Discours d`ouverture du 2ème Forum international des Travailleurs

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Discours d`ouverture du 2ème Forum international des Travailleurs
Discours d’ouverture du 2ème Forum international
des Travailleurs Sociaux de Rue
26 octobre 2010
Jan Jařab, Représentant régional de la Haut-Commissaire de l’ONU pour
les Droits de l’Homme
Mesdames et Messieurs,
C’est non seulement un plaisir mais un grand honneur pour moi de
pouvoir m’adresser à vous à l’occasion du lancement du 2ème Forum
international des Travailleurs Sociaux de Rue.
Je voudrais surtout apporter aux organisateurs et à tous les participants
impliqués dans les activités de ce Forum le soutien moral et symbolique
du Bureau du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme, et en
particulier de notre Bureau Régional pour L’Europe à Bruxelles.
Le travail social de rue est basé sur le respect de la valeur et de la
dignité inhérentes à chaque individu, et des droits qui en découlent.
Dans certains contextes, les travailleurs sociaux de rue remplissent le
rôle des défenseurs des droits de l'homme dans le sense où ils
défendent des droits aussi divers que le droit, à l'alimentation et à
l'eau, au meilleur état de santé pouvant 'être atteint, à un logement
convenable, à l'éducation et à la non-discrimination. Ils s'occupent des
droits de certaines catégories de personnes vulnérables, par exemple
les jeunes, les enfants, les minorités, les demandeurs d’asile et les
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réfugiés. Les travailleurs sociaux comme vous sont largement impliqués
dans la promotion de la justice sociale au sein de la société.
Les situations difficiles, j’en suis sûr, vous les rencontrez maintes fois
dans l’exercice de votre profession. C’est pourquoi votre travail, tout
comme celui des autres défenseurs des droits de l’homme, est vital
pour l’existence de milliards d’individus dans le monde, et aussi en
Europe.
Cet événement représente certainement un excellent exemple de
collaboration fructueuse entre la société civile et les pouvoirs publics
dans un domaine qui est à la fois hautement important et hautement
sensible. En effet, la crise économique actuelle en Europe risque de
mettre en danger les budgets publics et par conséquent, de menacer la
partie des budgets consacrés à la politique sociale aggravant ainsi le
sort des gens qui sont marqués déjà par la pauvreté. Il est donc
essentiel que les organisations de la société civile se mobilisent pour la
défense pleine et entière des droits économiques, sociaux et culturels
indispensables à une bonne intégration sociale.
En fait, depuis le début de cette année nous avons vu un recul soudain,
parfois brutal, du financement des activités destinés aux personnes les
plus défavorisées dans plusieurs pays d’Europe centrale et orientale.
Les travailleurs sociaux des ONGs qui travaillent sur le terrain ont
souvent vu leur financement public totalement coupé. Dans cette
partie de l’Europe, issue de l’ancien bloc soviétique dont le système de
protection sociale était caractérisé par des prestations dans les
institutions fermées et isolées, ce dernier développement provoqué par
la crise risque d’éliminer même les progrès modestes qui ont été
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enregistrés dans le développement du travail social de rue pendant 20
dernières années.
En outre, cette menace est présente aussi dans les pays beaucoup plus
développés. Par exemple, j’ai participé récemment à une conférence
organisée par l’Association européenne des prestataires de services
pour les personnes handicapés, au cours de laquelle il a été dit que les
services les plus innovants et plus individualisés, fournis par les
associations à but non lucratif, seraient les plus menacés par la
réduction des budgets publics.
De plus, il semble que la crise actuelle a contribué aux tendances qui
identifient les personnes défavorisées, c’est à dire les Roms, les
immigrés, les personnes dépendantes de la drogue ou bien les sans
abri, comme des boucs émissaires. Dans plusieurs pays, les élections
récentes se sont déroulées sous les affiches promettant une ligne entre
guillemets « dure » envers les Roms ou les musulmans, la « tolérance
zéro envers les toxicomanes » ou promettant même d’enlever les
allocations sociales « aux personnes qui ne veulent pas travailler. »
Mais à quoi peut-on s’attendre si on enlève vraiment les allocations
sociales aux gens qui seront identifiés, à tort ou même dans les cas
individuels à juste titre, comme les gens qui ne veulent pas travailler...
et qui n’ont pas vraiment beaucoup de chances de trouver un travail,
s’ils le désirent ou pas? Seront-ils donc condamnés à assurer leur
subsistance par les méthodes irrégulières, ce qui pourrait entrainer
condamnation sur leur casier judicaire…? Bien sûr, ce type de discours
populiste et fortement antisocial, ne fait que stigmatiser les minorités
et renforcer les stéréotypes.
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Enfin, les médias ont aussi un rôle à jouer. C’est un rôle qui peut être
hautement positif, et je me réjouis de dire qu’on a des exemples très
encourageants ici à Bruxelles. Mais dans divers pays européens, on
rencontre souvent dans les médias l’usage systématique des
stéréotypes négatifs envers les groupes les plus défavorisés qui sont
caricaturés comme on le faisait dans l’Angleterre du 19ème siècle,
j’entends par là, la catégorie des « undeserving poor », c'est-à-dire les
pauvres qui ne méritent ni soutien, ni même compassion.
Dans un tel climat médiatique, les efforts des travailleurs sociaux de la
rue sont peu reconnus, tandis que les partisans des approches
purement répressives ont une écoute plus large dans la presse. En fait,
le grand public arrive souvent à la conclusion tout à fait erronée que les
partisans de l’approche sécuritaire sont les seuls qui s’occupent des
problèmes sociaux urbains ou bien même que l’approche humaniste
des mesures d’inclusion sociale a échoué…
Dans ce contexte d’un soutien financier réduit et de la manipulation de
l’opinion publique envers les plus démunis, les tâches des travailleurs
sociaux de rue deviennent de plus en plus difficiles.
Qu’est ce qu’on peut faire pour éviter tels scénarios du pire ?
Bien évidemment, le Bureau du Haut Commissariat aux Droits de
l’Homme n’a pas des solutions magiques à tous les problèmes que j’ai
mentionnés. Cependant, nous sommes fortement convaincus qu’il
reste utile de rappeler dans toutes ces situations complexes ce qui nous
réunit, ou au moins ce que devrait nous réunir, c'est-à-dire la
Déclaration universelle des droits de l’homme et les Conventions
internationales qui l’ont suivi, telles que le Pacte international sur les
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droits économiques, sociaux et culturels, la Convention visant
l’élimination de toute discrimination raciale, la Convention visant
l’élimination de toute discrimination des femmes, la Convention sur les
droits de l’enfant ou la Convention sur les droits des personnes
handicapées. Les Etats membres de l’Union européenne ont ratifié
toutes ces Conventions, à l’exception regrettable de la Convention sur
les droits des travailleurs migrants et leurs familles, et ils ont donc
l’obligation de les respecter.
Dans ce contexte, ce que notre nouveau bureau européen peut faire,
c’est d’apporter au public européen – aux politiciens, aux experts, mais
aussi à la société civile au sens large – les recommandations des
comités qui suivent la mise en œuvre de ces instruments juridiques
ainsi que les résultats du travail des rapporteurs spéciaux des Nations
Unies et d’insister sur l’importance du respect total du droit
international des droits de l’homme qui doit être au cœur des
politiques européennes
Je vous remercie de votre attention et je vous souhaite cinq journées
fructueuses et pleines d’inspiration.
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