Du lundi 23 au vendredi 27 juin Domaine privé John Zorn

Transcription

Du lundi 23 au vendredi 27 juin Domaine privé John Zorn
Roch-Olivier Maistre,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
Du lundi 23 au vendredi 27 juin
Domaine privé John Zorn
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert,
à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr
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Domaine privé John Zorn
du lundi 23 au vendredi 27 juin
Le sixième sens
L
Méticuleux, attentif au moindre détail, à la moindre
nuance. Le voir diriger au doigt et à l’œil une
formation au sein de laquelle il ne joue pas est un
moment de pure musique : tout s’entend à partir de
ses intentions exprimées, de sa gestuelle. Ludique,
implacable, passionnée.
Trublion. Insaisissable. Provocateur. Nuancé.
Ésotérique. Déterminé. Expérimental.
Perfectionniste. Artiste. Charismatique. Bâtisseur.
Rassembleur. Franc-tireur… Quelques-unes des
facettes qui esquissent le portrait cubiste de John
Zorn. Violente ou festive, d’une extrême sensualité
ou glaçant le sang, osant la mise à nu de la mélodie
et l’évidence d’un groove, plongeant dans des
textures électrisantes touffues ou explorant des
zones acoustiques improbables… Quelques-unes des
directions que peut prendre sa musique. D’un jour à
l’autre, d’un projet à l’autre. Et parfois d’une minute
à l’autre.
N
M
F
J
P
Les cinq soirées qui composent le Domaine privé
John Zorn sont à prendre comme l’expression des
cinq sens. Cinq angles d’un autoportrait cubiste,
forcément cubiste, pour évoquer Marguerite Duras,
à qui il a dédié l’une de ses musiques de chambre…
Le toucher pour la variété de la palette et des
timbres sollicités au cours de la soirée dédiée aux
musiques de chambre du Zorn-compositeur (le 27
juin). La vue, avec la soirée consacrée aux musiques
de films, son laboratoire permanent de compositions
dénudées, de textures sensuelles et de castings
insolites (le 25 juin). L’ouïe pour les infrasons et
la violence sonore qui génèrent des harmoniques
inédites dans le sommet de hardcore que constitue
le concert du 23 juin. L’odorat pour les effluves
envoûtantes du Moyen-Orient qui traversent les
fulgurances expressives de « Masada » (le 26 juin).
Le goût pour le projet inédit « The Dreamers », qui
croise deux générations successives de « zorniens » :
trois anciens – Baron, Ribot et Baptista – et trois
compagnons de route plus récents – Dunn, Saft et
Wollesen (le 24 juin). Cinq étapes pour deviner que
la nature de John Zorn relève à coup sûr du sixième
sens.
Pour approcher John Zorn, être prêt à tout.
Musicalement, esthétiquement, idéologiquement.
Car le garçon ne se plie à aucun système. Ou alors à
celui qui consiste à n’en avoir aucun. Si Zorn était un
peintre, il serait à la fois dada à ses débuts, figuratif
dans son versant jazz, adepte d’art brut pour le
hardcore, cartooniste pour des musiques de film,
expressionniste avec Masada, illustrant l’abstraction
lyrique pour nombre de musiques de chambre…
Mais avec lui, pas question de chronologie, de
« périodes », de développement progressif. Chez lui,
c’est la simultanéité qui prime. Tout, tout de suite.
Et en même temps. Ici et maintenant. Le paradoxe
du personnage, c’est son mouvement perpétuel.
Jamais il ne s’arrête de chercher, proposer,
expérimenter, enregistrer, composer, rassembler.
Improviser ? Il est depuis belle lurette convaincu que
ça ne s’improvise pas. D’où un ensemble de règles
du jeu. Pour une communauté de musiciens
étonnamment proches, complices, fidèles. Depuis
plus d’une vingtaine d’années pour les plus anciens.
Ils sont collectivement disponibles aux différentes
aventures que leur propose Zorn, comme autant de
terrains de jeux, d’échanges, d’essais. Avec à chaque
fois une règle du jeu bien précise. Car John Zorn est
un directeur musical d’une redoutable précision. Un
metteur en scène sachant exactement ce qu’il veut
obtenir de chacun des participants.
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Alex Dutilh
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LUNDI 23 JUIN – 20H
Necrophiliac
Mike Patton, voix
Fred Frith, guitare
John Zorn, saxophone
Painkiller
John Zorn, saxophone
Bill Laswell, basse
Mick Harris, batterie
Marc Ribot, guitare
Jamie Saft, claviers
Erik Friedlander, violoncelle
Trevor Dunn, basse
Ikue Mori, électronique
Joey Baron, batterie
Kenny Wollesen, batterie
Cyro Baptista, percussions
John Zorn, direction, saxophone
vendredi 27 juin – 20h
Magick
777
Fred Sherry, violoncelle
Michael Nicolas, violoncelle
Erik Friedlander, violoncelle
Gri-Gri
jeudi 26 juin – 20h
Salle pleyel
William Winant, 13 batteries
Sortilège
MARDI 24 JUIN – 20H
Masada Book Two: The Book of
Angels
The Dreamers
Masada String Trio
Marc Ribot, guitare
Jamie Saft, claviers
Kenny Wollesen, vibraphone
Trevor Dunn, basse
Joey Baron, batterie
Cyro Baptista, percussions
John Zorn, direction
Mark Feldman, violon
Erik Friedlander, violoncelle
Greg Cohen, contrebasse
John Zorn, direction
Michael Lowenstern, clarinette basse
Anthony Burr, clarinette basse
.·. (fay çe que vouldras)
mercredi 25 juin – 20h
Essential Cinema
Joseph Cornell
Rose Hobart
Wallace Berman
Aleph
Harry Smith
Oz: The Tin Woodman’s Dream
Joseph Cornell
By Night With Torch and Spear
Maya Deren
Ritual in Transfigured Time
Bar Kokhba
Marc Ribot, guitare
Mark Feldman, violon
Erik Friedlander, violoncelle
Greg Cohen, contrebasse
Joey Baron, batterie
Cyro Baptista, percussions
John Zorn, direction
Stephen Drury, piano
Necronomicon
Crowley Quartet
Jenny Choi, violon
Jesse Mills, violon
Lily Francis, alto
Fred Sherry, violoncelle
Masada
John Zorn, saxophone
Dave Douglas, trompette
Greg Cohen, contrebasse
Joey Baron, batterie
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LUNDI 23 JUIN – 20H
Salle des concerts
Necrophiliac / Painkiller
Necrophiliac
Mike Patton, voix
Fred Frith, guitare
John Zorn, saxophone
entracte
Painkiller
John Zorn, saxophone
Bill Laswell, basse
Mick Harris, batterie
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lundi 23 juin
John Zorn versant punk, version jazzcore. Certains fans exclusifs de Masada l’oublient
trop souvent : cet explorateur jusqu’au-boutiste adore aussi le boucan bruitiste, l’énergie
décapante du métal extrême. Il nous le prouve ce soir en réunissant autour de son
saxophone enfiévré quelques grands forcenés des musiques telluriques. Very noisy.
Necrophiliac
Improvisateur toujours imprévisible, Fred Frith défrise toutes les musiques qu’il aborde.
Depuis plus de trente ans, cet Anglais incorruptible navigue dans un univers sonore
à mi-chemin entre le rock avant-gardiste et la musique contemporaine, sans jamais se poser
la question des styles et des étiquettes. C’est en 1978 que le guitariste a rencontré pour la
première fois le saxophoniste new-yorkais. Ils ont poursuivi leur dialogue passionné, basé
sur le changement permanent des règles du jeu, le plus souvent dans la formule du duo
(Step Across The Border ou The Art of Memory en portent témoignage), mais aussi
longtemps au sein de Naked City dont il fut le bassiste attitré. Ce compagnonnage leur
a permis de tisser au fil des ans une complicité proche de la télépathie. Constamment à
la recherche de nouveaux défis, mais ne refusant jamais la tentation d’un certain lyrisme,
les deux comparses aiment à donner une musique cérébrale et émotionnelle. Entre eux,
tout se joue sur l’énergie, le hasard, la fulgurance et la surprise. Rares sont les improvisateurs
qui ont su développer cette capacité à inventer de l’inouï à partir d’un tel fouillis de scories.
Pour célébrer leurs retrouvailles, John Zorn a fait appel à un personnage hors zone, un drôle
de zigoto zarbi tel qu’il les affectionne : son nom est Mike Patton. Cet agité du vocal radical
éructe plus qu’il ne chante. Il gémit, implore, hurle, murmure, le micro souvent dans la
bouche pour jouer des modulations de fréquence. Créateur de Mr Bungle, ex-chanteur
de Faith No More, leader de Fantomas, il est aussi le fondateur de Tomahawk, groupe pour
lequel il a créé son propre label, Icepac, pour y crier de la musique vraiment méchante.
Tous les membres de l’orchestre sont habillés en flics tandis que lui chante dans un masque
à gaz !
Painkiller
Crée en 1991 par John Zorn, Mick Harris (Napalm Death, Scorn) et Bill Laswell (Praxis,
Material, Tabla Beat Science), Painkiller s’offre comme un cocktail diaboliquement explosif
de free jazz, hardcore, dub et noise rock. C’est un trio hyper amphétaminé qui ose tous les
paroxysmes et oscille librement entre attraction et effroi. « Cela est supposé être, dit Zorn,
du “shrill noise”, du bruit strident. Cela doit être donc “painfull”, forcément douloureux. »
Nous voilà prévenus !
Le moteur de ce « Power Trio », c’est à l’évidence Mick Harris, matraqueur de génie qui
pulvérise avec jubilation les sons en mille éclats fracassants. Celui que l’on a surnommé
« Human Tornado » a rencontré John Zorn au Japon en 1989 quand il était encore le batteur
de Napalm Death, groupe dont le saxophoniste était un grand fan. Scandaleusement ignoré
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des jazzophiles, cet allumé des tambours est vénéré dans le monde des « métalleux »
comme le créateur du « grindcore » (la forme la plus extrême du métal) et l’inventeur
d’un nouveau « drumkit » rapide et violent : le « blast beat », une rafale de caisses claires
enchaînée dans un roulement de double grosse-caisse et un déluge de cymbales.
Au-dessus d’un tel volcan rythmique, John Zorn peut se lancer dans ses plus stridentes
improvisations, s’autoriser les tressautements d’alto les plus hystériques, les hurlements
les plus suraigus. Mais pour pulser une telle musique chaotique et virevoltante,
furieusement improvisée, toujours au bord du gouffre, pour fluidifier cet art brut et brutal,
il faut un bassiste d’exception. John Zorn l’a trouvé en Bill Laswell, musicien polymorphe
à son image, tout à la fois bassiste, ingénieur du son, producteur, remixeur, etc. Avec ses
lignes de basses grondantes, élastiques et liquides, il sait bricoler comme personne un
environnement sonore toujours propice aux échappées les plus improbables. Bon voyage !
Pascal Anquetil
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MARDI 24 JUIN – 20H
Salle des concerts
The Dreamers
Marc Ribot, guitare
Jamie Saft, claviers
Kenny Wollesen, vibraphone
Trevor Dunn, basse
Joey Baron, batterie
Cyro Baptista, percussions
John Zorn, direction
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The Dreamers
John Zorn est ce zappeur qui aime à zigzaguer entre des zones musicales très contrastées
et toujours recommencées. L’éclectisme et la diversité de la programmation des cinq
soirées du « domaine privé » que la Cité de la musique lui consacre en est la plus éclatante
preuve. Avec The Dreamers, loin des excès zarbi de Painkiller, il dévoile la face zen de son
monde musical, univers kaléidoscopique en expansion et révolution permanente. C’est le
versant « musiques légères », comme on disait avant à la radio.
Ce nouveau groupe s’offre comme le quatrième volet d’une série qu’il a choisi d’intituler
« Music Romance ». Inaugurée en 1998 avec Music for Children et poursuivie avec Taboo
and Exile, elle trouve son premier achèvement avec The Gift. La distribution des Dreamers
est parfaite, rassemblant les plus fines gâchettes d’Electric Masada. Son originalité est de
réunir dans cette équipe incroyablement soudée deux générations de « Zorn Messengers ».
La première est constituée de trois anciens compagnons de route du « leader massimo »
avec Joey Baron, Marc Ribot et Cyro Baptista, la seconde de « zorniens » plus récents avec
Jamie Saft, Kenny Wollesen et Trevor Dunn. N’oublions surtout pas le septième musicien
du sextet, John Zorn lui-même. S’il n’intervient à l’alto que sur un seul titre de l’album du
même nom (« Toys »), assis sur une chaise face à ses musiciens, dans le rôle du catalyseur
et metteur en ondes, tel Zébulon monté sur ressorts, Zorn joue de son orchestre avec
toute une gestuelle étrange et passionnée, contrôlant les moindres détails d’interprétation,
relaçant d’un regard ou d’un mouvement de la main l’envolée d’un soliste… Tout un
spectacle ! « Mon travail de directeur musical, dit-il, consiste à concilier la spontanéité
de mes musiciens avec le souci de la forme. » Pari ici somptueusement gagné.
La musique proposée par John Zorn dans ce nouveau projet prend gaiement le risque d’être
assimilée par des oreilles paresseuses à de l’« easy listening ». C’est vite oublier que sous
le vernis d’une apparente simplicité, sous ses mélodies insidieuses et son groove gravement
hypnotique se cachent toute une luxuriance de nuances, un fourmillement de couleurs
satinées, une richesse de textures qui ne se découvrent qu’au fil d’écoutes répétées de
l’album. Brassant avec délicatesse les musiques de film (on pense insensiblement à l’univers
de Quentin Tarantino), le blues lisse, le rock sensuel tendance Velvet Underground,
la sunshine pop, la surf music des années soixante, l’exotica et le soul jazz suavement
funky, The Dreamers nous régale d’une musique frémissante de charme, immédiatement
dansante, mais qui sait être aussi par instants inquiétante, toujours teintée d’un voile de
nostalgie douce. « Le jazz, a écrit Sagan, c’est de l’insouciance accélérée. » Avec Zorn,
il faut ajouter « mais toujours contrôlée ».
L’homme au cœur de la réussite des Dreamers, c’est sans nul doute Marc Ribot,
magnifique, imprévisible, inventif de bout en bout. Il n’est que d’écouter sa guitare
Fender sur « Anulikwutsay », envoûtante mélopée minimaliste, pour être convaincu de
son génie. « Il est, selon Zorn, l’un des vrais révolutionnaires de la guitare, instrument
qu’il a su réinventer, repenser totalement. Avec lui, tout est possible. » Autour de lui, les
cinq autres musiciens ne sont pas venus faire de la figuration. Loin de là ! Le triomphant
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mardi 24 juin
trio rythmique composé de Joey Baron à la batterie (modèle de souplesse et de finesse
mêlées), Kenny Wollesen au vibraphone (également batteur et fondateur du New Klezmer
Trio) et Cyro Baptista (tapisseur allumé de percussions soyeuses) fonctionne à merveille
et se trouve les yeux fermés. Quant à Trevor Dunn, imperturbable, il cimente à lui seul
toute la musique de ses lignes de basse aussi solides qu’économes. Enfin au piano,
à l’orgue ou au Fender Rhodes, Jamie Salt apporte sa touche personnelle avec toute
sa palette de couleurs essentielles. Pas de doute, avec une telle association de talents,
les Dreamers sont vraiment une « Dream Team ».
Pascal Anquetil
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mercredi 25 juin – 20h
Salle des concerts
Essential Cinema
Joseph Cornell
Rose Hobart
Wallace Berman
Aleph
Harry Smith
Oz: The Tin Woodman’s Dream
Joseph Cornell
By Night With Torch and Spear
Maya Deren
Ritual in Transfigured Time
Marc Ribot, guitare
Jamie Saft, claviers
Erik Friedlander, violoncelle
Trevor Dunn, basse
Ikue Mori, électronique
Joey Baron, batterie
Kenny Wollesen, batterie
Cyro Baptista, percussions
John Zorn, direction, saxophone
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mercredi 25 juin
Essential Cinema
S’il est un moteur qui attise le désir polymorphe de John Zorn, c’est bien la curiosité.
« J’ai toujours été curieux de ce qui pouvait m’étonner. Je cherche en permanence à
tomber sur quelque chose qui me bouleverse, me questionne, dont l’intensité me fascine. »
Le cinéma, par exemple, est l’une de ses grandes passions. Surtout le film expérimental
pour lequel il a écrit d’innombrables bandes-son, qu’il a ressemblées dans sa collection
« Filmworks ». Les musiques de film constituent pour Zorn le laboratoire secret in vivo dans
lequel il peut expérimenter en toute liberté des alliages sonores et des textures inédites.
Pour jouer les musiques qu’il a imaginées pour les courts-métrages qu’il a choisi de nous
faire découvrir, il a fait appel à son all star. Electric Masada, c’est une constellation qui
réunit trois fabuleux percussionnistes (Joey Baron, Cyro Baptista et Kenny Wollesen),
un clavier tout terrain (Jamie Saft), un contrebassiste groovy (Trevor Dunn), un violoncelliste
espiègle (Erik Fiedlander) et un guitariste en perpétuel état de grâce (Marc Ribot), sans
oublier Zorn en personne, dirigeant le tout par jets d’alto incandescents.
La règle du jeu que s’est donnée Zorn pour écrire ses musiques de films est simple :
s’inscrire à chaque fois dans les cadres édictés par la forme cinématographique qu’impose
l’œuvre. Pour cette soirée, le saxophoniste a choisi cinq courts-métrages rares qui ont
marqué l’histoire du cinéma expérimental. Revue de détail.
Joseph Cornell
Rose Hobart (1936/39)
Rose Hobart est un chef-d’œuvre pionnier du cinéma expérimental. Joseph Cornell s’y
livre à une reconstruction fascinante : le remontage d’East of Borneo, un film d’aventures
exotiques tourné en 1931 par George Melford pour Universal. La vedette en était la
troublante Rose Hobart. Dans son film, Cornell ne s’intéresse qu’à elle, à son visage anxieux
et aux gracieux mouvements de son corps. À partir d’éléments filmiques préexistants,
projetés à la vitesse du muet, tout le travail poétique de Cornell consiste à réorganiser
le montage par la juxtaposition délibérée de plans qui ne concordent pas, par tout un
jeu d’ellipses et de faux raccords, par la succession de brusques changements de lieux
et de séquences pouvant contenir jusqu’à huit plans d’affilée. Après avoir vu Rose Hobart,
Salvador Dalí sera furieux contre Cornell, l’accusant de lui avoir volé « son » concept.
Le cinéaste en sera profondément affecté.
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Wallace Berman
Aleph (1956/1966)
Méditation sur la vie et la mort, ce film est le seul qu’ait jamais signé ce peintre « hipster »,
ce visionnaire de la « beat generation ». Allen Ginsberg, pour définir son monde étrange
inspiré par le mysticisme juif, a inventé le mot de « bop kabbalah ». Wallace Berman
a réalisé avec Aleph (la première lettre de l’alphabet hébraïque) un collage d’images
directement peintes sur le film 8mm avec l’aide d’une antique photocopieuse de marque
Verifax.
Harry Smith
Oz: The Tin Woodman’s Dream (1967)
Peintre, musicologue spécialiste de l’« American folk music », Harry Smith s’est lancé au
milieu des années soixante dans la réalisation d’un long-métrage d’animation en couleurs
inspiré par Le Magicien d’Oz. Faute de moyens financiers, il fut contraint d’abandonner
son projet en cours de route. Ce court-métrage est en fait un collage construit à partir
d’un film précédent (Film #13: The Approach of Emerald City), auquel a été ajouté Film #16,
un montage d’effets kaléidoscopiques tourné en 1966.
Joseph Cornell
By Night With Torch and Spear (années 1940)
Ce film de 8 minutes est un collage d’images (montées en ensemble, inversées et à l’envers)
de fonderies, de plans violets de métal en fusion et de nuages bleu foncé. S’y ajoutent des
images jaunes d’Indiens qui dansent devant un feu. Le film finit par des taches noires sur
fond blanc qui bougent par pulsations.
Maya Deren
Ritual in Transfigured Time (1946)
Réalisatrice avant-gardiste américaine d’origine ukrainienne, Maya Deren est la poétesse
des « films de chambre ». Ce court-métrage se savoure comme un rêve éveillé dont la belle
Rita Christiani est la vedette. Les séquences s’enchaînent sans évidente logique narrative,
comme celle de la sensuelle scène de bal, sublime tourbillon onirique.
Pascal Anquetil
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vendredi 27 juin – 20h
Salle des concerts
Magick
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Fred Sherry, violoncelle
Michael Nicolas, violoncelle
Erik Friedlander, violoncelle
Gri-Gri
William Winant, 13 batteries
Sortilège
Michael Lowenstern, clarinette basse
Anthony Burr, clarinette basse
.·. (fay çe que vouldras)
Stephen Drury, piano
Necronomicon
Crowley Quartet
Jenny Choi, violon
Jesse Mills, violon
Lily Francis, alto
Fred Sherry, violoncelle
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Magick
« Mon monde musical, affirme John Zorn, est comme un prisme. Quand vous regardez à
travers, il va dans des millions de directions différentes et démultiplie les visions que l’on
peut en avoir. » Ceci explique qu’il interdit toute distinction pertinente entre les genres et
les styles. Il est impossible de l’explorer par « périodes ». L’approche chronologique s’avère
inopérante tant la simultanéité prime. « Même si la notion d’évolution permanente domine
toute ma trajectoire, je suis convaincu que, dans mon cas, la notion de continuum y est aussi
très présente. ». Le sorcier new-yorkais laisse à chacun le soin de découvrir par lui-même la
cohérence d’une œuvre protéiforme, fondée sur le principe d’accumulation plutôt que celui
de progression.
Avec « Magick » (titre d’un album de 2004), John Zorn présente un nouveau visage : celui
de compositeur de musique contemporaine, fasciné par l’occulte, l’ésotérisme, le surnaturel
et plus spécialement la kabbale. « En magie, dit-il, il n’y a ni bien ni mal. C’est une science
qui consiste à provoquer des changements par la volonté individuelle. » Ici celle, diabolique
de précision et d’exigence, d’un musicien iconoclaste dont l’orchestre, comme disait Zappa,
est « l’ultime instrument ».
777 – Créée en février 2008 au musée Guggenheim par un trio de violoncellistes
d’exception (Fred Sherry, Mike Nicolas et Erik Friedlander, fidèle compagnon de route de la
saga Masada), cette pièce inspirée par les « tables angéliques » d’Edward Kelley et John
Dee porte en exergue ce vers de William S. Burroughs : « Rien n’est vrai. Tout est permis. »
L’œuvre, très difficile à jouer, s’offre comme un chaos en perpétuel mouvement que
parviennent à brillamment apprivoiser ces trois virtuoses du violoncelle.
Gri Gri – Voilà une pièce d’une polyrythmie très savante qui a été écrite en 2000 pour
William Winant, l’un des plus brillants percussionnistes américains d’aujourd’hui. Son
itinéraire est aussi riche qu’éclectique : il a travaillé en toute proximité avec John Cage,
Steve Reich, mais aussi Sonic Youth et Mr. Bungle. C’est loin d’être un nouveau venu
dans la « communauté zornienne ». Gri-Gri est une pièce inspirée par le vaudou haïtien,
le chamanisme coréen et… une scène du Port de l’angoisse de Howard Hawks. Cette
composition pour treize tambours accordés comporte des passages quasi silencieux qui
parviennent à perturber l’organisation de cet exercice de « virtuoso voodoo ».
Sortilège – Créée en 2002, Sortilège est une pièce écrite pour deux clarinettes basses.
Elle doit agir comme un sort (« a spell »), nous prévient Zorn. « C’est la composition la
plus énergique et la plus outrageusement spectaculaire de tout mon répertoire. C’est aussi
l’une des pièces les plus difficiles qui aient jamais été écrites pour cet instrument ». Pour
l’interpréter, il fallait deux as de la clarinette basse : Mike Lowenstern et Anthony Burr le
sont. Sans discussion !
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vendredi 27 juin
.·. (fay çe que vouldras) – Créée en 2005 en référence à Rabelais, cette œuvre pour piano
solo entraîne dans un manège à musiques vivement colorées qui évoque par instants
Cage et Debussy (La Cathédrale engloutie). Dans le piano préparé, Zorn a mis, dans le
sillage de Henry Cowell et George Crumb, tout un attirail d’objets bizarres et grinçants.
Pour interpréter cette pièce acrobatique, il a fait appel à Steven Drury. Ce champion de
la musique américaine du XXe siècle, de Charles Ives à John Cage, connaît bien le monde
zornien pour avoir joué des pièces comme Cobra, Duras et Cat o’Nine Tails.
Necronomicon – Cette œuvre reprend le nom d’un ouvrage fictif inventé par H. P. Lovecraft
à l’occasion de la rédaction de La Cité sans nom, achevée en 1921. Il y est fait pour la
première fois mention du célèbre couplet énigmatique : « N’est pas mort ce qui à jamais
dort et, au long des siècles, peut mourir même la Mort ». Écrite en 2003 pour le Crowley
Quartet, cette pièce dramatique, pleine de violence et d’effroi, enchaîne cinq parties
(« Conjurations », « The Magus », « Thought Forms », « Incunabula » et « Asmodeus »),
alternant les mouvements ultrarapides et les plages plus méditatives, avec force
« zornementations » polytonales et dissonantes. Sidérant !
Pascal Anquetil
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Et aussi…
> JAZZ STANDARDS
du 5 au 10 décembre 2008
La Cité de la musique et le Parc et la
Grande Halle de la Villette présentent
la nouvelle édition du festival Jazz à
la Villette. Danse, théâtre, arts visuels,
cinéma, mais aussi rock, musiques
électroniques rencontrent et célèbrent
le jazz sous toutes ses formes… « Jazz
is not dead ! »
Vendredi 5 décembre, 20h
Anne Teresa De Keersmaeker • Archie
Shepp • Charles Lloyd • Bumcello •
Lalo Schifrin • Joshua Redman •
Nosfell • Guy Le Querrec, Michel
Portal, Louis Sclavis, Henri Texier &
Jean-Pierre Drouet • Pierre Henry &
Erik Truffaz • Matthew Herbert Big
Band • Tortoise • The Bad Plus meets
Sex Mob • The Ex & Getatchew Mekuria
• Vernon Reid • Le Sacre du Tympan •
James Chance & les Contorsions • DJ
Spooky…
Information et réservation aux guichets
de la Cité de la musique / par téléphone
au 01 44 84 44 84 / par Internet sur
www.jazzalavillette.com
> Master-classes Jazz 2008
Dans le cadre du Festival Jazz à la
Villette, deux master-classes sont
proposées :
• Henri Texier, du 3 au 6 septembre
• le Surnatural Orchestra, du 10 au 12
septembre.
Body & Soul
Eric Legnini Trio
Eric Legnini, piano
Mathias Allamane, contrebasse
Franck Agulhon, batterie
> MÉDIATHÈQUE
• Venez réécouter ou revoir
les concerts que vous avez aimés.
• Enrichissez votre écoute en suivant
la partition et en consultant
les ouvrages en lien avec l’œuvre.
• Découvrez les langages et les styles
musicaux à travers les repères
musicologiques, les guides d’écoute
et les entretiens filmés, en ligne
sur le portail.
http://mediatheque.cite-musique.fr
Samedi 6 décembre, 20h
Dimanche 7 décembre, 16h30
LA SÉLECTION DE LA MÉDIATHÈQUE
Brad Mehldau Piano Solo
En écho à ce concert, nous vous
proposons…
Mercredi 10 décembre, 20h
Sketches of Spain
Une relecture de l’œuvre légendaire de
Gil Evans/Miles Davis
Joaquín Rodrigo/Gil Evans
Concierto de Aranjuez (Adagio)
Manuel de Falla/Gil Evans
Will O’ the Wisp (d’après L’Amour
sorcier)
Gil Evans
The Pan Piper, Saeta, Solea
Dave Liebman, saxophones
Manu Codjia, guitare
Jean-Paul Celea, contrebasse
Wolfgang Reisinger, batterie
Orchestre du Conservatoire à
Rayonnement Régional de Paris
Jean-Charles Richard, direction
Renseignement et dépôt de candidature :
[email protected]
01 44 84 45 02
> salle pleyel
mercredi 25 février 2009
John Zorn et Tzadik
Avec Elysian Fields, Marc Ribot & Ceramic
Dog, Esther Balint, Cyro Baptista &
Banquet of the Spirits, John Zorn…
… d’écouter :
For Your Eyes Only de John Zorn par
l’Ensemble intercontemporain sous
la direction de Peter Rundel, concert
enregistré à la Cité de la musique le 18
juin 2004 • les albums de John Zorn :
Electric Masada, Absinthe, Naked City,
Grand Guignol, Heretic
… de regarder :
A Bookshelf on top of the sky : 12 stories
about John Zorn de Claudia Heuermann
… de lire :
Dossier John Zorn (revue Jazzman
n° 129, 2006)
> Collèges Jazz
Cours du soir sur la musique jazz.
• Histoire du jazz et jazz stories
Avec Philippe Baudoin
Le mardi de 19h30 à 21h30 du 30
septembre 2008 au 10 février 2009
• Le jazz actuel
Avec Franck Bergerot et Vincent
Bessières
Le mardi de 19h30 à 21h30 du 3 mars
au 23 juin 2009
Imprimeur SIC | Imprimeur BAF | Licences no 1014849, 1013248, 1013252 > Festival Jazz à la Villette
Du 2 au 14 septembre 2008
Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Correctrice : Angèle Leroy | Stagiaires : Marie-Anaya Mahdadi, Émilie Moutin | Maquette : Elza Gibus
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