L`avenir de la planète s`écrit aujourd`hui

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L`avenir de la planète s`écrit aujourd`hui
10e Université des CCI - vichy - septembre 2006
Yves Michaud, philosophe, docteur en lettres et sciences humaines, diplômé de l’Ecole
normale supérieure, professeur des Universités, ancien rédacteur en chef des Cahiers
du Musée national d’art moderne Georges Pompidou, fondateur de l’Université de tous
les savoirs à la Sorbonne.
Publications : “Précis de recomposition politique” Climats Flammarion 2006,
“La philo 100% ado” Bayard presse 2003 et 2006, “Critères esthétiques et jugement du goût”
Hachette littérature 2005, “La violence “ Que sais-je ? 2004.
L
e rapport des hommes à la Terre soulève nombre d’interrogations et d’incertitudes
quant au futur même de l’aventure humaine.
L’avenir de la planète s’écrit aujourd’hui
L’action des populations et des activités techniques, industrielles et économiques a mis à mal un système climatique stable, depuis 5 000 ans.
Ce phénomène est susceptible de produire des effets futurs catastrophiques vis-à-vis desquels les hommes se retrouveront dans une relative
impuissance. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que les déséquilibres actuels sont le résultat des agissements des peuples au cours
des XIXe et XXe siècles. De la même manière, les remèdes d’aujourd’hui
ne produiront leurs effets sur le climat que dans les décennies à venir.
Par ailleurs, des évolutions fondamentales vont affecter l’organisation
et la répartition des zones de peuplement autour du globe. A l’horizon
2040-2050 le panorama démographique pourrait subir des modifications conséquentes : d’une part l’extrême vieillissement de la population
va peser sur l’activité et les choix politiques ; d’autre part de nouveaux
problèmes de migration induits par les mouvements de peuplement
devront être gérés. Si l’immigration est actuellement vécue comme
une fatalité dans de nombreux territoires, cette question démographique
sensible nécessitera des réponses appropriées. Il sera ainsi nécessaire,
par exemple, de mieux socialiser et acculturer les populations migrantes
au sein de leurs pays d’accueil.
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Monde fini ou nouvelles frontières... Quel futur pour l’aventure humaine ?
Comment changer de cap ?
Les problématiques liées à la croissance économique mériteront une attention toute particulière. Les débats précédents ont d’ailleurs laissé certaines questions en suspens : comment
mettre en oeuvre la décroissance ? Que faut-il véritablement entendre par le concept
de “croissance basée sur le modèle d’un développement durable” ? Comment gérer efficacement
les changements de rythme de cette croissance ? Sur ce dernier point, il n’est pas certain
que toutes les conséquences sociales et politiques futures induites par ces ruptures dans la production de richesses aient été mesurées.
Enfin, la dimension internationale de l’ensemble de ces difficultés à venir ne doit pas être
occultée. Des sources de conflictualité ayant pour enjeu le contrôle des matières premières,
des approvisionnements et de l’eau ont été mises en évidence. Les tensions peuvent également
naître des phénomènes de migration de populations, constituant alors autant de sources
de conflits possibles autour des valeurs et de la culture. Ces divers risques globaux remettent
au premier plan les préoccupations de politique internationale. Or, le constat est sans
équivoque : cette thématique est souvent absente des campagnes électorales internes,
notamment au sein des pays européens.
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10e Université des CCI - vichy - septembre 2006
Yves Michaud, philosophe
L’éthique à l’épreuve de la mondialisation
Deux dimensions de la science, cognitive et technique, ont été mises en évidence au cours
des débats. Nous avons tendance à privilégier la seconde par rapport à la première. Ces deux
facettes de l’activité scientifique renvoient à notre rapport ambigu au progrès : nous sommes
de fait partagés entre notre désir de connaissance et l’affirmation d’une volonté de puissance
sur la nature. Or le pouvoir que nous donne la science conduit à radicaliser l’opinion sur
ses effets, les uns pronostiquant la catastrophe, les autres la félicité. Nous avons abandonné
heureusement ces deux perspectives par trop simplificatrices. La science n’est, en effet, ni bonne
ni mauvaise a priori.
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Le changement majeur par rapport à l’évolution passée de la science tient en sa nouvelle
dimension économique et applicative. Le monde scientifique des XVIIe et XVIIIe siècles regroupait des cercles d’individus restreints. Le XXIe siècle consacre la société de la connaissance
et vénère la techno science à l’échelle planétaire. Les enjeux colossaux, industriels, financiers,
politiques et médiatiques peuvent pousser certains scientifiques à des dérives et à l’oubli
des valeurs éthiques.
10e Université des CCI - vichy - septembre 2006
Yves Michaud, philosophe
L
es enjeux planétaires, le développement durable et les risques pour l’humanité ne sont
plus seulement l’apanage du Monde Diplomatique. Chaque citoyen est aujourd’hui
conscient de la dimension globale des problèmes. Personne ne peut faire abstraction
des questions climatiques, écologiques, démographiques ou énergétiques dans toute analyse
du développement économique et social de l’Hexagone. Notre destin national est lié à celui
de la planète.
La globalisation,
formidable outil de rééquilibrage économique
Comment prendre en considération ce phénomène de globalisation ? Malgré la réalité du sousdéveloppement et de la pauvreté persistante, la globalisation est, tout d’abord, un formidable
outil de rééquilibrage économique. Il y a de nouveaux arrivants à la table du développement
qui veulent avoir leur place et la trouvent. L’Inde n’est pas seulement constituée de centres
d’appels ou d’industries de transformation. Aujourd’hui, ce pays possède ses propres laboratoires de recherche et des acteurs économiques de premier plan. Il en va de même pour
d’autres géants comme la Chine et le Brésil. Par conséquent, la vision tiers-mondiste de
la globalisation, pratiquée par les membres d’Attac et José Bové, est aujourd’hui datée. Elle se
prétend généreuse alors qu’elle est paternaliste. Elle prend toujours pour exemple l’Afrique
sans prendre en compte les autres pays du monde. Par ailleurs, cette vision nie les changements. Or, la France participe d’un système global qui accueille de nouveaux arrivants
extrêmement dynamiques.
Cette globalisation est elle-même soutenue par un certain nombre d’outils : la techno-science,
les biotechnologies, l’Internet, la conquête spatiale, jouent un rôle moteur dans le développement mondial. Enfin, l’exploration de notre système solaire et plus largement de l’univers
nous renseigne sur nos origines et renouvelle sans cesse notre vision du monde.
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Cette perception globalisée du monde accentue le choc des cultures. La globalisation a facilité
le transport des biens, des services, des capitaux mais aussi celui des personnes. L’émergence
des technologies de l’information a soutenu ce processus. Les populations défavorisées du globe
ont maintenant accès, par la télévision ou l’Internet, aux images de nos modes de vie occidentaux. L’attrait des pays industrialisés provoque ainsi des pressions migratoires fortes du Sud
vers le Nord, pouvant être des facteurs de chocs culturels forts.
Monde fini ou nouvelles frontières... Quel futur pour l’aventure humaine ?
Réhabiliter le futur
Par ailleurs, la globalisation a exacerbé les tensions entre les visions à court terme et celles
à long terme.
Certes, le court terme a sa valeur. Il représente le temps des décisions, celui où nous engrangeons les résultats indispensables pour voir à long terme. Mais cette vision fait aussi perdre
le sens des grands enjeux liés à l’avenir. Or ce “court-termisme” est aujourd’hui accentué par
la course à l’information, la frénésie de consommation de l’actualité et la communication
mondialisée. Il devient alors difficile de se projeter dans le futur, sauf d’une manière purement
fictionnelle.
Il est donc nécessaire de remettre sur le devant de la scène
la notion de long terme dans la prise de décision, aussi
bien dans les secteurs politiques, économiques que
sociaux.
Dans quels domaines doit-il alors y avoir des investissements à long terme ? Sans aucun doute, nous devons
les concentrer, en premier lieu, dans l’enseignement.
Le développement du secteur de la recherche en dépend.
Aujourd’hui, notre société s’appuie sur la techno science
mais il est difficile d’avoir dans le secondaire des élèves
qui s’orienteront vers des études scientifiques. Dans
les premières années d’université scientifique, nous voyons
arriver des jeunes très faibles en mathématiques. Cela
implique que des décisions à long terme soient prises
dès le collège afin de remédier à cette situation. Des
démarches similaires doivent également être engagées
dans le secteur des marchés financiers. Un certain nombre de jeunes économistes redécouvrent la problématique de la rentabilité des investissements à long terme.
Enfin, au niveau sociétal, les citoyens auront à prendre davantage en considération certaine
valeurs, comme celle du travail, même si cela heurte leur propension à l’hédonisme.
Notre pays possède des atouts non négligeables et la France avance en dépit de ses lourdeurs
bureaucratiques, de ses résistances au changement, de sa nostalgie. Mais la question n’est pas
tant celle d’avancer que de savoir dans quel sens se diriger. Sachons puiser dans nos traditions
la force nécessaire à notre modernité et cultiver la singularité de notre identité pour mieux
vivre dans notre monde définitivement globalisé.
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