Influence de la veille stratégique sur le processus de conception

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Influence de la veille stratégique sur le processus de conception
Influence de la veille stratégique
sur le processus de conception
Caroline Prat*, Sylvie Mira-Bonnardel**
* Ecole Centrale de Paris
Laboratoire Génie Industriel
Grande voie des Vignes
92 295 Châtenay-Malabry
[email protected]
** Ecole Centrale de Lyon
Département CLES
36, avenue Guy de Collongue
69 134 Ecully Cedex
[email protected]
RÉSUMÉ
Dans notre champ de recherche qu’est la conception, nous nous intéressons à l’influence de la veille stratégique
sur le processus de conception. En partant du postulat suivant!: «!les entreprises sont de plus en plus confrontées
à l’instabilité de leur environnement (concurrents, fournisseurs, clients...)!», nous pressentons le travail conjoint
entre veilleurs et acteurs du processus de conception comme facteur clé de réussite. En dévoilant les tendances
du marché, le veilleur aiguille les différents acteurs du processus de conception dans leurs choix, tant stratégiques
qu’opérationnels, afin que le produit soit en meilleure adéquation avec le marché lors de sa sortie.
MOTS-CLÉS
Information, Signal d’alerte précoce, Veille stratégique, Reverse-engineering, Conception.
1 INTRODUCTION
D'après Carlo Revelli [10], «!Tout organisme doit apprendre à maîtriser les flots informationnels
avant de prendre une quelconque décision stratégique!». Effectivement, les positions des concurrents
évoluent, de nouveaux entrants arrivent sur le marché, des domaines technologiques s’ouvrent, sans
oublier l’instabilité des fournisseurs et sous-traitants, ainsi que bien évidemment l’évolution des désirs
des clients… Face à la rapidité de ces multiples mutations, la quête d’information permettant la prise
de décision pertinente est devenue vitale, selon Daniel Rouach [12]. Néanmoins les entreprises sont
confrontées à de redoutables pièges, tels que le manque ou le surplus d’informations, la montée de
l’incertitude et de l’instabilité dans l’environnement décisionnel… Pour résoudre ces dysfonctionnements les entreprises s’éveillent à la veille stratégique afin de «!circonscrire l’incertitude, maîtriser
partiellement l'instabilité et se hisser à une vision globale du monde et de ses changements!», pour
Robert Salmon [12]. De façon imagée, Francis-Joseph Aguilar [1] compare la veille stratégique de
l’entreprise au radar du navire, puisqu’elle vise à détecter des événements avant qu’il ne soit trop tard
pour pouvoir agir, cela allant de la création ou découverte d’opportunités à la réduction des risques liés
à l’incertitude. Ainsi la veille stratégique, en intervenant à tous les niveaux de l’organisation, du
stratégique à l’opérationnel, est une condition sine qua non de performance pour l’entreprise. Après
une définition des aspects ontologique, structurel et génétique de la veille stratégique, nous nous
focaliserons sur l’influence de la veille stratégique sur le processus de conception, tout d’abord d’un
point de vue théorique, puis au travers d'un cas clinique.
10ième Séminaire CONFERE, 3-4 Juillet 2003, Belfort – France, pp. 159-166
2 LA VEILLE STRATEGIQUE!: UN OUTIL STRATEGIQUE ET OPERATIONNEL
2.1 Aspect ontologique
Nous définissons la veille stratégique comme un processus suivant une démarche rigoureuse,
continue et itérative visant à une surveillance active de l’environnement (technologique, concurrentiel,
commercial, etc) d’une entreprise, par une exploitation systématique et organisée de l’information.
Cette approche méthodique est le moyen pour l’entreprise de faire émerger les éléments stratégiques
de la masse d’information disponible aujourd’hui. Les principaux objectifs sont de se tenir informé
des innovations dans le secteur, voire dans d’autres secteurs, de repérer toutes les innovations utiles
assurant l’aide aux développements techniques, d’anticiper les évolutions…, pour créer ou découvrir
des opportunités, prévenir et détecter les menaces, réduire les risques liés à l’incertitude… En résumé,
la veille stratégique est un outil permettant de sauvegarder et faire croître l’entreprise.
La veille stratégique est un terme générique qui englobe!:
Å La veille technologique : désigne les recherches ayant trait aux acquis scientifiques et techniques,
aux produits ou services, aux procédés de fabrication, aux matériaux...
Ç La veille concurrentielle : porte sur les concurrents actuels ou potentiels.
É La veille commerciale : concerne les fournisseurs et sous-traitants, les clients ou les marchés…
Ñ La veille environnementale : désigne le reste de l'environnement de l'entreprise, comme les aspects
politique, géopolitique, socioculturelle, réglementaire, juridique, législative...
Ç VEILLE
CONCURRENTIELLE
Entrants potentiels
Fournisseurs
Concurrents du secteur
Clients
É VEILLE
COMMERCIALE
Substituts
É VEILLE
COMMERCIALE
Å VEILLE
TECHNOLOGIQUE
Ñ VEILLE
ENVIRONNEMENTALE
Figure 1!: Aux 5 forces concurrentielles du marché identifiées par Michael Porter [9],
4 types de veille peuvent être associés, Bruno Martinet et Jean-Michel Ribault [7]
2.2 Aspect structurel
Plusieurs représentations du processus de veille stratégique existent, nous avons retenu celle
d'Humbert Lesca [6] qui nous paraît être la plus pertinente. Ce processus de veille stratégique est
composé de plusieurs sous-processus dont la réussite de chacun est une condition nécessaire pour la
performance du processus global, sans oublier l’importance de l’interaction entre chacune des phases !
Il est présenté en haut de la page suivante.
Trop d'informations tue l'information, c'est pourquoi la cible (types d’informations à surveiller)
doit être en adéquation avec la stratégie de l'entreprise. La traque de ces informations est organisée
non seulement à l'extérieur de l'entreprise mais aussi à l’intérieur, où de nombreuses informations sont
déjà présentes. Lors de la sélection de ces informations, la fiabilité de la source et de l'information
doivent être évaluées, l’idéal étant d’avoir un recoupement d’informations issues de diverses sources.
Les veilleurs dispersés dans l'entreprise font remonter les informations pour les stocker. Un puzzle,
effectué à partir des signaux faibles recueillis, permet de prévoir un événement. Cette information est
diffusée aux catégories d’acteurs concernés en vue d'une exploitation.
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Réseau externe
Récepteurs externes
Emetteurs externes
Informations externes
2. Traque
Informations internes
Emetteurs internes
1. Ciblage
3. Sélection
8. Exploitation
4. Circulation
Récepteurs internes
Réseau interne
7. Diffusion
5. Stockage
6. Transformation
des signaux faibles
en force motrice
Entreprise
Environnement
Figure 2 : Processus de veille stratégique inspiré du modèle conceptuel d'Humbert Lesca [6]
Le processus de veille stratégique proposé est composé du modèle d’Humbert Lesca [6] auquel
nous avons ajouté les caractères en italique : éléments essentiels à toute communication, c’est-à-dire
les réseaux, l’un interne à l’entreprise, l’autre externe, comprenant des émetteurs et récepteurs et bien
évidemment l’information qui est au cœur du processus. Cette « frontière » entre acteurs internes et
externes à l’entreprise met en exergue une erreur souvent commise par les entreprises qui consomment
une énergie considérable à rechercher des informations à l'extérieur de l'entreprise, alors qu’une bonne
identification du réseau interne et de ses bases de données est primordiale. Derrière l’aspect illogique,
voire inconscient, de l’émission du fruit du travail de la cellule de veille à des récepteurs externes, peut
se cacher une stratégie afin de « favoriser la prise de conscience d'un enjeu commun à une profession
ou un secteur, faire connaître à certains partenaires clés le lancement d'un nouveau produit,
l'évolution d'une gamme… », d'après Alain Bloch [4]. La diffusion interne est fonction du type
d’organisation de l’entreprise. Dans le cas d’une organisation dite « par fonction » ou « verticale »,
l'information spécifique est émise uniquement en direction des récepteurs immédiatement concernés,
ce qui risque de privilégier un aspect local de l’activité au détriment de la performance globale. De
plus, les récepteurs ne sont pas stables, dans le sens où ils peuvent être mutés, changer de projet,
élargir leurs compétences, etc, ce qui pourrait rendre caduque, voire inadaptée l’information transmise.
C’est pourquoi une nouvelle approche de l’organisation émerge au sein des entreprises : « La logique
des métiers est alors remplacée par la logique des activités », selon Jean-Claude Bocquet et Franck
Marle [5]. Cette organisation dite « processus » ou « horizontale » consiste à diffuser simultanément
les mêmes informations aux différents acteurs d’un processus, elle permet d’éviter l’écueil des boucles
de rétroaction intempestives dans le processus de conception par exemple. Ce propos peut être illustré
ainsi : « Dans une entreprise pratiquant le reverse-engineering, la formule de composition d’une pièce
plastique d’un produit concurrent est obtenue par le veilleur. Cette nouvelle matière est moins chère.
Le veilleur informe les acheteurs, qui vont ainsi pouvoir faire baisser le coût de revient. S’ils décident
d’approvisionner l’entreprise de cette nouvelle matière sans en faire part aux concepteurs, ils risquent
d’être surpris du résultat : le gain financier n’aura pas lieu, en revanche le nombre de retour client lui
aura un coût, car les caractéristiques de cette nouvelle matière sont moindres. Si l’entreprise était
organisée par activités et non par métiers, l’erreur n’aurait pas eu lieu. »
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Comment apprécier la valeur d'une information sachant qu'elle relève de plusieurs paramètres ?
Les caractéristiques de l'information qui vont décider si elle sera retenue ou non sont sa pertinence,
son caractère anticipatif, sa fiabilité, sa nouveauté, son urgence, son type. Il faut pouvoir l'argumenter
et évaluer sa qualité pour décider de l'urgence de son traitement. Or, comme l'intensité du signal
évolue dans le temps, il faut savoir le traiter au plus tôt afin d'anticiper au plus juste les changements
induits sur l'environnement. « En matière d’intelligence économique et de veille, où prendre
l’avantage sur un concurrent signifie souvent disposer d’une information avant lui, le facteur temps
revêt une importance fondamentale », Alain Bloch [4].
E : événement réalisé
S : signal fort, mais tardif
Intensité du signal
Délai
de manœuvre
pour réagir
E’ : événement annoncé
S’ : signal faible, mais précoce
T
Temps
!
!
Types
Exemples de signaux
T’
Signaux
nouveaux,
isolés,
sporadiques
Convergence
de signaux
Début
de quantification
Signaux
organisés
Début
de menace
Faits
commerciaux
Création
de nouveaux
locaux
Embauche
d’un ingénieur
spécialisé
Annonce
dans la presse
spécialisée
Lancement
du nouveau
produit
Figure 3!: Association du signal d’alerte précoce, Harry-Igor Ansoff [2]
et de la courbe d’observation des changements, Maurice Reyne [11]
L'événement E, exprimé par le signal S d’intensité maximale, est totalement réalisé au moment T,
plus aucune marge de manœuvre n’est possible, il est trop tard pour agir ! La capture de l'événement
annoncé E', exprimé par le signal S' de faible intensité, qu'amorcé au moment T', aurait été préférable.
Le délai de manœuvre aurait permis de ne pas être mis devant le fait accompli, et ainsi pouvoir agir,
voire réagir. La première information semble quelconque mais l'action qu'elle génère est cruciale,
comme l’illustre cette citation d’Alain Bloch [4] : « Maintenir ou conquérir un avantage concurrentiel
sur ses concurrents, c’est accéder avant eux aux informations et signaux qui permettront d’anticiper
les besoins et réactions du marché, le lancement d’un nouveau produit, un changement de législation,
la découverte d’un nouveau process ou d’une nouvelle technologie… ». Néanmoins, il faut savoir être
prudent dans les hypothèses émises et vérifier à chaque étape si la supposition correspond à la réalité.
2.3 Aspect génétique
80% des coûts engagés, par une entreprise manufacturière, durant le cycle de vie d’un produit,
le sont durant la phase de conception, d’où l’importance pour les acteurs du processus de conception
de travailler en coopération avec les veilleurs. La réflexion de Christophe Midler [8] sur la convergence
des projets peut se transposer aux projets de conception : « !La première conséquence de l’irréversibilité
des projets est l’importance de l’inertie de leurs dispositifs de pilotage. Plus tardive est la détection
d’un problème, plus long est le délai d’élaboration d’une solution, et moins grands sont les degrés de
liberté disponibles pour les résoudre efficacement et à moindre coût. La seconde conséquence est que
l’accélération de la convergence ne passe pas par une translation de la courbe des décisions vers
l’amont!: décider quand l’incertitude est trop forte, loin de raccourcir le processus, risque de le
rallonger à cause des modifications induites. En amont, la non-décision est payante, dans la mesure
où elle ne bloque pas le processus d’exploration. En aval au contraire, la rapidité de la décision doit,
comme on l’a vu, l’emporter sur la finesse des analyses!: la valeur de cette information tardive sera
dans tous les cas faible au regard des coûts d’immobilisation et d’obsolescence. Le gain de temps sur
la convergence des projets se gagne donc des deux cotés à la fois!: en commençant à décider plus
tard, et en finissant plus tôt!».
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Degrés de liberté
sur le projet
Niveaux de connaissance
sur le projet
Temps
Convergence rapide des projets
Convergence lente des projets
Figure 4!: Convergence des projets!: un apprentissage articulant
décisions irréversibles et acquisition d’informations, Christophe Midler [8]
La veille stratégique est un élément essentiel au processus de conception. Un état des lieux est
nécessaire en amont du processus, pour anticiper les tendances du marché, pour savoir ce qui se fait
chez les concurrents, pour connaître les innovations technologiques présentes ou futures et voir si elles
peuvent être intégrées… mais aussi tout au long du processus afin de connaître toutes les nouveautés
en terme de produit, technologie, norme… et ainsi pouvoir réagir plus tôt dans le processus afin que
les niveaux de connaissances sur le produit ne soient pas trop élevés, que les degrés de liberté ne soient
pas trop faibles et que les coûts engagés ne soient pas trop importants…
3 INFLUENCE DE LA VEILLE STRATEGIQUE SUR LE PROCESSUS DE CONCEPTION
3.1 De la théorie...
« La mise en place d’un projet d’intelligence économique n’est pas neutre : l’information est à
n’en plus douter l’un des actifs de l’entreprise les plus difficiles à manipuler, d’une part parce que
des enjeux forts de pouvoir y sont associés, mais aussi parce qu’elle innerve l’ensemble des processus
de l’entreprise, et en particulier le processus de création de produits », selon Alain Bloch [4]
Informations issues de la veille!: Å Technologique
Ç Concurrentielle É Commerciale Ñ Environnementale
Besoin identifié
ÉÇ
ÅÑ
PHASE 1!:
Traduction du besoin par l’entreprise
Traduction du besoin
Cahier des charges fonctionnel
ÅÉ
Définition du produit
PHASE 2!:
Concepts directeurs validés
ÅÑ
Cahier des charges concepteurs
Interprétation du besoin
(par recherche de concepts)
Définition du produit
PHASE 3!:
Dossier produit
Définition du produit
Validation du produit
Prototype
Test utilisateur
PHASE 4!:
Validation du besoin
Industrialisation
Figure 5 : Influence de la veille stratégique sur le processus de conception,
inspiré de la démarche de conception d'Améziane Aoussat et de Marc Le Coq [3]
163
A la démarche de conception proposée par Améziane Aoussat et Marc Le Coq [3], nous avons
ajouté les flux d’information issus de la veille, afin de mieux comprendre quel(s) type(s) d’information
influenc(ent) quelles phases du processus de conception. Lors de la phase de traduction du besoin
identifié par l’entreprise, la veille stratégique permet d’offrir une meilleure vision de l'environnement
du projet grâce aux connaissances du marché, des besoins clients, de la concurrence, des technologies
et de l'environnement. Pour interpréter le besoin, le champ d'investigation des concepts doit être élargi
au maximum afin de répondre à la traduction du besoin, le but étant de proposer des concepts directeurs
validés en fonction des veilles technologique et commerciale et de la stratégie de l'entreprise. Pour la
définition du produit à concevoir, la veille technologique permet d'aider le concepteur dans ses choix
de solutions, tout en intégrant les informations issues de la veille environnementale.
Types
Questions
Objets de réponses
Localisations
Å Veille
technologique
Quelles sont les matières premières innovantes!?
Quels sont les composants nouveaux ou d’avenir!?
Quelles sont les nouveautés techniques!?
Quelles sont les évolutions dans les secteurs
annexes au domaine de l’entreprise!?
Est-ce que les concurrents déposent des brevets!?
Quels laboratoires travaillent pour les concurrents!?
Quels sont les travaux en cours de ces derniers!?
Nouveaux produits
Nouveaux services
Nouveaux procédés
Nouveaux axes de R&D
Nouveautés dans le domaine
de l’entreprise
Technologies émergentes
Innovations de rupture
Salons
Fournisseurs
Revues spécialisées,
scientifiques, techniques
Publications, thèses
Base de données
INPI
Réseau d’expert
Ç Veille
concurrentielle
Quels sont les concurrents locaux et mondiaux!?
Quels produits fabriquent-ils!?
Quelles sont les caractéristiques de leurs machines!?
Quelle est leur stratégie!?
Sur quoi communiquent-ils!?
Nouveaux entrants
Nouveaux produits
Analyse de la stratégie
et de la communication
des concurrents
Salons
Revendeurs
Revues spécialisées
Publicité
Internet
É Veille
commerciale
Dans quels pays le groupe peut-il et veut-il exporter!?
Peut-il mettre en adéquation ses produits
avec les spécificités des marchés locaux!?
Quels sont les organisations consuméristes
dans ces pays cibles!?
Parts de marché
Prix de vente
Meilleures ventes
Tendances de marché
Attentes des consommateurs
Etudes de marché
NIELSEN
Revendeurs
Publicité
Internet
Ñ Veille
environnementale
3.2 ... à la pratique...
Le cas présenté est celui d'une entreprise manufacturière développant et fabriquant des produits
électroménagers. La cellule de veille dépend de la direction Recherche et Développement. Bien que
l'entreprise se situe dans un secteur très concurrentiel, le veilleur est essentiellement seul, des experts
viennent à sa demande et une personne travaillant sur l'analyse de la valeur l'assiste lors du démontage
de machines concurrentes. La mission du veilleur est de savoir répondre à tout moment, le plus
précisément possible, aux différentes questions énoncées ci-dessous (la liste n’étant pas exhaustive) :
Quelles sont les cultures des pays cibles!?
Quels sont leurs niveaux de vie!?
Quelles sont leurs habitudes de vie et de consommation!?
Quels sont leurs milieux climatiques!?
Quelles sont les normes en vigueur!?
Observation et analyse
statistique des populations
et de leurs environnements
Normes
Organismes locaux
Livres, documents
Statistiques
Normes
La démarche du veilleur commence par une surveillance de la sortie ou l’évolution des gammes
de machines concurrentes, ainsi que leur outil de production. Elle se nourrit de différentes sources :
• Revues génériques : L’Usine Nouvelle, Industries et Techniques…
• Revues professionnelles : Univers Hebdo, Confortique, Appliance (Amérique), Appliance
Manufacturer (Amérique), Elektro Händler (Allemagne)…
• Revues consuméristes : Que Choisir, 60 millions de consommateurs, Test-Achats Magazine
(Belgique), Stiftung Warentest (Allemagne), Altroconsumo (Italie)…
• Points de vente : le veilleur analyse les linéaires (machines, prix, promotions, performances
techniques, caractéristiques, arguments de vente…), puis questionne les vendeurs sur les tendances
des marchés locaux et sur les aspirations des consommateurs…
• Internet : il surveille les marchés grâce aux sites des concurrents et des domaines d’activité proches
de ceux de l’entreprise et aux sites de vente par correspondance. Il recherche des signaux d’alerte
précoce sur les concurrents, les entrants potentiels, les substituts, les fournisseurs, sur les tendances
du gros et du petit électroménager…
164
La surveillance de l’environnement permet au veilleur d’établir une liste de produits à analyser. Il
répond soit à un besoin identifié par l’entreprise, en se constituant un panel de machines concurrentes
sur un segment de marché précis, soit à un besoin potentiel, en analysant une machine innovante.
Deux machines sont achetées!: l’une pour être démontée et analysée (rétro ou reverse-engineering),
l’autre pour des essais en laboratoire. Le reverse-engineering enrichit la base de données en analysant
les divers composants (fournisseurs, matériaux, dimensions, poids…), les procédés techniques utilisés,
les processus de fabrication, les innovations technologiques... L’analyse fonctionnelle est effectuée
par sous-ensembles de la machine : emballage, habillage, cuve, tambour, palier... L’analyse de la valeur
la complète en reconstituant la totalité des coûts de fabrication de la machine. Cette démarche permet
d’étudier les différentiels de coûts de production entre les produits de l'entreprise et des concurrents,
en analysant le coût global et les coûts par fonction, d’étudier les points remarquables des produits
pour une éventuelle exploitation, de vérifier que les concurrents ne copient pas les solutions brevetées
par l'entreprise, d’utiliser les points faibles des produits concurrents pour développer des argumentaires
favorables aux produits du groupe… Deux types d'informations découlent du reverse-engineering :
les unes relatives aux meilleures techniques : « BEST OF », les autres aux meilleures technologies :
« BEST PRACTICES ». Lorsque ces solutions sont validées par les laboratoires, elles sont proposées
aux différentes personnes du processus de conception, sous la forme d’un produit virtuel, composé
des meilleures solutions par fonction, mais il ne s'agit pas d'additionner toutes les solutions entre elles,
car elles peuvent être incompatibles…
3.3 … : attention aux distorsions
Bien que la cellule de veille offre à l’entreprise de nombreux avantages (détection des menaces et
des opportunités, aide à la décision...), son activité peut comporter des dysfonctionnements.
3.3.1 Organisation et fonctionnement de la cellule de veille
La cellule de veille doit relever de la direction générale de l’entreprise, sinon, n'étant pas informée
des changements de cible, elle ne cherchera pas les informations en adéquation avec la stratégie. De par
l’idiosyncrasie des veilleurs, la mise en place d’un système souple conduisant à des actions homogènes
est nécessaire pour supprimer toute perte de temps ainsi que les disparités dans le travail effectué.
3.3.2 Identification des besoins
Si les besoins sont mé ou mal connus, il sera difficile de choisir les bons thèmes de recherche,
les bonnes actions à mener, les bons produits à analyser... Les thèmes peuvent être transversaux,
évoluer et leurs limites pas toujours faciles à cerner. Le veilleur risque de se mettre à une écoute trop
large ou au contraire trop limitée. Il est donc important de bien travailler la phase de ciblage, savoir
prendre du recul sur un thème et se demander à quoi servira l’information recueillie.
3.3.3 Choix des sources
Si la source retenue n'est pas représentative du domaine, l'interprétation des données risque d'être
erronée. Plusieurs sources devront être choisies pour recouper ou compléter l’information et des
experts devront valider l’information recueillie sur Internet. Un autre problème réside dans l’évolution
des sources : certaines meurent alors que d’autres naissent ; la cellule devra toujours être en éveil et
modifier ce qu'elle propose aux veilleurs, en fonction de la fiabilité et de la pertinence de ces sources.
3.3.4 Caractéristiques de l'information
La surcharge de l’information envahissant tous azimuts les traqueurs, sa mauvaise circulation
(lenteur, pertes, etc), son arrivée trop tardive, sa rétention à certains niveaux entraînent un mauvais
partage de l’information ou alors une dissémination ne permettant pas de la recouper.
3.3.5 Stockage de l'information
Par manque de temps ou de méthode, certains dossiers sont classés sans que l’information n’ait
vraiment été analysée et synthétisée. Elle ressemble plus à des données brutes qu'à des informations à
véritable valeur ajoutée. De plus, stocker trop d'informations est un piège, le but n'est pas de cumuler
des données comme dans une base documentaire, mais de ne retenir que celles qui sont
potentiellement stratégiques pour les mettre à disposition le temps de leur validité, puis les supprimer.
165
Les bases de données ainsi constituées ne sont pas forcément très volumineuses.
3.3.6 Diffusion de l’information
La mission du veilleur est de donner la bonne information, au bon moment, à la bonne personne,
pour prendre la bonne décision, mais sans cartographie des différents acteurs, comment savoir qui
travaille sur quoi et donc à qui peut profiter l'information, sans oublier le corollaire qui est : que doit
chercher le veilleur sans connaissance de la cible, des projets et de leurs acteurs. Et comment faire
prendre en compte les informations car nombreuses sont les personnes pensant ne rien avoir à
apprendre de la concurrence et préférant par conséquent réinventer la roue.
3.3.7 Motivation
Arriver à motiver l'ensemble du personnel est primordial pour le bon fonctionnement du
processus de veille. Mais comment mesurer l'impact réel du travail réalisé par les veilleurs, afin qu’ils
puissent voir concrètement les résultats de leurs efforts et qu’ils se sentent utiles à l’organisation. La
direction devra montrer un certain intérêt pour le projet, sinon la motivation des employés s'affaiblira.
Elle devra aussi collaborer avec la cellule de veille pour mandater les personnes devant collecter
l'information, ainsi il y aura plus de probabilités que l'opération réussisse.
4 CONCLUSION
Dans notre monde où l'information est reine, il est très difficile de séparer l'ivraie du bon grain.
La veille stratégique et plus récemment l'intelligence économique permettent à l’entreprise de mieux
connaître son environnement, dans les buts avoués de créer ou découvrir des opportunités, de prévenir
et détecter les menaces, afin de doper le marché. Lors de la présentation du processus de conception,
nous avons vu que l'entreprise doit s'ouvrir sur l'extérieur et récupérer des signaux d'alerte précoce afin
que le produit soit en meilleure adéquation avec le marché lors de sa sortie, mais il faut aller plus loin.
L’entreprise doit mettre en place une politique de gestion des connaissances et des compétences pour
passer d’une base de données statique à une base de connaissances dynamique ; la connaissance étant
la mise en action de l’information. Cette démarche de Knowledge Management permettra d’identifier
les porteurs de savoirs, ainsi que leurs connaissances et compétences stratégiques, et de développer
l’avance technologique de l’entreprise dans des créneaux identifiés.
5 BIBLIOGRAPHIE
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outils (pp. 53-75). Paris: Hermès.
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