resultats de l`enquete nationale sur la hernie discale

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resultats de l`enquete nationale sur la hernie discale
RESULTATS DE L’ENQUETE NATIONALE
SUR LA HERNIE DISCALE DORSALE
THORACIC DISC HERNIATION.
FRENCH NEUROSURGICAL
REVIEW OVER FIVE YEARS (1996 TO 2000)
J. Godard
Service de Neurochirurgie - Hôpital Jean Minjoz (Besançon)
Résumé
Summary
es résultats d’une enquête nationale étalée sur
cinq ans font état de 224 hernies discales dorsales opérées, ce qui représente la plus importante série publiée à ce jour ; 29 Centres de
Neurochirurgie ont participé. Le taux de hernie discale dorsale opérée est faible, soit en moyenne une par an
sauf pour quelques Centres qui ont un taux un peu plus
élevé. Toutes les hernies discales dorsales ne sont pas
chirurgicales et finalement peu sont symptomatiques.
Les voies d’abord utilisées pour leur exérèse sont
essentiellement postéro-latérales (67%). Les abords
thoraciques sont encore peu fréquents (11%) malgré
l’essor de l’endoscopie. Les résultats sont comparables
à d’autres séries internationales pour les bons résultats
(75%). Le problème de cette pathologie est en rapport
avec le risque d’aggravation neurologique après chirurgie, dans la série présentée il est inférieur à d’autres
séries internationales puisqu’il est de 11,6% par rapport à une moyenne de 14%.
L
he symptomatic herniated thoracic diseases
are rare and the management is discussed.
During five years between 1996 to 2000, a
serie of 224 herniated discs are reported after a surgery. The posterolateral approach is the most frequent
(67%). The endoscopic thoracic approach is less
important (11%). The good outcomes are almost 75%.
The problems of the pathology are the risks of neurologic complications in that serie it’s 11,6%. So it seems
interesting of the discussion for a selected indication
and for a good surgical approach.
Mots-clefs : Hernie discale dorsale - Chirurgie - Endoscopie.
Key-words : Thoracic herniated disc - Surgery.
RACHIS - Vol. 15, n°1, Février 2003.
T
15
DOSSIER
Article original
J. Godard
a pathologie de la hernie discale dorsale est peu
fréquente, , elle ne représente que 0,5 à 1,8% des
hernies discales rachidiennes opérées dans la littérature. La Société Francophone de Neurochirurgie du
Rachis a décidé d’aborder ce sujet lors de ses 14èmes
Journées annuelles, en Mai 2002 à Besançon, et de réaliser une enquête nationale.
Les niveaux les plus fréquemment opérés ont été les
niveaux inférieurs du rachis dorsal :
T1-T2 : 8 hernies discales dorsales, soit 3,5% ;
T2-T3 : 1 hernie discale dorsale, soit 0,4% ;
T3-T4 : 9 hernies discales dorsales, soit 4% ;
T4-T5 : 4 hernies discales dorsales, soit 1,8% ;
T5-T6 : 5 hernies discales dorsales, soit 2,23% ;
T6-T7 : 33 hernies discales dorsales, soit 14,8% ;
T7-T8 : 19 hernies discales dorsales, soit 17,6% ;
T8-T9 : 31 hernies discales dorsales, soit 13,8% ;
T9-T10 : 19 hernies discales dorsales, soit 8,4% ;
T10-T11 : 50 hernies discales dorsales, soit 23,4% ;
T11-T12 : 45 hernies discales dorsales, soit 20,1%.
L
Nous remercions les 29 Centres publiques et privés qui
ont bien voulu nous envoyer leurs résultats sur 5 ans,
de 1996 à 2000. Deux Centres européens, l’un italien,
l’autre luxembourgeois ont également accepté de participer à cette enquête. Cette enquête nous permet de
présenter la plus grande série rapportée à ce jour, soit
224 hernies discales dorsales opérées. L’intérêt de
cette étude est d’apprécier à la fin du XXème siècle l’évolution des données diagnostiques et l’intérêt des
progrès thérapeutiques dans cette pathologie.
La symptomatologie est tout à fait classique. Les troubles neurologiques en rapport avec la compression
médullaire allant de la paraparésie motrice, des troubles
sensitifs ou des troubles sphinctériens, chez 133 patients
soit 60%. Le 2ème signe classique est les douleurs rachidiennes en hémiceinture chez 95 patients soit 43,18%.
Matériel et Méthodes
Les examens complémentaires sont représentés essentiellement par l’IRM pour le diagnostic, le scanner en cas
d’impossibilité. Dans quelques cas (18/221), une artériographie médullaire a été réalisée en particulier pour situer
l’artère d’Adamkiewicz. Les potentiels évoqués somesthésiques ont été utilisés seulement chez quelques
patients mais ils ne sont pas apparus contributifs.
Un questionnaire standard et anonyme a été envoyé à
tous les Services de Neurochirurgie publics ou privés
avec 8 items à remplir :
- le nombre de hernie discale dorsale opérée de 1996 à
2000 ;
- le sexe des patients ;
- le niveau de la hernie ;
- les symptômes pré-opératoires ;
- la technique chirurgicale employée ;
- les résultats post-opératoires ;
- les complications ;
- la survenue d’événements particuliers.
Plusieurs techniques chirurgicales ont été utilisées
pour ces hernies discales dorsales. La plus fréquente a
été l’abord postéro-latéral avec utilisation du microscope chez 146 malades, soit 66,36%) ; chez 51
patients (23,18%) c’est un abord postérieur avec fraisage du pédicule qui a été réalisé. L’approche intrathoracique avec utilisation du microscope classique a
permis l’exérèse de la hernie discale chez 17 patients
(7,72%). L’abord thoracique par endoscopie seule a été
effectué 6 fois (2,72%). L’emploi d’une arthrodèse
complémentaire associée à une ostéosynthèse fut
nécessaire dans 3 cas de chirurgie par voie postérolatérale et dans 3 cas après une voie d’abord antérieure thoracique, soit un total de 6 patients (2,72%).
Une analyse synthétique de 224 hernies discales dorsales (HDD) opérées sur 5 ans, chez 221 patients, a été
effectuée ; ce qui représente la plus grande série internationale rapportée à ce jour.
Trois Centres Neurochirurgicaux sont apparus très actifs
dans cette pathologie rare, puisqu’ils rapportent, pour
l’un d’entre eux 28 HDD recueillies et opérées sur 5 ans
; pour un autre 23 HDD et pour un dernier 16 HDD. La
majorité des autres Centres ont opéré 4 à 5 HDD sur 5
ans, c’est-à-dire environ 1 HDD par an en moyenne.
Résultats
La répartition selon le sexe montre pratiquement une
égalité entre les hommes, 113 patients, et les femme,
108 patientes.
Les résultats de cette série montrent l’absence de mortalité liée directement à cette chirurgie. Un seul patient
est décédé d’une embolie pulmonaire intercurrente.
RACHIS - Vol. 15, n°1, Février 2003.
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Résultats de l’enquête nationale sur la hernie discale dorsale
Le pourcentage des hernies discales dorsales opérées
est faible, de 0,15 à 1,8% (3, 6, 8, 10) de l’ensemble
des hernies discales intra-rachidiennes.
L’amélioration clinique a été le plus souvent constatée
tant sur les troubles neurologiques que sur la douleur
auprès de 165 patients (7,3%).
Dans 24 cas, le patient n’a pas été amélioré mais sa
symptomatologie est restée stable. 4 patients sont perdus de vue, soit un taux faible de 1,8%. Il n’a pas été
permis d’évaluer leurs résultats.
Pour 25 patients, soit 11%, il a été constaté malheureusement une aggravation de la symptomatologie clinique en particulier des troubles neurologiques parfois
de troubles transitoires, le plus souvent permanents.
Ces aggravations ont pu être dues au type de hernie
discale opérée, 2 cas de hernie calcifiée, ou à des problèmes vasculaires dans un cas opéré en 10 avec un
hémato-rachis et un cas en T7 avec un saignement veineux sur un ligament intervertébral calcifié. Dans 2
cas une évolution locale a été constatée au niveau
médullaire avec le développement d’une syringomyélie symptomatique.
Ces complications sont apparues plus fréquentes pour
les voies d’abord postérieures par rapport aux voies
antérieures mais le nombre d’opérés par voie antérieure est plus restreint. Une seule aggravation a en effet
été notée pour cette dernière voie. Une autre complication pour les voies antérieures est dans un cas la survenue d’une douleur intercostale.
Rentrant dans le cadre de la morbidité, des complications plus classiques de type infectieux ont été signalées, 2 spondylodiscites ayant nécessité un traitement
antibiotique prolongé et une infection de paroi qui a du
être reprise chirurgicalement. 5 fistules de liquide
céphalo-rachidien (LCR) ont été diagnostiquées, seule
a nécessité une reprise chirurgicale, les autres se sont
taries spontanément. Chez 2 patients opérés par voie
postéro-latérale est survenu un épanchement pleural
qui a guéri par simple drainage.
Il peut exister des associations pathologiques : 2
patients opérés d’une hernie discale dorsale avaient
une sclérose en plaques dont 1 a été diagnostiquée
après la chirurgie ; chez 1 patient un neurinome intrarachidien a été opéré dans le même temps opératoire.
A partir d’une série de 82 cas, étalés sur 20 ans,
Stillerman (14) rapporte la fréquence des hernies en T8 et
T11, ce qui est peu différent de notre série où l’on retrouve l’importance du niveau T11-T12, T8 mais aussi T7.
Dans la plupart des cas rapportés dans la littérature, les
troubles neurologiques sont très fréquents, ils dominent le tableau clinique (12, 17) associés à des douleurs radiculaires (de 43,18% pour notre série à 76%
pour Rosenthal (11). Ces troubles neurologiques sont
en rapport avec l’étroitesse du canal rachidien dorsal et
des hernies souvent médianes (94% dans la série de
Stillerman -14-) pour seulement 6% latérales.
La calcification de ces hernies discales n’est pas rare ce
qui augmente encore la difficulté de leur approche. Toutes
d’ailleurs ne sont pas symptomatiques. Il semblerait qu’un
traumatisme du rachis direct ou indirect soit un facteur
favorisant dans 1/3 des cas dans certaines séries (2).
Dans la littérature, les voies d’abord utilisées sont celles rapportées dans notre série, voies postérieure, postéro-latérale avec arthropédiculectomie, le plus souvent (5, 6, 15). Les voies thoraciques ont été utilisées
depuis de nombreuses années mais elles restent moins
fréquentes (16). L’utilisation de l’endoscopie n’a pas
entraîné une plus large utilisation de cette approche
(4). Lors des approches antérieures, une arthrodèse a
souvent été réalisée après l’exérèse de la hernie (11).
Les résultats sont peu différents malgré les différentes
séries ; ils sont autour de 75% de bons et très bons
résultats avec disparition des dowleurs et amélioration
des troubles neurologiques et comparables à ceux rapportés ici. Il n’existe pas réellement dans ces bons
résultats de différences entre les voies d’abord utilisées (7, 9, 13, 17).
Les complications rapportées vont de 13,8 à 14,6% (11,
14) ce qui est à peine supérieur à nos résultats de 11,6%.
Il s’agit soit d’apparition de nouveaux troubles neurologiques, soit d’aggravation des troubles existants.
Discussion
Dans la littérature les cas rapportés sont souvent peu
nombreux (1, 11, 14, 15) et les séries rapportées sont
pour la plupart multicentriques. Notre série apparaît
comme la plus importante de la littérature sur une
courte période de 5 ans (1996 à 2000).
RACHIS - Vol. 15, n°1, Février 2003.
Dans beaucoup de séries l’état clinique du patient reste
inchangé après la chirurgie, 11% pour notre série et
souvent autour de 20% pour celles de la littérature. Il
est évident que les auteurs qui rapportent seulement
17
J. Godard
quelques cas ont de bons résultats, car le nombre rapporté est faible et souvent les troubles cliniques étaient
déjà importants avant la libération intra-canalaire.
On retrouve également les complications classiques
peu fréquentes, que sont l’infection locale pouvant
aller jusqu’à la spondylodiscite, des cas plus rares avec
une fistule dorsopleurale (8).
parables à ceux de la littérature. Néanmoins, elle reste
une pathologie grave avec l’absence d’amélioration
des troubles neurologiques malgré l’intervention chirurgicale, et dans quelques cas une aggravation des
troubles neurologiques.
Malgré l’arrivée de l’endoscopie et les premiers résultats encourageants rapportés dès 1996 encore peu de
patients bénéficient de cette technique sur les 5 dernières années. Les voies antérieures restent donc encore marginales en milieu neurochirurgical mais elles
apparaissent très intéressantes et utiles pour de volumineuse hernie discale dorsale médiane calcifiée, en
diminuant le risque d’aggravation semble t-il.
■
Conclusion
La hernie discale dorsale représente une activité chirurgicale peu importante. Les résultats sont assez com-
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