DISCRIMINATION A L`EMPLOI

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DISCRIMINATION A L`EMPLOI
DISCRIMINATION A L’EMPLOI
EGALITE HOMMES-FEMMES / DIVERSITE
CULTURELLE : QUELS OUTILS COMMUNS ?
Rencontre du 13 avril 2006
Intervention d’Isabelle DELCROIX-NAULAIS,
Responsable égalité FO, membre du Conseil Economique et
Social Régional, membre du projet MACIF chargée du FSE
La MACIF, mutuelle d’assurance regroupant 8000 salariés sur la France, a
développé, depuis 2002, un projet spécifique portant sur l’égalité hommesfemmes (Mutu’Elles) dont l’objectif est l’augmentation du nombre de
femmes cadres dans l’entreprise. Un « accord égalité » devrait voir le jour.
Une demande de « label égalité » est également en cours.
Il existe un cadre juridique strict
en matière d’égalité hommesfemmes dans l’emploi. La première
loi à poser le principe de l’égalité
professionnelle est la loi Roudy, en
1983. Elle n’est pas suivie d’effet. La
France ayant néanmoins à se justifier
auprès de l’Union Européenne, qui
mène une politique très volontariste
en matière de lutte contre toutes les
discriminations, adopte une seconde
loi, plus concrète, en mai 2001. C’est
la loi Génisson qui oblige, par
exemple, les entreprises de plus de
50 salariés à créer des commissions
égalité, ou encore qui permet le
travail de nuit des femmes dans
l’industrie,
autant
de
mesures
contestées et/ou peu appliquées.
Le
passage
de
l’égalité de droit à
l’égalité de fait reste à
faire
Pourtant, le dialogue social a, sur
cette question, porté ses fruits
puisqu’en 2004 un accord national
interprofessionnel
sur l’égalité
professionnelle est signé par
l’ensemble des syndicats. Mais il
n’influe guère sur l’application des
textes et une dernière loi est
promulguée en 2006 sans toutefois
adopter de mesures plus coercitives
puisque, à la différence de ce qui a
été fait dans le domaine politique, la
mise en place de quotas de femmes
dans les conseils d’administration des
grandes entreprises est rejeté par le
Conseil Constitutionnel.
Cause ou conséquence de l’inefficacité
de ce cadre législatif, peu d’évolution
est observée dans les faits.
Dès l’orientation scolaire, si les
filles réussissent globalement mieux à
l’école, elles sont évincées des parcours les
plus prestigieux (grandes écoles, filières
scientifiques, etc.).
Au moment de l’entrée sur le marché
du travail, on constate qu’à diplôme égal,
elles n’occupent pas le même type de
poste, le rendement du diplôme est donc
moins élevé pour les femmes.
Pour autant, les femmes françaises
sont dans leur grande majorité (80%)
en activité tout en ayant le taux de
fécondité le plus fort d’Europe après
l’Irlande. La persistance des pouvoirs
publics à considérer les femmes comme
une variable d’ajustement du marché du
travail,
(comme
en
témoigne
la
progression
constante
des
mesures
incitant à rester à la maison), apparaît dès
lors véritablement sans objet.
Cependant, une fois intégré le monde
du travail, des inégalités subsistent :
taux de chômage plus élevé, temps
partiels subis, écarts salariaux (d’autant
plus importants que l’on monte dans la
hiérarchie de l’entreprise), etc.
On ne demande jamais
à un homme le nombre de
ses enfants
Les résistances sont donc majeures et
relèvent le plus souvent de la persistance
de stéréotypes, de la croyance en des
compétences « naturelles » au genre
masculin ou
féminin. Contrer ces
représentations dans le monde de
l’entreprise n’est pas aisé. Toutefois, des
arguments peuvent être avancés : il est
reconnu aujourd’hui qu’une équipe de
travail diversifiée est plus créative qu’une
équipe de « clones ». La pénurie de
qualification observée dans certains
domaines offre aussi l’occasion d’une
féminisation de certains métiers, c’est le
cas, par exemple, du bâtiment. Quant aux
possibilités d’action, elles résident
principalement dans la mobilisation des
acteurs concernés : les syndicats, qui
n’investissent pas cette question, les
entreprises, qui sont malgré tout à l’heure
actuelle les plus volontaires, les acteurs
publics, les femmes elles-mêmes…
Dans une entreprise un
groupe de réflexion ne
suffit pas, une politique RH
non plus
La MACIF s’est lancée dans un projet
dédié à la demande de son directeur
général. Avec seulement 5% de femmes
dans l’encadrement supérieur pour une
entreprise par ailleurs plutôt féminine, le
diagnostic était patent.
Les actions mises en œuvre sont
diverses. Tout d’abord des séminaires
(non mixtes) afin de libérer la parole
sur ce sujet trop souvent occulté, ont
permis de révéler les différents freins à
la progression des femmes dans
l’entreprise (freins culturels, sociétaux,
personnels…). Le travail s’est ensuite
axé sur la formation : celle des
recruteurs, centrée sur la déconstruction
des stéréotypes ; celle des femmes
également, afin de travailler l’affirmation
de soi et aider à la progression de
carrière.
D’autres mesures ont également été
expérimentées : la rédaction d’une
« charte de la bonne conduite de
réunion » (prônant le respect des
horaires de travail …), le maintien du
lien avec l’entreprise pendant le
congé maternité (transmission de la
presse interne, des postes vacants…).
Mené dans toute la France, ce projet
présente néanmoins des résultats
contrastés suivant les régions, le
facteur-clé
étant
l’adhésion
des
directions régionales.
DISCRIMINATION A L’EMPLOI
Ils Ont Dit ...
Toutes les discriminations
sont
basées
sur
des
stéréotypes
Pourtant, dans le cadre des formations dispensées
pour lutter contre ces phénomènes, le travail sur les
représentations n’occupe pas toujours la même place
selon Malika Dilmi (CORIF). En effet, quasisystématiquement mobilisée sur la thématique
hommes-femmes, la déconstruction des stéréotypes
est assez peu tentée lorsqu’il s’agit de discrimination
« ethnique ». Une hypothèse d’explication est que,
contrairement aux stéréotypes « ethniques »,
les stéréotypes attachés au genre féminin se
verbalisent aisément, peut-être parce-qu’ils sont si
communément admis qu’ils ne représentent plus un
tabou.
Dans bien des cas, les
arguments sont transposables
d’un type de discrimination à
l’autre
La question de la performance abordée par
Isabelle Delcroix-Naulais est tout à fait adaptée à la
question des discriminations « raciales ». Une équipe
plurielle formée d’hommes aussi bien que de femmes
mais aussi de personnes d’origines diverses est très
certainement plus productive qu’une équipe de
personnes toutes issues du même cursus…
Par ailleurs, c’est également la pénurie de maind’oeuvre dans certains secteurs (bâtiment,
hôtellerie) qui amène ces derniers à réfléchir à la
diversification de leurs profils, diversification qui peut
profiter aussi bien aux femmes qu’aux personnes
d’origine étrangère.
Les femmes ont intégré les
inégalités
dont
elles
font
l’objet
Là encore, un rapprochement peut être fait entre les
deux types de discrimination dont nous parlons ici. Un
phénomène souvent observé est l’intériorisation,
par la victime, de la discrimination subie, avec,
pour conséquence, la réduction de son « champ des
possibles » : la femme cadre ne postule pas au poste
de direction auquel elle peut pourtant prétendre, la
personne d’origine étrangère s’interdit une orientation
vers le secteur public, persuadée que « ce n’est pas
pour elle », etc.
Toutefois, d’un point de vue plus général, les
discriminations
« ethniques »
seraient
aujourd’hui dénoncées plus vigoureusement
que les discriminations de genre. Baisse du
militantisme ou tolérance accrue de la société envers
ces dernières, exposition médiatique accrue de la
discrimination « ethnique » ces derniers mois…
plusieurs explications sont possibles.
Il est impératif de ne pas
hiérarchiser les discriminations
Comme le souligne Anne Brillot (RALI), c’est l’histoire qui
détermine la place qu’occupent les différents types de
discriminations dans notre société. Si l’une parait mieux
prise en compte que l’autre, cela relève d’une
construction historique et sociale, non d’une gravité
accrue. Toute discrimination est facteur d’injustice et de
souffrance pour celui qui la subie, en conséquence, on ne
peut les classer en terme d’importance. Ceci est d’autant
plus contre-productif que l’on considère les phénomènes
de double-discrimination qui touchent un certain
nombre de publics et notamment les femmes d’origine
étrangère.
Le sexisme est très présent
dans certains quartiers
Marie-Gaétane Brochot (ville de Lomme) remarque que
sur certains territoires, les rapports hommes-femmes sont
particulièrement tendus, du fait semble-t-il d’un machisme
exacerbé. D’après Isabelle Delcroix-Naulais, il faut voir ici
un effet des phénomènes d’exclusion sociale : se sentant
rejeté par la société, certains jeunes hommes surinvestissent le champ de la virilité et en arrivent à
légitimer la discrimination de genre.
Pour autant, il s’agit de ne pas généraliser cette situation
ni la réduire totalement aux quartiers dits « sensibles ».
Mener à bien un projet
« mixité » ou « diversité » en
entreprise
est
consommateur
d’énergie
Roselyne Haeck (Castorama) note qu’un projet en faveur
de l’égalité en entreprise implique un engagement sur le
long terme et un investissement humain conséquent
pour la structure.
Le projet Mutu’elles de la MACIF a débuté en 2002 et se
termine fin 2006. Il a nécessité pour sa mise en œuvre
qu’une
salariée
de
l’entreprise
soit
détachée
spécifiquement afin d’animer le travail et de coordonner la
gestion du projet européen qu’il a été nécessaire de
monter afin de financer la démarche.
Prochaine rencontre :
Chartes, clauses… : de l’incitation à la
mobilisation ?
Interventions de Nadia BELGACEM, DRTEFP et de
Cathy DUCROCQ-MESSADI, Néoval
18 mai 2006 à l’IREV
Retrouvez des informations complémentaires sur le site
www.irev.fr ou auprès d’Aurélie JAULIN, IREV