Planification du transport et développement durable

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Planification du transport et développement durable
Planification du transport urbain et développement durable:
Quelques réflexions à propos de la ville de Batna (Algérie).
Par : Farès Boubakour
Enseignant-chercheur, Faculté des sciences économiques et de gestion
Université El Hadj Lakhdar- Batna (Algérie)
Introduction :
L’objectif de ce papier est de présenter les documents de planification des transports et les
orientations qu’ils peuvent avoir en matière de développement durable. Il s’agit également de
positionner quelques aspects connexes tels la composante actuelle des transports publics dans
la ville de Batna, l’arbitrage véhicule individuel/transport collectif, la métropolisation et les
enjeux environnementaux.
1- Les documents planifiant l’organisation des transports
En application de la loi n°13-01 portant orientation et organisation des transports terrestres du
12 décembre 2001, le décret exécutif n°04-416 du 29 décembre 2004 est actuellement le cadre
juridique fixant les modalités d’élaboration et de mise en œuvre des plans de transport terrestre
de personnes.
Le plan de transport est vu, selon le premier article dudit décret, comme un instrument
d’optimisation de l’utilisation des moyens de transport pour une meilleure adéquation de l’offre
et de la demande de transport et de planification d’actions d’investissement au niveau, selon le
type de plan, national, régional ou local.
Au sens des textes, le plan de transport, peut être un plan de transport national, un plan de
transport de wilaya (équivalent du département) ou un plan de transport urbain. Ils devront être
élaborés pour une durée de cinq ans sur la base d’une étude technico-économique.
Globalement, les trois niveaux de planification mettent l’accent essentiellement sur les liaisons
routières et ferroviaires, sur les infrastructures d’accueil et sur les actions d’investissement à
mener.
En dépit du fait que le décret fixant les modalités d’élaboration et de mise en œuvre des plans
de transport cite en référence les deux lois, la 01-20 du 12 décembre 2001 et la 03-10 du 19
juillet 2004 relatives respectivement à l’aménagement et au développement durable du territoire
et celle de la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable, le contenu
du décret ne fait que très peu allusion aux considérations relevant de l’environnement et du
développement durable. Il semble s’intéresser davantage à la problématique d’adéquation
d’offre et de demande tout en décrivant les modalités d’élaboration des plans et les prérogatives
des acteurs.
Concrètement, la planification des transports s’effectue par rapport à deux niveaux :
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le plan de transport des wilayas ;
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le plan de transport urbain.
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Le plan de transport de la wilaya de Batna :
Le plan de transport de la wilaya est considéré par la direction de transport comme étant un
plan de transport simplifié du fait qu’il ne repose pas sur des études de prévision de la
demande. Il se présente sous forme d’un rapport d’activité élaboré annuellement par les
directions de transport de wilaya et remis au ministère des Transports après sa ratification
par l’Assemblée Populaire de la Wilaya (élus départementaux). Ce document renferme,
grosso modo, une série de statistiques sur les moyens de transport publics disponibles, les
manques à combler, les difficultés rencontrées, les prévisions, etc. Il formule aussi des
recommandations pour l’amélioration du système de transport tant urbain que celui de la
Wilaya.
Concernant les recommandations, il est à noter que le plan de transport de 2003 de Batna
(en langue arabe), et que nous avons étudié en détail, recouvre quelques aspects qui
relèvent de préoccupations en termes de développement durable que nous aimerions
justement souligner. En effet, le document part du principe, je cite : le transport collectif
constitue l’unique alternative à l’usage du véhicule particulier qui est en développement.
Cette option stratégique ne peut se réaliser, selon l’auteur du document, qu’en donnant une
priorité aux transports collectifs, c’est-à-dire plus infrastructures d’accueil, davantage
d’aménagement, de meilleurs moyens de transport réunissant les conditions de sécurité, de
confort et des prestations de qualité moyennant des prix compétitifs .
Le document suggère également :
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la mise en place de plan de transport urbain de Batna (au sens propre du terme) et de
plan de circulation ;
la construction de parking à étage pour désengorger les voies de circulation et améliorer
ainsi le cadre de vie ;
l’aménagement et organisation des arrêts des bus et de taxis ;
l’étude de faisabilité d’une ligne de tramways ;
la création d’une entreprise communale de transport public urbain pour dynamiser la
concurrence avec les privés.
Le plan de transport urbain de la ville de Batna :
Les plans de transport urbain sont commandés ici et là par les communes, notamment des
moyennes et grandes agglomérations. Ils sont menés par des bureaux d’études spécialisés
dont le BETUR d’Alger. Ces plans de transport sont faits sur la base d’études relativement
approfondies conformément à la méthodologie classique de planification des transports. A
noter cependant que dans le processus de prévision de la demande, les enquêtes ne
répondent toujours pas aux normes en termes de taille d’échantillons, de durée et fréquence
des enquêtes. En outre, les bureaux d’étude en question ne disposent pas de modèles de
trafic spécifiques et utilisent donc les logiciels achetés à l’étranger, tels quels, ce qui biaise
évidemment les estimations compte tenu des conditions locales en termes de comportement
de ménages, de caractéristiques de la mobilité, de méconnaissance des revenus (secteur
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informel important), etc. (Voir encadré). Les propositions du plan de transport couvrent le
court, moyen et long terme.
La ville de Batna a commandé en 1997 un plan de transport urbain auprès du BETUR
d’Alger. Les objectifs poursuivis par les autorités locales de Batna et exigés du BETUR lors de
l’élaboration du plan de transport ont été, je cite :
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assurer une meilleure efficacité économique de la ville en favorisant les déplacements
utiles, plus nombreux et de meilleure qualité ;
permettre à tout citadin, même non motorisé, de se déplacer vers toute destination ;
améliorer le cadre de vie en conciliant circulation automobile, sécurité, activité
économique et environnement.
En matière de transport public, l’étude menée par le BETUR en 1997 a montré de très
grandes insuffisances structurelles :
10 tout d’abord une surcapacité de la flotte d’autobus urbain ;
11 insuffisance des lignes et couverture spatiale limitée. Des zones géographiques
concentrant un volume important de population sont mal ou pas du tout desservies ;
12 réseau radial : correspondance uniquement par le centre ville, d’où des transports
inutiles ;
13 faible fréquence et mauvaise régularité sur certaines lignes rendant incertaines les
attentes des usagers.
D’où, justement une plus grande utilisation des taxis. Et, compte tenu de la faiblesse du taux
d’équipement (2,6 taxis pour 1000 habitants) deux fois moins comparé aux autres villes
semblables (6 véhicules), il y a eu un développement important de taxis clandestins.
Les différents diagnostics établis ont permis d’élaborer, en plus des mesures à court terme,
une stratégie à moyen et long terme : restructuration des transports collectifs,
réorganisation de la circulation, plan d’investissement, etc. En matière de mise en œuvre du
plan, les choses ont été autres.
En effet, pour ce qui est de la mise en œuvre des propositions et recommandations issues
du plan de transport urbain proposé par le BETUR pour la ville de Batna, il est à signaler que
ces dernières n’ont pas vu le jour et n’ont pas fait l’objet d’application sur le terrain, sinon
très peu. Le problème, dit-on, réside principalement dans le manque de moyens financiers.
Il semble aussi que ce problème de non mise en œuvre de plan de transport urbain n’est
pas propre à Batna et que la situation est à peu près la même dans les autres villes du pays.
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Planification des transports en Algérie: la nécessité d’un modèle de trafic spécifique.
Les données recueillies à partir des enquêtes sont introduites dans un logiciel de calcul de la
demande de transport pour traitement. Or, ces logiciels sont conçus dans les pays du Nord et
par conséquent, en termes de modélisation, ils n’ont rien à voir avec les réalités locales.
Si l’on regarde de près les algorithmes de calcul de la demande de déplacement, on se rend
compte que quel que soit le modèle utilisé, on a toujours recourt, pour l’élaboration de variables
explicatives, à des tables ou abaques représentant une " situation moyenne". Cette situation
moyenne peut évidemment être, selon le cas, une situation moyenne française, anglaise voire
même canadienne. Ainsi, à défaut d'enquêtes spécifiques, les coefficients sont pris égaux à des
valeurs « standards » ! Ainsi deux ménages ayant même taille, même revenu et même
motorisation engendreraient le même nombre de déplacement quel que soit l'horizon considéré.
On supposant même que ce raisonnement reste valable pour deux ménages au sein de la même
société occidentale, pourrait-on, par extension, généraliser le comportement et la mobilité d’un
ménage du Nord-Pas-de-Calais à celui d’un ménage des Haut-plateaux algériens ? D’une part,
les deux ménages, dont il est question, n’ont pas les mêmes réflexes, ni les mêmes habitudes,
ni les mêmes besoins ; en un mot ni le même mode de vie. D’autre part, dans les pays en voie
de développement, on connaît très mal les revenus (rarement déclarés), l’emploi (existence
d’une importante économie souterraine) et des fausses déclarations concernant même le
nombre d’occupants par habitation, etc. Enfin et par ailleurs, pour ce qui est de l’offre, on la
connaît, certes, mieux que la demande, mais des insuffisances subsistent. L’exemple des
transports informels (taxis clandestins) est significatif.
Le phénomène de la mobilité renferme, il est clair, des éléments subtils que la simple analyse
quantitative des populations de la zone urbaine ne peut déceler ni même que des modèles
prétendent représenter. Sur ce plan, si les modèles qui sont utilisés pour la construction de
plans de transports, ont donné des résultats plus ou moins acceptables dans les pays
développés, ils ne sont pas forcément adaptés à la réalité des villes du Sud. Le modèle de trafic
est ainsi sensible aussi bien à l’espace qu’au temps. La mobilité en tant qu’expression d’une
demande sociale, doit être analysée en termes de dynamique socio-économique tout en mettant
l’accent sur les spécificités du milieu urbain concerné. D’où justement la nécessité d’un modèle
de trafic spécifique.
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Composantes actuelles du transport urbain collectif : après la
déréglementation, une (re)réglementation est nécessaire.
Depuis la déréglementation et la libéralisation du marché de transport urbain opérées dès le
début des années 90, on a observé une pléthore d’opérateurs privés. Hormis la capitale Alger,
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où il y a encore aujourd’hui l’opérateur étatique principal ETUSA, les opérateurs historiques
locaux à travers pratiquement toutes les villes du pays ont fait l’objet de liquidation. La part du
marché des opérateurs privés sur les services réguliers est de 100 % à Batna, Skikda, Tiaret,
Annaba, Sétif, etc. En 2003, au niveau national, le parc public étatique en termes de places
offertes représente à peine 2,65 % de l’ensemble du parc en circulation dont plus de 82% à
Alger.
L’accroissement notable de l’offre semble s’être effectué d’une manière très peu contrôlée. Ainsi
un nombre impressionnant d’opérateurs privés a vu le jour. On dénombre 180 opérateurs en
transport urbain à Batna en 2003. La plupart des villes du pays ont vécu la même expérience.
Villes
Opérateurs
Alger
2995
Oran
652
Annaba
325
Batna
180
Skikda
206
Biskra
97
Nombre d’opérateur par ville. Source : ministère des Transports, Alger, 2003.
Constitués donc autour d’entreprise de type familial, les opérateurs souffrent de capacité
financière rendant difficile le développement et le renouvellement de leur parc. A cela, il
conviendrait de rajouter un déficit relatif en matière de professionnalisme et de savoir-faire.
L’atomicité qui caractérise les opérateurs, d’où découlent d’ailleurs la majorité des problèmes
rencontrés, a eu des répercutions négatives sur de nombreux plans : environnemental, la
rentabilité des entreprises, la politique de transport urbain, etc. La multiplicité des interlocuteurs
rend très aléatoire toute tentative pour mener une politique significative en matière de transport
public urbain.
En termes d’offre, de 1988, année de la libéralisation, à 2002, et rien qu’en matière de
transports de voyageurs (taxis non compris), le parc national a accusé une augmentation de 266
% , passant de 12.600 véhicules à 46.136 véhicules tous types confondus rendant ainsi les
moyens de se déplacer relativement disponibles. A Batna, il y a une surcapacité avérée en
nombre de bus donnant lieu à de diverses pratiques et comportements. Si l’on compare les
choses avec ce qui existait durant les années 80, avant la libéralisation, la disponibilité
aujourd’hui des moyens de transport a répondu affectivement à la demande et aux besoins des
« usagers ». Il est dorénavant beaucoup plus aisé de se déplacer aussi bien en urbain,
suburbain qu’en interurbain. Il n’y a pas de doute là-dessus et, lors de nos enquêtes, l’ensemble
des interrogés l’ont confirmé.
Après la libéralisation, les problèmes se posent plutôt en termes qualitatifs. Les études
que nous avons menées sur plusieurs villes algériennes ont montré que si les caractéristiques
temporelles (ponctualité, régularité, durée du trajet) sont assez bonnes, et que les facteurs
d’accueil et de confort sont médiocres ; les critères les plus insatisfaisants sont les indicateurs
concernant la sécurité et ceux concernant les arrêts et les stations (organisation, aménagement
et pollution).
Sur ce dernier plan, la réponse de la totalité des interrogés est frappante du fait qu’elle
constitue le niveau d’insatisfaction le plus élevé. Pour ce qui est de la sécurité, ce facteur a été
considéré comme très insatisfaisant très peu en termes de vols et agressions mais surtout en
matière de conduite des véhicules. Pour ce qui est des stations et arrêts, l’observation la plus
élémentaire permet effectivement de se rendre compte de la situation des stations. Il est vrai
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qu’au niveau de certaines stations, c’est la désorganisation la plus totale. Les stations n’existent
pas toujours et elles sont à même le trottoir causant congestions et bouchons sur les voies de
circulation. A noter que les utilisateurs signalent avec force les pollutions sonore et
atmosphérique. Et, tout le long de l’itinéraire, les usagers sont désorientés pour cause d’absence
d’aménagement, de signalétique et d’abribus. Ces insuffisances ont été remarquées un petit peu
partout dans le pays y compris dans la capitale.
Ceci dit, une telle analyse sur la qualité des transports collectifs cache en réalité certaines
carences en matière de transport urbain puisqu’on n’interroge que les gens qui prennent
régulièrement le bus. Plusieurs autres analyses nous ont montré effectivement que des pans
entiers de la population sont parfois démunis de moyens de transport. Prenons le cas de la ville
de Batna. En 2003, son réseau de transport urbain est composé en principe de 16 lignes qui
partent en gros de la gare urbaine (le barycentre). Un réseau d’une longueur de 144 km mais,
qui ne fait réellement que 66 km ! Ce dernier a été raccourci du fait que des opérateurs ne
respectent pas leurs lignes et qu’ils se sont rabattus sur les lignes les plus rentables. 7 lignes sur
16 fonctionnent mais avec une surcapacité chronique sur certains tronçons! En revanche, les
destinations telles Tamechit, Ez-Zahr, Douar laatèche ; Ouled Béchina et El-Hamla ne sont pas
desservies alors qu’elles se trouvent éloignées des lignes fonctionnelles de 2 à 4 kms.
Les opérateurs se rabattent sur les lignes rentables et délaissent les autres lignes avec comme
argument l’état défectueux de certains tronçons. Du coup, les dysfonctionnements et la
dégradation de la qualité des transports publics favorisent de plus en plus l’usage de la voiture.
Rappelons que compte tenu de l’insuffisance du nombre de taxis à Batna, et pour d’autres
raisons également, il y a eu un fort développement des taxis clandestins.
En conclusion, disons qu’en matière de transport, le problème, en Algérie, a été à un moment
celui de gérer la rareté, le quantitatif. La déréglementation a solutionné le problème. Le
problème actuel est celui de gérer les impacts négatifs de la dérégulation. Il s’agit de recherche
de la qualité des transports : efficacité, fiabilité, meilleure organisation, professionnalisme, etc.
Les réflexions menées depuis plus d’une dizaine d’années ont abouti à l’idée de mettre en place
une autorité organisatrice. Les pouvoirs publics sont arrivés à la conclusion de (re) créer dans
les grandes villes (Oran, Constantine, Annaba et Batna, etc.) une entreprise publique de
transport urbain (Alger a toujours l’ETUSA).
En outre, l’idée d’un tramway pour la ville Batna revient de plus en plus dans les discours
locaux. Cette solution, tout en dynamisant le transport collectif urbain, constitue une inflexion à
même de réduire le besoin et l’usage de la voiture. Il sera lancée bientôt une enquête ménage
pour une meilleure connaissance des déplacements à Batna et à la clef un plan de transport.
3- Voiture particulière/transport collectif : Quel arbitrage?
Au contraire de la marche à pied, très répondue partout dans les villes algériennes, l’usage du
vélo est quasiment nul. Hormis peut-être la ville de Biskra, à un moment donné, où le vélo était
très en vogue, il n’y a pas véritablement une culture du vélo. Nous ne disposons pas de chiffres
sur l’usage des deux roues à Batna. Nous avons cependant ceux issus des enquêtes ménages
des villes de Constantine et d’Annaba. A Annaba, 1,04 % du total des déplacements tous modes
confondus s’effectuent par les deux roues (vélos + motorisés) ; 0.98 % pour Constantine. Nous
pensons que Batna ne doit pas être loin de ces zones là.
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En matière de déplacements motorisés, la tendance est indéniablement à l’usage de la voiture.
En Algérie, tout le monde aspire à l’achat d’un véhicule particulier, et pour cause :
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dysfonctionnement des transports publics ;
baisse relative et tendancielle du prix d’achat des véhicules neufs et écrasement des prix
sur le marché de l’occasion ;
mise en place des formules de facilité d’achat à crédit ;
coût d’exploitation relativement bas (carburant bon marché, notamment le diesel) ;
etc.
La limitation du développement de l’usage de la voiture particulière, si l’on devrait y arriver à
terme, ne pourrait se concrétiser qu’à travers une véritable dynamisation des transports publics
collectifs. Le tout conjugué à diverses taxations plutôt élevées concernant l’usage de la voiture.
Ces tentatives seront toutefois, à nos yeux, encore une fois relativisées du fait de l’existence
d’une forte contrainte sociologique.
La société de consommation, aux yeux des pays pauvres, est à envier. Et, la voiture en a été
pendant longtemps le symbole le plus frappant. En Algérie, un peu moins dans les autres pays
du Maghreb peut-être, la voiture est considérée dans l’esprit de la majorité des gens, comme un
signe, un synonyme de réussite sociale. De tout temps, la voiture a toujours été convoitée. Les
propositions des pays du Nord, à juste titre forcément, de ne pas faire les mêmes erreurs qu’eux
en matière de véhicule automobile, nous semble-t-il, n’y feront rien. Nous pensons que les
algériens ne peuvent pas passer outre. C’est comme dans le cas d'école "la pyramide des
besoins" de Maslow, ils leur faut tout d’abord passer par là, y goûter, pour qu’ensuite
éventuellement y renoncer !
Si, à l’heure actuelle, on continue encore à utiliser le taxi collectif en urbain comme en
interurbain, ce n’est certainement pas pour des raisons écologiques. En plus, sachant que
certaines considérations socioculturelles, notamment en Algérie, font que les gens évitent de
voyager en famille en taxi collectif, c’est donc uniquement un problème de coût. Maintenant, s’il
l’on considère les facteurs structurels de nature économique cités plus haut, il est fort à parier
que dès que le niveau de vie des algériens augmentera, les taux de motorisation exploseront.
Compte tenu de ce qui précède, nous pensons qu’il y aura forcément une tendance lourde à
l’utilisation de la voiture qui sera difficile à infléchir.
4- Métropolisation et transport régional : une mobilité pas très durable :
Avant de s’intéresser à la ville de Batna, il y a intérêt à signaler l’existence d’un grand projet
d’aménagement du territoire qui est incontestablement le projet SNAT 2025 (schéma national
d’aménagement du territoire, horizon 2025). Ce projet se décline en SRAT 2025 (schémas
régionaux d’aménagement du territoire).
En matière de système urbain, cette étude prospective a mis en évidence des tendances
lourdes, entre autres :
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l’urbanisation se poursuit dans discontinuer ;
la poursuite du double mouvement d’urbanisation par le bas et la concentration
métropolitaine ;
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9 l’urbanisation accroît les déséquilibres territoriaux.
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Le SNAT signale de nécessaires ruptures, à savoir :
11 rupture avec la concentration littorale par la création de véritables pôles d’équilibre
urbains dans l’arrière pays, mettant fin au phénomène d’urbanisation périphérique ;
12 rupture avec l’étalement et l’exurbanisation des aires métropolitaines ;
13 rupture avec un schéma de transport dominé par la ligne littorale Est-Ouest, en
attribuant une fonction logistique particulière aux pôles d’équilibres de l’arrière pays.
Enfin, l’étude propose un scénario de métropolisation selon lequel, Alger : métropole
internationale dans le bassin méditerranéen, Oran et la bipôle Annaba-Constantine comme
métropoles régionales maghrébines. A ces aires métropolitaines seront articulés quelques
véritables pôles secondaires situés dans l’arrière pays, sur les haut-plateaux, qui organiseront et
animeront chacun une fraction du territoire. Pour ce faire, un réseau dense d’infrastructures
autoroutières est prévu.
Le projet SNAT 2025 postule en gros le développement des Hauts plateaux (Est, Ouest, Centre)
dans l’optique de désengorger la bande côtière, où les villes arrivent à saturation, équilibrer le
territoire, accroître son attractivité et, avec pour objectif construire des villes durables.
Pour revenir au cas de la ville de Batna, et par rapport au scénario développé dans le SNAT
2025, celle-ci pourrait bien, selon nous, se présenter comme pôle important à même de jouer ce
rôle sur les Haut-plateaux. Il existe bien entendu des raisons fondamentales à cela mais que
nous ne pouvons développer dans le présent cadre. La ville de Batna, chef lieu la Wilaya,
connaît depuis plus de deux décennies une croissance de la population un peu plus que la
moyenne nationale. Sur les deux recensements généraux de la population espacés d’une dizaine
d’années, elle a gardé son statut de 5ème ville d’Algérie après Alger, Oran, Constantine et
Annaba.
Tout le potentiel foncier domanial de Batna est pratiquement consommé et il ne reste même
plus de petites poches. Aussi, l’extension de la ville est-elle prévue en direction du Nord, vers
Fesdis mais aussi vers le Sud, vers Aïn-Touta sur la route de Biskra. Si le tissu urbain de Batna
est grossièrement en forme de carré, de 10Km de côté, avec un bras vers l’Est reliant la ville de
Tazoult où une conurbation est en voie de se matérialiser, le tissu urbain batnéen tendrait à être
de plus en plus longiligne du Nord au Sud.
La ville de Tazoult (26.000 habitants) était jadis à 10km du centre ville de Batna ! Actuellement,
la liaison ville de Tazoult – Batna, voie expresse de 2 fois deux voies, et est considérée par la
Direction des Transports de Batna comme une ligne urbaine faisant partie intégrante du réseau
de transport urbain de Batna. Les fréquences des déplacements et des départs de bus sur cette
liaison témoignent de l’intensité des échanges notamment après la construction de logements
en grand nombre (notamment pour les universitaires).
En matière de transport régional, tous les transports se font par voie routière (autocar, bus, taxi
collectif). En 2004, le nombre d’opérateurs (hors taxis) pour toute la wilaya est de 882. Le
nombre est passé de 863 en 2003 à 1069 véhicules en 2004 . De 2003 à 2004, le nombre de
places offertes a accusé ainsi une augmentation de 25,05% en une année. En plus de 163
départs quotidiens inter - wilayas, on recense plus de 2017 départs par jour à l’intérieur de la
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wilaya y compris les fourgons aménagés.
Toujours en 2004, pour ce qui concerne les taxis, leur nombre total est de 1785, dont 75
taxis urbain non collectif ; 286 taxis urbain collectif (soit au total 361 taxis pour la ville de Batna)
; 1067 taxis collectif à l’intérieur de la willaya et enfin, 357 taxi collectif inter-wilaya. A noter
que 39,3 % du parc de taxis a plus de 20 ans d’âge et que 29,5% en a entre 15 et 20.
La route l’emporte ainsi d’une manière déraisonnée. En matière de transport ferroviaire, il est à
noter que les lignes régionales Constantine-Batna et Batna-Biskra, alors qu’elles ont transporté
des voyageurs durant des décennies, ne sont utilisées aujourd’hui que pour le transport de
marchandises ! Un autre exemple d’une voie ferrée Aïn-Touta, Barika, M’sila récemment
achevée. La ligne Barika-Batna longue de 80 kms fut ouverte en 1998 aux usagers notamment
au profit des étudiants habitant Barika dont un grand nombre fréquente l’université de Batna
(quelques milliers). Au bout d’un certain temps, jugée non rentable : le train partait vide, la
ligne fût suspendue. Les usagers trouvaient les tarifs chers. Ceux-ci ont été alignés par la suite à
ceux de la route mais sans résultat. En réalité, le problème est qu’il se trouve que la gare
ferroviaire est éloignée du centre ville de Barika. Aussi, est-il plus facile pour les usagers de
prendre le bus ou surtout le taxi collectif assurant souplesse et rapidité.
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Les enjeux environnementaux :
A notre connaissance, en matière de pollution atmosphérique dû au transport, peu de mesures
de polluants ont réellement été réalisées. Une étude de PNAE (Plan National d’Actions
environnementales) effectuée sur la base des données relatives aux parcs de 1995 sur le grand
Alger et les wilayates limitrophes, a estimé la concentration dans l’air du dioxyde d’azote à 18%
du total national, celle du plomb à 22%, 14% en dioxyde de souffre et enfin à 20,5% du total
national en oxydes de carbone. En outre, la concentration moyenne en plomb dans l’air au
niveau de l’agglomération algéroise en 1995 avait atteint 2,01 micros grammes/m3 alors que la
norme de qualité de l’air recommandé par l’OMS se situe entre 0,5 à 1 micro gramme m3.
Concernant Batna, il y a eu une tentative faite en 2004 par l’équipe nuisance par les transports
du laboratoire Ingénierie du trafic et nuisances, domicilié à l’école nationale de transports de
Batna. L’étude a eu le mérite d’avoir susciter l’intérêt des pouvoirs publics locaux. Les mesures
n’ont pas été effectuées en dépit du fait que le laboratoire dispose des moyens appropriés et
sophistiqués faute de moyen de locomotion approprié ! L’étude a été qualifiée par l’équipe de
préliminaire, elle n’a pas donné lieu à de chiffres en matière de pollution atmosphérique mais en
a présenté par contre dans le domaine de pollution sonore.
Les mesures effectuées en termes de décibels ont montré que pratiquement tous les quartiers
de la ville ont une intensité sonore en moyenne d’environ 70 dB. L’étude a montré également
que les mesures des niveaux sonores, dus à la circulation routière, à l’intérieur des salles de
classes (des écoles primaires notamment) sont d’une intensité variable, selon les écoles, de 55 à
73 dB (fenêtre fermée). A noter que la norme admissible, selon la législation algérienne à ce
propos, est de 45 dB.
Enfin, il est à noter que le contrôle technique des véhicules est effectif et opérationnel depuis un
peu moins de deux années. La catégorie de véhicules concernés à l’heure actuelle (1° étape :
campagne 2005) sont les véhicules de plus de 20 ans. Les autres étapes suivront dès l’année
prochaine et les contrôles seront par la suite réguliers pour l’ensemble des véhicules. Il est vrai
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qu’actuellement le contrôle est plus porté sur l’aspect sécurité, les points de contrôle du véhicule
seront élargis aux aspects nuisances et pollution, comme cela est exigé par la réglementation.
Conclusion :
En dehors du Schéma National d’Aménagement du Territoire et du SRAT (régional) qui mettent
effectivement en œuvre les concepts de développement durable, les outils de planification de
transport ne semblent pas, en revanche, aller dans le même sens à savoir asseoir un système
de transport pour une ville durable.
L’idée de la ville agréable à vivre en donnant la priorité au transport en commun et aux piétons
tout en réduisant la part de la voiture, en combattant les nuisances, en tentant une reconquête
des espaces urbains, etc. ; apparaît beaucoup plus au niveau du discours que
fondamentalement dans les documents de planification des transports. Mis à part le problème
de l’insécurité routière, se posant avec acuité aussi bien en urbain qu’en rase compagne, qui est
vu par les pouvoirs publics comme prioritaire, le reste des préoccupations que l’on peut
assimiler au développement durable semblent être effectivement moins considérées.
L’examen des documents de planification des transports montre clairement qu’il y a rupture en
matière de périodicité et que ceux-ci datent pratiquement d’une dizaine d’années (le dernier
plan de transport urbain de Batna date de 1997). C’est ce qui explique peut-être la non prise en
compte des aspects et des préoccupations de développement durable d’une manière explicite.
Celles-ci existent en filigrane puisque tous les scénarios proposés sont construits autour du
développement des transports collectifs et dans l’optique de l’amélioration du cadre de vie
urbain. Il est vrai aussi qu’en ces temps là, les notions de développement durable n’étaient pas
encore vulgarisées. L’analyse de la situation témoigne en tout cas d’un certain degré de maturité
en matière de développement durable qui n’est pas encore passé au stade de concrétisation par
des outils de planification et par la suite sous forme d’actions. C’est le cas du plan annuel fait
par la direction de transports de la wilaya.
Les instruments de planification des transports et de gestion urbaine existent même s’ils sont
inadaptés, insuffisants ou non appliqués. L’Algérie a pris aussi forcément du retard. La décennie
précédente marquée par les événements sanglants qu’a connus le pays y est pour beaucoup.
Toutefois, les objectifs en vue témoignent que les choses sont appelées à changer. Tout
concourt à dire, nous semble-t-il, que l’objectif central aujourd’hui est celui de mettre
véritablement en place et à terme un système de transport public innovant, intégré, assurant
l’équité, efficient en termes d’utilisation de ressources mais aussi qui puisse préserver
l’environnement : un système de transport en un mot durable.
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