L`approche par situation - Editions Piriac Les formateurs ont du talent

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L`approche par situation - Editions Piriac Les formateurs ont du talent
L’approche par situation Situer, c’est définir une position. On peut adopter une position d’extériorité ou vivre la situation de façon plus impliquée. Situer, c’est définir les éléments du contexte, les acteurs, les évènements. Se situer, c’est aussi prendre position, avoir un avis, jouer un rôle dans l’action. Etre dans la situation, c’est être dans l’action. Dans ma «situation», que ferais-­‐tu ? Il faut trouver des solutions ; on attend des actes, du pragmatisme. La situation s’accommode mal du pur concept -­‐ celui qui ne donne pas les moyens d’agir -­‐ et ne propose pas de solution. Deux conceptions de la situation en pédagogie La littérature traitant de l’utilisation des situations en pédagogie décrit essentiellement des pratiques de la formation initiale. Il existe deux approches culturellement distinctes des situations : • la conception anglo-­‐saxonne, faite de pragmatisme dont la finalité est le développement personnel, • la conception française centrée sur les disciplines. Le rapport aux expériences de vie des apprenants est très présent dans la première orientation. Cette référence aux expériences de vie place les contenus traditionnels des disciplines scolaires dans des situations qui ont du sens pour les apprenants. L'une des finalités affichées de ce courant est l'intégration sociale du sujet. Dans la conception française, les contenus d'enseignement sont transmis méthodiquement. On privilégie la notion de programmes d'études qui traitent prioritairement de savoirs, de matières et de disciplines scolaires. Les situations servent plutôt d’application et d’évaluation des savoirs enseignés. De ce fait, la conception même des situations n’est pas la même. Une des dimensions propres à l’approche pragmatique est la complexité. Quand elle n’est qu’illustration, la situation est le plus souvent une version modernisée du classique exercice d’application. Quand la situation constitue la base de l’apprentissage, la complexité est au cœur de sa conception. Classes de situations Les classes de situations sont des situations qui présentent un certain nombre de caractéristiques communes qui rendent possible le transfert des compétences entre différentes situations. Ces caractéristiques sont de trois ordres : des proximités de contexte, d’objet ou de structure. Les caractéristiques de contexte sont celles qui se rattachent à l’environnement : contextes personnel, professionnel, social dont les finalités et les critères de mesure seront perçus comme étant de même nature. Les proximités d’objet, c’est à dire des situations dont les réalisations sont perçues comme étant de même nature (production d’une action adaptée, résolution de problèmes, de dysfonctionnements, missions, réalisation d’un produit...) Les proximités de structure mettant en œuvre des schèmes opératoires identiques : par Editions Piriac – Gérard Hommage © exemple, organiser le rangement de son armoire présente des similitudes avec organiser sa boîte à outils, planifier l’organisation de ses vacances présente des caractéristiques communes avec une situation où l’on doit planifier l’organisation de son stage en entreprise... Les types de situations ! Les situations problèmes Cette approche a été développée dans un contexte scolaire. Deux types de situations problèmes sont rencontrées : les situations d’intégration à travers lesquelles on vise une application de savoirs, combinés entre eux et étudiés précédemment, dans le cadre d'une organisation programmée ; les situations « obstacles », qui nécessitent de la part de l’apprenant d’engager un processus d’accommodation par rapport à ce qui lui est proposé, c’est à dire d’adapter son raisonnement et ses connaissances au problème à résoudre. Jean-­‐Pierre Astolfi 1 identifie dix points nécessaires pour construire une situation-­‐
problème : -­‐ Une situation-­‐problème est organisée autour du franchissement d’un obstacle préalablement identifié. -­‐ Cette situation doit avoir un caractère concret qui permette de formuler des hypothèses et conjectures. -­‐ Cette situation conduit les apprenants face à une véritable énigme à résoudre. -­‐ Les apprenants ne disposent pas, au départ, des moyens de trouver la solution, en raison de l’existence de l’obstacle qu’ils doivent franchir pour y parvenir. Un positionnement de départ a dû permettre de constituer des groupes correspondant à l’obstacle visé. -­‐ La situation doit offrir une résistance suffisante pour que l’apprenant réinvestisse ses connaissances antérieures ainsi que des représentations, afin de conduire à leur remise en cause et à l’élaboration de nouvelles idées. -­‐ La solution ne doit pas paraître hors d’atteinte : elle se situe dans la « zone proximale de développement 2». Il n’est pas nécessaire de fournir tout le support technique mais plutôt de laisser aux apprenants une part de créativité. -­‐ Le travail autour de la situation doit stimuler des conflits sociocognitifs potentiels. -­‐ La solution ne doit pas être amenée par le formateur. ! Les situations clés Ce terme est emprunté aux travaux de Grégoire Evequoz qui propose, à travers des mises en situation, d’évaluer les « compétences clés » particulièrement sollicitées dans le monde du travail et qui facilitent, dans une certaine mesure, l’employabilité. Les situations clés reflètent des composantes significatives du travail et font apparaître les 1
Astolfi J.P. (1993), Placer les élèves dans une situation-problème ?, in Probio-Revue 16(4), pp 311-321
La référence à la « zone proximale de développement » est empruntée à Lev Vygotski – Pensée et langageEditions sociales - 1985
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Editions Piriac – Gérard Hommage © exigences liées aux situations collectives, aux échanges d’information, à la communication, à la capacité d’écoute, d’anticipation, de résolution de problème, de synthèse, etc. Ces situations sont construites « sur mesure », afin d’évaluer les comportements et attitudes considérés comme significatifs et transversaux aux différentes situations rencontrées dans l’environnement professionnel. Elles n’ont que peu de rapport avec des situations réelles, même si elles en mobilisent un certain nombre de composantes. G. Evequoz3 propose cinq types de situations clés : -­‐
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Situation clé A : situation collective nécessitant la collaboration, la recherche de solutions originales et des prises de décision. Situation B : situation nécessitant une prise d’information individuelle et une restitution de l’information à un groupe Situation clé C : situation collective nécessitant le partage d’informations, la négociation et une prise de décision Situation clé D : situation avec statuts hiérarchiques différents nécessitant la gestion d’un groupe subordonné et la prise de décision en vue d’atteindre un objectif Situation clé E : situation individuelle nécessitant la résolution de problème et l’organisation ! Les études de cas Les études de cas sont essentiellement pratiquées en formation continue ou dans le cadre d’un enseignement professionnel. Il s’agit de présenter une situation considérée comme « symptomatique » d’une activité et de demander à l’apprenant comment il procèderait en tant que professionnel. Ces études de cas sont souvent utilisées dans une perspective d’évaluation pour vérifier le transfert de connaissances et les capacités d’analyse. Les études de cas présentent certaines similitudes avec les situations didactisées. La différence essentielle réside dans la nature des compétences sur lesquelles elles portent. Les études de cas nécessitent des connaissances préalables. Les situations didactisées dont nous parlons portent sur les compétences clés ; elles ne nécessitent pas de connaissances préalables, même si le degré d’efficience est en partie lié à la maîtrise des capacités associées. ! Les situations de simulation Ces situations consistent à reproduire de façon rigoureuse l’environnement de la situation telle qu’elle peut être vécue en réalité. Plus grand est le nombre de critères pris en compte pour reconstruire cet environnement, et plus la situation est sophistiquée. Ainsi, en plus de reproduire l’environnement matériel – appareillage, poste de conduite…-­‐, on peut aussi 3
Evequoz G. (2004), Les compétences clés. Pour accroître l’efficacité et l’employabilité de chacun, pages 67et
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Editions Piriac – Gérard Hommage © reproduire l’environnement physique – chaleur, bruit, nuisances diverses…-­‐, introduire des aléas, des pannes, des dysfonctionnements de tous ordres. ! Les situations didactisées C’est l’approche que nous privilégions pour développer les compétences clés telles qu’elles sont définies par le cadre européen de référence. Dans cette approche, la situation est le point de départ de l'apprentissage ; l'acquisition ou la mobilisation des savoirs associés sont mis en relation avec l’efficacité et l’efficience manifestées dans l'action. C'est la multiplicité des situations, leur degré de complexité, leur complémentarité et l'analyse qui en sera faite, qui permettent de mobiliser l'ensemble des savoirs, attitudes et aptitudes correspondant à une étape d'un curriculum personnel. Une situation didactisée c’est une situation : -­‐ véridique ou vraisemblable. Elle s’ancre dans la réalité sociale et culturelle des apprenants, dans des contextes qui peuvent réellement avoir du sens pour eux. On veillera ainsi à proposer aux apprenants un environnement matériel riche, constitué de documents authentiques, d’objets manipulables, d’informations émanant de sources multiples. -­‐ située dans un environnement donné qui est décrit. Elle implique, au travers de la réalisation d’une mission, d’accomplir une tâche, de résoudre un problème, de réaliser un projet ou de prendre une décision. Elle peut être réalisée de différentes façons, avec différents niveaux d’efficience et laisse une marge de manœuvre importante à l’apprenant ; la traiter n’exige pas simplement une application de procédures. La situation didactisée a un caractère de complétude. Même si elle peut s’inscrire dans un cadre plus large, elle peut constituer une fin en soi. Bien sûr, la nature de la mission à remplir, la richesse de l’environnement proposé sont variables en fonction des capacités des personnes et du niveau d’efficience visé. Il s’agit donc pour le formateur de didactiser des situations clés significatives de la compétence à développer. Ces situations peuvent être issues de différents contextes : personnel, social, de formation ou professionnel. Pour identifier ces situations, il faut tenir compte de celles rencontrées ou susceptibles de l’être par les apprenants, il faut donc aussi prendre en considération les objectifs de la formation et les projets des apprenants. Le choix de la situation à didactiser se fera en fonction de ces éléments. Par exemple, dans un contexte de développement personnel, on privilégiera une situation issue d’un contexte personnel ou social, dans une situation d’insertion, plutôt le contexte social et professionnel. Gérard HOMMAGE. Editions Piriac – Gérard Hommage ©