez éviter de les analyser
séparément.
Confronter deux documents en géographie
1 - Vous devez d’abord identifier chacun des documents (nature, source, auteur, date, thème). En géographie, vous devez être très attentif à
l’échelle retenue : ici, l’échelle mondiale.
2 - Ensuite, déterminez le type de relation qu’ils entretiennent, en vous référant à la consigne : se confortent-ils ? se complètent-ils ? s’opposent-ils ?
Ici, les deux planisphères s’opposent : le premier défend une certaine vision du monde ; le second la remet en cause.
3 - Enfin, vous devez comparer les documents en les associant le plus possible. Dans le cas présent, il s’agit de montrer sur quels points ils se
contredisent.
Les titres en couleur servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur votre copie !
Introduction
Pour info: Samuel Huntington (1927-2008) était un professeur de sciences politiques à l’université Harvard.
[Présentation des documents] Les documents proposés sont deux planisphères : le premier présente la lecture des conflits dans le monde selon
Samuel Huntington, d’après son livre Le Choc des civilisations, paru en France en 1997. Le second, tiré de L’Atlas des civilisations, hors-série du journal Le
Monde paru en 2012, reprend le découpage d’Huntington et cartographie les conflits dans le monde en 2011.
[Problématique et annonce du plan] La confrontation de ces deux cartes nous permet de soulever la question suivante : en quoi la lecture
d’Huntington est-elle discutable?
Pour y répondre, nous nous interrogerons sur la pertinence de la notion de civilisation qu’il utilise, puis sur les différents facteurs des conflits.
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I. Un monde divisé en civilisations ?
1. La vision d’Huntington
Le planisphère du document 1 nous présente la lecture géoculturelle du monde à l’aube du XXIe siècle selon Huntington. Cette lecture
repose sur l’identification de neuf civilisations distinctes : africaine, bouddhiste, chinoise, hindoue, islamique, japonaise, latino-américaine, occidentale
et orthodoxe.
Attention ! Dans la mesure où la notion de civilisation est au cœur du sujet, il est indispensable de la définir.
Une civilisation correspond à une aire culturelle dans laquelle les sociétés auraient des valeurs, une religion, des langues et une histoire
communes. Ainsi, la « civilisation islamique » est fondée sur la religion musulmane, la langue arabe et un passé commun.
2. Les limites de cette vision
Gagnez des points ! Appuyez votre démonstration sur des éléments visibles sur la carte.
Les frontières culturelles tracées par la carte sont discutables. L’Indonésie et la Malaisie sont incluses dans la civilisation islamique, alors
qu’elles se distinguent des autres États musulmans notamment par la langue. À l’opposé, l’Europe occidentale (intégrée à la civilisation occidentale) et
l’Europe orientale (incluse dans la civilisation orthodoxe) paraissent artificiellement séparées.
Les aires de civilisation ne sont pas si homogènes que l’affirme Huntington. Ainsi, la civilisation islamique est profondément divisée
(opposition sunnites / chiites). Par ailleurs, la présence de nombreuses minorités culturelles rend la situation bien plus complexe : le Sud des ÉtatsUnis est une enclave de la civilisation latino-américaine à l’intérieur de la civilisation occidentale.
II. Un « choc des civilisations » ?
1. Une thèse validée par les faits ?
Info: Cette interprétation explique le succès de la thèse d’Huntington au début des années 2000.
Comme nous le montre le planisphère du doc. 1, la thèse défendue par Samuel Huntington est celle du « choc des civilisations ». Selon
lui, les conflits dans le monde de l’après-guerre froide sont liés à l’antagonisme entre les grandes aires de civilisation. A posteriori, les attentats du
11 septembre 2001 ont été interprétés comme une manifestation du choc entre les civilisations islamique et occidentale.
Définition: Le djihad désigne le combat mené par certains musulmans, au nom de la religion, contre ceux qu’ils considèrent comme « infidèles ».
La confrontation des deux cartes donne des arguments en faveur ce point de vue. Ainsi, certains conflits ouverts (Syrie, Afghanistan)
opposeraient depuis le début du XXIe siècle les puissances occidentales (États-Unis et leurs alliés) et des mouvements de résistance djihadistes : n’eston pas au cœur d’un antagonisme entre civilisations occidentale et islamique ?
2. Les multiples facteurs de conflits
Le planisphère du doc. 2 invalide partiellement la thèse d’Huntington. Ainsi, les conflits de plus forte intensité (« conflit ouvert »,
« affrontement significatif ») sont majoritairement internes aux aires de civilisation (ex. : Libye, Somalie, Pakistan, Afrique équatoriale et même
Afghanistan) : il s’agit avant tout de conflits intra-étatiques.
Par ailleurs, d’autres facteurs expliquent les conflits. Le doc.2 met en évidence les facteurs politiques : « conflit de pouvoir » opposant le
gouvernement en place et des forces d’opposition ; « conflit séparatiste » lié à une revendication autonomiste. Il existe aussi des facteurs socioéconomiques comme l’inégale répartition des ressources naturelles entre les différents groupes composant la population (ex. : au Nigéria).
Conclusion
[Réponse à la problématique] La vision des conflits dans le monde élaborée par Samuel Huntington est contestable, tant par le tracé des aires de
civilisation que par l’utilisation du concept de « choc des civilisations ». L’intérêt de ces documents est de montrer la complexité de
l’interprétation des conflits dans le monde, qui ne peut être réduite à un seul type de facteurs.
[Critique des documents] Cependant, au-delà du croisement entre lecture géopolitique et géoculturelle, d’autres grilles de lecture (géoéconomique,
géoenvironnementale) auraient été éclairantes.