LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS L

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LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS L
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LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS L’ACCES AU
LOGEMENT, POUR LES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES
CONJUGALES
Les constats de l’Escale et du Relais de Sénart, septembre 2006
Les discriminations pour l’accès au logement, en particulier au logement social, sont les plus
difficiles à identifier et les moins étudiées. S’agissant du secteur privé, la loi de l’offre et de la
demande et les critères de sélection font partie du libre choix du propriétaire ou de son
représentant.
S’agissant du secteur social, la réglementation, les dispositifs, les conditions d’attributions
d’attribution, les relations entre les intervenants sont d’une grande complexité, voire d’une grande
opacité pour les usagers.
Il est bien ardu de différentier ce qui relève de critères légitimes, ce qui relève de
dysfonctionnements, de lenteurs bureaucratiques, des contradictions des processus de
décentralisation, des impacts des politiques de rénovation, des pénuries structurelles ou
provisoires et ce qui relève de véritables discriminations directes ou indirectes de la part des
bailleurs ou d’autres acteurs.
Les centres d’accueil et d’hébergement qui accompagnent les femmes victimes de
violences conjugales dans leur processus de reconstruction et accès au droit, rencontrent de
plus en plus de freins pour leur logement et relogement, freins qui ne sont pas entièrement
imputables à la pénurie et aux tensions du marché.
Celles-ci sont réelles et les réglementations nécessaires, mais elles servent aussi de prétextes
pour masquer des mécanismes discriminatoires de différentes natures, qui se combinent et
s’aggravent mutuellement, menant les centres au bord du blocage.
Georges Cavallier, qui a présidé le groupe de travail chargé par le Conseil National de l’Habitat
d’un rapport sur les discriminations dans l’accès au logement, l’affirme :
« plus que d’autres types de discriminations, celle-ci est particulièrement insidieuse du fait de sa
proximité avec les phénomènes d’exclusion et de relégation pour des raisons « rationnelles »…
La discrimination au logement est plus silencieuse que les autres. Nous savons qu’elle existe,
nous constatons que la main invisible du marché ou des commissions d’attribution empêche la
fluidité des parcours résidentiels. Mais nous manquons singulièrement d’information pour
caractériser la situation » 1 .
Face à ces blocages, l’hébergement d’urgence ou en insertion, prévus selon les cas de 3 ou 6
mois reconductibles, se prolongent au-delà du nécessaire et tendent à doubler, voire tripler. Ceci
est décourageant en premier lieu pour les personnes prises en charge qui restent en suspens
alors qu’elles sont prêtes à sortir.
Le travail d’accompagnement de la part des équipes professionnelles risque de se dénaturer,
d’autres femmes en situation de danger restent dans l’attente d’une place libre, des conflits
1
Lettre du FASILD No 64. Décembre 2005-janvier 2006, page 20.
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L’Escale : www.lescale.asso.fr
Le Relais de Sénart : [email protected]
surgissent entre les hébergé-es, le coût social de la prise en charge de la lutte contre les
violences augmente.
Les discriminations rencontrées sont de plusieurs natures :
Les violences conjugales touchent les femmes en raison de leur sexe et de leur situation
familiale. 10% des femmes vivant en couple dans toutes les catégories sociales les subissent
chaque année. Elles ne sont donc pas spécifiques aux personnes les plus précaires.
Les auteurs sont à 90 % des hommes qui utilisent différents types de violences de façon
habituelle comme moyen de contrôle pour maintenir « leurs » femmes dans la dépendance.
C’est un phénomène différent des conflits de couples où subsistent une certaine égalité et une
intégrité de chaque personne.
La méconnaissance de ces mécanismes et la minimisation de leur impact sur les femmes et
leurs enfants, de la part des professionnels non formés (police, santé, justice, travailleurs
sociaux) font que ces victimes sont moins bien accueillies et orientées que celles qui subissent
d’autres infractions pénales.
Ces femmes sont souvent responsabilisées, culpabilisées, alors que l’auteur devrait être
considéré comme la cause du trouble social. Elles doivent, avec l’appui des associations et des
professionnels, vaincre l’isolement, le silence, l’invisibilité, les préjugés, pour arriver à rompre
l’emprise de leur conjoint et sortir du cercle vicieux.
Les femmes issues de l’immigration victimes de violences cumulent davantage d’obstacles
en particulier quand leur entourage s’oppose à leur départ ou séparation, les isole davantage ou
parce qu’elles se heurtent dans l’ensemble de leurs activités, notamment pour l’accès à l’emploi,
à des discriminations sociales, des inégalités ou des stigmatisations diverses.
Elles sont la majorité dans les hébergements d’urgence et d’insertion (70 à 90% en Ile de
France) car les structures réservent l’aide sociale en priorité aux femmes n’ayant pas d’autre
alternative familiale d’hébergement ou souffrant de nombreuses difficultés simultanées. Ce qui
est le plus souvent leur cas 2 .
Les discriminations rencontrées tout au long de leur parcours, se manifestent particulièrement
lors de la recherche d’un logement post-hébergement ou de leurs tentatives de récupération
du domicile conjugal. Or l’accès à un logement autonome est un droit fondamental, le socle de
leur réinsertion et celle de leurs enfants, le signe sans équivoque du départ d’une nouvelle vie.
Depuis plusieurs années, l’aggravation des difficultés rencontrées par les femmes pour accéder à
un logement notamment social et sortir d’hébergement, a poussé des associations à analyser ces
freins, identifier les facteurs discriminatoires, les fausses représentations, les blocages à l’œuvre.
Le Relais de Sénart en Seine et Marne a engagé des réflexions dans son équipe, et mis en
place un dispositif spécifique d’aide à l’accès au logement menant à un espace de participation
et de mobilisation des femmes hébergées ou suivies, et à des actions de sensibilisations de
décideurs et partenaires élus ou professionnels de façon à faire changer les représentations et
diminuer la situation d’engorgement.
Depuis le premier accueil, environ 200 femmes par an sont orientées à leur demande vers un
dispositif spécifique. Un bilan approfondi sur leur parcours logement en conduit environ 50 par an
dans un groupe d’échange sur l’accès au logement.
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Voir le « livre blanc des doubles violences » : élaboré par le collectif éponyme formé par la FNSF, le
RAJFIRE, la CIMADE, la LDH, l’Association des Femmes Iraniennes.
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L’Escale : www.lescale.asso.fr
Le Relais de Sénart : [email protected]
Celles qui sont hébergées gèrent ainsi mieux leur attente, participent de façon active aux
solutions, comprennent mieux les critères d’attribution, font avancer leurs dossiers, aident les
autres femmes. Les plus anciennes, déjà relogées peuvent devenir « marraines » des nouvelles.
L’équipe professionnelle accumule ainsi une connaissance documentée des situations traitées.
Ces actions commençant à donner des fruits, elles feront l’objet d’un transfert à une association
des Hauts de Seine, l’Escale de Gennevilliers qui a commencé à prendre des contacts avec des
élus et services de logement municipaux.
Les deux associations ont décidé de travailler en partenariat, de mutualiser leurs expériences
de façon participative avec les intéressées, d’approfondir l’identification des mécanismes de
discrimination non imputables aux tensions générales du marché, et de susciter un débat à
l’échelle interdépartementale et régionale.
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L’Escale : www.lescale.asso.fr
Le Relais de Sénart : [email protected]