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LIVRES 15 Nobel de littérature > ET LE FAVORI EST… encore le Japonais Haruki Murakami pour les parieurs. Mais « il manque à son œuvre un supplément de profondeur », tranche Elise Karlsson, critique suédoise. Vu le maigre total de quatre lauréats africains depuis 1901, le Kényan Ngugi wa Thiong’o, l’Algérienne Assia Djebar, le Somalien Nuruddin Farah sont cités. Le lauréat doit être annoncé jeudi. Q DIMANCHE5OCTOBRE2014 BD > MAFALDA QUINQUA L’héroïne créée par l’Argentin Quino (photo AFP), enfant contestataire éprise de paix («Arrêtez le monde, je veux descendre »), a fêté les 50 ans de sa première publication, le 29 septembre 1964, dans l’hebdomadaire Primera Plana. Elle avait initialement été créée pour une publicité d’électroménager. Salon du Livre > VOYAGES, VOYAGES Le thème du 35 e Salon du livre de Paris, du 20 au 23 mars 2015, sera la littérature de voyage et le tourisme. Il faut dire que ce secteur éditorial (guides, beaux-livres etc.) a engrangé en 2013 un chiffre d’affaires de 116 millions d’ € avec 1 938 nouveautés et 8,2 millions de volumes vendus, selon une étude Ipsos. Un espace promotionnel «Square tourisme» sera proposé. CHARLIE CHAPLIN Récit BESSORA ET BAROUX Roman graphique Quand l’Afrique rêve de l’Europe... Autour du monde avec Charlot En février 1931, Charlie Chaplin retrouve son Angleterre natale et entreprend à partir de Londres un voyage qui le mènera pendant un an et demi autour du monde. Les éditions du Sonneur publient ce texte jusque-là inédit. Une révélation. L DANS LES LAVIS aux infinies nuances de gris dont Barroux inonde les pages, Bessora installe un récit qui prend aux tripes. Alpha Abidjan-Gare du nord est conçu comme une plongée en apnée dans les rêves d’émigration d’Africains prêts à prendre tous les risques pour gagner clandestinement une Europe fantasmée en Eldorado. Qu’ont-ils à perdre si ce n’est une vie de misère ? Passeurs véreux, douaniers corrompus, trafiquants, y compris de chair humaine, bateaux à peine plus sûrs qu’une épave… À travers le personnage d’Alpha, Ivoirien décidé à gagner Paris et le quartier de la gare du Nord où sa belle-sœur tient un salon de coiffure, C’est une Afrique en perdition que Bessora et Barroux mettent en scène. L’arrivée à bon port ne signifie pas que la partie soit gagnée. Au hasard d’un contrôle MEILLEURES VENTES 1Valérie Trierweiler, Merci pour ce moment (Arènes) 2 Emmanuel Carrère, Le Royaume (POL) 3 John Green, Nos étoiles contraires (Nathan) 4 David Foenkinos, Charlotte (Gallimard) 5 Eric Reinhardt, L’amour et les forêts (Gallimard) 6 Haruki Murakami, L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage (Belfond) 7Amélie Nothomb, Pétronille (Albin Michel) 8 James Salter, Et rien d’autre (L’Olivier) 9 Grégoire Delacourt, On ne voyait que le bonheur (Lattès) 10 Françoise Bourdin, La promesse de l’océan (Belfond) Q Avec la collaboration des librairies Ruc et Hartmann (Colmar), Bisey (Mulhouse), Wachenheim (Sélestat) Broglie, Kléber, Quai des Brumes, Oberlin (Strasbourg), des FNAC de Strasbourg et Mulhouse, des Maisons de la presse de Saverne, Haguenau et Sarrebourg TTE-PTE 02 de police, l’aventure peut tourner court. Et c’est menotté que le clandestin sera reconduit en avion dans son pays d’origine : avec, ironie de l’histoire, un trajet effectué en neuf heures quand il lui aura fallu dix-huit mois pour atteindre l’Europe. Le style graphique, à la fois élémentaire, brutal et âpre de Barroux, apporte beaucoup à la dramaturgie du récit. La quasiabsence de couleurs ne lui enlève en rien un caractère très pictural. Une poésie au goût de cendres. Et de désespoir. SERGE HARTMANN Alpha, Abidjan - Gare du Nord, Bessora et Barroux, Gallimard, 20,90 € ondres, Paris, Venise, Berlin, Vienne, Rome, Bali… À chacune des étapes d’un tour du monde entamé en février 1931 depuis l’Angleterre, une foule impressionnante l’acclame. Charlie Chaplin se laisse porter par cet enthousiasme qui le réconforte des problèmes personnels et financiers abandonnés à Hollywood ; où l’avènement du film parlant fragilise aussi son art. Venu présenter Les Lumières de la ville, le metteur en scène et comédien retrouve après dix ans d’absence le quartier londonien de son enfance, Kennington. Il n’y a pas de doute, Charlot est resté l’un des leurs, il appartient au peuple des cockneys. Comme les odeurs, les musiques et comptines réactivent les souvenirs, les sombres années passées à l’orphelinat. « Vous n’êtes pas un comédien mais un économiste ! » Doté d’un pouvoir d’évocation particulier, Charlie Chaplin a consigné avec moult détails les sensations, les impressions et les formidables rencontres ponctuant un voyage qui, au gré des invitations, le mènera autour du monde. Les foules d’Europe chérissent l’un des leurs, l’attachant Charlot, quand les personnalités politiques, l’élite intellectuelle et artistique reconnaissent en Chaplin un esprit progressiste, extrêmement cultivé. Rédigé entre juin 1932 et fé- Mon tour du monde, Charlie Chaplin, éditions du Sonneur, traduit de l’anglais par Moea Durieux, 216 p, 16 € ques, Chaplin est un caméléon curieux du roi de Serbie et de Gandhi qu’il rencontre du côté de Camden. Mondain appréciant le tango et le champagne, Chaplin surprend. Il écoute, observe, analyse la crise à l’œuvre, visite les musées mais aussi les prisons, les appartements pour ouvriers et prend position. Il défend des idées socialistes:réduction du temps de travail, émission de davantage de billets de banque et contrôle des prix. « Vous n’êtes pas un comédien, lui dit le professeur Einstein, mais un économiste ! ». Sous le charme de Bali Charlie Chaplin en écrivain voyageur. ARCHIVES OF ROY EXPORT COMPANY ESTABLISHMENT vrier 1933, le récit de ce long voyage paraît dans le magazine américain The Woman’s Home Companion en cinq épisodes, entre septembre 1933 et janvier 1934. Lire aujourd’hui ce texte inédit, remarquablement traduit, c’est mieux cerner la personnalité complexe de Chaplin/Charlot. Dans le fracas des crises qui paupérisent l’Europe, il est toujours du côté de l’homme de la rue. Ses convictions politiques, économiques vont se projeter sur grand écran. Des choses vues et entendues durant ce LIONEL SHRIVER Roman aux méthamphétamines pour tenir, les femmes pour maigrir. Si tout le monde est gros... Maigrir est la grande affaire de Big Brother. Pandora voit débarquer son frère jazzman perdu de vue depuis des années ; l’oiseau de nuit pèse 175 kilos. L’AMÉRIQUE de Lionel Shriver Avec un sens exacerbé de la ne se situe pas à Beverly Hills fratrie, elle entame avec lui une ou Manhattan. Bienvenue quel- terrifiante diète. Il y faut de la que part (nulle part) au milieu : volonté quand autour de soi la l’Iowa, ses champs de population entière maïs « aux nuances semble sortie d’un taélégiaques de jaubleau de Botero. « Si ne », ses centres comtout le monde est gros merciaux, ses usines alors personne ne de transformation de l’est », au pays des cerporc où turbinent les cueils XXL, des extenmigrants illégaux. seurs de ceintures de Seul point commun sécurité et des montaavec Hollywood et gnes russes aux pouWall Street : la toxicotrelles renforcées. manie. Paysans et Lionel Shriver. La malbouffe, le busiroutiers sont accros PHOTO EVA VERMANDEL ness des régimes, la R ROMANS AMÉRICAINS Dans les grandes largeurs Depuis le glaçant Il faut qu’on parle de Kevin, Lionel Shriver appuie là où ça fait mal. Après les enfants tueurs, les obèses. Vaste sujet : un Américain sur trois en relève. périple exceptionnel vont inspirer Les Temps modernes en 1936 et évidemment Le Dictateur en 1940. Chaplin s’entretient avec son ami Winston Churchill, rend visite à Albert Einstein dont il découvre la marotte secrète, la voile. À Rotterdam, une statue à son effigie est érigée sur l’un des ponts de la ville. À Berlin, la vie nocturne le déçoit, les cabarets ne sont pas aussi sulfureux qu’on le dit. De Vienne, il perçoit la décadence… Des basfonds londoniens aux palaces et autres demeures aristocrati- Pour regagner la Californie, Charlie Chaplin embarque à Naples, traverse le canal de Suez et rejoint le Japon, accompagné par son frère qui l’attendait à Rome. La voie orientale va lui offrir de fabuleux moments d’enchantement. Subjugué par les cérémonies balinaises, Chaplin fait plusieurs films. « Tout semble fade après un voyage à Bali », écrit-il en reprenant l’avion pour Singapour. Feuilleton médiatique donnant à tous le sentiment et l’illusion de partager le même monde, le récit de Charlie Chaplin prédit même la disparition du roman et l’actuelle crise de la lecture. Prémonitoire. VENERANDA PALADINO Big Brother, Lionel Shriver, traduit par Laurence Richard, Belfond, 434 pages, 22,50 € dictature du paraître, Shriver, drôle et grinçante, les épingle. Elle excelle plus encore à démonter les mécanismes de manque et de frustration qui président à cet embonpoint national. « Le problème n’était pas tant que manger soit génial – ça ne l’était pas – mais que rien d’autre ne l’était. » L’Amérique remplit en même temps son vide et son estomac. Le roman est dédié au frère de l’auteur, décédé des conséquences du surpoids. FRANÇOIS MONTPEZAT R MARGARET WRINKLE L’étalon noir Encore une fresque de l’esclavage mais qui se distingue par son style élégiaque et son angle, une réalité méconnue du Sud américain. Tennessee, début du XIXe siècle : Wash est un esclave que son propriétaire voue à la reproduction, le louant aux voisins, et de fait géniteur d’une maind’œuvre nombreuse à bon prix. L’exploitation de l’homme par l’homme jusqu’à l’extrême : le propos pourrait être manichéen, il ne l’est pas. Margaret Wrinkle, née en 1963 dans l’Alabama, fait entendre dans ce premier roman la voix du maître, lui-même sous l’emprise de Wash. Elle restitue les liens complexes, les hiérarchies (entre noirs « salés » venus par bateau et ceux nés sur place), les codes qui régissent ce monde où l’abolitionnisme commence à poindre. Wash, Margaret Wrinkle, traduit par Anne-Laure Tissut, Belfond, 432 pages, 21,50 € u SAMUEL W. GAILEY Des âmes en hiver Wyasuling, Pennsylvanie, 600 âmes : Samuel Gailey a fait de sa propre ville le décor de ce premier roman, fort noir. Danny, simple d’esprit accusé du meurtre de la serveuse Mindy, est traqué par Mike Sokowski, shérif adjoint toxico, violent et vrai coupable. Dans la neige sale, parmi les maisons décaties, en une forêt hostile, 24 heures haletantes au fin fond d’une Amérique déclassée. Réfrigérant ! u Deep Winter, Samuel W. Gailey, traduit par L. Derajinski, Gallmeister, 316 p, 22,50 € ◗ L’auteur sera mercredi 8 octobre à 19 heures à la librairie Quai des brumes, à Strasbourg F. M.