Prise d`acte et résiliation judiciaire

Transcription

Prise d`acte et résiliation judiciaire
Fiche 43
Prise d’acte et
résiliation judiciaire
Ces deux modes de rupture peuvent être déclenchés par le
salarié lorsque le comportement fautif de l’employeur rend
impossible le maintien du contrat de travail.
Dans les deux cas, le salarié doit assigner l’employeur devant le
Conseil de prud’hommes qui décidera si les motifs de rupture
sont justifiés. Si tel est bien le cas, la rupture produira les effets
d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul, selon
la nature des motifs à l’origine de la rupture).
La principale différence entre la prise d’acte et la demande de
résiliation judiciaire est que dans le 1er cas, le contrat est rompu
immédiatement et dans le second, il se poursuit normalement
en attendant la décision du juge.
Prise d’acte et résiliation judiciaire
Dans quels cas et selon quelles modalités le salarié
peut-il prendre acte de la rupture de son contrat aux torts
de l’employeur ?
Il peut le faire dès lors que l’employeur ne respecte pas une de
ses obligations essentielles (fournir du travail, payer le salaire,
respecter la dignité du salarié, assurer la santé et la sécurité
des salariés, etc.). Il ne s’agit donc pas d’une démission.
Le salarié doit indiquer, au moment de la rupture, le
manquement qu’il reproche à l’employeur, de préférence
par lettre recommandée avec accusé de réception (ex :
modification du contrat sans l’accord du salarié, discrimination,
harcèlement…).
Les griefs doivent être suffisamment graves pour empêcher
la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 26/03/14, n°12-23.634).
316
Abécédaire juridique CFTC 2015
Prise d’acte et résiliation judiciaire
Fiche 43
Le juge doit examiner l’ensemble des griefs formulés par le
salarié à la date de la prise d’acte. Tous les faits qui se sont
produits ou révélés après la prise d’acte sont exclus (Cass. soc.
09/10/13, n°11-24457). Il appartient ensuite au juge de vérifier si
les manquements de l’employeur invoqués par le salarié sont
ou non d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du
contrat de travail (Cass. soc. 21/10/14, n°13-18.377).Tel ne sera pas le
cas lorsque les faits reprochés sont anciens dans la mesure où
le salarié aura continué à travailler en dépit du comportement
de l’employeur (Cass. soc. 26/03/14, n°12-23634).
Même en cas de manquement de l’employeur à son obligation
de sécurité de résultat, par exemple lorsque des agissements de
harcèlement se produisent dans l’entreprise, les juges doivent
apprécier si ce manquement a empêché la poursuite du contrat
de travail pour pouvoir statuer sur le bien-fondé de la prise
d’acte (Cass. soc. 11/03/15, n°13-18.603, Cass. soc. 08/07/15, n°14-13324).
À noter ! La prise d’acte de la rupture du contrat est exclue
pendant la période d’essai ou pour les contrats à durée
déterminée.
Prise d’acte et résiliation judiciaire
Dans quels cas et selon quelles modalités le salarié
peut-il demander la résiliation judiciaire de son contrat ?
La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être
déclenchée par le salarié pour les mêmes motifs que
ceux invoqués à l’appui d’une prise d’acte de la rupture.
La différence réside dans le fait que le salarié ne rompt pas
le contrat de travail mais saisit le juge prud’homal pour lui
demander de constater le manquement de l’employeur et de
prononcer la résiliation judiciaire de son contrat.
Dans l’attente de la décision du juge, la relation de travail doit
se poursuivre normalement. La résiliation judiciaire est donc
moins risquée que la prise d’acte car si les griefs reprochés
à l’employeur ne sont pas fondés, le contrat se poursuit
normalement, contrairement à la prise d’acte qui, dans la
même hypothèse, produira les effets d’une simple démission.
Abécédaire juridique CFTC 2015
317
Fiche 43
Prise d’acte et résiliation judiciaire
Attention, le juge peut tenir compte de tous les éléments intervenus
jusqu’au jour du jugement : il peut donc rejeter la demande si, à
cette date, les manquements ont cessé (Cass. soc. 01/07/09, n°07-44198)
ou ont été régularisés (Cass. soc. 29/01/14, n°12-24951).
Quels sont les effets d’une prise d’acte de la rupture ou d’une
résiliation judiciaire ?
La prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de
travail à durée indéterminée. Le salarié ne peut pas se rétracter
(Cass. soc. 14/10/2009, n° 08-42878) et il n’est pas tenu de respecter le
préavis (Cass. soc. 30/01/2008, n° 06-14218).
Lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire de son
contrat, il est maintenu à son poste et continue à travailler
normalement.
Il appartient ensuite au conseil de prud’hommes de statuer sur
les conséquences de la rupture.
Pour la prise d’acte, l’affaire doit être portée directement
devant le bureau de jugement qui statue dans le délai d’un mois
(art. L. 1451-1 C. trav.). En cas de résiliation judiciaire, la procédure
classique s’applique.
Prise d’acte et résiliation judiciaire
1) Si le manquement de l’employeur est jugé suffisamment
grave pour empêcher la poursuite du contrat :
• La prise d’acte du contrat aux torts de l’employeur produit
les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et
sérieuse ou un licenciement nul (dans les cas limitativement
énumérés par la loi : salariés protégés, discrimination,
harcèlement moral, accident du travail…).
• La résiliation judiciaire du contrat produit les mêmes effets
qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un
licenciement nul (dans les cas limitativement énumérés par
la loi : salariés protégés, discrimination, harcèlement moral,
accident du travail…). La résiliation judiciaire prononcée par
le juge rompt le contrat de travail à la date du jugement,
sauf si le salarié a déjà quitté l’entreprise (Cass. soc. 11/01/2007,
n° 05-40626).
318
Abécédaire juridique CFTC 2015
Prise d’acte et résiliation judiciaire
Fiche 43
2) Si le manquement de l’employeur n’est pas caractérisé ou
s’il n’est pas de nature à justifier la prise d’acte ou la résiliation
judiciaire :
• La prise d’acte du contrat aux torts de l’employeur produit
les effets d’une démission. Le salarié peut être condamné
à verser à l’employeur une indemnité compensatrice de
préavis. Il ne pourra pas percevoir d’allocation de chômage
sauf si le motif à l’origine de sa prise d’acte fait partie des cas
de démission légitime. À défaut, le salarié pourra demander,
après 121 jours non indemnisés par l’assurance chômage,
à ce que sa situation soit examinée par l’instance paritaire
régionale (IPR) (Circ. Unédic n° 2014-26, 30 sept. 2014) (Voir fiche
n°4 sur le chômage)
• La résiliation judiciaire du contrat sera rejetée
(Cass. soc.
28/11/2006, n° 05-43901 ; Cass. soc. 07/07/2010, n° 09-42636). Les
Prise d’acte et résiliation judiciaire
parties doivent continuer à exécuter le contrat de travail
(Cass. soc. 07/07/2010, n° 09-42636).
C’est au salarié d’apporter la preuve de faits réels et suffisamment
graves à l’encontre de l’employeur (Cass. soc. 28/11/06, n° 05-43.901).
Si un doute subsiste, il profite à l’employeur. Toutefois, lorsque
la prise d’acte ou la demande de résiliation judiciaire fait suite à
un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de
résultat, c’est à l’employeur de justifier qu’il n’a pas commis de
manquements (Cass. soc. 12/01/2011 n° 09-70838).
Si la prise d’acte ou la demande de résiliation est accueillie
favorablement par le juge, le salarié percevra (si les conditions
d’ancienneté et d’effectif de l’entreprise sont remplies) :
• l’indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle) ;
• l’indemnité compensatrice de préavis ;
• des dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse, ou pour licenciement nul ;
• l’indemnité compensatrice de congés payés ;
• s’il y a lieu, des dommages et intérêts pour préjudice distinct
lorsque les circonstances de la rupture caractérisent un
abus de l’employeur (Cass. soc. 16/03/10, n° 08-44.094).
(Voir la fiche n°12 consacrée à la contestation du licenciement pour plus de
détails).
Abécédaire juridique CFTC 2015
319
Fiche 43
Prise d’acte et résiliation judiciaire
Un salarié protégé peut-il prendre acte de la rupture du
contrat de travail ou en demander la résiliation judiciaire ?
Prise d’acte et résiliation judiciaire
Oui, le salarié protégé peut, comme les autres salariés, pour
les mêmes motifs et selon la même procédure, prendre acte
de la rupture de son contrat de travail ou en demander la
résiliation judiciaire (Cass. soc. 25/01/2006, n°03-44372 et Cass. soc.
16/03/2005, n°03-40251 P).
La prise d’acte ou la résiliation judiciaire peut être justifiée
non seulement par un manquement grave de l’employeur à
ses obligations, mais également par une entrave à l’exécution
du mandat dont il est investi (Cass. soc. 27/05/2009, n°08-42555).
Si le juge fait droit à sa demande, l’employeur devra lui verser :
• Une indemnité au titre de la violation du statut protecteur
égale à la rémunération brute que le salarié aurait perçue
entre la date de rupture du contrat et l’expiration de la
période de protection, plafonnée à 30 mois de salaire (Cass.
soc. 15/04/15, n°13-24182).
• Une indemnisation au titre du licenciement nul : indemnité
compensatrice de préavis, indemnité de licenciement,
indemnité réparant intégralement le préjudice lié au
caractère illicite de la rupture (6 mois de salaire minimum).
En revanche, le salarié ne pourra pas obtenir sa réintégration
dans le cadre d’une prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 29/05/13,
n°12-15974).
320
Abécédaire juridique CFTC 2015