COMPETENCES ACTIONS EMPLOIS LES
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COMPETENCES ACTIONS EMPLOIS LES
COMPETENCES ACTIONS EMPLOIS LES TRAVAILLEURS AGRICOLES MIGRANTS (Afrique du nord) DANS LE BASSIN Nîmes-Beaucaire-St Gilles Port Ariane - 1 Rue des Chevaliers de Malte, Palais Castilhon, Bât. C - 34970 LATTES Tél. 04 67 18 63 64 - fax 04 67 18 63 69 - SIRET 398 951 848 00025 APE 804 C page 2/38 Rapport d'étude SOMMAIRE Reformulation du projet initial (page 3) Si l'enquête s'est révélée fructueuse, elle n'a pas été sans difficultés... (page 4) 1. L'agriculture dans le bassin Nîmes-Beaucaire-St Gilles (page 5) 2. Les ouvriers nord-africains (page 7) 3. Les hommes « isolés » (page 8) 4. 5. 6. 7. Difficultés de recruter pour un employeur et d'être recruté pour un ouvrier (page 10) Main-d'oeuvre étrangère (page 12) Discrimination négative et discrimination positive (page 13) Conditions de travail, exploitation et fraudes (page 15) 8. L' « image déplorable » de l'emploi agricole saisonnier (page 17) 9. Les jeunes (page 18) 10. Les femmes (page 19) 11. Annualisation du travail agricole (page 21) 12. Qualifications (page 22) 13. Analphabétisme (page 24) 14. Rapport au travail : dissocier capacité et volonté (page 26) 15. Le chômage (page 28) 16. Travail non déclaré, « objectif retraite » et RMI (page 29) 17. Les actions en place (page 30) Annexes : - Personnes ressources (page 32) - Tableau synoptique (page 34) page 3/38 Reformulation du projet initial Le projet initial de cette étude posait trois grandes questions : • Pourquoi les emplois du secteur agricole demeurent-ils peu qualifiants, temporaires et précaires ? • Les travailleurs agricoles migrants1 sont-ils victimes de discriminations ? • Pourquoi certains emplois agricoles restent-ils inaccessibles aux femmes ? En filigrane, il s'agissait de chercher à comprendre ce qui alimente cette inégalité des chances, en parallèle d'une inégalité des genres, effective dans le secteur agricole du bassin Nîmes-Beaucaire-St Gilles (Gard). L'enquête a permis de déployer ces questions de départ qui, précisées, donnent lieu aux suivantes : • Pourquoi les ouvriers agricoles migrants d'Afrique du nord ne sont, le plus souvent, pas qualifiés, et pourquoi ne bénéficient-ils pas – ou ne saisissent-ils pas – davantage d'opportunités de le devenir ? • Pourquoi ce secteur professionnel n'offre-t-il que de l'emploi saisonnier ? Est-ce le seul facteur qui conduit ces travailleurs à la précarité ? • Peut-on parler en termes d'exploitation ou de discrimination ? • Est-ce que certains emplois restent inaccessibles aux femmes : lesquels et pourquoi ? La réalité est de plus en plus complexe, ce qui nécessiterait presque de l'appréhender au cas par cas. Nous n'attestons dans ce rapport qu'un zoom précis et objectif sur ce petit carré de la réalité sociale. En effet, cette étude est circonscrite sur le plan de la population donnée (les migrant(e)s marocains), du secteur professionnel (agriculture) et de la situation géographique (bassin Nîmes-Beaucaire-St Gilles). L'enquête a été menée suivant une méthode qualitative auprès de quarante personnes ressources2. 1 par travailleurs migrants, nous entendons les personnes qui résident en France, contrairement aux travailleurs saisonniers migrants itinérants, qui viennent en France quelques mois de l'année avec une autorisation de résidence et de travail sur le territoire. 2 Des professionnels de l'insertion, des ouvrier(e)s agricoles migrants et des employeurs agricoles (voir détail des personnes ressources au chapitre correspondant) page 4/38 Si l'enquête s'est révélée fructueuse... ..., elle n'a pas été sans difficultés pour rencontrer les différentes personnes ressources concernées par l'objet de l'étude. Les professionnels de l'insertion, malgré l'intérêt qu'ils portent aux bénéfices d'une telle recherche-action, sont débordés et de moins en moins disponibles. Quand ils ne reçoivent pas les bénéficiaires (demandeurs d'emploi, RMI, ASS, ASSEDIC) de plus en plus nombreux, ils passent un temps considérable à lire « les textes » et autres réformes de plus en plus éphémères. L'un d'eux dénonce « l'abattage », avec des porte-feuilles qui atteignent un trop grand nombre de suivis mensuels. Les travailleurs agricoles migrants ont été difficiles à rencontrer. Hors saison, ils n'étaient pas dans les stations de conditionnement ou dans les vergers, mais dans les structures sociales pour anticiper leur recrutement printanier ou trouver des solutions à leurs problèmes financiers. Or le souci légitime de confidentialité a posé le problème de l'entrée en contact. L'urgence de l'enquête, prévue sur un délai assez court, n'a pas contribué à trouver des compromis. Parmi les exploitants et chefs de culture enfin, certains ont profité de la saison creuse pour prendre quelques congés. Les sciences sociales n'ont, semble-t-il, publié aucun ouvrage ou article sur la question des travailleurs agricoles nord-africains en général, ni dans le Gard en particulier. Seuls quelques articles de presse, le plus souvent sur l'exploitation subie par les ouvriers itinérants en situation régulière ou illégale, sont disponibles, comme quelques quotidiens régionaux qui ont consacré un encart à des initiatives locales, telle l'insertion professionnelle des femmes par une formation de taille arboricole ou viticole. page 5/38 1. L'agriculture dans le bassin Nîmes-Beaucaire-St Gilles Le bassin Nîmes-Beaucaire-St Gilles est principalement, en matière d'agriculture, un producteur de fruits dits « à noyaux » : abricots, cerises, pêches et nectarines. Or ce secteur d'activité arboricole est en crise depuis plusieurs années. Des exploitants sont contraints de vendre leurs terres, qui ne sont pas toujours reprises faute de rentabilité. « Pour sauver les meubles », certains arrachent leurs vergers, avant un redressement judiciaire dont beaucoup font malgré tout l'objet. Malgré les aides de l'Etat (exonérations et réductions de charges3 pour arracher, planter ou recruter), le secteur ne parvient pas à remonter la pente. Les seuls épargnés par la crise sont les producteursnégociants. Ces derniers commercialisent la production d'autres exploitants qui ne disposent pas d'un commercial expert en marketing nécessaire aujourd'hui pour bien vendre, ni de logistique pour exporter sur les marchés européens. Les chiffres de la production en perte de vitesse sont ainsi compensés par celui du négoce. Certains agriculteurs optent pour une mutation vers une production d'olives qui, en plus d'avoir le vent en poupe, nécessite très peu de main-d'oeuvre compte tenu du ramassage mécanique. Les facteurs de cette crise sont pluriels. D'abord la concurrence internationale. Les cerises espagnoles ramassées à un coût bien inférieur et arrivées plus tôt dans la saison que leurs consoeurs gardoises ont fait chuter le prix de vente sur le marché. Ces dernières sont restées sur l'arbre faute de pouvoir les vendre plus cher que ce que coûte la main-d'oeuvre pour les ramasser. En Espagne encore, le kilo de pêches coûte 1 euro, tandis que le prix de revient s'élève à 1,20 € en France. Nos exploitants souffrent d'une inégalité en matière de coût salarial, bien inférieur ailleurs en Europe (Espagne, Portugal, Grèce). La grande distribution « fait mal »4 elle aussi, en achetant au plus bas prix à des producteurs souvent exsangues. Si le prix de vente facturé par l'exploitant baisse, celui que proposent les grandes surfaces reste stable. Ainsi la consommation n'est pas stimulée. Par ailleurs, la consommation fruitière perd toute considération devant l'abondance du rayon des desserts. La campagne publicitaire de santé publique qui invitait à consommer au moins cinq fruits par jour n'a pas eu l'effet escompté, et notamment auprès des plus jeunes. Enfin un mois d'août (2006) plus frais diminue la consommation de fruits frais, en même temps que leur prix de vente. 3 Mesure d'allègement des cotisations sociales et simplification des démarches administratives d'embauche avec le TESA, Titre Simplifié pour l'Emploi Agricole. 4 Les guillemets rapportent le propos d'un interlocuteur (interrogé lors de l'enquête). page 6/38 Le secteur arboricole n'a pas véritablement connu de révolution mécanique, comparé à celui de la viticulture, hormis l'utilisation des calibreuses5 et, plus récemment, la taille mécanique6 des arbres. L'arboriculture nécessite encore et nécessitera toujours un grand nombre de travailleurs. La main-d'oeuvre entraîne des charges salariales « énormes », 50 à 60% du coût de revient. L'Etat exonère partiellement les charges du travail saisonnier d'un côté, mais le SMIC augmente de l'autre. Faute d'avoir la garantie de vendre sa production (prix de revient, concurrence, aléas climatiques), l'employeur ne peut à son tour garantir les emplois, notamment ceux des permanents (CDI). Il peut aussi difficilement recruter. En cinq ans, le recrutement des permanents a été quasi nul : ceux qui partent à la retraite, s'ils sont remplacés, le sont par des saisonniers qualifiés. D'autres sont « licenciés économiques » et à leur place, les employeurs embauchent des saisonniers, dont les contrats ne présentent pas de charges fixes, mais au contraire des exonérations partielles. Quant aux saisonniers, leur nombre a été considérablement réduit (d'un tiers voire de la moitié) ces trois dernières années. Si les employeurs ont des difficultés pour garder leurs employés, ils peinent aussi pour en recruter en cas de besoin. Les permanents aujourd'hui approchent de l'âge de la retraite. Leur savoir-faire comme la taille, qui « augure la récolte », n'est pas suffisamment renouvelé faute de sessions de formation suffisantes. En outre, l'image « déplorable » du secteur agricole n'encourage pas les candidats, et notamment les jeunes, qualifiés ou en mesure de le devenir. S'ensuit une grande difficulté pour les professionnels de l'insertion à valoriser ce secteur. Malgré cette crise, la main-d'oeuvre a été et sera toujours nécessaire. Jusque dans les années 60, les Italiens et les Espagnols constituaient l'essentiel du personnel, relayés ensuite par des ouvriers d'Afrique du nord. 5 Le calibrage des fruits, de moins en moins manuel, est effectué à l'aide d'une sorte de règle métallique comprenant 6 entrées, du plus petit au plus gros calibre de fruit. Les calibreuses mécaniques sélectionnent les fruits en fonction de leur poids. 6 La mécanisation de la taille des arbres est récente, et comprend une barre de coupe verticale et une autre horizontale, un résultat dont on a peu de recul par rapport notamment à la « réaction » des arbres à long terme. page 7/38 2. Les ouvriers nord-africains7 « Ici, c'est les Marocains. » La majorité sont Marocains8 (Arabes ou Berbères). On compte aussi dans l'agriculture un petit nombre de Tunisiens « solidaires entre eux » et d'Algériens, que l'on retrouve davantage dans l'industrie ou le bâtiment. Issus de régions rurales pauvres9, non scolarisés ni qualifiés, souvent cultivateurs précoces sur les terres familiales ou celles d'un patron « pied-noir10 », les Marocains ont trouvé, dans les années 60 et 70, un moyen pour subvenir aux besoins de leur famille : un emploi non qualifié en France. Economique, cette émigration est aussi à cette époque exclusivement masculine. La société patriarcale traditionnelle nord-africaine assignait alors au chef de famille, et à lui seulement, le rôle de subvenir aux besoins des siens. Les faibles revenus et moyens d'autosubsistance des familles pouvaient conduire à étendre ce rôle aux fils. Une première phase d'expansion du flux migratoire a lieu en 1963, lors d'un accord de maind'oeuvre entre le gouvernement français et le Maroc. Les ressortissants marocains prennent alors le relais des travailleurs espagnols ou italiens et des ouvriers agricoles locaux. Certains ont suivi leur « patron pied-noir » du Maroc en France après l'indépendance. La relation qui s'ensuivait était souvent empreinte de paternalisme. Beaucoup se sont sentis accueillis « comme dans une famille ». Le patron les accompagnait, par exemple, jusqu'à Marseille pour prendre le bateau par lequel ils retournaient au pays quelques semaines en hiver. En France, au mas, les Marocains retrouvaient les « collègues » portugais ou espagnols, tels « des frères » qui s'invitaient les uns les autres à boire le café11. Les anciens ont une immense reconnaissance envers leur employeur, et sont nostalgiques d'une époque où ils étaient reconnus et avaient une certaine sécurité de l'emploi. D'autres ont signé, dans les années 70, « un contrat de trois mois » avec un employeur venu sur place pour recruter. L'exode rural en France commençait alors à bouleverser l'économie locale. « La solution » était de venir recruter au Maroc des ouvriers jeunes, solides, travailleurs, résistants aux conditions climatiques chaudes en été et froides en hiver, et 7 régularisés ; la situation des travailleurs migrants clandestins est une autre réalité. 8 En 1968, l'INSEE dénombrait 3000 Marocains dans la région Languedoc-Roussillon. En 1999 l'institut en compte 42 000, soit 20,3% de la population totale (la plus grande partie vit dans le Gard). Les Marocains sont le deuxième groupe par ordre d'importance après les Espagnols. La moyenne d'âge est de 38 ans, soit 15% de moins de 20 ans et 10% de plus de 65 ans. Source : Atlas des populations immigrées-Languedoc-Roussillon, INSEE, octobre 2004 9 Le plus souvent, de la région du Rif, au nord-est du Maroc. 10 Pied-noirs d'Algérie ou colons du Maroc, la distinction n'est, semble-t-il, pas toujours faite. 11 Seuls les Marocains tiennent ce discours. page 8/38 surtout malléables et dociles (faible taux de scolarisation et colonialisme12 oeuvrant). Les autres sont venus rejoindre un parent ou un « frère » du même village, informés par le bouche à oreille d'une possibilité d'embauche. Pour tous, cette migration était provisoire : ils travailleraient dur, amasseraient un pécule suffisant et rentreraient. Le provisoire est devenu définitif, et s'est traduit par un enracinement. Avec les années, la plupart ont procédé au regroupement familial. Les conditions13 requises sont toujours un revenu suffisant et un logement adéquat pour accueillir femme et enfants. Ces hommes, âgés de 20 ou 30 ans dans les années 60 et 70, sont aujourd'hui « une communauté vieillotte » dont la santé est sur le déclin. Beaucoup sont prématurément usés par des conditions de travail rudes, et parmi eux, certains ont été victimes d'une manipulation malheureuse de produits chimiques, une maladie professionnelle non reconnue par la COTOREP14. Ce sont les « Zoufri-s15 » qui, en arrivant, ont appris à cuisiner, à frotter un parterre et à laver leur linge. Aujourd'hui, la plupart vivent en famille ou bien seuls. 3. Les hommes « isolés » Désignés ainsi par les institutions, les « célibataires géographiques » ne résident quasiment plus aujourd'hui dans les mas, où les logements sont prévus pour la saison estivale (pas de chauffage, des sanitaires collectifs à l'extérieur). Deux tiers d'entre eux vivent aujourd'hui dans les zones d'emploi (Beaucaire, Vauvert, St Gilles), dans des appartements le plus souvent vétustes voire insalubres, sans sanitaires ni chauffage et eau chaude, qu'eux seuls acceptent compte tenu des faibles frais locatifs que couvrent les allocations logement. 12 Notons que, dans les textes, le Maroc fut un protectorat français de 1912 à 1956, contrairement au colonialisme en Algérie. Dans la réalité, la différence entre les deux régimes fut bien moins marquée. 13 Procédure administrée par l'ANAEM, l'Agence Nationale de l'Accueil des Etrangers et des Migrations. 14 Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel 15 Le nom qu'on donne aux hommes venus seuls (trad. litt. : célibataire, qui est seul). Transcription phonétique. page 9/38 Tandis que les hommes en famille sont mieux lotis, notamment sur le plan psychoaffectif, et plus réactifs en cas de problème, les hommes isolés et bénéficiaires du RMI16 sont « ceux qui touchent le fond en termes de précarité ». En moyenne, les deux tiers17 du revenu minimum sont envoyés à la famille, qui est souvent élargie. Pour ne pas faillir – ce qu'ils redoutent par dessus tout – à leur statut et leur rôle de chef de famille, ils sacrifient leurs conditions de vie en France pour subvenir à leur famille au pays. Partant du principe que « si c'est mieux, c'est plus cher », ils survivent entre banques alimentaires et bourses aux vêtements, au détriment de leur confort de vie, privés de tout et trop pudiques pour en parler. Précarité du quotidien, mauvaise alimentation, solitude, aucun confort de vie, mal-être, heures de travail physique incalculables ont accéléré la vieillesse de ces hommes, usés prématurément par la vie et le travail. Le cas de ces hommes, qui ont pourtant contribué à la prospérité économique des exploitations fruitières du département, ne mobilise ni mouvements associatifs ni élus. Certains travaillent encore, alors qu'ils sont en âge d'être à la retraite et malgré des problèmes de santé. Des employeurs reconnaissent leur savoir-faire et savent que ces hommes n'ont rien d'autre. Lorsqu'ils ont perdu leur emploi, le même depuis 20 ou 30 ans pour certains, ces hommes vieillissants et analphabètes ne pouvaient envisager une reconversion professionnelle. Leur seul revenu a été le RMI, puis le Fonds Social Vieillesse18, qui les ont fixés (obligation de résidence sur le territoire français). Si le passage du RMI au « minimum vieillesse » améliore dans une certaine mesure leur revenu, il les a aussi définitivement enchaînés à la France. Sans vouloir renoncer à ces droits chèrement acquis et, pour ceux qui souffrent de pathologies souvent lourdes, nécessitant des soins, les hommes isolés réalisent, affligés, qu'ils vont mourir ici. Or un réel problème va se poser dans les années à venir : même en perte d'autonomie, ces hommes refusent la perspective de résider en maison de retraite qui ponctionnerait la totalité de leurs revenus, ce qui priverait leur famille de toutes ressources. Ces hommes sont saisis de honte et d'angoisses profondes à l'idée, inconcevable, de ne plus pouvoir envoyer d'argent au pays. En France, ces hommes cumulent les handicaps : logement, santé, accès aux droits, isolement linguistique, psychologique et affectif, solidarité étiolée. Au Maroc, ils se sentent étrangers. Ils ont désormais des rapports distendus avec leur épouse et leurs enfants. Ils s'ennuient et se sentent en décalage avec la société marocaine : les repères et les habitudes 16 La proportion de bénéficiaires du RMI âgés de 55 à 65 ans, en juillet 2001, est de 95% pour les hommes et de 5% pour les femmes. La MSA dénombre 26% de couples avec enfants, 5% de couples sans enfant, 7% de personnes seules avec enfants et 62% de personnes seules sans enfant. 17 Je remercie Mireille Macieira d'avoir mis à disposition son mémoire de DU de gérontologie sanitaire et sociale, On avait oublié jusqu'à présent que les immigrés eux-aussi vieillissent..., octobre 2002 18 Depuis 1998, la condition de nationalité est levée pour l'octroi du FSV. page 10/38 sont en France. Si quelques-uns ont épousé sur le tard une femme plus jeune en France et ont eu d'autres enfants, la plupart des hommes n'ont pas fait de regroupement familial (conditions de ressources et de logement pas toujours réunies, complexité des démarches). D'autres ont récemment fait venir un ou deux fils mineurs, dans l'espoir d'être régularisés à leur majorité. S'ils peuvent être scolarisés et couverts par la Sécurité Sociale, ils ne sont pas comptabilisés dans le calcul de l'allocation logement ni des allocations familiales. Le père subviendra à leurs besoins avec ses maigres ressources. S'agit-il de donner leur chance à ces enfants, ou de pallier leur propre isolement ? En attendant, les professionnels de l'insertion signalent un certain nombre de conflits entre un père qui n'a pas eu l'occasion de s'exercer à son rôle de père, et un fils quelquefois désenchanté de la vie en France. Les ouvriers agricoles permanents vieillissent, partent à la retraite, et ne sont pas toujours renouvelés. 4. Difficultés de recruter pour un employeur et d'être recruté pour un ouvrier Au premier abord, le versant recrutement du secteur agricole semble comprendre quelques incohérences. Entre les mois de juin et de septembre de chaque année, le Gard devient un immense pourvoyeur d'emplois, jusqu'à 15 00019 postes d'ouvriers agricoles saisonniers. Alors qu'un grand nombre d'ouvriers locaux ne trouvent pas de travail, les employeurs disent ne pas trouver suffisamment de main-d'oeuvre locale et être contraints de recruter à l'étranger. Parmi les candidats, hormis la main-d'oeuvre étrangère, se trouvent des ouvrier(e)s agricoles locaux au chômage ou au RMI le plus souvent vieillissants, des jeunes désireux de gagner un peu d'argent de poche ou des étudiants qui « font leur budget » annuel le temps d'une saison. 19 A titre indicatif, voici un rapport* taille de l'exploitation / nombre d'employés (permanents et temporaires) en vigueur : - 25 hectares pour 3 permanents et jusqu'à 50 saisonniers - 120 hectares pour 10 permanents et jusqu'à 200 saisonniers - 450 hectares pour 80 permanents et jusqu'à 600 saisonniers (*établi lors de l'enquête) page 11/38 Plus l'exploitation est importante, plus grand est le turn-over20 : des candidats viennent et repartent dans la journée ou ne reviennent pas le lendemain, à défaut de motivation ou de résistance aux conditions de travail, ou encore « pour ne pas être radiés de l'ANPE ». Les moyens de recruter sont pluriels : forums emploi 21 « qui fonctionnent bien », avant la période de recrutement, annonces en mairie et dans les journaux gratuits, bouche à oreille, contact direct par les employeurs à partir de listes d' « habitués » ou encore l'ANPE. Arrêtons-nous un instant sur l'Agence Nationale Pour l'Emploi. Si en interne, les équipes « agriculture » œuvrent pour établir au mieux un lien employeurs/employés, dans les agences, les demandeurs d'emploi analphabètes ou peu francophones se retrouvent seuls et démunis, face à des panneaux d'affichage qu'ils ne peuvent lire et des ordinateurs qu'ils ne savent pas utiliser. Selon eux, par l'intermédiaire de l'ANPE, « toujours on attend, mais y a rien », et leur solution « pour trouver un patron » est de faire le tour des propriétés et de se présenter aux employeurs. Il est nécessaire pour cela de parler suffisamment bien le français et de pouvoir se déplacer. Or, les conseillers ANPE cherchent à les convaincre de ne pas procéder ainsi, parce que « ça ne suffit pas ». Résultat, peu nombreux sont ceux – parmi les interlocuteurs demandeurs d'emploi de l'enquête – qui ont recours aux services de l'ANPE. Les professionnels de l'insertion comme les demandeurs d'emploi dans ce secteur soupçonnent les employeurs de privilégier l'embauche de main-d'oeuvre étrangère (OMI et saisonniers itinérants). 20 « Le turn-over, rotation en anglais, est utilisé pour désigner la rotation du personnel. Changement fréquent de personnel dans une équipe. Quand il est excessif, cela souligne généralement : soit que le travail est particulièrement éprouvant, soit que la management est de mauvaise qualité, soit que l'atmosphère des rapports humains dans l'équipe est destructeur. Ce peut être tout à la fois. » Source : wikipédia.org 21 Les demandeurs d'emploi, informés par un courrier de l'ANPE, se rendent au forum, indiquent leurs coordonnées aux employeurs, qui repartent avec une liste de personnes à contacter au moment du recrutement. Tous les employeurs et les demandeurs d'emploi ne sont pas présents. page 12/38 5. Main-d'oeuvre étrangère Les travailleurs saisonniers itinérants obtiennent une autorisation de résider et de travailler sur le territoire français jusqu'à 6 mois. Ils viennent pour la saison, sont le plus souvent logés sur place et repartent à la fin de la saison avec un pécule. Quant aux contrats OMI22, une convention bilatérale a été passée entre la France et le Maroc, la Tunisie et, plus récemment, la Pologne qui, bien que membre de l'Union européenne depuis 2004, est assujettie à certaines restrictions en matière d'entrée professionnelle. Les conditions d'attribution d'un contrat OMI (de 6 à 8 mois par an) sont, d'une part, que l'ANPE certifie qu'aucune candidature qualifiée et disponible sur le territoire n'a répondu à l'offre passée (sauf pour la Pologne23). D'autre part, il faut que la DDAF24 et la DDASS25 aient émis un avis favorable par rapport aux conditions d'hébergement, au mas ou dans un bungalow que l'employeur doit fournir. Au niveau des cotisations, il ne coûte pas davantage ni moins à l'employeur de recruter un contrat OMI. Ce dernier n'est pas soumis à la CSG, une différence égalisée par un taux de cotisation maladie plus élevé. S' « il y a eu des abus », aujourd'hui il y a davantage des contrôles. « C'est pas parfait mais ça fonctionne ». Cette main-d'oeuvre sur place, et prête à travailler beaucoup plus pour gagner le maximum d'argent, ne pose pas de problèmes de mobilité ou d'absentéisme aux employeurs. La FASTI, la Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés, dénonce ce « CDD au rabais » qui ne permet pas à ces travailleurs qui cotisent comme les autres salariés d'ouvrir le moindre droit : ni prime de précarité, ni priorité à la réembauche, ni prestation chômage, ni couverture sociale annuelle, ni cotisation retraite, ni regroupement familial, ni carte de séjour26. Triste constat : « Par rapport au rien de là-bas, ils prennent ici ». Ces dernières années, la Préfecture accorde plus, et plus facilement de contrats OMI venant de Pologne que du Maroc, au nom d'une « préférence européenne » et d'un durcissement par rapport à l'introduction de personnes étrangères hors Union européenne. La concurrence est inégale, « les Maghrébins sont plantés une fois de plus ». Si les Polonais ont le vent en poupe étant « pour l'instant » moins regardants sur les 22 contrats dits « OMI », du nom de l'Office des Migrations Internationales 23 obligation levée pour les dix nouveaux entrants dans l'Union européenne, dont la Pologne 24 Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt 25 Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales 26 En 1980, un grand nombre de « contrats OMI » ont été régularisés. page 13/38 conditions de travail et de salaires, et acceptant ce que les Marocains n'acceptent plus, ils n'ont pas tardé à revendiquer légitimement leurs droits. Récemment, un groupe d'OMI polonais s'est mis en grève : ils refusaient de commencer la saison tant qu'ils ne seraient pas hébergés dans de meilleures conditions. Ces hommes sont le plus souvent lettrés et solidaires. 6. Discrimination négative et discrimination positive S'il est plus facile dans ce contexte de parler clairement en termes d'exploitation, dont il sera question dans le chapitre suivant, il l'est moins de parler de discrimination. Les deux notions sont certes liées. Mais les cas que l'on pourrait qualifier de « discrimination » sont, le plus souvent, complexes et nuancées. Cette étude relève des cas de discrimination négative, mais aussi des formes de discrimination positive. – Dans la société en général. Il y a 30 ans, lorsque les premiers travailleurs nord-africains sont arrivés, « le racisme n'existait pas ». S'ils étaient différenciés en tant que tels, ils n'étaient pas stigmatisés comme aujourd'hui, sauf en Corse, où la relation des locaux aux Maghrébins a toujours été empreinte d'un racisme primaire. En Corse, dans les années 80, les ouvriers agricoles marocains étaient certes payés mais pas déclarés, et faisaient l'objet d'agressions graves : certains ont été attaqués et volés de leur salaire le jour de la paye, et quelques-uns se seraient fait « écraser » sur le bord de la route. Jusqu'au début des années 90, les migrants d'Afrique du nord allaient vers la France, animés d'une volonté d'y trouver leur place. Mais la société les a cantonnés dans un habitat en périphérie et les a exclus du marché de l'emploi et des centres urbains. Ainsi ghettoisés, ils se sont peu à peu repliés sur eux-mêmes, notamment les femmes qui, pourtant, aspiraient le plus à cette France pleine de perspectives et de libertés. – Dans le secteur agricole en particulier. On retrouve peut-être moins de discrimination dans l'agriculture que dans d'autres secteurs comme l'industrie, l'artisanat ou le commerce. Les raisons sont le besoin de main-d'oeuvre non qualifiée et le désintérêt des nationaux pour le travail de la terre. page 14/38 L'enquête révèle de la discrimination négative envers certains. Les candidats à l'embauche les moins convoités sont les garçons d'origine nord-africaine, les « délinquants » des « quartiers de Nîmes27 ». Si quelques employeurs ont eu une mauvaise expérience, beaucoup rejettent a priori l'idée d'une telle perspective d'embauche. Peu importe si une majorité de ces jeunes hommes sont droits et consciencieux, ils feront les frais de la stigmatisation. Le ramadan n'a semble-t-il pas posé de problème28 jusque-là. Mais dans quelques années, lorsqu'il coïncidera avec les mois de pleine saison, on peut penser que « ceux qui feront le ramadan ne seront pas embauchés » faute de productivité suffisante et par crainte d'accidents du travail (malaise, chute d'échelle). La solution des aménagements d'horaires est déjà mise en place, par rapport à la chaleur : les ouvriers commencent plus tôt pour finir plus tôt leur journée de travail. Pour certains employeurs et d'après les craintes des professionnels de l'insertion, le recrutement se fera auprès des ouvriers non musulmans, et notamment parmi les Polonais. En revanche, les femmes voilées et la proscription de l'alcool arrangent certains employeurs : de leur point de vue, les normes d'hygiène sont respectées et les problèmes liés à la consommation d'alcool et aux cannettes de bière « qui traînent » sont écartés. Si les garçons d'origine nord-africaine ont peu de chance d'être recrutés, leurs soeurs, elles, ont « bonne presse ». On leur attribue volontiers les qualités d'être « plus sérieuses » et « plus travailleuses ». Leurs mères bénéficient elles aussi de cette réputation. Les employeurs leur reconnaissent leur minutie et leur travail bien fait, comme ils conviennent du savoir-faire et de la résistance au travail de leurs pères. Au palmarès des meilleurs travailleurs, les ouvriers agricoles migrants itinérants29 sont les mieux placés. Ils sont « les plus motivés » le temps de la saison, pendant laquelle ils gagnent l'argent du budget annuel. Certains sont accompagnés de leurs épouses qui travaillent le plus souvent en station de conditionnement. Logés sur place et motivés, ils sont corvéables, ne posent pas de problèmes de locomotion ni d'absentéisme « pour des choses futiles, [ce qui est] moins vrai pour les autres ». Les professionnels de l'insertion déplorent le manque de considération de certains employeurs. Mais les vieux sont « blindés, on leur a tellement mal parlé ». « Ça reste Mohamed qu'on tutoie », qu'il s'appelle ou non Mohamed. 27 Plus du tiers des migrants marocains et algériens vivent en HLM. Source : Atlas des populations immigréesLanguedoc-Roussillon, INSEE, octobre 2004 28 La fête de l'Aïd-el-kebir, la fête dite « du mouton », ne pose pas de problème non plus : les salariés prennent leur journée, et la remplacent ou la décomptent de leur RTT. 29 des résidants d'Afrique du nord qui obtiennent un permis de travail de trois ou six mois sur le territoire français page 15/38 La première génération, contrairement à la suivante, s'est résignée à une place dévaluée. Est-ce, pour ces anciens, les vestiges du colonialisme, le manque d'instruction ou une vie précaire qui a fait d'eux les « tant pis » de la République ? Sous-payés, mal logés, prenant « ce qu'on a bien voulu leur donner », pas toujours bien accueillis aux guichets, ils s'estiment redevables à l'égard d'une société qui leur a donné du travail et des institutions et de leurs représentants qui leur ont permis d'accéder à certains droits. 7. Conditions de travail, exploitation et fraudes Les conditions du travail agricole sont « moins mauvaises qu'avant », compte tenu d'un outillage (hydraulique, pneumatique) plus facile à manier et d'arbres plus bas pour limiter l'usage de l'échelle, ce qui représente un gain de temps mais entraîne aussi moins d'accidents. En revanche, les exigences de rendement sont maintenues. Voici un extrait d'un contrat de travail : « Nous considérons comme faute grave30, empêchant la continuation du contrat de travail, le fait de ne pas respecter le rendement de fruits conditionnés au plateau minimum : 1200 fruits à l'heure pour les pêches et de 1400 pour l'abricot et prune. Il est entendu que tous les documents ou renseignements de tout ordre qui seront mis à votre disposition, durant votre contrat et après votre départ de la société, ne devront faire l'objet d'aucune divulgation à l'extérieur. » Certaines exploitations fournissent à leurs employés en station et dans les vergers un ruban de code-barres à coller sur chaque plateau31 et caisse de ramassage. Ainsi le travail quotidien peut être suivi et des primes de rendement peuvent compléter la rémunération. Une période d'essai variable de trois jours à une semaine juge la cadence minimale qui, si elle n'est pas atteinte, entraînera un licenciement. Les plus âgés, comme par « auto-discrimination », craignent de ne plus être capables de tenir la cadence et « d'être jetés ». Les contrats sont souvent courts et renouvelables ou fractionnés selon les besoins de l'employeur. Une ouvrière agricole marocaine a signé un contrat à temps plein pour emballer les fruits. Elle a commencé à travailler tous les jours puis, à la demande du patron (suivant ses commandes), elle ne travaillait plus qu'une demi-journée. Elle lui a expliqué qu'elle 30 souligné par l'auteur du rapport 31 Compter 25 plateaux de l'heure, sachant qu'un plateau contient entre 22 et 28 fruits, soit 3 à 4 kilos. page 16/38 souhaitait travailler à temps plein comme son contrat l'indiquait et lui a demandé d'annuler son contrat s'il ne pouvait pas lui permettre de travailler davantage. L'employeur l'a menacée : soit elle démissionne et rembourse l'argent qu'elle a gagné, soit elle accepte ces conditions de travail. Un interlocuteur rapporte que certains employeurs recrutent une équipe du matin et une autre du soir pour que le travail soit plus soutenu, donc plus rentable. Un autre explique que les temps de travail sont morcelés : un mois de travail, le suivant sans, le troisième du travail à nouveau, suivant le mûrissement des fruits et les exigences des commandes. Or pendant le mois creux, l'employé n'a pas de revenu ni d'aides sociales. Et le jour de la paye, si « tu es pas content, tu pars ». « Comment vit-on au Maroc pour accepter toute cette misère en France ? » s'interroge un professionnel de l'insertion. Alors que l'ancienneté n'apparaît pas sur le bulletin de salaire ou que certains employeurs malhonnêtes font signer une lettre de démission à un ouvrier analphabète pour ne pas avoir à lui payer d'indemnités de licenciement32, cette génération contrairement à la suivante n'incrimine personne. S'ils sont conscients d'être exploités, ils sont surtout reconnaissants d'avoir un emploi. « Ça a toujours été et ça le sera toujours », toutes sortes d'escrocs exploiteront la misère humaine. Les filières illégales (espagnoles, nord-africaines ou encore laotiennes) d'introduction de main-d'oeuvre ont été, semble-t-il, éradiquées, mais « jusqu'à quand ? » s'interrogent des inspecteurs du travail. De même que les prestataires de service, légaux en apparence, ont prospéré en extorquant la différence entre le salaire « sous-payé » aux ouvriers (3 ou 4 € de l'heure) et le tarif, « défiant toute concurrence », de la main-d'oeuvre facturé à l'employeur. Ce dernier, conscient de la manigance s'épargnait ainsi, en plus de la gestion du recrutement, de la partie administrative et du turn-over, les 4 euros de l'heure supplémentaires des agences intérim en règle. A la tête de ces « sociétés de travail temporaire bidons », d'une durée de vie de moins d'un an, les « intermédiaires », le plus souvent lettrés, en situation régulière, démarchaient auprès des employeurs et recrutaient parmi leurs compatriotes le plus souvent au RMI. Ils pouvaient même aller jusqu'à retenir sur leur salaire les frais de transport et d'hébergement, prêté par l'employeur. Certains employeurs admettent s'être « brûlé les ailes », notamment pendant les années de pénurie de main-d'oeuvre. La presse a dénoncé leur part de responsabilité dans l'exploitation faite aux ouvriers, et l'inspection du travail a instruit une enquête. 32 L'analphabétisme peut être un argument pour plaider dans ce type d'affaires de fraude devant les tribunaux des Prud'hommes. page 17/38 Si les plus gros escrocs ont déguerpi ou échafaudent un nouveau plan, la « mafia des compatriotes » demeure. Des chefs d'équipe peu scrupuleux recrutent parmi leurs compatriotes contre un bakchich. Personne ne sait ni ne dit rien. 8. L'image « déplorable » de l'emploi agricole saisonnier « Les Français ils sont pas fous pour travailler dans l'agriculture. C'est pas le salaire, le SMIC, c'est le SMIC ! Mais pour travailler, c'est difficile... » Tout au long de l'enquête, un seul point positif a été mentionné, celui du travail en plein air. Les autres arguments dénoncent une image très négative du travail agricole saisonnier. La liste est longue, • pénibilité des conditions de travail en station : la chaleur, le bruit, la cadence sont épuisants, et dans les vergers : chaleur, vent, humidité, moustiques, position à genoux • rémunération minimale (SMIC) et intérêt réduit du secteur depuis le passage aux 35h : « C'est pas assez ! », les ouvrier(e)s déplorent de ne plus pouvoir « faire de gros mois » compte tenu de la réduction des heures supplémentaires • contrat instable, de quelques semaines à quelques mois de travail dans l'année • statut peu voire pas évolutif : pas ou peu de plans de carrière • peu de postes en CDI à pourvoir • difficile reconnaissance en termes de salaire des qualifications acquises avec le temps et la pratique • « On sait à quelle heure on commence, pas à quelle heure on finit », suivant le mûrissement des fruits et des livraisons (autrefois, jusqu'à 13h de travail par jour) • salissant • travail le samedi, dimanche et jours fériés si nécessaire (suivant le mûrissement des fruits) • coïncide avec la saison des vacances d'été (pour ceux qui ont des enfants) L'emploi agricole est perçu comme un revenu d'appoint, un métier peu attractif et dévalorisant comme distribuer les journaux gratuits. Hormis les étudiants qui travaillent un mois ou deux l'été pour gagner de quoi payer leur permis de conduire ou compléter leurs maigres bourses d'étude annuelles, les personnes qui ont un niveau d'études minimum refusent le plus souvent de travailler comme employés agricoles saisonniers. D'autres comme « les débrouillards », quittent l'agriculture dès que possible. Prenons l'exemple de cet homme marocain de 35 ans, qui a travaillé quelques mois dans l'agriculture faute d'autres perspectives. A la fin de la saison, il a fait la demande auprès de la MSA d'un bilan des page 18/38 compétences qu'il a acquises dans le bâtiment au Maroc. Son objectif est de travailler de manière permanente pour gagner la stabilité professionnelle nécessaire de manière à faire venir sa femme et ses jeunes enfants. 9. Les jeunes Les jeunes d'origine nord-africaine que l'on trouve dans les stations (les filles 33) et dans les vergers (les garçons) sont là, le plus souvent, pour deux raisons. Les parents ont vivement encouragé34 leurs enfants majeurs ou presque, à « faire la saison » soit pour compléter le budget familial, soit pour gagner de quoi financer leur projet (permis, voiture, études). Chacun est d'avis qu'ils acquièrent ainsi une première expérience de travail, mais en aucun cas qu'ils préparent leur projet professionnel. La génération actuelle des 20-30 ans projette de travailler toute l'année, critère auquel ne répond pas le secteur agricole. Aussi se désintéressent-ils de ce type d'emploi. C'est une des raisons, parmi beaucoup d'autres. Les parents rejettent l'idée que leurs enfants deviennent ouvriers agricoles, sauf une infime minorité qui prend la place de permanent du père arrivé à l'âge de la retraite. Et, dans l'esprit des enfants, il n'est pas question de revivre ce que leur père, et avant lui leur grandpère, ont vécu. Des « pères fracassés à 50 ans ». Beaucoup ressentent, de manière ambivalente, un mélange de reconnaissance envers celui qui a donné du travail à leur père, et d'amertume née de l'exploitation subie par les pères. Ils sont les premiers à avoir une image déplorable de l'emploi agricole (exploitation, travail sous-payé, dégradant, etc.). Eux (et elles) aspirent à des emplois plus qualifiants et plus qualifiés, et s'orientent vers des secteurs plus valorisants et plus valorisés. Les aspirations professionnelles des parents pour leurs enfants se définissent en termes d' « aisance » en matière de conditions de travail et de revenus. Si, dans les années 80 et 90, l'institution scolaire orientait les garçons d'origine nord-africaine vers le secteur de la mécanique (très vite saturé), les parents « prônent » aujourd'hui les secteurs de la 33 Une organisation du travail ainsi sexuée. Les patrons préfèrent la minutie du personnel féminin dans les station d'emballage ou la récolte des fraises, et la force du personnel masculin dans les vergers ou pour les travaux de manutention (tracteur, transport de palettes, etc.). 34 Dans les quartiers périphériques de Nîmes (Valdegour, Pissevin...), des associations organisent le travail agricole saisonnier pour les jeunes : revalorisation, puis aide à la recherche de contrat et co-voiturage. Si l'expérience professionnelle est modique, elle a le mérite de structurer socialement et professionnellement et de rapporter de l'argent. page 19/38 « technologie, administration, fonction publique ». Malheureusement, les perspectives d'emploi ne sont pas florissantes pour eux : l'ascenseur social est en panne, et les discriminations à l'embauche vont bon train. 10. Les femmes Le travail salarié des femmes migrantes est récent. Pendant longtemps, tous les maris n'acceptaient pas que leurs épouses travaillent. Traditionnellement, la place des femmes dans le monde arabo-musulman était à l'intérieur de la maison. La situation est différente pour les femmes berbères, autant chargées de travail dans les champs, que dans la maison. Si leurs maris le décident et si elles sont déchargées de leurs obligations maternelles, les femmes peuvent travailler à l'extérieur, en tant qu'ouvrières agricoles. Le plus souvent, elles travaillent uniquement pendant la saison, pour compléter le faible revenu du mari. Si celui-ci ne travaille plus (malade, invalide) ou s'il est décédé, son épouse alors âgée de 40 ans et plus prend de plus en plus souvent le relais. En revanche, celles qui ont récemment rejoint leur mari, et notamment les épouses non-francophones, ne travaillent pas à l'extérieur de la maison. Si elles ne trouvent pas d'emploi dans l'agriculture pendant la saison ou le reste de l'année, les femmes peuvent envisager de travailler comme aides-ménagère ou gardes d'enfants ou de personnes âgées. « Elles vont là où il y a de l'emploi. » Ces professions ne nécessitent pas de savoir lire et écrire. A condition égale, la mobilité professionnelle des femmes est supérieure à celle des hommes. Par ailleurs, on l'a vu, les employeurs préfèrent recruter les femmes pour la cueillette et le conditionnement du fait de leur minutie. « Plus adroites, plus délicates », mais aussi « moins rigides que les hommes par rapport aux heures de travail », elles trouvent davantage à travailler dans le secteur agricole que les hommes. Il apparaît chez les femmes une capacité plus grande que les hommes 35 à chercher et à trouver un emploi et, d'une manière générale, à tenter de nouvelles expériences. Elles ont « tout à gagner » et « pas grand chose à perdre dès le départ ». Aussi la perspective d'un emploi équivaut à « un commencement », à une opportunité, à une ouverture qu'il ne faut surtout pas manquer. 35 à cause, peut-être, d'une certaine « rigidité » et de leur refus d'admettre leurs faiblesses ou leurs échecs. page 20/38 Si elles accèdent à une certaine liberté par le travail, les femmes migrantes restent dépendantes sur le plan de la mobilité de leur mari, qui les accompagnent le plus souvent sur leur lieu de travail si eux-mêmes ne travaillent pas, ou sur celui du « stage alpha36 ». Plus encore que les hommes, les femmes de cette génération n'ont pas de permis de conduire. Aussi cherchent-elles un emploi à proximité de leur domicile, mais ne pouvant aller trop loin, elles réduisent leurs chances de trouver du travail pendant plusieurs mois. Elles s'organisent aussi entre femmes, celle (souvent une plus jeune, scolarisée en France) qui a un permis et une voiture emmène les autres. Si les qualifications37 sont de plus en plus ouvertes aux femmes de tous âges et de toutes origines, l'enquête révèle une série de freins bloquant cette perspective. Pourtant, développer leur polyvalence leur permettrait de travailler plus longtemps dans l'année 38. D'une part, il peut y avoir des réticences de la part du mari et de l'entourage, notamment si la candidate a de jeunes enfants à élever. D'autre part, le secteur est en crise, et recrute au comptegouttes. Le nombre de places qualifiées est réduit : « Une seule chef de station pour vingtcinq emballeuses et cinq manutentionnaires ». Ensuite le manque de mobilité pour les femmes de 40 ans et plus freine autant l'emploi que la perspective de se former. Toutes ne cherchent pas à se qualifier. Les plus âgées préfèrent continuer à faire ce qu'elles savent faire et recherchent les emplois à proximité de leur domicile. Or une qualification leur ferait faire d'autres tâches (comme la taille ou l'agrément) et aller sur des exploitations plus éloignées. Enfin, il apparaît un certain nombre de blocages administratifs en matière de formations qualifiantes. Un certain nombre de professionnels de l'insertion de différentes structures 39 ont travaillé avec enthousiasme sur un projet de qualification 40 de taille arboricole réservée à un public féminin. Majoritairement masculine jusque-là, la taille est aujourd'hui pratiquée avec un outillage (sécateurs pneumatiques ou hydrauliques) plus facile à manier. Cette qualification certifiant un diplôme d'ouvrière qualifiée permettrait à ces femmes de travailler plus longtemps dans l'année, la taille s'effectuant l'hiver, autrement dit au moins six mois en discontinu. De plus, il y a cette année deux opportunités : un verger destiné à être arraché pour expérimentation et un employeur prêt à recruter. Mais les candidates n'ont pas toutes le 36 Dans le milieu de la formation alpha, on constate que certaines femmes sont « pistées » par leurs maris qui s'assurent, les premiers jours, de la véridicité du stage et de ses « bonnes » conditions. 37 Une étude sur les parcours professionnels et les besoins de qualification des femmes en milieu rural est en cours dans le cadre du programme national « Femmes, formation et emploi en milieu rural », une recherche-action démarrée en octobre 2001 pour, notamment, évaluer les besoins de formation/qualification. Lien internet : http://www.agriculture.gouv.fr/parite/etude_parc_profess.htm 38 Pas seulement : le propos d'une femme fraîchement qualifiée témoigne de son « sentiment d'être quelqu'un [...] celle que j'ai voulu être depuis des années, [et d'avoir] vaincu [sa] timidité et tout ce qui coinçait à l'intérieur ». 39 AFEMA, ANPE, ASAVPA, ASMOUNE, CFPPA, FAFSEA 40 machinisme, sécurité, prévention page 21/38 même statut, certaines sont bénéficiaires du RMI, d'autres sont allocataires ASSEDIC. Si les ASSEDIC ont refusé le financement, le Conseil général accepte de payer la formation de celles qui sont au RMI, à condition que les stagiaires soient suffisamment nombreuses, soit au moins huit (question de coût de revient). A ce jour, elles ne sont que cinq. Le projet est suspendu. On entend dire, à propos de ce type de blocages, que « ça ne va pas vers le positif ». Une autre situation accrédite ce blâme : une formation, qui requérait quatre mois de travail dans le secteur agricole et deux autres dans tous secteurs confondus, n'a pas eu lieu. Les ouvriers candidats pour la formation n'avaient pas suffisamment travaillé pour être éligibles. Or les professionnels de l'insertion à l'origine de ce projet ont réussi, non sans peine, à trouver un contrat de deux mois supplémentaires pour comptabiliser six mois de travail au total. Le FASILD a pu financer deux stages alphabétisation initiaux aux quatre autres modules41 qui ont été, en revanche, suspendus. 11. Annualisation du travail agricole Les rares ouvriers permanents, comparés au nombre de saisonniers, travaillent toute l'année : taille l'hiver, éclaircissage42 à partir de mars, puis ramassage et manutention jusqu'à l'automne. Quant aux saisonniers, la majorité travaille, dans le meilleur des cas, de fin mai à mi-septembre (ramassage et conditionnement), c'est pourquoi celles et ceux qui trouvent un emploi à l'année quittent le secteur agricole, et un nombre insuffisant d'heures de travail ne permet pas de capitaliser pour ouvrir des droits ASSEDIC. Seule une minorité de travailleurs saisonniers itinérants (contrats OMI ou soumis à une autorisation de travail sur le territoire) peut y trouver un intérêt. Les employeurs réfléchissent à des solutions pour prolonger la saison de travail, ou plutôt pour réduire « le creux » de l'hiver. Ils pourraient ainsi fidéliser les ouvriers qui, en devenant des « habitués », seront formés et moins difficiles à recruter. Pour commencer la saison plus tôt (fin mars, début avril), de plus en plus de producteurs investissent dans la fraise Garriguette, dont le marché est porteur et dont la culture requiert peu d'investissements (ramassage, exclusivement féminin, et conditionnement au même endroit). Quant aux kiwis, ils prolongent de quelques semaines la saison vers les mois d'automne. 41 - arboriculture fruitière, - machinisme, - sécurité et prévention, - conduite d'une oliveraie 42 L'éclaircissage consiste à faire tomber certains fruits en début de maturité, pour obtenir de l'arbre des fruits d'un calibre minimal, selon un savant calcul du nombre de fruits requis par branche. Des fruits trop petits ne sont pas rentables en termes de temps de cueillette et de vente. page 22/38 Quelques rares producteurs ont pensé à la solution d'un groupement d'employeurs. L'un d'eux embauche des ouvriers au printemps et en été pour sa production de fraises et de fruits à noyaux, et l'autre recrute à son tour ces mêmes ouvriers à l'automne et au début de l'hiver pour la vigne, les pommes et les kiwis. Mais « ces ouvriers peuvent-ils humainement travailler toute l'année », dehors, à tailler, ramasser, conditionner, été comme hiver ? Les professionnels de l'insertion dans le secteur de l'agriculture s'interrogent en déplorant l'état physique dans lequel se trouvent les ouvriers en fin de saison de quelques mois de travail intensif : ces gens sont « usés », « crevés » et ne demandent qu'à se reposer quelques mois avant la prochaine saison. L'idéal serait qu'elle commence en janvier, avec la taille. La solution, pour les ouvriers, pour trouver un emploi et l'exercer davantage dans l'année reste la polyvalence, autrement dit les qualifications nécessaires pour tailler des arbres ou une vigne, conduire un tracteur, contrôler les agréments et gérer les commandes, ou encore devenir chef d'équipe. 12. Qualifications Si le secteur est plus qualifiant qu'autrefois, les ouvriers agricoles étaient plus expérimentés qu'aujourd'hui. Cette technicité, reconnue par tous les employeurs, était acquise avec la pratique et le temps. La polyvalence des anciens était acquise de manière empirique, avec le patron. Celui-ci, occupé à la gestion administrative de l'entreprise ou à l'achat de matériel ou de plants, n'a plus le temps aujourd'hui de former ses ouvriers. Les patrons délèguent cette tâche aux chefs d'équipe qui, parmi les saisonniers sans qualification qui cueillent et qui emballent, repèrent celles et ceux qui ont un potentiel, la « niak » pour leur proposer une formation « interne », ou bien institutionnelle via un organisme de formation. Prenons l'exemple (rapporté) de Samira. Jeune femme de 26 ans d'origine marocaine, Samira a commencé comme emballeuse43. La chef de station a repéré chez elle un réel potentiel et une certaine motivation. Samira a ensuite été chargée de l'agréage 44, puis elle est devenue responsable des achats et de la gestion du négoce. Elle est aujourd'hui assistante commerciale d'une des plus grosses exploitations fruitières du bassin. Elle pourrait, nous diton, en fonction des opportunités, terminer sa carrière en tant que commerciale. 43 Un emploi saisonnier non qualifié de trois mois au plus, entre juin et août. 44 Contrôle des agréments page 23/38 Or les qualifications institutionnelles sont devenues souvent difficiles à mettre en place, et de moins en moins financées (les financeurs veulent des garanties) ou « inaccessibles aux petites exploitations ». Par ailleurs, tous les ouvriers agricoles ne peuvent pas accéder à une formation qualifiante. La plupart sont proposées dans le cadre d'un dispositif : RMI et formations financées par le Conseil Général ou CIF45 CDD, dans ce cas le postulant devra avoir travaillé un certain nombre de mois pour en bénéficier. Faute d'entrer dans l'un des dispositifs, un ouvrier agricole ne pourra s'inscrire. Le « parcours de qualification des saisonniers », une formation qualifiante proposée par le FAFSEA46 et interrompue il y a deux ans, visait à former des chefs d'équipe qui encadraient et formaient à leur tour les équipes. Cette formation de quelques jours en début de saison se diffusait sous la forme d'un transfert de savoir-faire sur la durée de la saison. Notons que les qualifications ne sont pas toujours stimulantes. En amont, les formations non rémunérées sont « boudées », beaucoup ne les considèrent pas en termes d'investissement. En aval, le manque de reconnaissance de la part des employeurs est en termes de revenus un « frein » à la motivation des ouvriers agricoles pour se former. Or aujourd'hui, pour trouver un emploi de plusieurs mois dans le secteur agricole, il est indispensable d'être polyvalent, et pour l'être, il faut être qualifié. Par exemple, le renouvellement des permanents, si l'entreprise se maintient économiquement, se fait par un saisonnier qualifié. Paradoxalement au premier abord, les employeurs déplorent une pénurie de tractoristes, poste qui implique de maîtriser les traitements phytosanitaires. Des postes à pourvoir sont restés vacants. Les anciens ne sont pas remplacés faute de candidats qualifiés et de sessions de formation suffisantes. Il est un autre « frein » pour entrer en formation, lorsqu'elle est à disposition et que les candidats remplissent les conditions d'inscription : le manque de connaissances de base, autrement dit l'analphabétisme. 45 Congé Individuel de Formation 46 Fonds national d'Assurance Formation des Salariés des Exploitations et entreprises Agricoles page 24/38 13. Analphabétisme La majorité des migrants de la première génération n'ont pas eu l'occasion d'apprendre à lire et à écrire ou même à parler le français. Dans le secteur agricole, ils n'en ont pas eu obligatoirement besoin. Dans les années 70, ni la société d'une manière générale, ni les employeurs, ni les ouvriers nord-africains ne pensaient que ces derniers allaient s'installer définitivement en France. Pour tous, un investissement comme apprendre le français, pendant la saison de travail ou les mois creux où ils rentraient au pays, n'était pas indispensable. Alors que les ouvriers nord-africains qui travaillaient dans les secteurs de l'industrie et du bâtiment ont dû apprendre le français pour communiquer (davantage de mixité culturelle) et utiliser les machines-outils (maîtrise du français indispensable), les ouvriers agricoles nordafricains étaient le plus souvent isolés sur le plan linguistique. Hébergés et employés sur la propriété, dans un secteur professionnel qui ne nécessitait pas de savoir lire, avec des compatriotes arabophones ou solidaires (interprétariat spontané) et quelquefois un patron arabophone (pieds-noirs ou possédant un minimum de vocabulaire), ces hommes parlaient exclusivement l'arabe. Ils continuent aujourd'hui, dans un environnement résidentiel le plus souvent arabophone, avec une télévision câblée et programmée sur une « chaîne arabe » et la communication avec les siens dans la langue maternelle. Beaucoup déplorent aujourd'hui le fait de ne pas avoir appris le français, d'être dépendants des autres dans la recherche d'emploi ou l'accès aux droits et « captifs » par rapport à une perspective de mobilité professionnelle. « Aujourd'hui je suis perdu avec tous ces papiers, en 69, il y avait pas tous ces papiers » dit l'un d'eux. L'analphabétisme ne permet pas de faire une formation qualifiante, à moins de commencer par un stage alphabétisation qui, le plus souvent, nécessite plusieurs années de travail et beaucoup de courage. Il s'avère néanmoins que les stages intensifs et dont le contenu pédagogique est adapté au projet professionnel sont opérationnels. Plus problématique que l'analphabétisme à proprement parler, un faible niveau d'expression en français fait obstacle à la recherche autonome d'emploi : sur les panneaux d'affichage, par internet à l'ANPE, pour se présenter directement auprès d'employeurs potentiels. Cette carence limite par ailleurs la communication avec les professionnels de l'insertion pour qui il est « frustrant » de ne pas pouvoir dialoguer sinon par l'intermédiaire d'un interprète. Par exemple, il est difficile d'établir la liste des compétences professionnelles acquises lors page 25/38 d'activités antérieures pour les conseillers ANPE. Quel outil, quel fruit, quelle façon de travailler, autant de détails qu'il est justement important de déterminer avec précision. Si les anciens ont des compétences techniques indiscutables, beaucoup ne parviennent pas à les exprimer et, pour les conseillers ANPE, à les évaluer. L'un d'eux rapporte une anecdote récurrente : l'entretien avec un ouvrier agricole non francophone s'est déroulé avec un interprète virtuel, la fille de ce dernier au téléphone. Le conseiller posait la question à la personne en ligne, qui traduisait au demandeur d'emploi présent qui, à son tour, répondait en arabe et repassait le combiné au conseiller à qui on traduisait le propos. Une situation « pas gérable ». A propos des « stages alpha », il semble que les femmes soient plus demandeurs que les hommes, et que les formations mixtes et non rémunérées soient mises à l'index. Les femmes souhaitent apprendre à lire et à écrire « pour pouvoir lire les prix et les ingrédients dans les supermarchés » par exemple. Aussi avec elles, « ça a toujours bien marché ». Quant à la mixité, certaines personnes, des hommes et quelquefois des femmes, ne souhaitent pas apprendre dans un groupe comprenant des individus de sexe opposé. S'agit-il de pudeur, de manque de confiance en soi, de malaise ? Quelle est la part de la composante culturelle, sachant que traditionnellement, l'ordre social au Maghreb cloisonnait l'espace et les activités des hommes et des femmes ? Dans le contexte actuel, les relations hommesfemmes se sont semble-t-il espacées, et le cloisonnement47 renforcé ces dernières années. Si, parmi les réticents48, chacun accepte de partager une salle de cours alpha, c'est qu'il n'a pas d'autre choix (formation rémunérée par exemple). L'enquête révèle que les structures associatives qui dispensent des cours d'alphabétisation « s'organisent » : le matin pour les hommes, l'après-midi pour les femmes. Différentes écoles se sont formées parmi les professionnels de l'insertion, qui tiennent compte ou non de cette spécificité culturelle. L'organisation du travail agricole s'est « naturellement » sexuée : les femmes s'attellent aux tâches qui requièrent de la minutie (ramassage délicat, emballage), et les hommes, de la force (manutention des palettes, tracteur). Les chefs d'équipe de vergers sont le plus souvent masculins, et les chefs de station féminines. Cela coïncide ainsi avec la traditionnelle frontière invisible qui, selon Pierre Bourdieu, fonde l'ordre social en Afrique du nord. 47 Un professionnel de l'insertion a observé que, si dans une salle d'attente, il n'y a que des hommes, les femmes en arrivant patienteront dans le couloir, et vice-versa. 48 Parmi les femmes, il s'agit semble-t-il de celles qui sont arrivées plus récemment, qui n'ont jamais travaillé et dont l'environnement familial est peut-être moins « libéral » que celles qui ont pu travailler. page 26/38 14. Rapport au travail : dissocier capacité et volonté On distingue trois principaux cas de figure de grandes difficultés ou d'incapacité à trouver un emploi : analphabétisme, manque de mobilité et maladie ou invalidité. L'analphabétisme, nous l'avons vu, restreint aux postes non qualifiés qui ne permettent pas de travailler suffisamment dans l'année, et bloque l'accès aux formations qualifiantes multipliant les chances de décrocher un emploi de plusieurs mois. Quant à la maladie, l'enquête révèle que la plupart des maladies professionnelles (séquelles au niveau des poumons d'un empoisonnement aux produits chimiques, douleurs irréversibles du dos) n'ont le plus souvent pas fait l'objet d'une reconnaissance de travailleur handicapé par la COTOREP ni ouvert de droits à l'AAH49. Passée la cinquantaine, un certaine nombre d'hommes ne se sentent plus capables de travailler et, atteints du « syndrome de réparation », déplorent d'avoir un corps – leur outil de travail – aujourd'hui « foutu ». Un grand nombre cumule des problèmes de santé, de qualification, faute d'être lettrés, et de mobilité. Sans permis de conduire, ou avec un permis marocain non valide sur le territoire français 50, ni voiture, beaucoup sont « coincés » pour se rendre sur les exploitations situées en-dehors des villes. Ce « frein à l'embauche » handicape environ 3000 personnes dans le bassin. Or, « sans véhicule, pas de travail » déplore l'une des personnes interrogées qui avait trouvé un emploi saisonnier, mais qui n'a pu se présenter ni postuler faute de permis et de véhicule. « Le premier [moyen pour trouver du travail], c'est le permis. » Différentes solutions ont été mises en place de la part des employeurs, des professionnels de l'insertion et des usagers. Autrefois « le patron faisait le ramassage », aujourd'hui on relève seulement quelques rares cas d'employeurs-transporteurs, faute de temps ou d'équipement. Pour pallier le problème du déplacement ou de l'absentéisme, les employeurs privilégient les contrats hébergés : OMI et saisonniers itinérants. Quelques familles sont encore logées dans les mas, il s'agit surtout de Portugais. Une initiative institutionnelle, prise par l'AFEMA51 et le Conseil général du Gard, est en place depuis quelques années et cherche à s'étendre. Cinq exploitations-pilote proposent du covoiturage. La somme de 30 euros est versée chaque mois au conducteur qui emmène deux autres ouvriers, d'un point de rendez-vous unique au lieu de travail. Si, dans l'ensemble, le 49 Allocation Adulte Handicapé 50 Le permis marocain peut être valide sur le territoire si le titulaire en fait la démarche la première année, une procédure que les usagers ignorent le plus souvent. 51 Association pour la Formation et l'Emploi en Agriculture page 27/38 projet « fonctionne bien », il rencontre quelques obstacles. L'inconvénient, pour l'employeur, est l'absence du conducteur qui reporte à trois le nombre d'absents ce jour-là. Par ailleurs, certains conducteurs n'ont pas souhaité prolonger l'expérience, las d'avoir à nettoyer « tous les soirs » la boue des vergers dans leur voiture. D'autres auraient instauré un bakchich supplémentaire, et perdu leurs passagers indignés en route. Le co-voiturage informel entre les ouvriers qui travaillent sur la même exploitation existe depuis longtemps. S'il est des conducteurs raisonnables, réclamant légitimement une partie des frais de carburant, d'autres profitent de la dépendance de celles et ceux qui ne sont pas mobiles pour « grignoter leurs sous ». La solution des usagers au problème de la mobilité reste celle de passer leur permis de conduire. Le plus souvent, celles et ceux qui n'en sont pas titulaires, n'ont pu le devenir faute d'être lettrés. Première étape, l'alphabétisation. La « mémoire visuelle incroyable » des personnes analphabètes ne suffit pas pour passer le code qui, de plus en plus complexe, requiert de savoir lire et surtout, de comprendre suffisamment le français. Si certaines personnes ne peuvent pas travailler, d'autres ne le veulent pas. Nous poserons la question de savoir pourquoi. Ici aussi, il apparaît différents cas de figure. Rappelons d'abord qu'une majorité des demandeurs d'emploi le sont sincèrement : les uns pour vivre plus dignement qu'en percevant le RMI, d'autres pour cotiser afin d'obtenir suffisamment de points pour percevoir une retraite. En revanche, certaines personnes se présentent pour un emploi, quelquefois en précisant explicitement à l'employeur qu'ils ne souhaitent pas être recrutés, soit sur injonction de l'ANPE avant radiation, soit « en novembre quand la saison est terminée ». Il arrive aussi, nous dit-on, qu'un ouvrier abandonne son poste pour partir en vacances. « Avant, été comme hiver, dix à quinze personnes venaient se présenter pour du travail, aujourd'hui, plus personne », rapporte un employeur. A l'heure actuelle, il est une partie de la population active, le plus souvent bénéficiaires du RMI, qui ne veut ni ne peut travailler, du fait d'être « trop éloignés de l'emploi » et trop profondément plongés dans la précarité. page 28/38 15. Le chômage52 « Dans les années 70, les années 80, la France elle était jolie », sans ou avec si peu de chômage. « Avant, on marchait au bord de la route, les patrons s'arrêtaient, ils nous demandaient si on voulait du travail, aujourd'hui il faut les connaissances. » Il n'y avait « pas beaucoup de chômage avec Giscard, à partir de 1990, avec Mitterrand » en revanche, le taux a considérablement augmenté. Les anciens ont une certaine nostalgie de cette époque. Les professionnels de l'insertion aussi regrettent cette croissance passée, « les listings fondraient s'il y avait du travail comme avant ». Le problème du chômage n'est pas le seul à se poser, l'ouverture des droits est aussi de plus en plus courte. La durée d'indemnisation ainsi raccourcie pousse les allocataires dans la précarité avec l'ASS53 d'abord mais pas toujours, ou directement le RMI. Depuis janvier 2006, dès la deuxième saison, le « chômage saisonnier » n'ouvre plus que 50% des droits ASSEDIC, et plus aucun après la troisième saison (consécutive ou pas). Cette réforme d'allocations chômage saisonnier dégressives est mal connue des employeurs et des employés, exceptés ceux qui se retrouvent, sans préavis, bénéficiaires du RMI après plusieurs mois de travail. Parmi les anciens, beaucoup se sont retrouvés, avant l'âge de la retraite, au chômage, après 20 ou 30 ans de travail chez le même patron, décédé ou qui a fini par vendre son exploitation. Ils ont alors perdu leur travail, autant dire qu'ils ont tout perdu compte tenu de leur investissement. Autrefois « quand ça ne marchait plus avec un patron, on en trouvait un autre », aujourd'hui « ils n'y croient plus » et abandonnent la recherche d'un emploi. Ils ont, d'une part, « peur de recommencer ». D'autre part, leur reconversion est impossible : ils sont envahis du sentiment qu'ils ne savent rien faire d'autres et cumulent, pour la plupart, les handicaps de la langue, de l'analphabétisme et de la mobilité. Accumulation d'échecs, « fin des possibles », condamnés aux aides sociales, beaucoup sombrent dans une dépression. 52 Le taux de chômage des migrants marocains et algériens est de 44% (57% des femmes marocaines). Source : Atlas des populations immigrées-Languedoc-Roussillon, INSEE, octobre 2004 53 Allocation Spécifique de Solidarité page 29/38 16. Travail non déclaré, « objectif retraite » et RMI Parmi les ouvriers sans emploi, certains acceptent de travailler au noir pour éviter de survivre avec le simple RMI ou de sombrer dans la dépression. Des mains de labeur ou des rendezvous systématiquement reportés trahissent quelquefois une activité professionnelle non déclarée. D'autres refusent catégoriquement cette perspective : le travail au noir est « haram54 » et surtout, il ne permet pas de cotiser pour la précieuse retraite. Les Marocains qui ont aujourd'hui 50 ou 60 ans ne pensaient pas un instant être en France, ou encore vivants, à la retraite. Aussi, beaucoup ont travaillé au noir, « de la main à la main ». Cet arrangement convenait à l'employeur qui, ainsi, payait moins de charges, et à l'employé qui, ainsi, gagnait davantage en travaillant de manière non déclarée. Quant à « la retraite, ils s'en foutaient ». Des patrons, « des gros employeurs qui ont du pouvoir parce qu'ils font l'économie du bassin », n'ont parfois déclaré que la moitié des heures. Arrivés à la retraite, ces ouvriers qui ont souvent énormément travaillé, n'ont pas droit à une retraite à taux plein. Aujourd'hui ces hommes sont sensibles à la question de la retraite. Ils regrettent de ne pas avoir suffisamment cotisé de trimestres. Or, plus ils se rapprochent de la retraite qui sera maigre, suite à des années d'alternance de périodes d'emploi plus ou moins déclaré et de non emploi, plus ils cherchent à travailler pour cotiser au moins un peu. Par ailleurs, cette génération compte sur une autre forme de retraite, plus traditionnelle, autrement dit l'assurance que les enfants mis au monde aideront financièrement leurs vieux parents lorsqu'ils ne pourront plus pourvoir à leurs besoins. Mais « la génération des enfants a changé », une génération qui peine déjà à subvenir à ses propres besoins. Exsangues, certains ouvriers « prennent ce qu'ils trouvent ». Ils n'ont d'autre choix que d'accepter quelques heures déclarées, notamment pendant l'été avec la multiplication des contrôles de la Direction du Travail, contre beaucoup plus d'heures au noir. Ces maigres revenus complètent le Revenu Minimum d'Insertion qui, notamment pour les hommes « isolés », nourrit souvent davantage de personnes qu'il est calculé pour le faire. Nombreux sont celles et ceux qui perçoivent le RMI tout en travaillant de manière déclarée chaque année. Les contrats sont souvent courts ou fractionnés nous l'avons vu. Or un nombre d'heures de travail insuffisant pendant la saison ne permet pas d'ouvrir des droits ASSEDIC ou s'ils sont trop modestes, ils sont alors complétés par le RMI. Dans l'autre cas de 54 ce qui est illicite pour un musulman page 30/38 figure, le faible écart entre un RMI et les aides sociales (CMU 55, allocations familiales56 et logement) et un SMIC sans aides sociales57 produit un « effet de seuil », qui précarise autant ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Il est des cas où il est « plus intéressant » de rester bénéficiaire du RMI. Reste à parvenir à gérer les dommages qu'il peut engendrer au niveau de l'image de soi, du pouvoir d'achat et de la stigmatisation. Le RMI conduit le plus souvent à des situations de précarité, d'isolement ou de dépression. 17. Les actions en place L'association CESAM Migrations Santé propose des groupes de paroles 58, « Au fil des mots », animés par un psychologue, Mohamed Belhadj. Par le dialogue (individuellement ou en groupe), il s'agit de diminuer le mal-être des hommes, de dédramatiser leur situation et de soulager leurs souffrances quelquefois somatiques. L'objet du jour est déterminé en début de séance (bi-mensuelle), par les participants eux-mêmes. Il est question de corps « usés », d'accès aux droits, ou encore de relations père-enfants. On déplore le nombre de places limité et réservé aux bénéficiaires du RMI, et la convention de courte durée. Les initiatives à encourager sont celles du co-voiturage, conçue par l'AFEMA et financée par le Conseil général, et de l'accompagnement à l'emploi (CV, candidatures et conseil formation) proposé par Alami Lorhmari, dans les murs de l'ASAVPA59. En matière d'emploi, une agence intérim à caractère social comme Présence 3060, à Beaucaire et à St Gilles, et agissant dans tout le département, est la seule semble-t-il à mettre tout en oeuvre pour proposer des contrats en règle de travail temporaire aux ouvriers. Les récentes équipes « agriculture » des agences ANPE Nîmes-Costières et Beaucaire s'engagent à proposer un même référent, ainsi qu'un suivi mensuel pour chaque demandeur d'emploi, et un même interlocuteur avec les employeurs, pour plus de cohérence et de « réactivité ». L'ANPE soumet aussi « des plate-formes vocationnelles », autrement dit des ateliers permettant de repérer les savoir-faire et les potentiels (à partir de supports, de situations, de dessins), afin de recruter par habileté plus efficacement. 55 Couverture Maladie Universelle 56 Les allocations familiales ne sont plus perçues avec les enfants devenus adultes. 57 Prenons l'exemple des complémentaires santé coûteuses, auxquelles ne s'affilient pas toujours les ménages à faible revenu. 58 L'association Confluences à Tarascon propose le même type d'actions. 59 Association de Salariés de l'Agriculture pour la Vulgarisation du Progrès Agricole 60 En grande difficulté économique à la fin de l'enquête page 31/38 En matière de qualification et en partant du constat que le manque de connaissances de base est le premier frein vers la formation, le FAFSEA61 a mis en place un dispositif pour renforcer celles-ci, avec pour support un logiciel multimédia nommé SACES 62. Cet outil est un logiciel d'acquisition ou de renforcement des connaissances de base qui, au travers de situations concrètes, donne lieu à des questionnements, une compréhension de la situation et une acquisition des moyens de répondre (expression, choix des réponses). Cet outil se présente sous la forme de situations tirées du travail agricole, des repères « sécurisants » de contenus et de contenants. Si les exploitants émettaient des « résistances » au lancement du programme SACES il y a trois ans, pour cause de « formation sans interface de production », aujourd'hui la plupart comprend et admet son utilité, et nombreux sont ceux qui sollicitent cet outil. Dans le Gard, cinquante personnes ont bénéficié de la formation SACES en 2005, et trente-cinq en 2006. Le statut requis des candidats est accessible : il s'agit d'un CIF CDD suite à quatre mois de travail dans l'agriculture et douze mois de travail dans les quatre dernières années, tous statuts et secteurs d'activité. Une action de valorisation existante et pertinente est celle faite auprès de jeunes collégiens du département, sur la variété des métiers de l'agriculture, et notamment sur les différentes qualifications. L'ASAVPA espère ainsi « rehausser » l'image du secteur professionnel dans l'esprit de ces jeunes auprès de qui « le discours [qui consiste à valoriser ce secteur, plus qualifiant qu'ils ne le croient] ne passe pas ». Signalons deux initiatives, l'une irréalisable et l'autre supprimée. Des professionnels de l'insertion, sensibles aux problèmes actuels et à venir des hommes « isolés » vieillissants et malades, songent au projet d'un foyer qui serait adapté en matière d'alimentation, de soins et d'accompagnement de fin de vie. Cette « utopie » comme ils disent ne devrait pas en être une. L'Etat n'a malheureusement pas renouvelé les contrats emploi-jeunes interprètes bilingues français-arabe qui permettaient de faciliter la communication entre les patients arabophones et le personnel soignant de certains services gérontologie dans les hôpitaux. 61 Fonds national d'Assurance Formation des Salariés des Exploitations et entreprises Agricoles 62 Savoir apprendre, calculer, communiquer en situation, lien internet : http://www.fafsea.com/outils_tele/outilsformu_multi_saces.htm page 32/38 PERSONNES RESSOURCES, que je remercie pour leur contribution - Dr Abrial, PMI, Beaucaire - Ali, 36 ans, St Gilles - M. Aymard, exploitant, Luméjan, St Gilles - Mohamed Belhadj, psychologue, CESAM Migrations Santé, Montpellier - M. Borg, Présence 30, Beaucaire / St Gilles - Maryse Boudouric, Direction Départementale du Travail (Gard), service main-d'oeuvre étrangère, Nîmes - Olivier Brunet, comptable, Necta-pêche, Beaucaire - Valérie Chabalier, formatrice alpha, APP (Ateliers Pédagogiques Personnalisés), Beaucaire - Aline Chaze, secrétaire polyvalente, Le jeu de Mail, St Gilles - Driss J., 65 ans, Nîmes - Driss D., 54 ans, Beaucaire - Laurent Ducurtil, exploitant, Domaine des Biches, Beaucaire - Pascale Duval et Claude Galhac, inspecteurs du travail agricole, Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt, Nîmes - Ahmed Eliasidi, ASAVPA 30 (Association de Salariés de l'Agriculture pour la Vulgarisation du Progrès Agricole), Nîmes - Elise Estella, ALI (Association Locale pour l'Insertion), Nîmes - Farid, 26 ans, St Gilles - Fatima S., 51 ans, St Gilles - Fatima L., 46 ans, Nîmes - Fatima E., 34 ans, St Gilles - Anny Figuier, Maison de l'Emploi, St Gilles - Mme de Girardy, directrice, Mission Locale d'Insertion, Beaucaire - Frédérique Gervot, ANPE, Beaucaire - Hadda, 41 ans, St Gilles - Sonia Haddou, secrétaire, Luméjan, St Gilles page 33/38 - Jemaa, 57 ans, St Gilles - Cathy Kretz, chargée de mission « Qualification des saisonniers », FAFSEA (Fonds national d'Assurance Formation des Salariés des Exploitations et entreprises Agricoles), Montpellier - Mme Lavoisier, ARGOS (centre de bilan de compétences), Beaucaire - Alami Lorhmari, ASAVPA (Association de Salariés de l'Agriculture pour la Vulgarisation du Progrès Agricole), Nîmes - Mireille Macieira, assistance sociale, MSA (Mutualité Sociale Agricole), Nîmes - Chantal Milesi, assistante sociale, MSA (Mutualité Sociale Agricole), Beaucaire - Mimouna, 48 ans, Nîmes - Mohamed A., 55 ans, Beaucaire - Mohamed M., 53 ans, Beaucaire - Monsour, 65 ans, St Gilles - Colette Perais, ANPE Costières, Nîmes - Roger Pernet, DRH Estagel, St Gilles - Sylvie Portebled, service du personnel, Vergers Riou, St Gilles - M. Ripolles, chef de cultures, Château de Nages, Caissargues - Isabelle Tailhades, chargée de mission, AFEMA 30 (Association pour la Formation et l'Emploi en Agriculture), Nîmes - Mme Tisseur, accueil, Mission Locale d'Insertion, Beaucaire page 34/38 TABLEAU SYNOPIQUE ALI DRISS J. DRISS D. né(e) à / nationalité nord Maroc (Berbère) / marocaine Meknès / marocaine région rurale de Fès / marocaine âge (en 2006) 36 ans 65 ans 54 ans année migration 1992 (seul) 1972 (seul) 1973 objectif émigration économique économique économique objectif immigration « rester en France avec les enfants à l'école » retraite, toute sa famille à Nîmes et environs économique, « je suis venu là que pour travailler » emploi au pays ouvrier agricole « pour un patron » ouvrier agricole polyvalent depuis l'âge de 14 ans, exploitation coloniale travaillait sur les terres de ses parents emploi en France il ne travaille pas chaque ouvrier permanent pendant année, non formé à la taille 32 ans chez le même qui limite le temps de employeur, puis retraite travail saisonnier d'abord dans le Lot-et-Garonne, puis dans le Gard en 1989 chez le même employeur (oliviers et vigne), mais 4 mois seulement ne lui permettant pas de toucher d'allocations chômage motorisé permis français + vieille voiture qui ne lui permet pas de longs trajets permis marocain et permis français permis + voiture résidence en France St Gilles logement chez l'employeur depuis 1989, Beaucaire puis logement à proximité (HLM) du lieu de travail avec son épouse et les premiers nés, puis Nîmes (Valdegour) situation familiale marié depuis 1997, père de regroupement familial en 3 enfants 1978, 8 enfants regroupement familial en 1976, 4 enfants conjoint femme au foyer (née au Maroc, arrivée en France à l'âge de 16 ans) épouse rejoignante, au foyer épouse ouvrière agricole puis souffrante du dos (pas droit à l'AAH), aujourd'hui sans emploi revenus RMI retraite RMI scolarisé non non, non francophone jusqu'en 6ème, parle et lit le français qu'il a appris avec son patron stage alphabétisation en cours (200h) non non formation professionnelle il souhaiterait se former à la taille et au métier de tractoriste polyvalence acquise avec les années et par l'intermédiaire des patrons il y a une dizaine d'années, il s'est vu refuser une formation de conducteur poids-lourds à cause de son âge (Nîmes) page 35/38 FARID FATIMA S. FATIMA L. né(e) à / nationalité Kenitra / marocaine Meknès (Berbère) / marocaine Meknès / marocaine âge (en 2006) 26 ans 51 ans 46 ans année migration 2003 1977 1983 objectif émigration économique regroupement familial regroupement familial objectif immigration économique rester pour ses enfants emploi au pays travaillait sur les terres de travaillait « un peu » sur son père les terres de son père (légumes) couture traditionnelle puis mariage en 1983 emploi en France il travaille chaque année de février à septembre cueillette et emballage les saisons où elle n'a pas d'enfant en bas âge inscrite depuis peu à l'ANPE, F. cherche un emploi d'aide-ménagère ou garde de personne âgée, mais « sans permis, sans diplôme, sans expérience et 40 passés... », un emploi de quelques heures par jour pour être à la maison quand ses enfants rentrent de l'école motorisé permis + voiture elle non, son mari permis + voiture, se rend à son travail en co-voiturage « avec une copine » code obtenu, permis en cours résidence en France St Gilles (Sabatot) pendant 3 ans, « au mas », chez l'employeur puis 1980, St Gilles (Sabatot) de 1983 jusqu'en 1990, la famille résidait sur le lieu de travail, un club hippique, depuis 1990, Nîmes (Valdegour) situation familiale 1 enfant mariée (1975), elle a rejoint son mari en France, 4 enfants veuve depuis 2004, 4 enfants conjoint il s'est marié avec une jeune femme née au Maroc arrivée en France en bas âge, de St Gilles / au foyer son mari alterne emploi ouvrier polyvalent permanent saisonnier (qu'il trouve chaque (club hippique), en 1990 « la année) et chômage patronne vend le club », il trouve un emploi d'ouvrier agricole saisonnier revenus allocation chômage hors saison (CDD) chômage + complément RMI allocation de veuvage et soutien familial pour chaque enfant scolarisé « de 7 à 17 ans » non jusqu'en 6ème 3 demi-journées par semaine depuis 2 ans non en cours (200h) stage alphabétisation formation professionnelle formé par son patron à la apprendre la taille des taille arboricole / actuellement arbres ? « Je sais pas, c'est il cherche une formation pour pas facile ! » trouver un emploi dans le BTP (maçonnerie), pour travailler toute l'année non page 36/38 FATIMA E. HADDA JEMAA né(e) à / nationalité prox. Casablanca / marocaine prox. Tanger / marocaine* village frontière MarocAlgérie / marocaine âge (en 2006) 34 ans 41 ans 57 ans année migration 2001 1998 1981 objectif émigration regroupement familial regroupement familial venue avec son frère objectif immigration pour sa fille, ses études et pour sa fille née en France du travail qu'elle ne va pas laisser ici / * procédure en cours pour obtenir la nationalité française emploi au pays emploi en France emploi agricole en saison et des ménages si elle en trouve le reste de l'année travaille quelques mois pendant la saison (cueillette), depuis 4 ans pour le même patron « algérien » elle a travaillé jusqu'en 2005, n'a pas pu faire la dernière saison faute de moyen de locomotion, système de co-voiturage « complet » motorisé échec au premier essai du code, F. envisage de le repasser / quand son mari ne peut pas l'emmener (problèmes de santé), covoiturage avec une autre employée ou bien son patron vient la chercher permis marocain, s'est non, et c'est un problème présentée 2 fois au code, pour J. qui, à cause de « malgré le DVD », échec / cela, ne trouve pas de son patron vient la travail chercher résidence en France St Gilles (Sabatot) St Gilles (Sabatot) St Gilles (Sabatot) situation familiale mariée, 2 enfants divorcée, 1 enfant divorcée, sans enfant conjoint son mari en France, St Gilles, depuis 1986 (âgé de 13 ans) revenus RMI RMI RMI scolarisé oui « quand j'étais petite » non, « mon père disait que l'école, c'était pas pour les femmes » stage en cours (200h) alphabétisation premier stage alpha à en cours (200h) Nîmes, puis stage en cours (200h) formation professionnelle non à propos de la taille, elle ne connaît pas page 37/38 MOHAMED A. MOHAMED M. MIMOUNA MONSOUR né(e) à / nationalité région de Fès / marocaine village / française Oujda / marocaine Kenitra / marocaine âge (en 2006) 55 ans 53 ans 48 ans 65 ans année migration 1975 1973 1976 1974 objectif émigration économique économique regroupement économique familial en tant qu'enfant (18 ans), père ouvrier agricole un appartement au Maroc pour les vacances, la France pour y vivre et rester auprès des enfants sa vie est ici, avec ses enfants « français » il veut rester ici, souhaite travailler ici et ses enfants ne veulent pas vivre au Maroc a travaillé quelques années (aideménagère) avant de se marier de 1974 à 1992, emploi chez le même employeur « pied-noir », décédé en 92, quelques mois de travail irrégulier depuis objectif immigration emploi en France il a travaillé pendant des années pour le même patron, parti à la retraite, M. est sans emploi depuis / il cherche dans les secteurs de l'agriculture et du bâtiment de 1973 à 2000, il a travaillé pour le même patron, qui a vendu ses terres, depuis sans emploi motorisé permis et voiture permis, mais pas les non, son mari oui moyens d'acheter une voiture permis marocain + voiture, ce qui lui vaut d'énormes amendes / 4 échecs au code résidence en France Bouche-du-Rhône, depuis 2000 Beaucaire (centre) Beaucaire (centre, propriétaire) depuis 10 ans, Nîmes (Valdegour) de 1974 à 1992, logé dans un mas, chez l'employeur, puis St Gilles (centre) / demande pour un logement HLM à Sabatot depuis 5 ans, appartement actuel insalubre : trop humide, femme et filles malades chroniques situation familiale marié, 5 enfants marié, 6 enfants mariée, 4 enfants marié, 4 enfants (2 en France, 2 au Maroc, 2 fils salariés, 1 dans le BTP au Maroc, l'autre ouvrier agricole en Espagne) conjoint épouse rejoignante en 2001, avec 4 enfants, le dernier est né en France / épouse rejoignante en 1997 (mariés en 1980), au foyer en France depuis 1991 (Agadir, Maroc), ouvrier agricole à l'année épouse rejoignante en 2003, travaille la saison quand elle trouve, mais trop page 38/38 MOHAMED A. MOHAMED M. au foyer, non francophone MIMOUNA MONSOUR (CDD), depuis 14 ans chez le même patron peu d'heures pour indemnités ASSEDIC revenus RMI et allocations familiales chômage + complément RMI SMIC, « 35h, c'est pas assez... » chômage scolarisé non non non non stage alphabétisation non pendant 1 an, une demi-journée par semaine non en cours (200h) formation professionnelle formé par un patron polyvalence acquise (polyvalent) avec les années non polyvalence acquise par l'intermédiaire de son patron