Séquence I, texte 3
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Séquence I, texte 3
Séquence I, texte 3 Lucius Thorius Balbus fuit, Lanuuinus, quem meminisse tu non potes. Is ita uiuebat, ut nulla tam Il y eut à Lanuvium Lucius Thorius Balbus, que tu ne peux pas avoir connu. Cet homme vivait de telle manière qu'il était impossible d'imaginer aucun exquisita posset inueniri voluptas, qua non abundaret. raffinement de plaisir dont il ne jouît pleinement. À Erat et cupidus uoluptatum et eius generis intellegens son avidité pour les plaisirs il joignait, dans cet ordre de choses, une intelligence pleine de ressources. Il 5 et copiosus, ita non superstitiosus, ut illa plurima in sua patria sacrificia et fana contemneret, ita non timidus ad mortem, ut in acie sit ob rem publicam était si peu superstitieux qu'il faisait fi des très nombreux sacrifices et sanctuaires de sa ville natale ; il craignait si peu la mort qu'il se fit tuer sur le champ de bataille pour la république. La limitation interfectus. Cupiditates non Epicuri diuisione de ses désirs, il la cherchait, non pas dans la division d'Épicure, mais dans sa propre satiété. […] finiebat, sed sua satietate. […] Voilà pour vous l'homme heureux ; c'est du moins la 10 Hunc vos beatum ; ratio quidem uestra sic cogit. At ego quem huic anteponam, non audeo dicere ; dicet pro me ipsa uirtus nec dubitabit isti uestro beato M. conclusion forcée de votre système. Eh bien ! moi, à cet homme-là je préfère - je n'ose vous le dire ; je laisse la parole à la vertu, qui, elle, n'hésitera pas, et à votre homme heureux préférera Marcus Régulus ; Regulum anteponere, quem quidem, cum sua Régulus, qui de sa propre volonté, sans autre uoluntate, nulla ui coactus praeter fidem quam contrainte que celle de la parole donnée à l'ennemi, 15 dederat hosti, ex patria Karthaginem revertisset, tum quitta sa patrie pour retourner à Carthage ; oui, c'est cet homme-là ! Il est torturé par les veilles et la faim, ipsum, cum uigiliis et fame cruciaretur, clamat uirtus et pourtant la vertu proclame qu'il a été plus heureux beatiorem fuisse quam potantem in rosa Thorium. que Thorius buvant sur un lit de roses ! Il avait conduit de grandes guerres ; il avait été deux fois Bella magna gesserat, bis consul fuerat, triumpharat nec tamen sua illa superiora tam magna neque tam 20 praeclara ducebat quam illum ultimum casum, quem consul ; il avait eu les honneurs du triomphe à son passé, à tout ce passé, il trouvait pourtant moins de grandeur et d'éclat que cette misère finale, où il s'était de lui-même exposé pour rester fidèle à sa propter fidem constantiamque susceperat, qui nobis parole et à son caractère, misère lamentable pour miserabilis uidetur audientibus, illi perpetienti erat nous, qui en entendons le récit, mais pour lui, qui en voluptarius. Non enim hilaritate nec lasciuia nec risu aut ioco, comite leuitatis, sed saepe etiam tristes 25 firmitate et constantia sunt beati. subissait tout le supplice, délicieuse. En effet, ce n’est ni dans la joie, ni dans les plaisirs, ni dans le rire ou la plaisanterie, compagne de la frivolité, mais souvent dans la constance et la fermeté que les gens affligés sont heureux. CICERON, De finibus, II, 63-65 Traduction française : Texte établi et traduit par J. Martha. 5e édition revue, corrigée et augmentée par C. Lévy 1990. VOCABULAIRE absum, es, esse, afui : être absent abundo, as, are : être en grand nombre, être abondamment pourvu acies, ei, f. : la ligne de bataille; le regard adhibeo, es, ere, ui, itum : 1 - mettre auprès, approcher, appliquer, offrir, présenter. 2. - ajouter, joindre 3 - employer, mettre en oeuvre 4 - faire venir près de soi, mander, consulter, faire appel à, appeler, invoquer antepono, is, ere, posui, positum : placer devant, préférer à (+ dat.) at : mais audeo, es, ere, ausus sum : oser, avoir recours à, produire (des témoins) audio, is, ire, iui, itum : entendre aut : ou beatus, a,u m : heureux bellum, i, n. : la guerre bis : deux fois casus, us, m. : le hasard, le malheur, la chute ceteri, ae, a : pl. tous les autres cibus, i, m. : nourriture, repas, sève clamo, as, are : crier coactus, a, um : contraint cogo, is, ere, egi, actum : 1. assembler, réunir, rassembler, 2. concentrer, condenser 3. pousser de force, forcer color, oris, m. : couleur, teint du visage, éclat (du style) comes, itis, m. : compagnon confertus, a, um : entassé, serré, bondé constantia, ae, f. : la permanence ; la fermeté du caractère, des principes, la constance ; l'esprit de suite, l'accord, la conformité consul, consulis, m. : consul contemno, is, ere, tempsi, temptum : tr. - mépriser, ne pas faire cas de, ne pas tenir compte de, tenir pour négligeable, ne pas se soucier, dédaigner; braver, ne pas craindre. copiosus, a, um : riche crucio, as, are : mettre en croix, supplicier, torturer, tourmenter cum : avec (+ dat.) cum : quand, lorsque (+ indic.) ; comme (+ subj.) cupiditas, atis, f. : désir cupidus, a, um : 1 - qui désire, qui aime, passionné, désireuux de. - 2 - avide d'argent, cupide. - 3 - épris d'amour, amoureux. - 4 partial. demo, is, ere, demi, demptum : ôter, enlever dico, is, ere, dixi, dictum : dire, parler diuisio, ionis, f. : le partage, la répartition, la distribution do, das, dare, dedi, datum : donner dubito, as, are : douter, hésiter duco, is, ere, duxi, ductum : conduire, commander, estimer egregius, a, um : 1 - choisi, de choix, d'élite. - 2 - distingué, remarquable, éminent, supérieur, illustre, éminent. - 3 - favorable, propice. - 4 - glorieux, honorable enim : en effet Epicurus, i, m. : Epicure esurio, is, ire, i(u)i : avoir faim etiam : encore (idée d’un ajout) exercitatio, ionis, f. : l'exercice (physique), la pratique exquisitus, a, um : choisi, distingué, raffiné, exquis fames, is, f. : faim fanum, i, n. : temple, sanctuaire fides, ei, f. : 1. la foi, la confiance 2. le crédit 3. la loyauté 4. la promesse, la parole donnée 5. la protection finio, is, ire, iui, itum : délimiter, finir firmitas, atis, f. : la solidité, la consistance, l'état robuste genus, eris, n. : race, origine, espèce gero, is, ere, gessi, gestum : porter, assumer (bellum gerere = faire la guerre) hic, haec, hoc : celui-ci, celle-ci, ceci hilaritas, atis, f. : la gaieté hostis, is, m. : ennemi ille, illa, illud : celui-là, celle-là, cela ; ce…-là (ille a un sens emphatique parfois) integer, gra, grum : non touché, sain et sauf ; de integro : de nouveau; ex integro : de fonds en comble intellego, is, ere, lexi, lectum : comprendre interficio, is, ere, feci, fectum : tuer inuenio, is ire, veni, ventum : inventer, imaginer iocus, i, m. : plaisanterie is, ea, id : il, lui, elle (peut avoir une valeur de démonstratif) ispe, ipsa, ipsum : moi-même, toi-même, lui-même… ; même (en fonction d’adjectif) ita : ainsi Karthago, inis, f. : Carthage (s’écrit aussi Carthago) lasciuita, ae, f. : l'humeur folâtre, la gaieté, l'enjouement ; la licence, le dérèglement, le libertinage, la débauche Lanuuinus : de Lanuvium leuitas, atis, f. : légèreté M. : Marcus Magus, a, um : grand medicus, i, m. : médecin memini, isse, impér. memento : se souvenir miserabilis, e : pitoyable, pathétique molliter, adv. : mollement, avec douceur mors, mortis, f. : mort nec (= neque), adv. : et...ne...pas, ni (nec… nec… = ni… ni…) nec tamen : et pourtant... ne pas… nego, as, are : nier noceo, es, ere : nuire nos, nostri, nostrum, nobis : nous ob, prép. + acc : à cause de patria, ae, f. : patrie perpetior, eris, i, perpessus sum : souffrir avec patience, endurer jusqu'au bout plurimus, a, um : une grande quantité possum, potes, posse, potui : pouvoir poto, as, are : boire praeclarus, a, um : lumineux, étincelant; brillant, remarquable praeter, adv. : sauf, si ce n'est prép. : devant, le long de, au-delà de, excepté (+ acc.) quidem : du moins, en tout cas (prépare une opposition) ratio, onis, f. : la raison, le raisonnement, le compte reuerto, is, ere, i, sum : retourner, revenir (reuertor, eris, i, uersus sum : le même sens) risus, us, m. : rire rosa, ae, f. : rose sacrificium, ii, n. : sacrifice saepe : souvent satietas, atis, f. : le rassasiement, le dégoût, l'ennui, la satiété sic : ainsi, de cette manière sitio, is, ire, iui, - : avoir soif suauis, e : doux, agréable superior, ius, oris : plus haut, plus élevé, plus grand suscipio, is, ere, cepi, ceptum : 1. prendre par-dessous, soutenir, soulever, engendrer, accueillir 2. prendre sur soi, assumer, subir 3. entreprendre. bellum - : entreprendre une guerre suus, sua, suum : son, sa, ses tam : tant, tel avec un substantif (tam… tam… : tant… tant…) Thorius, i, m. : Thorius timidus, a, um : craintif tristis, e : 1. triste, affligé 2. sombre, sévère, morose triumpho, as, are, aui, atum : avoir les honneurs du triomphe, triompher tum : en corrélation avec cum insiste sur la proposition à venir, peut se traduire par « alors » ualitudo, inis, f. : la santé (bonne ou mauvaise) uarietas, atis, f. : la variété, la diversité uester, uestra, um (ou uoster) : votre, vos uigilia, ae, f. : veille uirtus, utis, f. : courage, honnêteté uis, vi, f. : force, violence ultimus, a, um : dernier uoluntas, atis, f. : volonté uoluptarius, a, um : sensuel, voluptueux uos, uestri, uestrum, uobis : vous utor, eris, i, usus sum : utiliser Mise en contexte du De finibus L'année même qui suivit la mort de Caton à Utique, Cicéron écrivit et adressa à Brutus, neveu de Caton, le traité qui a pour titre : Des vrais biens et des vrais maux. Il traduisit, par le mot De Finibus, le titre grec de l'ouvrage de Chrysippe sur le même sujet (Peri telen). Ce problème du souverain bien, retourné en tous sens par les écoles de l'antiquité, était la pierre de touche de chacune d'elles. En quoi l'homme doit-il faire consister le vrai bien ? Est-ce dans la volupté ? dans l'absence de la douleur, dans la jouissance de la vie sous le gouvernement de la vertu, dans la vertu seule ? Le traité de Cicéron, qui est l'exposition complète et la discussion des doctrines d'Épicure, de Zénon, des péripatéticiens et de l'ancienne Académie, devait donc être d'un intérêt bien vif pour ses contemporains. Les personnages mêmes qu'il met en scène, Manlius Torquatus, Caton, Atticus, Papius Piso, et qui exposent le système de philosophie adopté par chacun d'eux, donnaient la vie pour ainsi dire à ces doctrines. Dans le premier livre, Manlius Torquatus développe les principes de l'épicurisme, c'est-àdire la théorie de la volupté considérée comme le souverain bien. C'est un plaidoyer ingénieux, mais fort incomplet. Il est réfuté dans le second livre par un autre plaidoyer de Cicéron. L'épicurisme est la seule doctrine que Cicéron n'ait jamais voulu admettre dans son éclectisme universel ; et cependant il fut l'ami du plus remarquable épicurien de ce temps-là, Atticus. Au troisième livre, c'est Caton qui expose la doctrine stoïcienne. Ce livre est souvent considéré comme le plus beau et le plus solide de tout l'ouvrage. Cicéron eut toujours pour le stoïcisme une sympathie secrète dont il ne put se détendre. Il railla plus d'une fois des excès de l'orgueilleuse doctrine ; mais il comprenait bien que seule elle faisait les grands citoyens et les gens véritablement honnêtes. Il la réfute dans le quatrième livre, mais faiblement, en lui contestant l'originalité de ses principes, qu'il prétend empruntés aux socratiques. Le cinquième livre est consacré à l'exposition de la doctrine de l'ancienne Académie. http://fr.wikipedia.org/wiki/Cic%C3%A9ron#De_finibus Autre traduction : Vous n'avez pu connaître L. Thorius Balbus, de Lanuvium. Il vivait de telle sorte, qu'on ne pouvait s'imaginer de volupté si exquise ni si recherchée dont il ne jouit. Il aimait les plaisirs, il savait les choisir avec goût, il était riche. La superstition était si loin de son âme, qu'il méprisait tous ces petits sacrifices, tous ces petits temples de sa patrie ; et il craignait si peu la mort, qu'il a été tué à l'armée, en combattant pour Rome. Il donnait pour borne à ses désirs, non la division d'Épicure, mais la satiété. Cependant il avait soin de sa santé : il faisait un exercice modéré pour que la faim et la soif pussent assaisonner ses repas ; il ne mangeait que des choses délicates et faciles à digérer ; il buvait d'excellent vin, mais sans se permettre d'excès nuisible. Il se livrait d'ailleurs à tous ces plaisirs sans lesquels Épicure dit qu'il ne comprend pas qu'il y ait de bonheur. Il n'avait aucune incommodité ; il était même capable de soutenir une douleur sans faiblesse, quoique plus disposé à consulter les médecins que les philosophes. Une santé ferme, un teint frais, tous les moyens de plaire, enfin, une vie toute remplie de voluptés, rien ne lui manquait. Voilà pour vous un homme heureux : votre système vous force à le croire. Et moi je n'ose vous dire qui je lui préfère. La vertu vous le dira elle-même pour moi, et elle n'hésitera pas un moment à lui préférer M. Régulus. Il était retourné volontairement de Rome à Carthage, sans y être contraint que par la foi qu'il en avait donnée aux ennemis : et au milieu de tout ce qu'ils lui font souffrir par les veilles et par la faim, la vertu ne laisse pas de le proclamer plus heureux que Thérius buvant sur un lit de roses. Régulus avait été deux fois consul ; il avait commandé de grandes armées ; il avait triomphé : rien de tout cela pourtant ne lui semblait si noble que l'état où il s'était généreusement exposé, pour ne point manquer à sa parole ; et cet état, qui nous paraît aujourd'hui si misérable, était délicieux pour lui qui souffrait Ce n'est point seulement par la joie et les plaisirs, par les jeux et les ris, compagnie ordinaire de la frivolité, qu'on est heureux : les grandes âmes sont heureuses par leur constance et leur fermeté. Guyau M., Ch. Delagrave, Paris, 1875