Planification patrimoniale par donation Région wallonne

Transcription

Planification patrimoniale par donation Région wallonne
Planification patrimoniale par donation
Nous nous sommes intéressés de plus près à la planification patrimoniale par donation et avons
examiné la situation en Région wallonne et en Région flamande.
Région wallonne: simplification considérable du régime fiscal de la
donation d’un patrimoine mobilier
Jusqu’il y a peu, l’application des taux de donation linéaires réduits aux biens meubles était soumise à
des conditions strictes en Région wallonne (art. 131bis, §1er Code wallon des droits
d’enregistrement):



3,3 % pour les donations en ligne directe, entre époux et cohabitants légaux
5,5% entre frères et sœurs, oncles ou tantes et neveux ou nièces
7,7% entre autres personnes
Ces règles ont changé. Par 2 décrets successifs, le Gouvernement wallon a considérablement
simplifié les choses, à l’avantage du contribuable. Depuis, le taux réduit s’applique également dans
les 2 situations suivantes:

Donation avec réserve d’usufruit
Auparavant, il n’était pas possible en Région wallonne de profiter des taux réduits si la donation
portait uniquement sur la nue-propriété et que donc le donateur se réservait l’usufruit, sauf si la
donation avait pour objet certains 'instruments financiers'. Une telle donation était imposée aux taux
progressifs, tels qu’ils s’appliquent à la donation de biens immobiliers (et qui, en ligne directe, entre
époux et entre cohabitants légaux, peuvent grimper jusqu’à 30 %). A travers le décret du 19
septembre 2013, le législateur décrétal wallon a supprimé la condition de la pleine propriété
pour les donations à partir du 1er janvier 2014. Depuis, les donations de meubles, œuvres d’art,
liquidités, créances, etc. peuvent être faites avec réserve d’usufruit et quand même bénéficier des taux
réduits (3,3%, 5,5% et 7,7%).

Parts de sociétés patrimoniales
La réforme opérée par le décret du 11 avril 2014 est encore plus avancée. Les règles complexes qui
entouraient la donation d’‘instruments financiers’ ont été supprimées. Et cette modification a elle aussi
une conséquence très intéressante pour le contribuable. Jusqu’alors, les parts de sociétés
patrimoniales ne pouvaient pas bénéficier des taux réduits 3,3%, 5,5% ou 7,7%. Depuis le 19 mai 2014,
elles le peuvent!
Attention à la condition suspensive du décès du donateur
Les réformes susmentionnées ont pour conséquence concrète que les taux réduits s’appliquent
désormais à toutes les donations de biens meubles, quel que soit leur objet.
[- 1 -]
Il n’en reste pas moins qu’il faut rester vigilant à l’égard d’un type déterminé de donation, à savoir la
donation d’un bien meuble sous la condition suspensive du décès du donateur. Cette donation
ne sort ses effets qu’au jour du décès du donateur. Par le passé, ces donations étaient déjà exclues des
taux de donation réduits et soumises aux taux progressifs beaucoup plus élevés en Région wallonne.
Certaines exceptions ont été tolérées (par exemple, la donation 'indirecte' où un donataire était
désigné comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie en cas de prédécès de l’assuré). Ces
exceptions ont été supprimées depuis le 19 mai 2014.
Dorénavant, lorsque la donation d’un bien meuble sera assortie d’une condition qui ne sort ses effets
qu’au décès du donateur, les droits de donation aux taux progressifs élevés seront dus.
Région flamande: tous les enfants sont à présent égaux devant les droits
de donation!
La famille recomposée est un phénomène désormais ancré dans notre société. A travers le décret
du 6 décembre 2013, le Gouvernement flamand entend tenir compte de cette réalité.
En Région flamande, le taux réduit des droits de donation en ligne directe ne s’appliquait pas jusqu’il y
a peu à la famille recomposée. La donation entre vifs s’accompagnait en l’occurrence du paiement du
taux le plus élevé des droits de donation, tel qu’il s’applique ‘entre étrangers’. Le beau-père/la bellemère qui, de son vivant, voulait faire une donation à son beau-fils/sa belle-fille à des conditions
fiscalement avantageuses, n’avait souvent d’autre choix que d’adopter préalablement son beau-fils/sa
belle-fille.
Les choses ont changé depuis le 17 janvier 2014. Un régime similaire existait déjà dans le droit
successoral flamand. Le taux réduit s’applique désormais aux situations suivantes:

Donation entre un beau-parent et un bel-enfant
Le taux réduit des droits de donation, tel qu’il s’applique entre un parent et son enfant biologique,
s’applique désormais à la donation entre un beau-parent et un bel-enfant et ce dans les 2 sens,
donc à la fois de beau-parent à bel-enfant et de bel-enfant à beau-parent.
Le terme de bel-enfant désigne en l’occurrence un enfant non commun d’1 des deux conjoints. Le
beau-parent est donc marié avec le parent biologique de l’enfant.

Relation bel-enfant - beau-parent cohabitant
Le taux en ligne directe est également étendu aux 'faux' ou 'quasi' beaux-enfants ou à la
relation bel-enfant – beau-parent cohabitant, à savoir à la situation où le parent biologique de
l’enfant et le beau-parent ne sont pas mariés, mais seulement cohabitants légaux ou de fait. Là aussi, la
règle s’applique dans les 2 sens.
[- 2 -]
Il doit s’agir soit d’une cohabitation légale, soit d’une cohabitation de fait qui, au jour de la donation,
dure depuis déjà au moins 1 an sans interruption et il faut que les cohabitants tiennent un ménage
commun.

Relation parent d’accueil – enfant d’accueil
Le taux en ligne directe s’applique également en cas de donation entre des personnes entre
lesquelles il existe ou a existé une relation de parent d’accueil et d’enfant d’accueil. Une
telle relation est censée exister (ou avoir existé) lorsqu’une personne, avant d’avoir atteint l’âge de 21
ans, a vécu pendant 3 années consécutives sous le toit d’une autre personne et que, pendant ce temps,
elle a reçu essentiellement de cette autre personne (ou de cette autre personne et de son conjoint) les
secours et les soins que les enfants reçoivent normalement de leurs parents. A cet égard, l’inscription
de l’enfant d’accueil au registre de la population ou au registre des étrangers à l’adresse du parent
d’accueil vaut comme une présomption simple de cohabitation chez le parent d’accueil. Il suffit que
l’enfant d’accueil ait reçu les secours et les soins ‘essentiellement’ du parent d’accueil. Autrement dit, il
n’est pas nécessaire que les secours et les soins aient été prodigués ‘exclusivement’ par le parent
d’accueil. Par conséquent, le fait que le parent d’accueil ait pu compter sur l’aide financière d’un
(autre) parent de l’enfant d’accueil ou d’une institution, ou encore le fait que l’enfant d’accueil luimême percevait un revenu qui lui permettait de subvenir en partie à ses besoins, ne fera pas obstacle à
l’application de la disposition légale. En revanche, il est décisif que le parent d’accueil se soit comporté
comme le parent naturel l’aurait fait. A cet égard, on peut considérer que l’amour et la sollicitude
pèsent plus lourd dans la balance que la prise en charge financière.
Le délai de 3 ans prend cours à partir du jour où les soins ont effectivement été prodigués. Les
éléments suivants ont également leur importance:



Donations tant mobilières qu’immobilières: l’assimilation avec le taux en ligne directe
s’applique dans tous les cas, tant aux donations mobilières qu’aux donations immobilières:
o Donation mobilière: taux linéaire de 3 %
o Donation immobilière: taux progressifs de 3 % à 30 % au lieu des taux 'hold-up' entre
étrangers de 30 % à 80 %
Pas pour les petits-enfants: l’assimilation dans la relation beau-parent – bel-enfant (et
dans les autres cas assimilés) est limitée à 1 génération. Autrement dit, une donation faite par
un beau-grand-parent à son beau-petit-fils ou à sa belle-petite-fille continuera d’être soumise
aux droits de donation flamands comme une donation entre 'étrangers'. C’est également le cas
en matière de droits de succession flamands où la Cour constitutionnelle a d’ailleurs décidé
que ce n’était pas contraire au principe constitutionnel d’égalité.
Situation à Bruxelles et en Wallonie:
o En Région wallonne, un décret du 15 décembre 2005 avait déjà introduit un article
qui assimile les donations suivantes à des donations en ligne directe:
1. donation entre une personne et l’enfant du conjoint ou cohabitant légal (!) de
cette personne
2. donation entre une personne et l’enfant élevé par cette personne en tant que
parent d’accueil, tuteur, subrogé tuteur ou tuteur officieux, à condition
qu’avant son 21e anniversaire et pendant 6 années ininterrompues, l’enfant ait
[- 3 -]
o
reçu exclusivement ou essentiellement de cette personne les secours et les
soins que les enfants reçoivent normalement de leurs parents.
Dans la Région de Bruxelles-capitale, il n’y a pas encore d’assimilation avec la
ligne directe et les donations dans la relation beau-parent - bel-enfant sont toujours
imposées comme des donations entre ‘étrangers’. Cela signifie qu’elles sont soumises à
des tarifs très élevés.
Région flamande: plus de droits de succession en cas de retour légal
Imaginons qu’un parent fasse une donation à son enfant et que l’enfant décède avant le parent. Un
drame familial qui, dans certains cas, s’accompagne également de conséquences fiscales désastreuses.
L’article 747 de notre Code civil énonce le principe du retour légal. On peut y lire que les ascendants
(lisez : les parents) succèdent, à l'exclusion de tous autres, aux choses par eux données à leurs enfants ou
descendants décédés sans postérité. On parle en l’occurrence de succession anormale. En résumé
et en langage humain, le retour légal s’explique comme suit : un parent fait une donation à son enfant
qui, contre les lois de la nature, décède avant son parent. Si cet enfant ne laisse pas d’enfants derrière lui
– autrement dit, il n’y a pas de petits-enfants –, le bien donné retourne au parent qui l’avait donné à
l’époque.
Un inconvénient majeur du retour légal est que les parents qui réacquièrent le bien donné en tant que
successeurs anormaux, doivent payer des droits de succession sur ce bien.
Mais les choses ont changé. Les droits de succession ne sont plus dus en cas de retour légal,
si les conditions cumulatives suivantes sont remplies:
1. Les biens ont été donnés par les ascendants (lisez : les parents) de leur vivant au de cujus
(lisez : l’enfant donataire prédécédé) avant son décès.
2. Les biens se trouvent toujours en nature dans la succession ou, s’ils ont été aliénés, font
toujours l’objet d’une créance dans la succession.
3. Le de cujus est décédé sans descendants.
L’exonération des droits de succession ne peut être accordée que si son application est expressément
demandée dans la déclaration de succession.
Le type de donation importe peu. Il peut s’agir d’une donation directe par-devant un notaire belge,
mais il peut tout aussi bien s’agir d’un don manuel, d’un don bancaire, d’une autre forme de donation
indirecte, d’une donation par-devant un notaire étranger, etc. En outre, il n’est pas requis qu’il s’agisse
d’une donation dont l’enregistrement est obligatoire ou que la donation ait été présentée
spontanément à l’enregistrement avant le prédécès du donataire.
L’exonération s’applique depuis le 24 janvier 2014 et vaut donc pour les successions ouvertes à partir
de cette date.
La clause de retour conventionnel reste utile!
L’effet fiscal négatif du retour conventionnel, à savoir la perception des droits de succession (qui a
donc été éliminé), était la raison pour laquelle, dans la pratique de la planification patrimoniale, on
[- 4 -]
conseillait toujours de réaliser l’effet poursuivi par les donateurs (à savoir le retour du bien donné dans
le patrimoine du donateur en cas de prédécès du donataire) par une autre voie, à savoir par l’insertion
dans l’acte de donation d’une clause de retour conventionnel. Cet aspect est lui aussi réglé dans
notre Code civil. L’article 951 C. soc. dispose que le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets
donnés:


soit pour le cas du prédécès du donataire seul
soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants
En fait, une donation assortie d’une clause de retour conventionnel équivaut à une donation soumise à
la condition résolutoire du prédécès du donataire. La clause de retour conventionnel peut être associée
à n’importe quelle forme de donation, donc tant à la donation directe notariée qu’au don manuel ou
encore à la donation indirecte (tel le don bancaire).
Une différence importante – et non négligeable dans le cadre de la planification successorale fiscale –
avec le retour légal est qu’en cas de retour conventionnel, les parents qui réacquièrent le bien donné dans
leur patrimoine ne doivent pas payer de droits de succession dessus.
L’insertion d’une clause de retour conventionnel dans les actes de donation présente-t-elle encore un
intérêt à présent que le législateur flamand a annulé la perception de droits de succession en cas de
retour légal? La réponse est oui ! Dans la Région de Bruxelles-capitale, l’insertion d’une telle clause
est à recommander pour des raisons fiscales (voyez ci-dessous). Dans la Région flamande et la
Région wallonne (voyez ci-dessous pour cette dernière) aussi, la clause de retour
conventionnel reste très répandue dans les actes de donation pour diverses raisons:


Il existe des différences juridiques importantes entre le retour légal et le retour conventionnel.
Si, entre-temps, le bien donné a été vendu ou donné par le donataire, il n’est plus disponible
‘en nature’ dans la succession et le retour légal ne s’applique pas. En cas de retour
conventionnel, par contre, l’aliénation est annulée avec effet rétroactif.
En cas de retour légal, le conjoint survivant du donataire a un usufruit successoral sur la
succession anormale (certes sans bénéficier de la même protection qu’un héritier réservataire).
En cas de retour conventionnel, le conjoint survivant du donataire prédécédé n’a aucun droit
successoral sur les biens donnés qui retournent au donateur.
Mais il y a plus. Le retour conventionnel offre certains avantages non négligeables:
 Le donateur peut parfaitement stipuler que le retour conventionnel s’appliquera même si
le donataire, en cas de prédécès, laisse des héritiers (ce qui n’est pas le cas en cas de
retour légal). La clause de retour conventionnel offre ainsi un avantage non négligeable, dans le
cadre de la planification patrimoniale familiale en général et dans le cadre de la planification
d’entreprise en particulier. L’intérêt en droit civil de la clause réside précisément dans le fait que,
dans certaines circonstances, le donateur veut avantager le donataire, mais – compte tenu des
circonstances – pas forcément ses héritiers (si le donataire venait à pré-décéder). Si, dans ce cas,
le donateur préfère que le bien donné lui revienne, la clause de retour conventionnel peut faire en
sorte que ce soit le cas. Cela garantit (au même titre que le retour légal) une certaine forme
d’équité. En effet, sans clause de retour conventionnel, les enfants - par hypothèse - mineurs de
l’enfant (majeur) prédécédé (les petits-enfants donc) à qui les biens ont été donnés, en
deviendraient les (nus-) propriétaires. Le conjoint du donataire prédécédé – lisez : le beau-fils/la
[- 5 -]


belle-fille (ou pire, l’ex-beau-fils/l’ex-belle-fille) des donateurs – acquerrait la gestion et la
jouissance des biens donnés, en sa qualité de représentant légal de l’enfant mineur! Le beaufils/la belle-fille pourra en outre faire valoir son usufruit successoral sur le bien. La clause de
retour conventionnel permet de l’empêcher. La donation à l’enfant sera annulée avec effet
rétroactif. Le petit-enfant mineur n’hérite donc pas. Quant au conjoint survivant du donataire, il
est privé de l’usufruit successoral sur le bien donné. Le bien donné retourne donc dans le
patrimoine des parents qui l’ont donné.
La nouvelle exonération flamande des droits de succession en cas de retour légal s’applique
uniquement dans la relation entre ascendants et descendants. Les donations entre autres
personnes ne bénéficient donc pas de l’exonération (par exemple, les donations entre époux,
entre cohabitants, entre collatéraux...). Dans ces cas, la clause de retour conventionnel reste donc
plus qu’indiquée.
La clause de retour conventionnel peut également être stipulée à titre optionnel. Elle permet
ainsi de bénéficier également d’un avantage fiscal, même en présence de petits-enfants.
Si l’enfant donataire décède avant ses parents et que les biens donnés ne retournent pas aux
parents-donateurs, ils seront imposés dans la succession du donataire. Dans de très nombreux
cas, ce donataire s’est lui-même déjà constitué un patrimoine propre. Il s’ensuit que les tarifs des
droits de succession des tranches les plus élevées seront d’application. L’application de la
clause de retour conventionnel permet de l’éviter en partie. Les biens, qui font l’objet de la
donation, quittent la succession de l’enfant prédécédé (et les petits-enfants ne paient donc pas
de droits de succession dessus). Une fois revenus dans le patrimoine des parents-donateurs,
ces derniers peuvent les redonner à leurs petits-enfants à des tarifs plus faibles.
Situation dans les autres Régions
Quel est, dans les autres Régions, le traitement fiscal réservé au retour légal?
 Dans la Région wallonne, il est parfois possible d’échapper aux droits de succession. Le
décret-programme wallon du 18 décembre 2008 a introduit un nouvel article pour les
successions ouvertes depuis le 1er janvier 2009. Dans une certaine mesure et sous certaines
conditions, il n’est pas tenu compte de la valeur des biens qui ont été antérieurement donnés
entre vifs au défunt par un héritier (légataire ou donataire), pour la liquidation des droits de
succession dus par cet héritier (légataire ou donataire), aux conditions suivantes:
o La donation doit avoir eu lieu dans les 5 ans qui précèdent le décès du donataire.
o La donation doit avoir été enregistrée ou être devenue obligatoirement enregistrable
avant la date du décès.
o Les biens donnés ou, s’ils ont été aliénés, leur contrevaleur, doivent être présents dans
la succession du donataire.

Dans la Région de Bruxelles-capitale, aucune disposition similaire n’a pour l’heure été
introduite dans le C. succ. Et le retour légal reste donc soumis en toutes circonstances aux
droits de succession.
Auteur: Eric Spruyt, notaire-associé Berquin Notaire, chargé de cours KU Leuven, chargé de cours
HUB & Fiscale Hogeschool, Bruxelles
[- 6 -]
------------------------------------------------------------------Remarque : vous souhaitez obtenir des informations plus concrètes après avoir lu ce texte ?
Malheureusement, Berquin Notaires SCRL ne peut pas vous conseiller par courriel. Eventuellement,
vous pouvez par contre nous téléphoner et convenir d'un rendez-vous avec un de nos juristes ou
notaires.
[- 7 -]