Cholestases néonatales
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Cholestases néonatales
¶ 4-060-A-15 1 Cholestases néonatales 2 E. Gonzales, E. Jacquemin 3 16 Les cholestases de l’enfant, qui se présentent le plus souvent dans la période néonatale, constituent la principale cause d’hospitalisation dans un service d’hépatologie pédiatrique et représentent 80 % des indications de transplantation hépatique chez l’enfant. La transplantation hépatique a bouleversé le pronostic des cholestases de l’enfant avec un taux global de survie à 10 ans de 80 %. Par ailleurs, les gènes responsables des principales cholestases génétiques ont été récemment identifiés, ce qui rend en théorie possible un diagnostic anténatal et devrait permettre de mieux comprendre la physiopathologie de ces cholestases et de développer dans l’avenir d’autres traitements que la transplantation hépatique. Le nouveau-né est particulièrement exposé à développer une cholestase en raison de l’immaturité des mécanismes de la sécrétion biliaire. Les cholestases du nouveau-né sont particulières par leur incidence relativement élevée (1/2 500 naissances), la grande variété de leurs causes et la gravité du pronostic d’un grand nombre d’entre elles. L’objectif principal, devant un nouveau-né présentant un ictère cholestatique, est d’en identifier très rapidement la cause. En particulier, Il est extrêmement important de faire le diagnostic précoce d’atrésie des voies biliaires extrahépatiques, principale cause de cholestase à cet âge, dont le pronostic dépend beaucoup de la précocité de l’intervention chirurgicale correctrice. 17 © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. 18 Mots clés : Nouveau-né ; Ictère ; Cholestase ; Atrésie des voies biliaires 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 19 Plan 20 21 ¶ Diagnostic de cholestase 1 22 23 24 25 26 27 28 ¶ Étiologie et physiopathologie Atrésie des voies biliaires Syndrome d’Alagille Déficit en alpha-1 antitrypsine Cholestases intrahépatiques progressives familiales (PFIC1-3) Cholestase néonatale transitoire (ou bénigne) Cholangite sclérosante à début néonatal Déficits de synthèse des acides biliaires primaires Mucoviscidose Lithiase biliaire 2 2 3 4 4 5 5 5 6 6 ¶ Traitement 7 29 30 31 32 33 34 ■ Diagnostic de cholestase 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 L’existence d’une cholestase doit être suspectée systématiquement chez un nouveau-né ictérique chez qui l’ictère persiste ou apparaît après 10-15 jours de vie. L’ictère cholestatique s’accompagne d’une décoloration prolongée partielle ou complète des selles (Fig. 2), d’urines foncées colorant les couches, et le plus souvent d’une hépatomégalie. En présence d’un ictère néonatal, la décoloration des selles doit être recherchée dès les premiers jours de vie par le pédiatre de maternité. La couleur des selles doit être appréciée sous allaitement maternel ou lait maternisé premier âge. Le prurit n’existe pas chez le nouveau-né cholestatique et apparaît rarement avant l’âge de 4-5 mois. La Pédiatrie [1] (Fig. 1) bilirubinémie est augmentée avec une prédominance de bilirubine conjuguée et est le plus souvent associée à une augmentation des phosphatases alcalines, de la gammaglutamyl transférase (GGT) et des acides biliaires dans le sang. Lorsqu’il existe une décoloration complète des selles et une hépatomégalie ferme, ou s’il existe un syndrome de polysplénie, le diagnostic d’atrésie des voies biliaires est très probable sur les seules données cliniques. Les traits cliniques des ictères cholestatiques du nouveau-né les distinguent nettement des ictères à bilirubine non conjuguée (urines claires, selles colorées, pas d’hépatomégalie) qui peuvent être prolongés au-delà du 10e jour de vie et dont l’étiologie est très différente. Le risque, chez un enfant nourri au sein, est de porter par excès le diagnostic d’ictère au lait de mère chez un enfant atteint d’atrésie des voies biliaires. Un autre risque est d’attribuer par excès la cholestase à une infection à cytomégalovirus (CMV) ou à une infection urinaire. Il est également important de distinguer les ictères cholestatiques (où le temps de Quick est normal après injection parentérale de vitamine K) des ictères par insuffisance hépatocellulaire révélant une galactosémie ou plus rarement une tyrosinémie, une intolérance héréditaire au fructose ou une hépatite virale aiguë. Tout nouveau-né suspect de cholestase doit recevoir, dès que possible, une injection parentérale de 10 mg de vitamine K pour prévenir les complications hémorragiques. En cas de signes hémorragiques, du plasma frais doit être administré. Il doit ensuite être orienté sans attendre vers un centre hospitalier où une équipe médicochirurgicale expérimentée conduira les investigations étiologiques et pourra prendre en charge l’enfant de manière à lui donner les meilleures chances de survie à long terme. En cas d’atrésie des voies biliaires, il faut que l’enfant soit 1 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 4-060-A-15 ¶ Cholestases néonatales • Doit être suspectée si ictère persiste ou apparaît après 15 jours de vie et si bilirubine conjuguée > 10 % de la bilirubine totale • Ictère cholestatique : selles décolorées, urines foncées ± hépatomégalie • Suspicion de cholestase = injection parentérale de 10 mg de vitamine K (+ plasma si signes hémorragiques) Atrésie des voies biliaires jusqu'à preuve du contraire ! Équipe médicochirurgicale expérimentée “ Figure 2. Selles de trois nourrissons de moins de 3 mois nourris exclusivement au lait maternel ou maternisé premier âge. La décoloration partielle ou totale des selles signe la cholestase et doit faire envisager systématiquement le diagnostic d’atrésie des voies biliaires. Chez un nouveau-né ictérique, une décoloration des selles doit être systématiquement recherchée dès le séjour à la maternité. 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 confié à une équipe chirurgicale habituée à opérer au moins trois nouveaux cas d’enfants atteints d’atrésie des voies biliaires par an [2]. Les modalités pratiques de la conduite diagnostique sont schématisées dans la Fig. 3. La crainte de méconnaître une atrésie des voies biliaires doit être constamment présente à l’esprit. Les conditions du diagnostic étiologique se fondent sur des éléments cliniques, biologiques et radiologiques simples dont les résultats doivent être obtenus en quelques jours. Il est cependant des cas où la cause n’est pas rapidement identifiée. Une biopsie hépatique à l’aiguille doit être alors rapidement faite et interprétée par un pathologiste ayant l’expérience des maladies du foie de l’enfant [3]. L’examen recherche avant tout des signes d’obstacles sur les voies biliaires (fibrose porte, prolifération de voies biliaires et bouchon de bile dans les voies biliaires) (Fig. 4) et l’existence de tels signes doit conduire à discuter rapidement une opacification des voies biliaires (cholangiographie transpariétale, endoscopique rétrograde ou lors d’une laparotomie exploratrice) qui permet de faire la preuve de l’atrésie des voies biliaires (Fig. 5) [1, 4, 5]. L’opacification des voies biliaires peut aussi être faite d’emblée sans biopsie hépatique quand il existe une forte suspicion d’atrésie des voies biliaires (décoloration complète, précoce et durable des selles, hépatomégalie ferme voire dure, échographie montrant un aspect hyperéchogène triangulaire du hile hépatique, une vésicule biliaire atrophique, ou un syndrome de polysplénie). Les causes de cholestase de l’enfant qui débutent après la période néonatale, ainsi que leurs modalités thérapeutiques, sont rapportées dans la Fig. 6. 107 ■ Étiologie et physiopathologie 108 109 La cholestase se définit comme l’ensemble des manifestations dues à la diminution ou à l’arrêt du flux biliaire ou à une 2 Figure 1. Cholestases néonatales : enquête étiologique urgente. La crainte de méconnaître une atrésie des voies biliaires doit être constamment présente à l’esprit. Erreurs à ne pas commettre Quelques erreurs à éviter dans le diagnostic des cholestases du nouveau-né. À la maternité : • ne pas s’inquiéter, à tort, de la couleur blanche des selles (la précocité de la décoloration des selles est un argument très important en faveur du diagnostic d’atrésie des voies biliaires). Au cours du premier mois : • dire qu’il est « banal » qu’un ictère se prolonge au-delà du 10 e jour (l’ictère simple du nouveau-né à terme a toujours disparu à cet âge) ; • porter par excès un diagnostic d’ictère au lait de mère ; • être rassuré à tort par une courbe de croissance correcte (la croissance des enfants atteints d’atrésie des voies biliaires est le plus souvent normale pendant les premières semaines) ; • fausser l’interprétation de la couleur des selles par un régime ou un traitement inappropriés (laits synthétiques : couleur grise des selles ; fer: couleur grise ; amphotéricine orale : couleur orange) ; • être rassuré à tort par à un compte-rendu échographique décrivant une vésicule biliaire présente (la présence d’une vésicule biliaire n’exclut pas le diagnostic d’atrésie des voies biliaires limitée aux canaux hépatiques) ; • porter par excès un diagnostic d’ « hépatite néonatale » (cette entité n’existe pas en dehors des fœtopathies infectieuses ou des hépatites virales postnatales dont l’agent doit absolument être identifié). anomalie de formation de la bile (Fig. 7). La cholestase peut être secondaire à des lésions des voies biliaires extrahépatiques, extra- et intrahépatiques, intrahépatiques, à des anomalies métaboliques d’origine hépatocytaire ou à des facteurs externes comme une infection bactérienne ou une nutrition parentérale. Les atteintes exclusives des voies biliaires extrahépatiques ne représentent qu’une petite proportion (5 %) des causes de cholestase néonatale. Les causes de cholestase néonatale sont rapportées dans le Tableau 1 [6-9] et les principales sont détaillées dans les paragraphes suivants [1]. 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 Atrésie des voies biliaires [2, 120 10-12] C’est la cause la plus fréquente de cholestase néonatale (un cas sur 10 000 naissances) et représente à elle seule 50 % des causes de cholestase néonatale [1]. Elle est la principale indication de transplantation hépatique chez l’enfant. Elle est le résultat d’une oblitération acquise, de cause inconnue, anté- ou immédiatement postnatale, des voies biliaires qui touche Pédiatrie 121 122 123 124 125 126 Cholestases néonatales ¶ 4-060-A-15 Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite pratique et étapes du diagnostic en cas de cholestase néonatale. Décoloration franche et persistante des selles Échographie abdominale Dilatation des voies biliaires ? Non : éliminer - syndrome d'Alagille, - mucoviscidose, - déficit alpha-1 antitrypsine Oui : - lithiase biliaire - kyste cholédoque - autre cause extrahépatique Résultats négatifs Atrésie des voies biliaires Cholangite sclérosante Biopsie Cholangiographie Figure 4. Image d’obstacles sur les voies biliaires : prolifération de néoductules avec thrombi biliaires (flèches). 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 l’ensemble des voies biliaires dans 80 % des cas. Des mécanismes immuno-inflammatoires dirigés contre les voies biliaires sont probablement impliqués [13]. Une origine génétique peut être évoquée en cas d’association avec un syndrome de polysplénie (10 % des cas) [14, 15]. La découverte d’une image kystique liquidienne sous-hépatique sur une échographie anténatale est fortement évocatrice d’atrésie des voies biliaires et nécessite un dépistage néonatal de la cholestase [16] . Une intervention correctrice (intervention de Kasaï) anastomosant une anse intestinale (hépato-porto-entérostomie) ou la vésicule biliaire (hépato-porto-cholécystostomie) au hile du foie permet un rétablissement du flux biliaire. Si cette intervention chirurgicale est faite avant l’âge de 30 jours, on peut espérer que 50 % des enfants opérés seront en vie avec leur foie natif à l’âge de 5 ans [2]. Avec le temps, les chances de succès de l’intervention diminuent rapidement pour s’annuler quasiment après l’âge de 4 mois. En cas d’échec de l’intervention, l’évolution se fait vers la décompensation de la cirrhose et nécessite une transplantation hépatique, le plus souvent entre 1 et 2 ans [10]. Tous les efforts doivent donc tendre à faire le diagnostic d’atrésie des voies biliaires avant l’âge de 1 mois pour tenter de réduire le nombre d’enfants qui nécessiteront une transplantation hépatique dans les premières années de vie [11]. Cependant, même en cas de rétablissement du flux biliaire, une cirrhose existe dans presque tous les cas en raison de l’atteinte associée des voies biliaires intrahépatiques. Ces enfants sont exposés aux complications générales des cirrhoses, à la réapparition secondaire d’un ictère, à des cholangites bactériennes, à une nécrose ischémique du foie, et une transplantation hépatique est souvent nécessaire Pédiatrie Figure 5. Cholangiographie transvésiculaire préopératoire dans une atrésie des voies biliaires sans atteinte du canal cholédoque : absence d’opacification du canal hépatique commun et des voies biliaires intrahépatiques (flèche). dans la seconde enfance ou à l’adolescence [10]. Environ 10 % des enfants ayant bénéficié de l’intervention de Kasaï sont en vie avec leur foie natif à l’âge de 20 ans [12]. 156 157 158 Syndrome d’Alagille [17, 159 18] Ce syndrome représente 10 à 15 % des causes de cholestase néonatale (un cas sur 100 000 naissances). Il est caractérisé par l’association de cinq critères majeurs : un faciès particulier (front bombé, petit menton pointu, hypertélorisme), un embryotoxon postérieur, des anomalies vertébrales à type de vertèbre en « aile de papillon » (Fig. 8), une sténose périphérique des branches de l’artère pulmonaire et une cholestase chronique due à une paucité des voies biliaires interlobulaires. Le diagnostic est posé sur l’association d’au moins trois des cinq critères. La paucité des voies biliaires est définie par l’absence de voie biliaire visible dans plus de 50 % des espaces portes sur une biopsie de foie contenant au moins dix espaces portes complets (Fig. 9). L’évolution vers la cirrhose n’est pas constante et peut apparaître à partir de l’adolescence [18]. Une transplantation hépatique plus précoce peut aussi être indiquée en cas d’ictère persistant depuis la naissance associé à des xanthomes et un prurit sévère. La transmission se fait sur 3 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 4-060-A-15 ¶ Cholestases néonatales Dilatées Cholangiographie Chirurgie Échographie abdominale voies biliaires ? Causes extrahépatiques Non dilatées Gamma - GT sérique ? Normale Prurit ? Augmentée Non Oui Alagille Alpha-1 antitrypsine Mucoviscidose Toxique Biopsie hépatique obstacle ? Oui : Cholangiographie voies biliaires ? Déficit de synthèse des acides biliaires primaires PFIC 1 et 2 BRIC Toxique Hépatite A Anormales Cholangite sclérosante Normales PFIC3 Cholangite auto-immune Figure 6. Arbre décisionnel. Conduite pratique et étapes du diagnostic en cas de cholestase débutant après la période néonatale. Gamma-GT : gammaglutamyl transférase ; PFIC : cholestases intrahépatiques progressives familiales ; BRIC : cholestase intrahépatique récurrente bénigne. Cholestase Diminution du flux biliaire Absence d'acides biliaires dans l'intestin Malabsorption des graisses et des vitamines ADEK Figure 7. Rétention d'acides biliaires dans le foie et le sang Prurit Lésions hépatocytaires Conséquences de la cholestase. 177 178 179 180 181 182 183 un mode autosomique dominant. Des mutations du gène Jagged 1 situé sur le chromosome 20 ont été identifiées chez 70 % des patients [17]. Ce gène code une protéine qui lie un récepteur transmembranaire (Notch) impliqué dans la différenciation cellulaire à des étapes précoces du développement. Un diagnostic moléculaire anténatal est maintenant disponible, mais dans deux tiers des cas les mutations sont sporadiques. 184 Déficit en alpha-1 antitrypsine [19] 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 Cette maladie, qui représente 5 à 10 % des causes de cholestase néonatale, est transmise sur un mode autosomique récessif. Seul le phénotype PiZ est associé à une maladie du foie. En France, la fréquence des homozygotes ZZ est estimée à un cas sur 10 000 naissances. Seulement 15 à 20 % des enfants ZZ vont présenter une cholestase néonatale et environ 30 % d’entre eux vont développer une cirrhose qui sera une indication à la transplantation hépatique. Il n’existe pas de manifestations pulmonaires de la maladie à l’âge pédiatrique. Le diagnostic est le plus souvent suggéré par l’absence de pic d’alpha-1 globulines sur l’électrophorèse des protéines sériques (Fig. 10) et confirmé 4 par le dosage pondéral d’alpha-1 antitrypsine et l’étude du phénotype et du génotype. Le gène est situé sur le chromosome 14 et la différence essentielle entre la protéine normale et la protéine mutée est une substitution acide glutamique-lysine en position 342 de la séquence d’acides aminés. Un diagnostic prénatal de la maladie est disponible. L’atteinte hépatique pourrait être due à une absence de dégradation de l’alpha1 antitrypsine dans le réticulum endoplasmique. Cholestases intrahépatiques progressives familiales (PFIC1-3) [20-22] Les maladies du foie regroupées sous cette appellation correspondent à un groupe hétérogène d’entités, initialement reportées sous le nom de Maladie de Byler, qui représentent 10 % des causes de cholestase néonatale (un cas sur 100 000 naissances) et qui ont été récemment démembrées. Il s’agit d’une cholestase de transmission autosomique récessive, d’origine hépatocellulaire et évoluant vers l’insuffisance hépatocellulaire souvent avant l’adolescence. Dans les deux premiers types (PFIC1, PFIC2), la cholestase est caractérisée par un début souvent néonatal, un prurit féroce au bout de quelques mois, et une activité sérique toujours normale de la GGT. La PFIC1 est due à une mutation du gène FIC1, situé sur le chromosome 18, dont la fonction n’est pas précisément connue [23]. La PFIC2 est due à une mutation du gène BSEP, situé sur le chromosome 2, qui code le transporteur canaliculaire impliqué dans la sécrétion biliaire des acides biliaires [24, 25]. Par opposition aux deux premières, la PFIC3 débute souvent plus tard dans la vie et est souvent compliquée par l’apparition d’hypertension portale et d’insuffisance hépatocellulaire plus tardive [26, 27] . Elle est caractérisée par un prurit inconstant et modéré, une activité sérique élevée de la GGT et une prolifération ductulaire malgré des voies biliaires normales. Les patients ont des mutations du gène MDR3, situé sur le chromosome 7, qui code le transporteur canaliculaire responsable de la sécrétion biliaire des phospholipides. Un diagnostic moléculaire anténatal des PFIC est possible. Le traitement de référence reste la transplantation Pédiatrie 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 Cholestases néonatales ¶ 4-060-A-15 Tableau 1. Étiologie des cholestases du nouveau-né. Siège de la lésion Nature de la maladie Voies biliaires extrahépatiques (5 % des cas) Lithiase de la voie biliaire principale Perforation spontanée des voies biliaires [6] Sténose congénitale Dilatation congénitale (kyste du cholédoque) Tumeur Voies biliaires extra- et intrahépatiques (47,5 % des cas) Atrésie des voies biliaires* Cholangite sclérosante Intrahépatique (voies biliaires ou hépatocyte) (47,5 % des cas) Infections - fœtopathies - (CMV, toxoplasmose, syphilis, rubéole) - infection bactérienne périnatale - infection urinaire postnatale (Escherichia coli) Paucité des voies biliaires - syndrome d’Alagille - non syndromiques Maladies récessives autosomiques - déficit en alpha-1 antitrypsine - mucoviscidose - Niemann-Pick type C - maladie de Gaucher - maladies peroxysomales - cholestases intrahépatiques familiales progressives (PFIC1-3)) - déficit de synthèse des acides biliaires primaires - déficit de synthèse du cholestérol - déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale** -déficit en citrine [7] Cholestase néonatale transitoire (bénigne)*** Divers - déficit en cortisol (insuffisance surrénale, déficit ACTH) [8] - angiome - alimentation parentérale exclusive prolongée [9] - posthémolyse (bile épaisse) CMV : cytomégalovirus ; ACTH : adrenocorticotrophic hormone. * : cause la plus fréquente de cholestase néonatale ; ** : mode de transmission qui n’est pas toujours autosomique récessif ; *** : origine multifactorielle probable : prématurité (immaturité de la sécrétion biliaire), ischémie ou hypoxie hépatiques (retard de croissance intrautérin, souffrance périnatale, entérocolite), infections bactériennes, alimentation parentérale exclusive. 232 233 234 hépatique mais certains enfants atteints de PFIC peuvent bénéficier d’un traitement par l’acide ursodésoxycholique ou d’une dérivation biliaire externe [28-30]. 236 Cholestase néonatale transitoire (ou bénigne) [31] 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 Elle représente 5 à 10 % des causes. Son évolution est spontanément favorable et son origine est probablement multifactorielle. Elle pourrait avoir un mécanisme initial résultant de la conjonction d’une souffrance fœtale aiguë ou chronique entraînant une ischémie ou une hypoxie hépatique et de l’immaturité de la sécrétion biliaire [32] en cas de prématurité. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination qui ne peut être retenu qu’après avoir éliminé les autres causes de cholestase néonatale et si le contexte est évocateur. Un déficit hétérozygote de MDR3 ou BSEP pourrait représenter une prédisposition génétique [27, 33]. 248 Cholangite sclérosante à début néonatal [34] 249 250 251 252 253 254 255 Le diagnostic repose sur l’opacification des voies biliaires (Fig. 11). Après plusieurs mois d’ictère cholestatique, l’évolution se fait vers une régression spontanée de l’ictère avec persistance des signes biologiques de cholestase et présence d’une cirrhose qui se décompense au bout de quelques années et nécessite une transplantation hépatique. Il est possible qu’un traitement par l’acide ursodésoxycholique puisse avoir un effet bénéfique sur 235 Pédiatrie l’évolution de la maladie. Il s’agit peut-être d’une maladie génétique autosomique récessive car quelques observations de cas familiaux sont connues [35]. Déficits de synthèse des acides biliaires primaires [36] 256 257 258 259 260 [37-40] Les déficits de synthèse des acides biliaires primaires sont des maladies de transmission autosomique récessive qui étaient confondues avec les PFIC et représentent maintenant des entités bien caractérisées sur le plan clinique et moléculaire. Elles relèvent d’un traitement par l’acide cholique. Deux déficits enzymatiques principaux de la voie de synthèse des acides biliaires primaires à partir du cholestérol, transmis sur un mode autosomique récessif et responsables de cholestase chronique, ont été décrits. Le mieux connu est le déficit en 3b-hydroxyC27-stéroïde déshydrogénase/isomérase, caractérisé par l’absence de prurit, une activité sérique normale de la GGT, et un taux sérique effondré d’acides biliaires primaires. Le diagnostic est fait par l’analyse urinaire, en spectrométrie de masse, des métabolites anormaux des acides biliaires qui s’accumulent en amont du déficit enzymatique de la voie de synthèse des acides biliaires. Il est vraisemblable que la cholestase et l’atteinte hépatique sont secondaires à la fois à l’absence d’acides biliaires primaires indispensables à la formation et à la sécrétion de la bile, et à l’accumulation des acides biliaires atypiques en amont du déficit enzymatique. 5 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 4-060-A-15 ¶ Cholestases néonatales Électrophorèse des protides normale Déficit en alpha-1 antitrypsine A Pic d'alpha-1 globulines B Absence de pic d'alpha-1 globulines Figure 10. A, B. Électrophorèse des protides sériques et déficit en alpha-1 antitrypsine. L’absence de pic d’alpha-1 globulines évoque le diagnostic, qui est confirmé par le dosage sérique de l’alpha-1 antitrypsine, et le phénotypage (phénotype ZZ) ou le génotypage. Figure 8. Radiographie du rachis dorsal de face : vertèbres en « ailes de papillon » (flèches) caractéristiques du syndrome d’Alagille. Figure 11. Cholécystographie transhépatique dans une cholangite sclérosante néonatale : perméabilité des voies biliaires extrahépatiques avec des voies biliaires intrahépatiques rares et irrégulières (flèches). Figure 9. Image de paucité des voies biliaires : espace porte sans voie biliaire interlobulaire et contenant une artère (A) et une veine (V). 281 Mucoviscidose [41] 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 Cette maladie de transmission autosomique récessive est exceptionnellement révélée par une cholestase néonatale [42]. Le diagnostic est rapidement fait à l’aide du dosage de la trypsine immunoréactive, du test de la sueur et de la recherche de mutations du gène CFTR localisé sur le chromosome 7. Une cirrhose peut apparaître chez 5 à 25 % des enfants et le risque augmente avec l’âge. L’atteinte hépatique est principalement la conséquence d’une obstruction des voies biliaires par un mucus anormal secondaire au défaut de sécrétion du chlore, par les cellules épithéliales des voies biliaires, due à la protéine CFTR anormale. Il est possible qu’un traitement par l’acide ursodésoxycholique puisse avoir un effet bénéfique sur l’évolution de la maladie [43]. 295 Lithiase biliaire [44] 296 297 298 299 Il s’agit de lithiase de nature pigmentaire, composée de sels calciques insolubles de bilirubine non conjuguée. Les circonstances de découverte sont le plus souvent un ictère cholestatique et/ou un épisode de décoloration des selles, parfois des 6 douleurs abdominales ou des vomissements, rarement des signes infectieux témoignant d’une cholangite ou d’une cholécystite. L’échographie confirme le diagnostic. Une opacification des voies biliaires est indiquée en cas de suspicion de lithiase de la voie biliaire principale. Cela permet d’éliminer une éventuelle anomalie anatomique des voies biliaires et offre la possibilité d’un geste thérapeutique. Des facteurs favorisants ont été rapportés (infection, déshydratation, nutrition parentérale, hémolyse) mais dans environ 50 %, aucune cause favorisante n’est retrouvée (lithiase primitive). En cas de lithiase vésiculaire isolée, l’élimination biliaire spontanée est fréquente. Tant que la lithiase reste asymptomatique, une simple surveillance échographique est proposée. Une cholécystectomie est indiquée en cas de complications (douleurs récidivantes, cholécystite aiguë). En cas de lithiase de la voie biliaire principale, une élimination spontanée peut être observée. En l’absence de complication infectieuse, on préconise une surveillance clinique et biologique pendant 1 à 2 semaines. Si les selles ne se recolorent pas et l’ictère ne régresse pas, ou d’emblée en présence d’une cholangite, la levée de l’obstacle s’impose. La cholangiographie percutanée associée au drainage et lavage des voies biliaires permet de lever l’obstacle dans au moins 80 % des cas. La cholécystectomie de première intention n’est pas indiquée et doit être faite en cas d’échec de la radiologie interventionnelle, cela d’autant plus que la récidive de la lithiase biliaire primitive est exceptionnelle. Pédiatrie 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 Cholestases néonatales ¶ 4-060-A-15 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 ■ Traitement Un traitement symptomatique est toujours nécessaire. Tout enfant suspect de cholestase doit recevoir, dès que possible, une injection parentérale de 10 mg de vitamine K pour prévenir les complications hémorragiques. Une prise en charge nutritionnelle est indispensable et des vitamines liposolubles A, D, E et K sont données par voie intramusculaire si l’ictère persiste. Un traitement par la rifampicine permet souvent de contrôler le prurit [45]. Une alimentation hypercalorique enrichie en triglycérides à chaîne moyenne et dextrine maltose doit rapidement être proposée, éventuellement complétée par une alimentation entérale continue nocturne (sonde nasogastrique) en cas de croissance insuffisante. Dans les cas extrêmes de dénutrition, en particulier chez les enfants atteints d’atrésie des voies biliaires décompensée, il peut être nécessaire de débuter une nutrition parentérale en attendant la transplantation hépatique. Le traitement spécifique des principales causes de cholestase néonatale a déjà été abordé dans les paragraphes précédents. En ce qui concerne les causes les plus rares : une dilatation des voies biliaires en échographie conduit à une cholécystographie transhépatique éventuellement associée à une intervention chirurgicale en cas de kyste du cholédoque [46]. Un traitement spécifique doit être utilisé pour la toxoplasmose congénitale, la syphilis congénitale, une insuffisance surrénale, ou une infection urinaire. Dans l’avenir, la thérapie cellulaire, génique ou pharmacologique ciblée pourra peut-être représenter une alternative à la transplantation hépatique pour certaines cholestases comme les PFIC [21, 47, 48]. La surveillance ultérieure comporte : • la vaccination contre les virus des hépatites A et B, l’organisation de la transplantation hépatique pour les enfants atteints d’une maladie menaçant d’une évolution rapide vers une cirrhose ou une insuffisance hépatocellulaire (atrésie des voies biliaires, cholestases intrahépatiques progressives familiales, cholangite sclérosante, déficit en alpha1 antitrypsine) ; • l’identification des maladies pour lesquelles la transplantation hépatique est contre-indiquée (Niemann-Pick type C, maladie des peroxysomes, maladie de Gaucher, déficit de synthèse du cholestérol) [49-52] ou doit être discutée avec précaution (déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale limitée au foie) [53, 54] ; • la mise en place des conditions d’un conseil génétique et d’un éventuel diagnostic anténatal en cas de grossesse lorsqu’il est disponible ; le contrôle de la guérison sans séquelle hépatique des cholestases néonatales transitoires, des fœtopathies, des kystes du cholédoque et des lithiases biliaires. [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] . 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 ■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] Jacquemin E, Bernard O. Diagnostic des cholestases du nouveau-né. Mt Pédiatrie 1998;1:357-64. Chardot C. Treatment for biliary atresia in 2003. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2003;37:407-8. Hadchouel M, Fabre M. Diagnostic histologique d’une cholestase néonatale. Ann Pathol 1995;15:357-64. Treem WR, Grant EE, Barth KH, Kremers PW. Ultrasound guided percutaneous cholecystocholangiography for early differentiation of cholestatic liver disease in infants. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1988; 7:347-52. Wilkinson MK, Mieli-Vergani G, Ball C, Portmann B, Mowat AP. Endoscopic retrograde cholangiopancreatography in infantile cholestasis. Arch Dis Child 1991;66:121-3. Davenport M, Heaton ND, Howard ER. Spontaneous perforation of the bile ducts in infants. Br J Surg 1991;78:1068-70. 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