ACTUASSURANCE – LA REVUE NUMERIQUE EN DROIT DES

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ACTUASSURANCE – LA REVUE NUMERIQUE EN DROIT DES
ACTUASSURANCE – LA REVUE NUMERIQUE EN DROIT DES ASSURANCES
Publication n° 22 SEPT-OCT 2011
Cass. 2ème civ., 16 juin 2011, n° 10-17955
Assurance automobile- Offre d’indemnité- L. 211-9-Possibilité de faire des offres d'indemnité
définitive dans des conclusions subsidiaires.
Obs. : L’offre d’indemnisation peut figurer dans les conclusions subsidiaires.
L’arrêt de la Cour de cassation vient rappeler une solution déjà fort connue sur la question de
l’offre d’indemnité que doit émettre l’assureur en cas d’accident de la circulation. Cette offre
doit intervenir dans un certain délai à compter, selon l’hypothèse, de la demande
d’indemnisation (3 mois à certaines conditions) ou de l’accident (8 mois si les conditions de
l’hypothèse précédente ne sont pas remplies (Art. L. 211-9).
Si les débats ont pu porter un temps sur cette notion d’offre et en particulier son contenu, la
jurisprudence a dû se prononcer sur la forme de l’offre. Elle a ainsi validé les offres faites par
voie de conclusions (Cass. 2e civ., 20 oct. 2005, n° 04-18.316, RCA 2006, 18, note Groutel. –
Cass. 2e civ., 16 oct. 2008, n° 07-18.253, RGDA 2009, 175, note Landel) et même par voie de
conclusions subsidiaires (Cass. 2e civ., 25 janvier 2007, n° 04-16.417, RGDA 2007, 346, note
Landel. – Cass. 2e civ., 10 déc. 2009, n° 09-11.043, RCA 2010, 76, note Groutel. – Cass. 2e
civ., 14 janv. 2010, n° 09-12.053 et 08-20.502, RGDA 2010, 345, note Landel ; RCA 2010,
76, note Groutel). On ne s’étonnera pas, dans notre arrêt de retrouver une formulation
présente dans les autres solutions : « les conclusions…contenaient des offres d’indemnité
définitives peu important qu’elles fussent présentées à titre subsidiaire ». La seule source
d’étonnement est finalement qu’il ait fallu aller jusqu’en cassation pour voir réaffirmer une
solution qui paraissait pourtant bien établie.
La solution permet à l’assureur de respecter l’obligation légale tout en se ménageant une
possibilité de discuter le principe de l’indemnisation ou le montant de celle-ci. En
l’occurrence, l’assureur se prévalait d’une faute inexcusable des victimes et du fait que
l’assuré/victime avait utilisé une remorque ne correspondant pas aux prescriptions de la
police. Les juges avaient écarté le second argument en relevant d’office que le comportement
reproché représentait une aggravation de risque ne pouvant être sanctionnée en l’espèce que
par une réduction d’indemnité, laquelle n’était pas demandée. Ils s’étaient cependant
prononcés sans inviter les parties à présenter leurs observations. La décision est
nécessairement cassée au visa de l’article 16 du Code de procédure civile.
Au final, les juges du fond sont sanctionnés pour ne pas avoir pris au sérieux de deux façons
différentes les arguments de l’assureur.
D. Krajeski
L’arrêt :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 30 mai 2003, alors qu'il conduisait un
ensemble routier composé d'un véhicule tracteur lui appartenant, assuré auprès de la société
AGF, devenue Allianz IARD (Allianz), d'une semi-remorque lui appartenant et d'une
remorque propriété de son père, Victor X..., toutes deux assurées par la société Mutuelles du
Mans assurances (MMA), Ashley X... s'est arrêté sur la bande d'arrêt d'urgence d'une
autoroute, à la suite de l'éclatement d'un pneu ; qu'étant sortis pour procéder au remplacement
de la roue, Ashley et Victor X... ont été heurtés par le véhicule appartenant à la société Bisson
et fils transports (Bisson) et, projetés sur les diverses remorques, sont décédés immédiatement
; que Mme Esther Y..., veuve de Victor X... et mère de Dora X..., leur fille mineure, ainsi que
Mme Laurie Z..., compagne d'Ashley X... et mère de Ashley junior X..., leur fils mineur, MM.
Joseph et Constant X..., frères de Victor X..., Mme Laurette X..., soeur de Victor X..., M.
Constant B..., beau-père de Victor et grand-père d'Ashley X..., et Mme Germaine Y..., bellemère de Victor X... et grand-mère d'Ashley X..., ont assigné, à titre personnel et ès qualités,
en réparation de leurs préjudices, la société Bisson et son assureur, la société Generali IARD
(Generali), la société Axa France IARD (Axa), la société Allianz, la société MMA, en
présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et de l'Union des
travailleurs indépendants mutualistes ; que la société Axa a été mise hors de cause ;
Attendu que le second moyen du pourvoi principal, le second moyen du pourvoi incident de la
société Allianz, et les deux moyens du pourvoi provoqué de la société MMA ne sont pas de
nature à permettre l'admission des pourvois ;
Mais, sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Generali et de la société
Bisson :
Vu les articles L. 211-9, dans sa rédaction alors applicable, L. 211-13 et R. 211-40 du code
des assurances ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité
civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximal de
huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa
personne ; qu'en cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son
conjoint ; qu'une offre doit aussi être faite aux autres victimes dans un délai de huit mois à
compter de leur demande d'indemnisation ; que l'offre comprend tous les éléments
indemnisables du préjudice ; qu'en application du deuxième, lorsque l'offre n'a pas été faite
dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la
victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de
l'expiration de ce délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ;
Attendu que, pour condamner la société Generali au paiement des intérêts calculés au double
du taux de l'intérêt légal, jusqu'à la date à laquelle l'arrêt du 17 novembre 2008 serait devenu
définitif, sur les indemnités allouées par cet arrêt, l'arrêt énonce qu'une offre subordonnée à la
reconnaissance par décision de justice du droit à indemnisation n'est pas une offre ferme et
équivaut à une absence d'offre ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que les conclusions du 22 juin 2004 contenaient des
offres d'indemnité définitive, peu important qu'elles fussent présentées à titre subsidiaire, la
cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Allianz :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner la société Allianz à garantir intégralement les sociétés Bisson et
Generali des condamnations prononcées en réparation des préjudices consécutifs au décès de
Victor X... et leur rembourser les sommes payées à ce titre, en écartant l'exception
contractuelle de non-garantie soulevée par cet assureur, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article
L. 211-1 du code des assurances que les contrats d'assurance doivent couvrir la responsabilité
civile de toute personne ayant la garde ou la conduite même non autorisée de son véhicule, et
de l'article R. 211-4 du même code que l'adjonction à un véhicule terrestre à moteur d'une
remorque dont les caractéristiques n'entrent pas dans les prévisions de la police constitue une
aggravation du risque couvert par le contrat qui ne peut être sanctionnée, en l'absence de
mauvaise foi de l'assuré non invoquée en l'espèce, que par la réduction de l'indemnité laquelle
n'est pas demandée ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen
relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE,