Comment développer la compétence?

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Comment développer la compétence?
Comment développer la compétence? “Les idées de compétence et d’accroissement des compétences sont étroitement liées à celle de développement cognitif. En voici trois définitions successives à partir desquelles il est possible de déboucher sur des concepts plus analytiques : Définition 1 : A est plus compétent que B, s’il sait faire quelque chose que B ne sait pas faire. Définition 2 : A est plus compétent que B s’il utilise une méthode meilleure ou plus rapide, ou plus fiable, ou plus économique, ou plus générale ou mieux adaptée à l’activité d’autrui, ou plus facilement comprise par autrui. Cette deuxième définition suppose des critères qui, de manière générale, ne peuvent être satisfaits en même temps. Surtout, elle appelle l’analyse de l’activité, alors que la définition 1 permet de décider de la compétence à partir de l’examen du seul résultat de l’activité. Définition 3 : A est plus compétent que B, s’il dispose d’un plus large éventail de méthodes, qui lui permet de s’adapter à différents cas de figure et de choisir, tantôt une manière de faire, tantôt une autre. La richesse et la plasticité des ressources cognitives mobilisables est un ingrédient essentiel de la compétence. C’est probablement le point le plus crucial dans le dépassement du taylorisme aujourd’hui. ». Voilà comment Gérard Vergnaud pose la question du « dépassement du taylorisme ».1 Le développement des compétences nécessite d’articuler efficacement trois dimensions : la dimension opérationnelle de l’action, la dimension métacognitive (réflexion sur l’action) et celle de la mise en correspondance explicite avec des connaissances, et des méthodes et attitudes adéquates. Si être compétent c’est savoir agir, il est nécessaire de développer un savoir de l’action, par l’action, sur l’action. Le savoir de l’action, c’est ce que l’on apprend quand on fait. La réalisation, la production, la construction... se révèlent toujours plus riches que leurs modélisations théoriques. Ce qui ne veut pas dire «se lancer dans l’action» de façon impulsive et désordonnée, cela signifie simplement que l’action n’est pas remplaçable, elle oblige à aller chercher dans ses ressources, à actualiser son potentiel à chaque fois. La connaissance par l’action suppose de mobiliser ses facultés d’observation, d’être capable d’induire, d’inférer des modèles à partir de ces observations et de pouvoir transférer les conclusions apportées. Le savoir sur l’action, c’est le savoir métacognitif, celui qui permet d’analyser les stratégies mises en œuvre dans la réalisation de l’objectif. Mais cette action doit avoir un sens, elle doit présenter un caractère de complexité suffisant, elle doit être symptomatique ou emblématique d’une classe de situations identifiables. 1 Traité des sciences et des techniques de la formation. Gérard Vergnaud. Le développement cognitif de
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Lafortune, L. et C. Deaudelin (2001). Accompagnement socioconstructiviste. Pour s'approprier une réforme en
Editions Piriac – Gérard Hommage © Réfléchir à l’action Agir en situation Développer la compétence Mobiliser ses connaissances La dimension de l’action Si nous prenons l’exemple de la compétence « S’organiser », c’est l’action de s’organiser pour effectuer une tâche précise qui s’avérera être réalisée avec compétence si le résultat de l’action est probant, c’est-­‐à-­‐dire si les contraintes sont respectées. C’est l’intégration « intelligente » d’un ensemble de contraintes qui marque le degré de compétence face à une situation donnée. La conscience de sa compétence passe par l’identification de ces contraintes – celles qui sont imposées par l’environnement et/ou celles que l’on s’impose -­‐. C’est par là que l’exercice de la compétence rejoint la responsabilité individuelle de l’acteur. Il est de la responsabilité individuelle de mettre en œuvre l’énergie, les outils, les moyens en adéquation avec son projet, mais également d’avoir une réflexion critique sur leur pertinence. De la dynamique de l’action à celle du changement Est-­‐ce que la façon dont je réalise l’activité me satisfait ? Quelles sont les dynamiques en œuvre dans le processus d’évolution ou de changement personnel, dans le jeu des contraintes imposées de l’extérieur et de celles que l’on décide de s’appliquer. Quels sont les motifs de satisfaction ou d’insatisfaction que l’on peut retirer d’un tel changement ? A la première question, on peut apporter un éclairage théorique de nature cognitive. Jean Piaget explique l’adaptation d’un individu à son environnement à travers la mise en œuvre d’un double processus d’assimilation et d’accommodation. L’assimilation consiste, lors d’une expérience nouvelle, à utiliser des schèmes opératoires préexistants, éprouvés dans des situations perçues comme similaires et jugés -­‐ en tout cas actés-­‐ comme pertinents et adaptés. L’accommodation consiste, en ayant perçu le caractère « nouveau » de la situation, ou l’incomplétude des moyens pour la traiter, à chercher à adapter ses schèmes opératoires -­‐ la plupart du temps à les enrichir-­‐ afin d’intégrer la nouveauté -­‐ ou une autre perception de la « réalité » et de s’y adapter de façon la plus pertinente. Le caractère « nouveau » d’une situation n’apparaît jamais d’emblée. Nos routines intellectuelles sont en place pour nous faire économiser notre énergie. La situation est souvent pré-­‐catégorisée à partir de ses traits de surface, c’est à dire d’un certain nombre d’indices de nature perceptive, schématique et contextuelle. Cette situation évoque, plus par empirisme et par analogie que par analyse, d’autres situations auxquelles une réponse a déjà été apportée. Editions Piriac – Gérard Hommage © L’expert, le spécialiste, l’homme d’expérience peut déceler les manques, les inadéquations, voire les contre-­‐sens qui peuvent être produits dans ces occasions. Il pourra corriger, amender. Ce sera utile et nécessaire mais pas suffisant. La résistance au changement La résistance, et quelquefois l’énergie que nous mettons à ne pas changer, à ne pas prendre les choses d’une autre façon…peut s’expliquer aussi sur le plan cognitif par la présence de schémas cognitifs ancrés qui nous amènent à traiter les stimuli de façon erronée. On peut utiliser l’image de miroirs déformants qui nous donnent une image fausse des situations et de leur traitement. Par exemple, l’interprétation de comportements emphatiques manifestés par une personne soucieuse de vous aider comme étant des comportements intrusifs et menaçants conduira la personne à inhiber tout processus d’adaptation à une situation qu’elle juge, a priori, comme étant une situation dangereuse. Les schémas cognitifs en place déclencheront les mêmes mécanismes de défense, ce qui n’aura comme effet que de rigidifier un peu plus les comportements acquis. Nous verrons que le levier le plus important pour aider la personne à dépasser ce blocage est le rôle joué par le médiateur dans la situation et le rôle que jouent également les autres personnes confrontées à ces mêmes situations. L’intérêt de changer La deuxième question touche l’intérêt de la personne à changer. Quels bénéfices peut-­‐elle compter retirer d’un changement dans la mise en œuvre de comportements différents que ceux qu’elle a habituellement ? L’adaptation est un processus à deux dimensions. Adaptation de l’individu à son environnement, certes, mais également adaptation de l’environnement à l’individu. Il nous semble que l’un des principaux motifs de résistance dans le changement réside dans le déséquilibre perçu ou réel de cet « échange ». Si l’environnement est jugé hostile, menaçant, voire prédateur, la « résistance » au changement a comme fonction de se protéger. Trop souvent, dans les univers professionnels, on raille de cette soi-­‐disant résistance au changement ; peut-­‐être que tout changement n’est pas forcément bon en soi, que celui proposé ne va pas dans le « bon » sens ou que le « profit » que la personne pourrait légitimement tirer de ses efforts n’est pas le sien. La dimension métacognitive (réflexion sur l’action et sur soi dans l’action) Le dépassement du taylorisme dont parle Gérard Vergnaud passe par la possibilité pour le professionnel ou l’apprenant de contrôler ses actions, c'est-­‐à-­‐dire de comprendre, de réguler et d’orienter ses attitudes pour en améliorer l’efficience. C’est donc avoir un recours systématique et volontaire aux pratiques de réflexion et de débriefing afin d’acquérir ou de développer des méta-­‐compétences. Qu'entend-­‐on par « méta-­‐compétences » ? « La métacognition réfère au regard qu'une personne porte sur sa démarche mentale dans un but d'actions afin de planifier, d'évaluer, d'ajuster et de vérifier son processus d'apprentissage2». 2
Lafortune, L. et C. Deaudelin (2001). Accompagnement socioconstructiviste. Pour s'approprier une réforme en
éducation, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec.
Editions Piriac – Gérard Hommage © À côté de la métacognition, on reconnaît aujourd'hui l'importance des émotions et des sentiments dans l'apprentissage. On parle de méta-­‐émotion. Il s’agit notamment de reconnaître la nature des émotions et de leur expression (langage, expression, mouvements corporels, prosodie...) ainsi que les causes suscitant des émotions (situation, souvenirs, désire, croyances...) Comment développer la compétence en formation ? •
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Mettre en action : réaliser, produire, construire, résoudre, diagnostiquer Se confronter à des situations réalistes dans des contextes adaptés Réfléchir à l’action, avant, pendant et après : formaliser la réflexion Articuler les connaissances à l’efficacité de l’action Porter une appréciation critique et éthique sur la production à partir de critères définis Se fixer des objectifs de progrès individuels Editions Piriac – Gérard Hommage ©