La rue Blomet, un quartier à vivre au cœur du 15è arrondissement

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La rue Blomet, un quartier à vivre au cœur du 15è arrondissement
La rue Blomet, un quartier à vivre
au cœur du 15è arrondissement
Joan Miró, « 42 rue Blomet », lithographie de 1977
Janvier 2003
Synthèse
Préservée des nuisances générées par les grands axes de communication du 15è
arrondissement, la rue Blomet offre au regard un patrimoine architectural riche et varié et
présente une rare symbiose entre sa fonction résidentielle et une tradition artisanale, artistique
et commerciale ancienne et de qualité. Cette rue située au cœur de l'arrondissement le plus
peuplé de Paris relie entre eux un certain nombre d'équipements publics qui attirent un public
important, avec notamment une forte proportion d'enfants et de jeunes. Bien desservie par les
transports collectifs, la rue Blomet a donc tous les atouts d’un quartier où il doit faire bon
vivre.
Cependant, ce potentiel est sous-utilisé et la qualité de vie des résidents, artisans, artistes et
commerçants pourrait y être bien meilleure s'ils n'avaient pas à se plaindre des griefs suivants:
-
des trottoirs indignes de ce nom, exigus et sales ;
-
une circulation trop importante et trop rapide, qui ne permet pas à une véritable vie de
quartier de se développer ;
-
une insuffisante prise en compte des besoins des riverains et des activités, notamment en
matière de confort des cheminements piétons ;
-
des commerces qui périclitent, avec un risque de transformation de la rue en "quartierdortoir" ;
-
un aménagement urbain pas à la hauteur esthétique du cadre de la rue (trottoirs laids,
espaces publics tels que la place Beuret uniquement aménagés en fonction des besoins de
la circulation et pas du tout des besoins de la vie de quartier, rareté des plantations
végétales, etc)
Afin de remédier à cette situation, des habitants et commerçants de la rue Blomet adressent au
maire de Paris et au maire du 15è arrondissement les propositions suivantes, qui s'inspirent
des solutions ayant fait leurs preuves dans des quartiers de Paris confrontés aux mêmes
difficultés :
-
transformation de la rue Blomet en quartier tranquille, avec ralentissement de la vitesse
des véhicules de manière à favoriser la vie de quartier, à sécuriser les déplacements des
petits et des grands, et à mieux mettre en valeurs les artisans, artistes et commerces
-
élargissement des trottoirs pour un confort accru des piétons
-
requalification des espaces publics (embellissement de la place Beuret)
-
action en faveur de la notoriété des commerces et promotion de l'esprit village par la
constitution d'une association de quartier, la réalisation d'une brochure présentant les
artisans et artistes de la rue, et l'organisation d'une fête du quartier avec repas festif
-
sécurisation et promotion des modes de circulation non polluants (marche à pied, vélo,
roller)
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Propositions pour la préservation et le
développement de l’agrément, de l’animation, de la
qualité de vie et de la sécurité des déplacements dans
la rue Blomet
Gérard Guillaumin, urbaniste, expert en politique de la ville, 85 rue Blomet
Stéphane Lecler, urbaniste, cadre dans le secteur des transports publics, 85 rue Blomet
François Soubrier, cadre commercial, 85 rue Blomet
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1- Introduction
Hommage à la rue Blomet
A l'écart des grandes voies de communication de l'arrondissement le plus peuplé de Paris,
mais en plein cœur de ce 15è, il existe une rue à taille humaine, une rue paisible et vivante à la
fois, une rue d'où se dégage un charme subtil, évoquant aussi bien ce qu'il y a de plus agréable
dans les rues du vieux Paris qu'une atmosphère étonnamment provinciale, voire villageoise.
Une rue qui emprunterait à la rue Amelot (11è arrdt) à la fois sa situation protégée à proximité
immédiate de rues très passantes et son architecture variée et de qualité, à la rue Campagne
Première (14è arrdt) son rôle majeur dans la production artistique du début du siècle, au
faubourg Saint-Antoine (12è arrdt) sa tradition d'artisanat en fond de cours, à la promenade
plantée du 12è arrdt son rôle de fil conducteur unissant équipements publics et espaces verts,
ou encore à la rue Louise Weiss (13è arrdt) ses galeries d'art. Une rue qui offrirait tout cela, et
plus encore. Une rue unique, en somme. Mais une rue menacée de plus en plus par l'insécurité
et l'inconfort générés par la circulation automobile, par la saleté et le peu d'attraits de ses
espaces publics, par la banalisation et la perte de son âme. C'est pourquoi des habitants de la
rue Blomet ont souhaité attirer l'attention des pouvoirs publics sur ce qui fait sa grande
richesse (historique, architecturale, urbanistique, sociale, esthétique, commerciale, artisanale,
etc.), mais aussi sur les remèdes simples qu'il conviendrait de mettre en œuvre sans attendre
pour conserver et développer encore davantage son charme et ses attraits, pour ses riverains,
ses artisans, ses artistes, ses commerçants et ses visiteurs.
Le dossier qui suit constitue une modeste contribution à un débat que nous espérons avoir, ce
faisant, lancé. Puisse-t-il ne pas se clore sans concrétisations !
Situation
La rue Blomet a une origine très ancienne, liée à l'histoire de la commune de Vaugirard
rattachée à Paris en 1860 (elle figurait sur le plan de Jouvin de Rochefort de 1672 sous le nom
de chemin d'Issy et de Meudon). Prenant sa source dans la rue Lecourbe, axe structurant de
l'arrondissement qu'elle suit sur presque toute sa longueur (près de 1,5 km), la rue Blomet
achève son parcours dans la rue Saint-Lambert, à quelques mètres de la rue de Vaugirard,
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autre radiale majeure. Elle aura, en chemin, croisé les rues de Cambronne et de la Convention,
deux autres axes importants de l'arrondissement.
La rue Blomet est située approximativement au barycentre du 15è arrondissement, et
bénéficie d'une excellente desserte en transports en commun, avec 7 stations de métro à moins
de 500 mètres de la rue (appartenant à deux lignes radiales, la 12 et la 8, et à une rocade, la 6)
et les nombreuses lignes de bus desservant les rues Lecourbe, de Cambronne, de la
Convention et de Vaugirard (dont les lignes 39, 62, 70, 80, 88).
La présence à proximité immédiate de deux axes très passants (Lecourbe et Vaugirard) devrait
théoriquement permettre à la rue Blomet, aujourd'hui en sens unique sur toute sa longueur
dans le sens Paris-banlieue, de ne supporter qu'une circulation automobile de desserte locale.
Architecture
D'un gabarit assez étroit (10 mètres de façade à façade aux points les plus étroits), qui lui
confère un caractère intime, la rue Blomet constitue un remarquable condensé de
l'architecture et de l'urbanisme parisiens des trois derniers siècles. Maisons traditionnelles des
faubourgs à un ou deux étages, habitations ouvrant sur la rue par des courettes, ateliers
artisanaux en cœur d'îlot, immeubles d'habitation du XIXè siècle aux façades sobres et
blanches, immeubles haussmanniens et post- haussmanniens aux façades en pierre de taille,
immeubles de style Deauville (balcons en bois et toits en ardoise) des années 20, immeubles
art-déco ou cubistes des années 30, immeubles fonctionnalistes des années 50 et 60, barre des
années 70, immeubles néo-haussmanniens des années 80, etc. Malgré cette grande diversité,
la tonalité dominante est celle d'immeubles relativement peu élevés, confortant l'atmosphère
povinciale et le sentiment d'aération de cette rue pourtant extrêmement dense.
Activités
La première fonction de la rue Blomet est bien sûr d'être un lieu de résidence. Cependant il ne
s'agit pas là de son seul rôle car la rue Blomet offre un équilibre rare entre sa fonction
résidentielle et de multiples activités. En effet, en dépit du caractère paisible que ne manquent
pas de remarquer les visiteurs, particulièrement évident en comparaison de l'animation
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incessante de ses deux voisines immédiates, les bruyantes et encombrées rue Lecourbe et
Vaugirard, la rue Blomet condense une grande variété d'équipements publics ainsi que des
commerces multiples, comme en témoigne la liste suivante, non exhaustive:
-
la mairie du 15è arrondissement, et à proximité immédiate, la bibliothèque Vaugirard et la
Tribunal d'Instance
-
plusieurs squares ou espaces verts :le square Blomet, le square Adolphe Chérioux, la place
de la mairie du 15è, le square Gerber derrière l'église Saint-Lambert de Vaugirard, sans
oublier le square Saint-Lambert, situé à quelques dizaines de mètres de la rue et qui
bénéficie d'une agréable continuité visuelle avec le square Adolphe Chérioux via la place
Bonmarché de la mairie
-
la piscine Blomet, l'une des rares piscines parisiennes dotées d'un bassin olympique et un
centre sportif et artistique
-
plusieurs établissements scolaires ou accueillant des jeunes (garderie d'enfants, école
primaire, école-collège-lycée de l'école normale catholique)
-
des lieux d'accueil de visiteurs et touristes (plusieurs cafés et restaurants - dont le célèbre
Saint-Louis Blues devenu Opus Latino, plusieurs hôtels dont un 3 étoiles, une auberge de
jeunesse, des foyers des employés de la Poste, un foyer catholique)
-
plusieurs commerces de proximité (supermarchés, épiceries, pressing, laveries, pharmacie,
boulangerie, coiffeurs, etc.)
-
deux librairies
-
plusieurs établissements hospitaliers ou sociaux (clinique Blomet, centre hospitalier SaintJean de Dieu, hôpital Cognac-Jay, orphelinat Saint-Charles)
-
des lieux de culte (église de Vaugirard et chapelle Notre-Dame du Lys)
En plus de ces équipements et commerces, jouant pour certains un rôle de proximité
immédiate (épicerie), et pour d'autres au contraire un rôle à l'échelle de l'arrondissement, voire
au-delà (mairie, piscine Blomet), la rue Blomet peut s'enorgueillir de conserver une activité
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artisanale et artistique tout à fait significative se traduisant par la présence de nombreux
ateliers d'artisans et d'artistes (imprimerie, serruriers, plombiers, encadreurs, menuisiers,
tapissiers, peintres, architectes, décorateurs, galeries d'art et d'artisanat). Cette survivance des
temps où le 15è arrondissement, secteur périphérique de Paris, accueillait une intense activité
artisanale et industrielle, est tout à fait exceptionnelle. De plus, elle permet de faire le lien
avec cette époque pas si ancienne où la rue Blomet fut un des hauts lieux de la production
artistique française, pour ne pas dire européenne. C'est en effet dans les années 20 que se
constitua ce que les critiques d'art dénomment le "Groupe de la rue Blomet", et qui rassembla
le sculpteur catalan Gargallo, les peintres Miro et Masson, les dramaturges Artaud et Salacrou
et les poètes Desnos, Leiris et Limbour. Miro vécut notamment plusieurs années au 45 de la
rue, qui devint ainsi l’un des phares du surréalisme. C'est d'ailleurs pour rendre hommage à
cette rue qui l'accueillait que Miro peignit la toile intitulé "42, rue Blomet" (en couverture de
ce dossier). La rue Blomet apparaît donc comme l'un des rares lieux parisiens (avec la rue
Campagne Première) à avoir su conserver une atmosphère propice à la création artisanale et
artistique, loin des groupes de touristes et des nuisances de la ville moderne. Il s'agit bien là
d'une chance exceptionnelle.
En résumé, la rue Blomet se présente comme une rue paisible située au cœur du 15è
arrondissement, bien desservie par les transports publics, au patrimoine architectural varié et
de grande qualité, et dotée d'une grande diversité d'activités, avec pour dominantes les
activités liées aux enfants (écoles et espaces verts) et les activités artisanales et artistiques
(ateliers d'artisans, galeries d'art et librairies). Elle apparaît donc comme le modèle de la "rue
à taille humaine", comportant un potentiel très élevé de qualité de vie pour ses habitants et de
rayonnement pour ce cœur du 15è arrondissement.
Une rue à l’image de son quartier
La rue Blomet croisant sur son parcours des rues présentant des caractéristiques voisines (rues
Duclaux, Copreaux, Borromée, du Soleil d'or, du Général Beuret, Maublanc, Gerber, Fabre,
Chartier, etc.), on dénommera par la suite quartier Blomet tout l'espace compris entre les rues
Lecourbe et de Vaugirard, et ayant pour axe structurant la rue Blomet.
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2- Constat des difficultés actuelles
Malgré tous ses attraits, la rue Blomet ne se porte pas aussi bien qu'on pourrait s'y attendre et
ses habitants, commerçants et artisans ont des sujets de mécontentement. Plusieurs problèmes
contribuent en effet à porter atteinte à la qualité de vie de ses habitants, commerçants et
visiteurs :
-
des trottoirs qui n'en sont pas : alors qu'une rue de ce gabarit semble conçue sur mesure
pour le plaisir du piéton, ceux-ci sont en réalité bien mal lotis. En effet, à l'exception de la
partie comprise entre le début de la rue, au niveau de la rue Lecourbe, et la rue
Cambronne, laquelle portion a bénéficié d'un élargissement de trottoirs tout à fait
bienvenu il y a quelques années, le reste de l’itinéraire offre une image bien pitoyable du
concept de trottoirs. D'une largeur très nettement insuffisante (moins d'un mètre entre la
place Beuret et la mairie), il est impossible d’y marcher à deux personnes de front ou bien
à une personne avec des sacs dans chaque main ou avec une poussette ou un caddie à
commissions. Ils sont de plus fréquemment encombrés (notamment par les poubelles,
multipliées dans le cadre de la mise en place de la collecte sélective à l’automne 2002,
ainsi que par les inévitables et répugnantes déjections canines), contraignant les piétons (il
ne faut pas oublier que nous sommes tous, quel que soit notre mode de déplacement,
piéton à un moment ou l'autre de la journée, notamment au moment de rentrer dans son
immeuble) à circuler sur la chaussée automobile, source d'insécurité évidente et de
conflits nombreux avec les automobilistes pressés ne comprenant pas pourquoi les piétons
ne circulent pas sur leurs trottoirs.
La réglementation s’appliquant aux nouveaux aménagements de voirie prévoit qu’un
trottoir ne doit jamais être inférieur à 1,40m (norme J.O. 4 septembre 98, prise par
application de l'article 2 de la loi n 91 663 du 13 juillet 91). Pour mémoire, le préfet
Haussmann, auteur des grandes percées du Second-Empire, préconisait que chaussée et
trottoir consacré aux piétons se partagent l'espace de manière équitable (50/50) afin de
permettre aux fonctions autres que la circulation de s'exprimer. Dans le cas de la rue
Blomet, cela signifie que la chaussée, y compris les files de stationnement, ne devrait
jamais dépasser 5 mètres. Dans la partie de la rue comprise entre la place Beuret et la
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Mairie du 15ème, on observe pourtant une largeur de 8 mètres pour la chaussée (une file de
circulation et une rangée de stationnement de chaque côté) contre deux mètres seulement
pour les piétons.
-
une circulation trop importante, trop rapide et pas seulement de desserte locale: alors
que la situation de la rue Blomet devrait lui permettre de n'accueillir qu'une circulation de
desserte locale des habitations ou des commerces, on constate qu'en réalité de nombreux
véhicules l'empruntent sans avoir rien à y faire de nécessaire. La rue Blomet présente en
effet le grand avantage de n'opposer à l'automobiliste pressé, notamment aux heures de
pointe ou lorsque la rue Lecourbe est congestionnée, que trois feux, contre sept rue
Lecourbe pour un parcours identique. Pas besoin d'être polytechnicien pour calculer que,
sauf présence des éboueurs, l'automobiliste peut économiser plusieurs minutes en
empruntant la rue Blomet. Cette réalité pose cependant plusieurs problèmes: tout d'abord,
elle génère un flux de circulation supérieur à ce qu'il pourrait être ; de plus on constate que
les automobilistes pressés sont peu soucieux du confort ou de la sécurité des habitants de
la rue et l'empruntent à des vitesses incompatibles avec son gabarit très étroit et la
présence possible de piétons – notamment des enfants – sur la chaussée, du fait de
l’exiguïté des trottoirs qui contraint généralement à cheminer sur la chaussée. Il sera
montré plus bas que des solutions très simples permettent de remédier à de tels
phénomènes.
-
une insuffisante prise en compte des besoins des riverains et des commerces: la rue
Blomet illustre bien, dans sa configuration actuelle, les conceptions qui ont présidé à
l'aménagement de la plupart des villes françaises entre 1950 et 1990, et qui ont pu être
qualifiées de politique du "tout automobile". Outre l'espace disproportionné accordé à
l'automobile pour une rue aussi étroite, il faut noter un certain nombre de détails illustrant
bien l'indifférence dans laquelle on a tenu pendant longtemps les besoins des riverains et
des clients des commerces, qu'ils soient piétons, motards, cyclistes, patineurs, conducteurs
de poussette ou de caddie, etc. Trottoirs pas abaissés au niveau des intersections, difficulté
pour ne pas dire impossibilité d'accéder au trottoir – et donc à son logement ou son
commerce - depuis la chaussée sur des distances parfois importantes, voitures stationnant
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en permanence devant les entrées d'immeubles ou de cours, manque de lieux pour le
stationnement des deux roues (qui sont par conséquent obligés d'encombrer un peu plus
des trottoirs pourtant déjà minces), insuffisance des aires de livraison, etc.
La
configuration de certaines portions de la rue pose de plus d’importants problèmes de
sécurité. Ainsi, entre la rue Cambronne et la Mairie, la présence de stationnement des
deux côtés serait source de difficultés pour les véhicules de sapeurs pompiers en cas
d’incendie (pas d’espace pour les stabilisateurs latéraux, difficulté à accéder jusqu’aux
fenêtres de certains immeubles en retrait par rapport à l’alignement).
Heureusement, la situation commence à s’améliorer, avec notamment l'installation de
dispositifs de stationnement pour les deux roues servant également à protéger du
stationnement automobile certaines sorties de cours. Cette politique va dans le bon sens,
mais demande à être amplifiée pour pouvoir véritablement améliorer le quotidien des
habitants et visiteurs de la rue. Les personnes les plus gênées par ce manque d'aménité de
la rue Blomet sont essentiellement les familles avec de jeunes enfants ainsi que les
personnes âgées ou handicapées. L'arrondissement le plus peuplé de Paris, qui est aussi
l'un de ceux où l'on compte le plus de familles avec de jeunes enfants, prend bien mal soin
de ses habitants.
-
des commerces qui périclitent: en dépit de son offre commerciale et artisanale encore très
riche, on constate depuis quelques années la fermeture de commerces à un rythme qui
devrait préoccuper les élus de l'arrondissement. Ainsi, pour ne prendre que la section
comprise entre la place Beuret et la mairie, pas moins de cinq commerces de proximité y
ont fermé leurs portes au cours des dernières années (dont une épicerie, une boulangerie,
un restaurant, un fleuriste) et les tristes devantures fermées les unes à côté des autres
attendent patiemment qu'un éventuel repreneur se présente. L'ouverture récente, et
bienvenue, de deux galeries d'art dans cette même partie de rue ne suffit malheureusement
pas à inverser le solde. Sans être en mesure d'entrer dans les raisons exactes à l'origine de
ces fermetures, il est toutefois fort probable que les éléments cités dans les trois
paragraphes précédents, concernant aussi bien le confort et la sécurité des piétons que la
possibilité matérielle pour certains commerçants de disposer d'un espace de livraison,
n'ont pas dû aider ces commerces à perdurer. Sans action des pouvoirs publics pour mettre
en valeur et promouvoir les commerces et artisans de la rue, il est à craindre que ce
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mouvement ne se poursuive, seuls certains de ses commerces – les plus chanceux - étant
repris par des banques, des cabinets d'assurance ou des agences immobilières (voire des
agences de pompes funèbres, car cela a bien failli être le cas à l'angle de la mairie),
meilleure preuve de la mort à petit feu du quartier (aux Etats-Unis, les seuls commerces
présents dans les centre-villes sans âme sont bien souvent des agences immobilières et des
banques). Il est donc urgent de stopper l'hémorragie afin de maintenir cette diversité et
cette richesse d'offre commerciale qui contribuent aussi bien à la qualité de vie des
habitants qu'à l'atmosphère particulière de la rue.
-
un aménagement urbain absolument pas à la hauteur esthétique du cadre de la rue: la
rue Blomet offre un paysage urbain remarquable, comme on l'a vu plus haut. Cependant
cet urbanisme et cette architecture particulièrement attachants ont perdu une grande partie
de leur pouvoir de séduction en raison de la présence envahissante des modes de
circulation (les rez-de-chaussée de bien des immeubles se voient gratifiés d'un paravent
peu reluisant sous la forme de véhicules en stationnement à quelques décimètres de la
façade, la délicieuse place Beuret perd toute unité du fait du triangle de voies qui longent
ses faces et réduisent à une peau de chagrin l'espace central, qui n'a plus d'autre fonction
que celle de parking à motos) et le peu de qualité des aménagements urbains (le sol
bitumeux des trottoirs est bien peu attrayant en comparaison de l'élégance de nombreuses
façades). Que serait la place de la mairie, si, au lieu de l'agréable sol en granite que l'on
connaît, c'était une étendue triste de bitume qui recouvrait l'espace jusqu'à lécher le pied
de la façade du monument, telle une marée noire peu civile. Pourquoi les rues des
arrondissements du centre de Paris ont-elles le privilège de disposer de trottoirs de noble
pierre, tellement plus agréables à l'œil et sous le pied et, malgré l'investissement initial
plus important, plus économiques pour la collectivité publique si l'on tient compte des
frais d'entretien sur le moyen terme ? Que manque-t-il à la rue Blomet pour que les
pouvoirs publics acceptent d'y mettre en valeur les productions architecturales passées et
présentes et toutes celles et ceux qui lui donnent son âme aujourd'hui ?
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3- Propositions de pacification et d'embellissement de la rue Blomet
Les propositions qui suivent, dont certaines nous ont été soufflées par des riverains et
commerçants de la rue, qui sont nombreux à partager le constat qui précède, sont tout à fait
banales et ne sont rien d'autres que les remèdes utilisés classiquement par les collectivités
locales lorsqu'elles sont confrontées à des difficultés similaires. La plupart de ces mesures ont
d'ailleurs déjà été mises en œuvre dans d'autres secteurs de Paris, dans le cadre par exemple
de la politique des quartiers tranquilles ou des fêtes de quartiers.
-
un quartier tranquille pour une rue pacifiée : la première étape, incontournable, pour
pacifier la rue, c'est à dire accroître la sécurité et le confort des riverains et commerces,
consiste à affirmer le caractère spécifique du quartier Blomet par rapport aux grandes axes
qui lui sont parallèles ou qui le traversent (Lecourbe, Vaugirard, Cambronne et
Convention). Que les choses soient claires : l'objectif n'est absolument pas de piétonniser
la rue Blomet, ce qui signifierait sa mort économique à très court terme et des difficultés
sans nombre pour les riverains. Il s'agit simplement de rendre la circulation compatible
avec une vie de quartier de qualité. Cette approche, mise en œuvre sous la mandature de
Jean Tibéri, et reprise dans ses grandes lignes par le nouveau maire de Paris Bertrand
Delanoé, consiste à dissuader la circulation de transit dans le quartier tranquille, à ralentir
les véhicules y circulant, et à améliorer le confort des piétons, des deux roues motorisés,
des vélos et rollers en élargissant les trottoirs et en installant des parcs de stationnement
pour deux roues à intervalles réguliers.
Concernant la circulation automobile, la solution la plus efficace pour dissuader le trafic
de transit consiste à modifier les sens de circulation de telle manière qu'il ne soit plus
possible d'aller aussi simplement qu'aujourd'hui d'un bout à l'autre de la rue. C'est une
approche comparable aux boucles de circulation fréquemment utilisées dans les villes de
province pour empêcher la traversée des centres-villes par les automobiles. Dans le cas de
la rue Blomet, il serait assez simple de faire en sorte que la portion entre le début de la rue
et la rue de Cambronne demeure telle qu'elle est aujourd'hui, mais que celle entre la rue de
Cambronne et la rue de l'Abbé Groult ait son sens de circulation inversé. Cette mesure
aurait pour effet immédiat une réduction sensible de la circulation – que l'on constate
d'ailleurs déjà lorsque, par exemple en raison de travaux, le début de la rue est fermé à la
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circulation automobile - sans que cela ne pose de difficultés aux riverains ou aux
commerces de la rue. Concernant la vitesse des véhicules, il convient de la limiter à la fois
réglementairement à 30 km/h, vitesse au-delà de laquelle piétons, vélos et rollers ne
peuvent plus cohabiter avec les automobiles sans grand danger, et physiquement grâce à
des aménagements de type ralentisseurs, chicanes consistant à alterner le côté du
stationnement, rétrécissements de chaussées, etc.
-
des trottoirs élargis pour un confort accru des piétons : il convient de poursuivre et de
faire bénéficier l'ensemble de la rue Blomet des aménagements déjà réalisés sur la portion
entre le début de la rue et la rue Cambronne. En effet, sur cette section, les trottoirs sont
plus larges et le stationnement des véhicules sur le trottoir est rendu impossible par la
présence de potelets métalliques. Outre le confort et la sécurité incomparablement plus
élevés pour les piétons, cet aménagement a également un effet visuel important en
éloignant les voitures des façades des immeubles, apportant une respiration importante à
l'architecture des immeubles. Il permet de plus aux véhicules de secours (sapeurs
pompiers) d’accéder plus aisément aux logements en cas de besoin. Concernant le
problème des poubelles, certaines villes étrangères (Rome, Madrid) veillent à ce qu'elles
n'empiètent pas sur l'espace des piétons dans les rues étroites en aménageant à intervalles
réguliers des espaces réservés prélevés sur la chaussée et non sur les trottoirs. Il s’agit ni
plus ni moins en résumé que d’apporter aux riverains de la rue Blomet le confort minimal
de circulation sur les trottoirs prévu par la norme de 1,40m de large.
-
une requalification des espaces publics pour le confort et l'agrément de tous : la
reconquête physique de l'espace vital des piétons doit aller de pair avec un embellissement
des espaces publics et l'amélioration du confort et de l'agrément pour toute les personnes
fréquentant la rue. On a évoqué plus haut la question du remplacement des trottoirs en
bitume par des pierres plus élégantes et aussi plus résistantes. D'autres pistes doivent être
également étudiées, telles que la possibilité de végétaliser certaines sections de la rue par
la plantation d'arbustes dont les essences devront être choisies judicieusement pour ne pas
ôter de lumière aux riverains, l'abaissement des trottoirs à chaque intersection,
l'installation de bancs publics dans les lieux où la rue s'élargit et ménage des espaces
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attrayants, etc. Il convient à ce stade de faire une proposition concernant la place du
Général Beuret. Cet espace potentiellement très agréable (belle architecture, échelle
humaine, nombreux commerces dont des bars très fréquentés) perd aujourd'hui une grande
partie de son attrait du fait du saucissonnage de l'espace public opéré par les trois rues qui
le traversent, de l'étroitesse de trottoirs bordés de nombreux commerces dont les étalages
empiètent à juste titre sur l'espace public et du caractère dérisoire de l'îlot central, qui ne
sert que de parking à motos aujourd'hui, alors qu'il aurait vocation à être le cœur de l'un de
ces espaces publics animés et fréquentés par petits et grands, dont l'Italie a le secret.
Comme le montre le plan en annexe, il serait très simple de réaménager cette place en
élargissant le plateau piétonnier sur le bout de voie à l'origine de la rue Beuret (à l'ouest de
la place, devant la droguerie et le supermarché). Cette voie pourrait être accessible le
matin et le soir aux véhicules de livraison des commerces et réservée aux piétons le reste
du temps. Cette mesure n'aurait aucune conséquence particulière sur les flux de circulation
puisque les deux autres voies de la place permettent de desservir parfaitement l'ensemble
des rues voisines. Les véhicules provenant de la rue Lecourbe et souhaitant rejoindre la
rue Beuret resteraient tout simplement sur la rue de Cambronne jusqu'à l'intersection avec
la rue Blomet. En revanche, il est fort probable que la place gagnerait encore en
convivialité, au plus grand plaisir des cafés alentour, et pourrait ainsi offrir un cadre
quasiment aussi agréable que la place du marché Sainte-Catherine dans le Marais.
-
favoriser la notoriété des commerces et la vie de quartier en misant sur l'esprit village :
la rue Blomet offre non seulement une palette complète de commerces de proximité mais
aussi une densité particulièrement élevée d'activités artisanales et artistiques. Il importe
que non seulement les habitants du quartier, mais aussi plus largement les Parisiens,
connaissent cette spécificité de la rue Blomet, liée à son histoire (cf. supra). De même que
la rue Louise Weiss dans le 13è arrondissement est parvenue, sous l'impulsion de Jacques
Toubon, à construire une dynamique liée à la présence de galeries d'art contemporain, la
rue Blomet doit, pour conserver et développer ses attraits, être reconnue pour ce qu'elle
est. Les commerces ont tout à gagner de cette meilleure visibilité. Quant aux habitants du
quartier, outre la meilleure connaissance de la spécificité de leur environnement immédiat,
ils semblent partisans de tout ce qui pourrait permettre de développer la convivialité et les
échanges entre voisins, riverains, artisans et commerçants. Il n'est ainsi pas anodin que
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plusieurs immeubles de la rue organisent déjà des fêtes d'immeuble, phénomène
suffisamment rare à Paris pour être noté. Une évolution envisageable pourrait donc
comporter deux volets: tout d'abord la constitution d'une association des riverains, artistes,
artisans et commerces de la rue Blomet, qui serait le porte-parole des intérêts de la rue, et
prendrait en charge, avec l'aide de la municipalité, l'organisation une fois par an d'une fête
du quartier, sur le modèle de ce qui existe déjà dans plusieurs quartiers parisiens à la forte
personnalité, tel le quartier des Thermopyles dans le 14è arrondissement. Quant aux
pouvoirs publics, ils pourraient encourager la vitalité des commerces non seulement en
mettant en œuvre les diverses actions déjà citées plus haut, mais aussi en subventionnant
l'association de la rue Blomet pour la réalisation d'une brochure des commerces de la rue.
-
une sécurisation et un encouragement à la pratique des circulations douces : la rue
Blomet relie, comme on l'a vu, de nombreux équipements publics attirant un public jeune.
Il convient donc de prendre en compte et de sécuriser les déplacements en vélo, roller,
trotinette, etc. Outre une signalétique adaptée, il serait indispensable que la circulation des
vélos soit autorisée à contre-sens afin d'éviter aux cyclistes de devoir effectuer des détours
importants ou bien, ce qui est dangereux mais malheureusement fréquent, de remonter la
rue à contre sens au risque de se retrouver face à face avec des véhicules roulant très vite
et ne s'attendant pas à voir arriver un cycliste face à eux. Grâce à la réduction de la
circulation et à la limitation de la vitesse préconisées ci-dessus, une telle mesure serait
simple à mettre en œuvre et, à condition d'être accompagnée d'une signalétique adaptée,
sans risque pour les cyclistes. La rue Blomet, transformée ainsi en véritable refuge pour
rollers et cyclistes, pourrait devenir une sorte d'itinéraire recommandé pour circulations
douces (axe vert), qui pourraient de la sorte éviter les rues Lecourbe et de Vaugirard, où la
cohabitation aves les automobiles est particulièrement difficile actuellement malgré
l'existence de couloirs de bus (celui de la rue Lecourbe n'est d'ailleurs pas autorisé
officiellement aux cyclistes, alors que son frère jumeau de la rue de Vaugirard l'est !).
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4- Conclusions
Il suffit parfois de bien peu de choses pour qu'un lieu agréable et vivant bascule dans
l'anonymat et l'inconfort. La rue de la Croix Nivert, qui était il y a un siècle l'une des rues les
plus commerçantes et les plus animées du 15è arrondissement, a connu une telle évolution.
Nous avons le sentiment que la rue Blomet se trouve aujourd'hui face à une alternative
semblable. Si les pouvoirs publics ne se penchent pas sur son sort, il est probable qu'elle va
poursuivre sa petite existence sans problème, mais que peu à peu, sans que personne n'y prête
véritablement attention, ce qui a fait son caractère unique et son charme vont s'amoindrir. Les
commerces et les artisans lui conférant son âme vont la quitter, tandis que les riverains vont
devoir continuer à pester sur des trottoirs indignes de ce nom et sales. Les parents ne
laisseront toujours pas leurs enfants aller à l'école ou à la piscine, pourtant proches, à rollers
ou à vélo, et la place Beuret, qui pourrait être l'une des plus charmantes de Paris, se contentera
d'être une place pas désagréable avec un parking à motos ombragé par des arbustes en son
centre. Rien de bien grave, il est vrai. Mais nous sommes en droit d’espérer un avenir plus
ambitieux pour notre quartier. En effet, la rue Blomet et son quartier disposent de tous les
attraits pour devenir la vitrine de ce que peut être un quartier vivant, agréable et convivial
dans le Paris du début du XXIè siècle. Ne laissons pas passer cette chance !
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La rue Blomet : fil conducteur entre de nombreux équipements publics
Des écoles…
Des hôtels…
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Un haut lieu des cabarets parisiens : le Saint- Une des rares piscines parisiennes à offrir un
Louis / Opus Latino
bassin olympique
Des squares et jardins…
Des établissements hospitaliers…
La mairie du 15è
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La rue Blomet : une architecture variée et de qualité
Maisons traditionnelles de faubourg à un Magnifique immeuble
étage
haussmannien
de
rapport
pré-
Immeuble de faubourgs avec des cours Immeuble art-déco avec superbes bowdonnant sur rues de grande qualité windows
urbanistique
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Immeuble de style « Deauville » des années Hôtel particulier en pierre de taille
1920
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La rue Blomet : une riche tradition artisanale et artistique à préserver
Des artisans et des métiers d’art renommés
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Des galeries d’art multiples
Une librairie de qualité
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La rue Blomet : des trottoirs sales et exigus, des espaces publics peu valorisés
Au début, tout va bien…
Puis
après
Cambronne,
les
trottoirs
deviennent étroits, sinistres…
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… et sales…
Le parcours du combattant pour les piétons, devant slalomer entre les crottes de chien, les
poubelles et les parc-mètres, le tout sur des trottoirs de moins d’un mètre de large
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La Place Beuret, l’une des plus charmantes de Paris, n’est plus qu’un parking de motos à ciel
ouvert…
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La rue Blomet : des commerces qui périclitent
Triste état des lieux des innombrables commerces fermés sur la section comprise entre la
place Beuret et la Mairie (restaurants, épicerie , boulangerie)
Une boulangerie qui meurt, c’est un peu
l’âme d’un quartier qui s’en va
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