1 Le prix du pétrole: Mémoire courte ou bourrage de crâne Victor

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1 Le prix du pétrole: Mémoire courte ou bourrage de crâne Victor
Le prix du pétrole: Mémoire courte ou bourrage de crâne
Victor Ginsburgh et Yvan Guillaume
Professeurs à l'ULB
C'est vrai que les prix du gasoil de chauffage et du gasoil routier ont augmenté. Mille
litres de gasoil de chauffage valaient 9 450 FB en 1980 et 18 920 FB aujourd'hui (ou
hier, on ne sait plus trop). Mille litres de gasoil routier valaient 14 300 FB en 1980 et 35
400 FB aujourd'hui. C'est vrai qu'une part importante de ces montants sont des taxes.
Oui nous dira-t-on, mais 1980 était une mauvaise année pour la comparaison, une année
de prix élevés de l'énergie. Que non, puisque le gasoil de chauffage est passé de 9 450 en
1980 à 15 600 en 1985, et le gasoil routier, de 14 300 à 25 100 FB en 1985. Mais il est
vrai aussi que l'indice général des prix est passé de 100 en 1985 à 141 en 2000, et que si
le prix du pétrole avait simplement suivi cet indice depuis 1985, les mille litres de gasoil
de chauffage et de gasoil routier vaudraient aujourd'hui 20 200 et 35 400 FB. Il s'ensuit
que les ménages paient aujourd'hui 7% de moins qu'en 1985 et les transports routiers
paient, mais comme c'est curieux, au franc près, la même chose que ce qu'ils payaient il y
a 15 ans! Est-ce de la mémoire courte ou du bourrage de crâne? Pour qui nous prend-on?
Oui, mais alors, c'est quoi toute cette histoire? Elle est que les prix ont fortement baissé
entre 1986 et 1999, et étaient au plus bas en 1986 pour le gasoil de chauffage (6 350 FB)
et en 1988 pour le gasoil routier (16 300 FB). La question n'est donc pas le prix
aujourd'hui, mais pourquoi le gouvernement belge (et il n'était pas le seul dans ce cas,
bien entendu) a laissé les prix baisser entre 1985 et 1999, au lieu de se tenir à la seule
politique intelligente définie suite à la première crise pétrolière: tarifer les prix de
l'énergie de façon à induire des économies de consommation d'une ressource limitée.
Au lieu de cela, et étant donnés les prix beaucoup trop faibles de l'énergie, nous avons vu,
durant les vingt ou trente dernières années, les transports routiers prendre la place des
transports fluviaux et ferroviaires, des autoroutes de plus en plus nombreuses construites
pour faire face à l'accroissement de ce transport, et des autoroutes de plus en plus
encombrées par ce même transport.
La faute du gouvernement n'est donc pas de taxer trop aujourd'hui, mais de n'avoir pas
taxé d'avantage hier. Et il ne doit pas céder devant les exigences de certains groupes, il ne
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peut pas discriminer, avantager ceux qui crient assez fort, et qui sont d'ailleurs ceux qui
sont en partie responsables de l'augmentation des prix, puisque leur secteur s'est
développé grâce à des prix trop faibles de l'énergie.
Ce que l'on pourrait imaginer, c'est que le gouvernement adopte une formule plus souple,
de manière à ce qu'en période de croissance forte des prix du brut, les taux de taxation
soient légèrement réduits, et vice-versa. Mais il est important que le gouvernement, ou
plutôt les gouvernements des pays de la CE, se rappellent ce qu'ils avaient proclamé il y a
25 ans, après le premier choc pétrolier: nous devons économiser l'énergie. Et à l'époque,
il n'était pas même encore question de réchauffement ni d'accord de Kyoto.
C'est vrai que les prix du gasoil ont augmenté en 25 ans, et c'est vrai aussi qu'il y a un peu
plus de 25 ans, Salvador Allende tombait suite à une grève du syndicat des camionneurs...
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