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OPHTALMOLOGIE
Revue Marocaine du Cancer 2011, vol. 3, n°4 : 17-19
Fait Clinique
CARCINOME ADENOIDE KYSTIQUE DE LA GLANDE LACRYMALE
(A PROPOS D’UN CAS)
L. BENHMIDOUNE1, H. ELMANSOURI1, A. ELBOUIHI1, M. ELBELHADJI1, A. AMRAOUI1, F. MARNISSI2,
A. BENKIRANE2, S. ZAMIATI2
1. Service d’Ophtalmologie Adulte, Hôpital 20 Août ; 2. Service d’Anatomopathologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca,
Maroc
RESUME
ABSTRACT
Les carcinomes adénoïdes kystiques ou cylindromes de la glande
lacrymale constituent la deuxième cause de tumeurs épithéliales de
cette glande, après les tumeurs bénignes mixtes. Le but de notre
travail est d’exposer cette entité clinique redoutable par sa malignité
et son taux de récidive élevé.
Les auteurs présentent l’observation d’un carcinome adénoïde
kystique de la glande lacrymale découvert chez une patiente de 24
ans. Cette jeune fille consulte pour une tuméfaction palpébrale
externe droite évoluant depuis près d’une année. L’examen retrouve
une masse de l’angle supéro-externe de l’orbite, non inflammatoire,
peu douloureuse, de consistance molle et irréductible. Le reste de
l’examen ophtalmologique est normal. Le scanner cranio-orbitaire
montre un processus tissulaire au niveau de l’angle supéro-externe
de l’orbite droit, englobant la glande lacrymale. Nous avons réalisé
une biopsie exérèse de la tumeur après ostéotomie de la paroi
latérale de l’orbite. L’examen anatomopathologique de la pièce
opératoire révèle un carcinome adénoïde kystique de la glande
lacrymale d’exérèse complète.
Le carcinome adénoïde kystique de la glande lacrymale est une
tumeur épithéliale maligne qui représenterait environ le tiers des
tumeurs épithéliales. Cette tumeur est souvent responsable de
dacryomégalie chronique unilatérale. Seule une étude
anatomopathologique après biopsie ou exérèse chirurgicale de la
tumeur permet le diagnostic de certitude. La radiothérapie et la
chimiothérapie ne sont en général utilisées que dans un but palliatif.
Le pronostic de la tumeur est redoutable, car elle est très infiltrante
et invasive.
ADENOID CYSTIC CARCINOMA OF LACRIMAL GLAND
(ONE CASE REPORT)
Cystic adenoid carcinomas are the second cause for epithelial tumors
in the lacrimal gland ; the benign tumors being the main cause. Our
objective in this paper is to analyze and expose the nature of this
disease considering its malignant nature and its high rate of
recidivism.
The authors have observed a 24 year-old patient presenting cystic
adenoid carcinomas in the lacrimal gland. The patient presented
itself for diagnosis with a growing external right palpebral tumefaction
that has started about a year ago. The diagnosis uncovered a noninflammatory, non-compressible and soft mass with limited pain
level in the high external level of the orbit. The rest of the
ophthalmologic exam results was normal. The CT-scan revealed a
process of tissues in the high level of the orbit surrounding the
lacrimal gland. After an osteotomy of the right wall of the orbit, we
completed an excisional biopsy. The histopathologic results revealed
a cystic adenoid carcinoma in the lacrimal gland.
The cystic adenoid carcinoma in the lacrimal gland is a malignant
tumor that constitute the third of the epithelial tumors. This tumor
is often responsible for an unilateral chronic dacrylith. Only an
excisional biopsy or a surgery permits a certain diagnosis.
Radiotherapy or chemotherapy treatments are generally used only
in palliative cases. The prognosis of this tumor is dangerous due to
its infiltrating and invasive nature.
Key words : lacrimal gland, cystic adenoid carcinoma, epithelial
tumor
Mots clés : glande lacrymale, carcinome adénoïde kystique, tumeur
épithéliale
Correspondance : Dr. H. ELMANSOURI. Service d’Ophtalmologie
Adulte, Hôpital 20 Août 1953, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc.
E-mail : [email protected]
INTRODUCTION
Elle ne rapporte aucun signe fonctionnel oculaire, notamment
pas de baisse de l’acuité visuelle, pas de rougeur ni douleurs
oculaires.
Le carcinome adénoïde kystique de la glande lacrymale ou
cylindrome est une tumeur rare. Un bilan d’extension doit
toujours être réalisé à la recherche d’une atteinte métastatique.
L’examen retrouve une masse de l’angle supéro-externe de
l’orbite, non inflammatoire, peu douloureuse, de consistance
molle et irréductible (fig. 1 et 2). L’acuité visuelle est de 10/10
au niveau des deux yeux. Le tonus oculaire est 14 mmHg au
niveau de l’œil droit et de 12 mmHg au niveau de l’œil gauche.
L’examen ophtalmologique du segment antérieur et du fond
d’œil est normal au niveau des deux yeux.
OBSERVATION
Une jeune fille âgée de 24 ans, consulte pour une tuméfaction
palpébrale externe droite évoluant depuis près d’une année
et augmentant progressivement de taille.
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Carcinome adénoïde kystique de la glande lacrymale
L. BENHMIDOUNE et coll.
Le scanner cranio-orbitaire montre un processus tissulaire au
niveau de l’angle supéro-externe orbitaire droit, qui se rehausse
de façon hétérogène après injection du produit de contraste.
Il mesure 1,70 x 2,84 cm qui englobe la glande lacrymale et
vient au contact du globe oculaire mais sans envahissement.
Les parois osseuses en regard sont normales et il n’y a pas
d’envahissement endocrânien (fig. 3).
intacts et l’os n’est pas envahi. L’examen anatomopathologique
de la pièce opératoire révèle un carcinome adénoïde kystique
cribriforme de la glande lacrymale d’exérèse complète
(fig. 4, 5, 6 et 7).
Les suites postopératoires immédiates sont simples. Une
radiothérapie et/ou une chimiothérapie complémentaire n’ont
pas été indiquées dans ce cas. La patiente a été revue à 3 mois
en postopératoire, elle ne présente pas de signe en faveur
d’une récidive. Un scanner de contrôle est prévu au 12ème
mois.
Nous avons réalisé une biopsie exérèse de la tumeur qui
englobait toute la glande lacrymale après ostéotomie de la
paroi latérale de l’orbite. Les muscles oculomoteurs sont
Fig. 1. Cliché photographique de face : tuméfaction de
l’angle supéro-externe droit avec surélévation du sourcil
Fig. 2. Masse tumorale de l’angle supéro-externe droit
Fig. 4. Exérèse de la tumeur après orbitotomie
Fig. 3. Scanner orbitaire : processus tissulaire
de l’angle supéro-externe de l’orbite droit,
englobant la glande lacrymale
Fig. 5. Pièce anatomique
Fig. 6. Prolifération carcinomateuse en massifs
cribriformes avec des cavités à contenu mucoïde
(coloration HE, moyen grossissement)
Fig. 7. Stroma hyalin déssinant des cordons cellulaires
(coloration HE, fort grossissement)
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Revue Marocaine du Cancer 2011, vol. 3, n°4 : 17-19
DISCUSSION
CONCLUSION
Les tumeurs de la glande lacrymale sont généralement réparties
en 4 catégories [1] : les lésions inflammatoires, les lymphomes,
les métastases carcinomateuses et les tumeurs épithéliales.
Ces dernières représentent environ 20% des tumeurs de la
glande lacrymale [2].
Le pronostic du carcinome adénoïde kystique de la glande
lacrymale est mauvais malgré des protocoles chirurgicaux
lourds. Des récidives ou des métastases essentiellement
intracrâniennes sont fréquentes et diminuent le taux de survie.
Les tumeurs épithéliales de la glande lacrymale peuvent être
bénignes (55%) ou malignes (45%) [2]. L’adénome pléomorphe
de la glande lacrymale est la tumeur bénigne la plus fréquente.
Parmi les tumeurs malignes, le carcinome adénoïde kystique
de la glande lacrymale est le type histologique le plus fréquent
(66%), suivi par le carcinome dans un adénome pléomorphe
(18%), l’adénocarcinome (9%) et les tumeurs mucoépidermoïdes (3%) [3, 4].
REFERENCES
Le début d’évolution est habituellement marqué par une
exophtalmie ou un ptosis [4]. La douleur est fréquente : c’est
un signe d’atteinte carcinomateuse surtout si elle est associée
à une hypoesthésie dans le territoire du nerf frontal. La durée
des symptômes avant la première consultation est généralement
inférieure à 6 mois [4].
Le scanner est un examen indispensable en particulier pour
le bilan d’extension [1, 3]. Il montre la tumeur au niveau de
la loge lacrymale, ses mensurations, les marges de la lésions
qui peuvent paraître irrégulières, l’existence d’une érosion
osseuse qui peut être précoce, et la présence ou non de
calcifications. L’IRM a pour intérêt de détecter précocement
les tumeurs de petite taille et d’objectiver l’étendue de la
propagation tumorale, mais elle reste, comme pour le scanner,
incapable de différencier entre une tumeur maligne et bénigne
[3, 5]. Seul l’examen anatomopathologique permet un
diagnostic de certitude. Trois grandes formes anatomopathologiques ont été identifiées : tubulaire, cribriforme et
solide [5, 6].
Le traitement est essentiellement chirurgical : biopsie exérèse
par orbitotomie latérale si pas d’atteinte métastatique [5, 6].
La radiothérapie externe et la chimiothérapie peuvent être
utiles dans certaines circonstances particulières. Le taux de
récidives reste élevé [4, 7].
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1.
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