les relations investisseurs

Transcription

les relations investisseurs
LES RELATIONS
INVESTISSEURS
Quelques réflexions sur un
métier singulier
Vincent Gouley et Patrick Massoni
Les relations investisseurs
Table des matières
Un métier multi-facettes ....................................................................2
Plus qu’un communicant ou un commercial......................................6
Une obsession : l’accès au marché...................................................10
Un responsable marketing en puissance..........................................14
Un rôle fondamental d’interface avec le marché.............................18
Des talents de conteur…...................................................................22
Une présentation soignée ................................................................26
Un professionnel connecté...............................................................31
Une curiosité de tous les instants ....................................................34
Une implication nécessaire auprès des organes de direction..........37
Quelques mots de conclusion ..........................................................39
Achevé de rédiger en septembre 2014
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Quelques réflexions sur un métier singulier
Un métier multi-facettes
« Ne dites pas à ma mère que je suis dans la
publicité… Elle me croit pianiste dans un bordel »
Jacques Séguéla (1979)
Les relations investisseurs sont un métier à part, qui ne
concerne qu’un nombre limité de sociétés et s’en
trouve de ce fait assez méconnu. Véritable interface
entre les sociétés cotées en Bourse et les marchés
financiers, c’est pourtant une fonction stratégique
dont les enjeux et la complexité n’ont cessé de
croître ces vingt dernières années.
Pour faire simple, sa mission consiste à s’assurer que
le marché financier valorise au mieux l’entreprise
cotée en bourse dans la durée, en expliquant sa
stratégie, son business model et son écosystème. Très
schématiquement, les relations investisseurs agissent
sur la valorisation des sociétés cotées, sur la liquidité
de leur titre et sur la composition de leur actionnariat.
Dans des marchés par nature instables où les
accidents de parcours ne sont pas rares, elle permet
de renforcer la résilience de la valeur de l’entreprise,
à savoir sa capacité à reprendre rapidement un
niveau de valorisation normal après avoir subi une
perturbation (alerte sur les résultats, opération
financière d’envergure, communication de crise…).
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Les relations investisseurs
Paradoxalement le métier des relations investisseurs
doit son existence à l’imperfection des marchés
financiers. Vu sous un autre angle, on peut considérer
que cette profession est la preuve vivante que les
marchés ne sont pas parfaits. Si les règles d’efficience
des marchés financiers étaient vérifiées, les
intervenants
de
marché
pourraient
traiter
immédiatement une quantité infinie d’information sur
les sociétés cotées et prendre leurs décisions
d’investissement de façon rationnelle. Or il n’en est
rien. L’être humain ne peut traiter qu’un nombre
limité d’informations simultanément. Il est sujet à de
nombreux biais cognitifs et utilise des raccourcis –
aussi appelés heuristiques – parfois dangereux pour
se décider. Il existe de très nombreuses familles
d’heuristiques
:
représentativité,
disponibilité,
i
ancrage et ajustement .
Finalement la sophistication de ce métier a évolué
concomitamment avec celle des marchés financiers
depuis sa création dans les années 60 aux Etats-Unis.
Ce métier a débarqué un peu plus tardivement en
Europe où il a toutefois suivi la même courbe
d’évolution. En France par exemple l’intitulé de
l’association
professionnelle
des
relations
investisseurs, le CLIFF, fondée dans les années 80, est
assez révélateur de cette mutation. L’acronyme
CLIFF signifie Centre de Liaison des Informateurs
Financiers Français. Il en dit long sur les missions qui
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Quelques réflexions sur un métier singulier
étaient alors dévolues aux responsables de la
communication financière à l’époque. Il s’agissait
tout au plus d’informer le marché. Le rôle du
responsable des relations investisseurs se résumait
ainsi à celui d’un informateur.
On mesure le chemin parcouru depuis ce temps-là.
L’informateur s’est mué en professionnel des marchés
financiers, sophistiqué et multitâches. Selon les
circonstances il devra démontrer sa capacité à faire
face à l’un et/ou l’autre des nombreux enjeux de sa
fonction : financiers bien sûr, juridiques souvent, de
communication par nature mais plus généralement
de marketing.
Contrairement aux idées reçues, ces enjeux ne sont
pas nécessairement fonction de la taille de la
société : la réglementation boursière ne fait que peu
de différence entre large et mid caps, voire small
caps. De plus les enjeux de la Bourse, en tant que
source de financement, sont souvent plus critiques
pour les sociétés de taille moyenne qui ne disposent
pas des mêmes alternatives que les grands groupes.
Enfin leur taille plus réduite les rend à la fois plus sujets
et plus vulnérables aux aléas opérationnels,
multipliant ainsi les occasions de communiquer.
Enfin le métier des relations investisseurs a ceci de
particulier que son périmètre dépend des
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Les relations investisseurs
caractéristiques de la société cotée : son profil, sa
situation, a structure actionnariale, la sensibilité de
son management et sa taille. Autant il fait l’objet
d’une division du travail assez poussée de type
fordiste dans les très grandes entreprises du CAC40,
autant dans les plus petites capitalisations le
responsable des relations investisseurs peut avoir un
large éventail de missions : production du rapport
annuel, réalisation du document de référence,
relations presse avec les journalistes économiques et
financiers, relation avec les agences de notation,
développement durable, relation avec les prêteurs
bancaires, les investisseurs obligataires, etc.
Les chapitres qui suivent seront l’occasion d’évoquer
les différentes facettes des relations investisseurs, de
manière forcément partielle pour ne pas dire
partiale. Notre ambition n’est pas de rédiger un
manuel en la matière, mais plus modestement de
partager quelques réflexions issues d’une pratique au
quotidien de ce métier exigeant mais passionnant.
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Quelques réflexions sur un métier singulier
Plus qu’un communicant ou un
commercial
« L’extrême plaisir que nous prenons à parler de
nous-mêmes doit nous faire craindre de n’en
donner guère à ceux qui nous écoutent »
La Rochefoucauld
Le
responsable
des
relations
investisseurs
d’aujourd’hui n’est pas seulement un porte-parole
de la société auprès de la communauté financière,
comme pourrait le laisser penser son titre. Certes il
participe en moyenne à plus de 200 rendez-vous
investisseur par an et partage le plus clair de son
temps entre les analystes financiers, les actionnaires
actuels de la société et les investisseurs institutionnelsii.
Pour autant son rôle ne saurait se résumer à de
simples relations publiques. Sinon comment expliquer
que la communauté des responsables des relations
investisseurs soit majoritairement constituée de profils
financiers (ancien analystes financiers, contrôleurs de
gestion, responsables de la trésorerie et du
financement…). Il n’est d’ailleurs pas inutile de
rappeler que ces professionnels dépendent très
souvent du directeur financier et très rarement du
directeur de la communication.
Le responsable des relations investisseurs ne peut pas
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Les relations investisseurs
non plus s’apparenter strictement à un commercial
dont la mission consisterait à vendre les titres de la
société aux investisseurs (ce qui permet à la société
de se valoriser en bourse), au même titre qu’un
vendeur placerait des produits manufacturés ou des
services à des consommateurs. En effet sa mission est
bien plus complexe que cela.
Le responsable des relations investisseurs ne cherche
pas à « conclure une vente », opération ô combien
délicate comme le savent bien les vendeurs aguerris.
D’ailleurs, les commerciaux débutants ratent souvent
leur vente parce qu’ils ont peur de conclure ! Le
responsable des relations investisseurs n’a pas
vraiment ce type de préoccupation, il a donc de ce
point de vue une situation relativement confortable :
il n’est pas là pour vendre une quantité donnée de
titres à un prix particulier. De plus il n’est pas tenu de
s’engager dans une négociation comme c’est le cas
dans une vente classiqueiii.
Le métier le plus proche pourrait être celui de visiteur
médical, dont la mission ne consiste pas stricto sensu
à vendre un principe actif ou un traitement
thérapeutique mais à en expliquer les applications à
ses prescripteurs (les médecins hospitaliers par
exemple). Elle suppose une parfaite connaissance
du produit et un degré d’expertise élevé (le visiteur
médical a souvent un profil universitaire ou
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Quelques réflexions sur un métier singulier
scientifique). A ce titre le responsable des relations
investisseurs est un « Choice Architect »iv en ce sens
qu’il doit être une source d’information fiable et
pertinente pour faciliter la prise de décision des
investisseurs. Comme le visiteur médical, sa matière
est fortement encadrée ce qui l’oblige à veiller au
respect des nombreuses contraintes réglementaires
applicables à la communication financière : principe
de transparence et d’égalité d’information (fair
disclosure), de diffusion d’une information exacte,
précise et sincère, obligation permanente de
communiquer
au
marché
les
informations
privilégiées, diffusion effective et intégrale de
l’information
réglementée,
disponibilité
et
archivage…
Il existe toutefois quelques similitudes entre le travail
du responsable des relations investisseurs et celui du
vendeur, qu’il n’est pas inutile de rappeler. Tout
d’abord il doit se concentrer sur le récepteur : les
bons vendeurs vous expliqueront que leurs
interlocuteurs s’expriment plus qu’eux pendant les
entretiens dans un rapport qui peut aller jusqu’à deux
tiers / un tiers. L’écoute active est un principe
cardinal qui repose sur un certain art du
questionnementv. Cette phase d’écoute permet au
responsable
des
relations
investisseurs
de
comprendre
le
processus
de
décision
d’investissement de son interlocuteur, ses motivations
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Les relations investisseurs
et ses besoins.
Par ailleurs, comme le vendeur ou le visiteur médical,
le responsable des relations investisseurs doit toujours
mettre l’accent sur la différenciation de son titre par
rapport aux titres ayant des profils similaires. En effet
la concurrence existe aussi sur les marchés financiers
et les investisseurs ont l’embarras du choix même si la
société est sur une niche de marché ! Chaque
société aime à se croire unique, mais ce n’est pas le
cas pour les marchés financiers…
Enfin la capacité de conviction du responsable des
relations investisseurs repose avant tout sur lui-même,
même s’il peut s’appuyer sur des outils d’aide à la
vente comme par exemple une présentation
Powerpoint. Plus de la moitié des informations reçues
par l’investisseur passent par l’attitude, l’apparence
et le son de la voix du responsable des relations
investisseurs. Si ce que l’on dit est important, la
manière de le dire l’est tout autant.
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Quelques réflexions sur un métier singulier
Une obsession : l’accès au marché
« Pour une entreprise, ne pas réaliser de publicité
c’est comme faire de l’œil à une fille dans le noir :
vous savez ce que vous faites, mais personne
d’autre ne le sait » Stuart H. Britt
L’une des principales tâches des responsables des
relations investisseurs est d’attirer les investisseurs
institutionnels
étant
le
mieux
à
même
d’accompagner l’entreprise sur le long terme. Outre
une stabilité actionnariale propice à la bonne
conduite de ses affaires, une base d’investisseurs en
phase avec la stratégie de sa société lui permettra
de financer son développement et de valoriser au
mieux les titres émis sur le marché. Malheureusement
la classification des investisseurs (Growth, GARP,
Value…) généralement offerte aux responsables des
relations investisseurs ne donne pas vraiment
d’information sur les motivations et le comportement
des investisseurs.
Cette inadéquation a bien été relevée par le cabinet
de conseil en stratégie McKinseyvi qui propose une
approche alternative qui paraît intéressante : il définit
ainsi comme cible prioritaire la catégorie des «
investisseurs intrinsèques » qui se caractérisent par
l’effort qu’ils mettent à comprendre l’entreprise
10
Les relations investisseurs
avant d’investir et le soutien qu’ils apportent ensuite
au management et à sa stratégie sans se soucier de
la volatilité des résultats à court terme. Ces
investisseurs intrinsèques ont pour trait commun de
gérer des portefeuilles relativement concentrés sur 30
à 50 valeurs en moyenne, qu’ils conservent plus de 3
ans en moyenne. Ils jouent en outre un effet
psychologique important sur le reste de la
communauté financière.
Au-delà des propositions qui lui sont faites
régulièrement par ses brokers attitrés, le responsable
des relations investisseurs pourra par exemple
chercher à diversifier sa base actionnariale en
ciblant les Family Offices qui ont pris une grande
importance ces dernières années, et dont les actifs
sous gestion sont très significatifs et largement investis
en actions. Suivant la taille de la société cotée et de
son flottant, cette cible pourra être adressée
directement par le responsable des relations
investisseurs en dehors des roadshows annuels et
semestriels.
Par ailleurs, dans un marché du Corporate Access en
pleine ébullition suite à la décision de la FCA
(Financial Conduct Authority) au Royaume-Uni de
modifier les règles de rémunération de ce service, les
sociétés cotées peuvent très simplement participer à
la désintermédiation en marche de la relation au
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Quelques réflexions sur un métier singulier
marché en enrichissant leur agenda financier de la
rubrique Relations investisseurs de leur site Internet
avec les dates précises et les lieux de roadshow et
autres conférences investisseurs. Cette action simple
permettra aux investisseurs de prendre connaissance
du programme de roadshow des sociétés pour
éventuellement y participer. Elle pourra être
complétée par un abonnement à l’une des
plateformes de mises en relation qui ont émergé ces
derniers mois.
Cette quête éperdue d’investisseurs de long terme
ne signifie pas pour autant que le responsable des
relations investisseurs doive négliger les hedge funds
et plus généralement les gestions dites alternatives.
Ces dernières représentent la majorité des échanges
quotidiens sur son titre et, de ce fait, sont
indispensables à sa liquidité en bourse ; pour autant,
leur stratégie d’investissement n’est que rarement
court-termiste, et elles peuvent parfaitement
conserver un titre en portefeuille pendant plusieurs
années. Dès lors ce n’est pas une mauvaise chose
que d’avoir des hedge funds à son capital, à
condition que le rapport avec les investisseurs
intrinsèques reste maîtrisé.
En revanche les gérants de hedge funds pratiquent
la vente à découvert de manière plus intensive que
leurs confrères au sein des gestions traditionnelles. A
12
Les relations investisseurs
cet égard le responsable des relations investisseurs
dispose de moyens pour surveiller le niveau de prêt –
emprunt sur ses titres et les taux d’emprunts pratiqués.
Ces données sont trop rarement analysées alors
qu’elles donnent une idée assez précise de l’ampleur
du short selling sur un titre. Pour ce faire il peut
s’adresser à son broker favori ou bien vérifier cela sur
le site de l’AMF qui fournit également des
informations sur les positions courtes, qui doivent faire
l’objet de déclarations périodiques.
De même pour les sociétés ayant plusieurs catégories
de titres cotés (des obligations, des actions voire des
titres de créances bancaires) le broker ou la banque
d’investissement qui accompagne la société pourra
fournir des informations intéressantes sur le niveau des
CDS (Credit Default Swap) et sur d’éventuels
phénomènes d’arbitrage entre ces différentes
classes d’actifs (à l’image de la stratégie consistant
à être short sur l’action et long sur la dette).
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Quelques réflexions sur un métier singulier
Un responsable marketing en
puissance
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles
que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons
pas qu’elles sont difficiles » Sénèque
Et si finalement le responsable des relations
investisseurs empruntait au responsable marketing
dont la mission première est d’assurer le meilleur
positionnement possible au titre de la société sur les
marchés financiers. Mais un responsable marketing
assez peu ou mal outillé par certains aspects.
Si la communication financière a comme objectif
d’adapter ses messages aux attentes de ses
différentes cibles, l’analyse de la perception des
sociétés cotées par les investisseurs reste un exercice
trop peu développé. Un marketing efficace repose
pourtant sur l’écoute des clients, la capacité à les
comprendre et à correctement appréhender leur
perception des produits ou services proposés, afin
d’ajuster si besoin le fond et/ou la forme des
messages. Il en va de même pour le marketing
financier dont le sujet principal, l’entreprise, a la
particularité d’évoluer dans des environnements
divers et éminemment complexes.
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Les relations investisseurs
Il est vrai que l’analyse systématique de la perception
des marchés est rendue difficile par la diversité,
l’hétérogénéité et l’accessibilité des investisseurs, qui
ont plus l’habitude de poser des questions que d’y
répondre ! Le coût des traditionnelles enquêtes de
perception en limite également la fréquence, voire
l’existence, en ces périodes de contrainte
budgétaire quasi-constante. Il existe pourtant un
matériau qui permet de comprendre et de suivre de
manière quasi-permanente la perception, à la
condition d’appliquer une méthodologie d’analyse
systématique et rigoureuse : les notes de recherche
rédigées par les analystes financiers.
Bien que largement décriés, les analystes financiers
sell-side (travaillant au sein des brokers, par
opposition aux analystes buy-side employés par les
sociétés de gestion et qui ne diffusent par leurs
travaux auprès des autres investisseurs) occupent
encore et toujours une place prépondérante dans
l’écosystème des marchés financiers. Une étude
réalisée par le cabinet Brunswick en décembre 2013
a montré que les études des analystes financiers
constituent la deuxième source d’information des
investisseurs institutionnels après les incontournables
sites Internet corporate des sociétés cotées.
Les notes de recherche rédigées par les analystes
financiers restent de fait un vecteur d’image
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Quelques réflexions sur un métier singulier
important dans la formation et l’évolution de la
perception d’une société cotée. Or ce vecteur
d’information échappe trop souvent à une analyse
systématique et rigoureuse de la part des acteurs du
marketing financier. L’exploitation des notes se limite
bien souvent au suivi des recommandations d’achat
ou de vente d’une part, et du consensus sur les
résultats financiers attendus d’autre part. Si l’étude
de ces composantes est indispensable, elle est
insuffisante pour une compréhension fine de la
perception de la société par les marchés, que ce soit
en termes de thèmes sous-jacents ou de dynamique.
Les notes de recherche offrent pourtant une mine
d’information inégalable pour qui souhaite
comprendre la perception des marchés, et
constituent de ce fait une source de premier plan
pour tout responsable du marketing financier. En
constituant un creuset des différentes visions du
marché, elle joue le rôle de la roche sédimentaire
pour le géologue ! Et ce rôle est d’autant plus critique
que moins de 40% de la valorisation des émetteurs est
fondée sur les prévisions de résultats des analystes
financiersvii ; l’essentiel de leur jugement repose sur
ces données qualitatives, ou contenu rédactionnel,
que l’on peut qualifier de soft information par
opposition aux prévisions financières (hard data). Le
marketing
financier
doit
systématiquement
s’intéresser à cette soft information, mais cela
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Les relations investisseurs
nécessite une méthodologie adaptée compte tenu
de son caractère diffus et des biais inhérents à ses
origines.
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Quelques réflexions sur un métier singulier
Un rôle fondamental d’interface
avec le marché
« Parler est un besoin, écouter est un art » Goethe
Le responsable des relations investisseurs agit comme
une véritable courroie de transmission à double sens
entre sa société et les marchés financiers. Certes il
informe ses interlocuteurs sur l’activité et les
perspectives de la société qu’il représente, mais son
rôle est également d’apporter de la valeur ajoutée
en interne, en collectant et en analysant les
informations obtenues dans le marché pour qu’elles
soient utiles au management.
A l’image du directeur marketing il se doit tout
d’abord
d’assurer
une
forme
de
veille
concurrentielle. Le responsable des relations
investisseurs
doit
par
exemple
effectuer
régulièrement un benchmarking de la société par
rapport à ses pairs, tant en terme de valorisation
(pour déceler un écart de valorisation éventuel) que
de niveau d’activité RI (la fréquence des annonces
financières, le niveau de guidance donné au
marché, le détail et la qualité des disclosures
volontaires, la qualité du site web, la participation
aux conférences investisseurs, l’audience aux
conférences téléphoniques et aux réunions, la
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Les relations investisseurs
couverture de la presse économique et financière et
des analystes et la part du capital détenue par les
investisseurs institutionnels).
Par ailleurs, les analystes financiers et les investisseurs
ont une vision relativement large du marché. Par
définition, ils s’intéressent à tous les acteurs d’une
industrie pour tenter d’en comprendre les enjeux et
d’en mesurer les perspectives. Ils détiennent ainsi des
informations très intéressantes sur vos clients, vos
concurrents, vos fournisseurs, etc. A condition d’être
à l’écoute, le responsable des relations investisseurs,
de par sa fonction, est idéalement placé pour
recueillir des informations à valeur ajoutée pour le
management de la société.
Ce rôle est particulièrement flagrant dans l’un des
aspects les plus sensibles des relations investisseurs : la
gestion du « consensus analystes ». Ce consensus
correspond à la moyenne des prévisions chiffrées des
analystes pour un agrégat financier et une période
donnée : par exemple le chiffre d’affaires ou le
résultat d’exploitation, pour l’exercice comptable en
cours ou les suivants. Sauf exception la valeur
boursière d’une société reflète les anticipations du
marché en termes de création de valeur sur les
prochaines années ; de fait tous les analystes
établissent des modèles de prévision, à des fins de
valorisation, qu’ils partagent avec la communauté
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Quelques réflexions sur un métier singulier
financière au moins dans ses grandes lignes (pour les
analystes sell-side). Les principaux fournisseurs de
bases de données de marché établissent en
permanence une synthèse de ces prévisions, et
diffusent ce consensus sur leur plate-forme. Ces
consensus « automatisés » ne s’avèrent toutefois pas
toujours fiables (information obsolètes, hétérogénéité
des retraitements effectués par les analystes, etc…)
et il est fortement recommandé d’établir un
consensus en interne. Certaines sociétés vont même
jusqu’à publier ce consensus « maison » sur leur site
internet.
Au-delà de ces éléments méthodologiques,
l’existence d’un consensus analystes fait peser sur la
société l’obligation de s’assurer que ses prévisions
internes d’activité et de performances ne s’écartent
pas matériellement de ce consensus. Dans le pire des
cas, c’est ce qui devra l’amener à émettre un sales
ou profit warning, cauchemar de tout responsable
des relations investisseurs. Afin d’éviter cette situation
(qui peut s’avérer extrêmement préjudiciable pour
l’image de la société, selon que le marché jugera
que cette alerte est intervenue plus ou moins
tardivement),
le
responsable
des
relations
investisseurs doit gérer son consensus sans toutefois
rompre le principe d’égalité de traitement des
actionnaires.
20
Les relations investisseurs
Autrement dit, il ne s’agit évidemment pas d’appeler
tel ou tel analyste pour lui donner des prévisions
internes, mais plutôt de l’amener à reconsidérer
certaines hypothèses de son modèle à la lumière des
tendances récentes de l’activité ou des résultats, ou
de tout autre élément d’analyse déjà public. Un
exercice délicat mais incontournable, qui rend
d’ailleurs illusoire l’idée de ne donner aucune
prévision chiffrée au marché (les fameuses
« guidances ») au prétexte de ne pas s’exposer à des
déceptions, puisque de toute façon les analystes
établiront toujours des prévisions et que ces prévisions
ont vocation à être diffusées largement dans le
public sous la forme du consensus.
De cet aspect clé du fonctionnement des marchés
financiers découle l’un des principes fondamentaux
d’une communication financière optimale et que les
anglo-saxons résument parfaitement avec la formule
suivante : « Under promise, over achieve ». Il faut
noter que certaines sociétés ayant appliqué avec
constance ce principe ont toutefois fini par être
victimes de leur prudence : à force d’être
positivement surpris, le marché considérait comme
acquis cette surperformance et s’est montré très
déçu lorsque la société n’a fait qu’atteindre des
objectifs par ailleurs très honorables dans l’absolu…
21
Quelques réflexions sur un métier singulier
Des talents de conteur…
« If History were taught in the form of stories, it would
never be forgotten » Rudyard Kipling
Chaque professionnel du marketing sait bien que la
façon dont un message est présenté compte autant
que les faits qu’il est censé décrire. Le responsable
des relations investisseurs d’une société cotée est
l’architecte de l’equity story de l’entreprise qu’il
représente. L’equity story est, rappelons-le, un avatar
de la finance comportementale : si les marchés
fonctionnaient selon la théorie classique (toute
l’information disponible est intégrée immédiatement
dans les cours de bourse), elle n’aurait pas de raison
d’être.
L’equity story ou story telling n’est autre qu’un
argumentaire de vente « packagé » de l’entreprise
en tant qu’entité cotée, pour des investisseurs pressés
et sous pression. Les investisseurs ne font pas que des
choix rationnels, comme en attestent de nombreux
travaux de recherches en la matière, et c’est sur
l’equity story que repose une part prépondérante de
leur décision d’investissement. Celle-ci reprend et
organise dans un ensemble – aussi cohérent que
possible – l’origine, l’activité, les produits et marchés,
les facteurs clés de succès et les perspectives de la
22
Les relations investisseurs
société cotée. Elle est cruciale parce qu’elle sert de
base à la construction de l’investment case par la
communauté financière.
Il existe plusieurs façons de présenter une equity story,
et chacune d’entre elles ne donne pas
nécessairement les mêmes résultats. Ainsi tout l’art
des professionnels des relations investisseurs est de
trouver la meilleure articulation possible entre les faits,
attributs et arguments qui sous-tendent l’equity story
de la société. Et ce afin d’orienter autant que faire se
peut la construction du raisonnement des
investisseurs. Le responsable des relations investisseurs
doit de plus adapter son discours et ses « aides à la
vente » à ses différents publics : on ne parle de la
même façon à un analyste sell-side ou à un
investisseur en actions d’un côté, et à une agence
de notation crédit ou à un investisseur obligataire de
l’autre. Dans le premier cas, l’attention porte surtout
sur les déterminants de la croissance et de la
valorisation de la société. Dans le second cas, c’est
la stabilité et la pérennité du modèle d’affaires qui
compte et donc la capacité de la société à honorer
ses engagements financiers.
Une étude de Mulligan et Hastieviii a montré qu’il
existe un moyen simple d’améliorer l’efficacité d’un
message auprès des investisseurs : il s’agit d’adopter
un plan très précis calqué sur la façon dont
23
Quelques réflexions sur un métier singulier
l’information qualitative est organisée mentalement
dans nos esprits. Les auteurs ont ainsi montré que
pour favoriser le pouvoir de persuasion d’une equity
story, il faut la présenter en commençant par le
contexte (les succès passés de l’entreprise), le
problème ou la problématique (critiques ou
récompenses récemment reçues), la réaction de
l’entreprise (ses intentions pour travailler plus, mieux
ou continuer comme avant si tout va bien), le plan
d’action (tactique et stratégie) et enfin l’issue (les
objectifs, les ambitions, la vision). Ce n’est qu’en
suivant cet ordre précis que l’on peut accroître
significativement l’impact du message auprès des
investisseurs. Lorsque les individus se sont construits
une représentation mentale cohérente de l’histoire
d’une société cotée, celle-ci forme un tout dans leur
esprit et il leur est difficile de l’analyser cliniquement
au travers de ses différentes composantes, même s’il
eut été plus rationnel de le faire. Leur jugement est
donc bel et bien influencé par la façon dont les
informations disponibles sont ordonnancées.
L’une des principales contraintes de l’exercice est
que la réglementation pousse à toujours plus de
disclosures de toutes natures, alors que la finance
comportementale montre que cela peut être
contreproductif pour les investisseurs. En effet la
qualité des prévisions ne s’améliore plus au-delà d’un
certain niveau d’information. En plus du risque
24
Les relations investisseurs
d’incohérence que font courir aux responsables des
relations
investisseurs
les
informations
supplémentaires, elles accroissent significativement
le degré de confiance qu’ont les prévisionnistes dans
leur jugement. Et l’on sait combien l’excès de
confiance peut être nocif en matière de prise de
décision d’investissementix.
Le rôle du responsable des relations investisseurs est
donc aussi de sélectionner et de hiérarchiser les
informations disponibles et à minima celles dont la
diffusion est obligatoire. Ce travail est l’une
composante essentielle de la construction d’une
equity story. Les investisseurs se décident rarement sur
un document de référence de 300 pages, une
bonne présentation d’une vingtaine de pages et une
rencontre avec les décideurs de l’entreprise restent
décisifs. En effet les investisseurs et les analystes
financiers perçoivent essentiellement leur univers
d’investissement ou de couverture en termes
d’histoires et non de faits. Comme pour les contes
que l’on raconte à nos enfants le soir au coucher, il
est donc fortement déconseillé de se perdre dans les
détails, sous peine d’être rappelé fermement à
l’ordre… Le « Once upon a time » a de beaux jours
devant lui !
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Quelques réflexions sur un métier singulier
Une présentation soignée
« Sans mentir, si votre ramage.
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois »
Jean de la Fontaine
Si le fond est important, la forme l’est tout autant. Le
choix des supports de communication doit
évidemment être fait avec soin. Prenons l’exemple
des présentations ou des pitchs si chers aux
investisseurs.
L’art de la présentation Powerpoint n’est pas aussi
simple qu’il n’y paraît comme en attestent les
innombrables
présentations
particulièrement
ennuyeuses qui nous ont été infligées tout au long de
notre carrière. Comme tout outil puissant, Powerpoint
peut se retourner contre vous s’il est mal utilisé.
Comme l’attention de votre auditoire est limitée, il
convient donc d’appliquer quelques règles simples
de rédaction et de présentation. Chaque slide doit
comporter une seule idée. Les slides doivent être lus
en quelques secondes. Choisissez une taille de police
minimale de 24 pour les titres et 16 pour les sous-titres
et optez pour un contraste maximal. Une étude a
montré que certaines polices de caractère donnent
de meilleurs résultats que d’autres en terme de
26
Les relations investisseurs
lisibilité (Gilles Sans et Souvenir Lt). Pour maximiser
l’impact de votre démonstration, faites apparaître les
bullet points les uns après les autres. Il va de soi qu’il
s’avère contre-productif de surcharger les diapos.
On admet que les espaces blancs doivent
représenter les deux tiers de chaque diapo. Ces
conseils de forme trouvent leur expression extrême
dans les recommandations de Guy Kawasaki pour la
préparation d’un pitch investisseurs, soit la règle du
10/20/30: 10 diapos, 20 minutes et 30 comme taille de
police. Ceci est particulièrement adapté aux
conférences investisseurs de format court (créneau
de 45 mn en comptant la session de questions), qui
ressemblent à s’y méprendre à du speed dating.
Si la suprématie de Powerpoint est incontestable
depuis des années en matière de supports de
communication financière, la donne pourrait
toutefois progressivement changer au profit de
nouveaux outils de communication innovants dans
l’approche et le format. Powerpoint permet sans
aucun doute d’articuler une equity story quelle
qu’elle soit, et de la rendre la plus percutante
possible.
Ce
type
de
présentation
est
particulièrement adapté pour présenter les résultats,
la stratégie et les perspectives d’une société à une
cible avertie d’investisseurs et d’analystes. On
rencontre toutefois de plus en plus de nouveaux
formats astucieux permettant de pousser plus loin la
27
Quelques réflexions sur un métier singulier
logique consistant à « raconter une histoire » aux
marchés, à l’image de l’outil de présentation animée
dénommé Prezi.
Cet outil est conçu pour expliquer simplement des
idées ou des concepts, et permet littéralement de
cheminer dans l’equity story. Il renforce ainsi la portée
des messages et la représentation mentale que
peuvent s’en faire les investisseurs. Le format de ce
type de présentation, nécessairement plus court que
celui d’une présentation Powerpoint classique, la
prédestine naturellement à une cible de généralistes
n’ayant pas vocation à « auditer » l’entreprise,
comme par exemple les vendeurs actions ou encore
certains
investisseurs
institutionnels
cherchant
simplement à se familiariser avec la société. Ce
format peut ainsi se révéler parfaitement adapté
pour une salesforce teach-in session, ou encore une
conférence investisseurs où la société dispose de peu
de temps pour passer ses messages à un public
d’investisseurs hétérogène.
Ces nouveaux supports, loin de remplacer les
présentations Powerpoint qui ont largement fait leur
preuve auprès des analystes financiers (buy-side et
sell-side) et investisseurs familiers de la société,
gagneraient à être utilisés auprès des autres
membres
de
la
communauté
financière
(actionnaires individuels, presse économique, etc.).
28
Les relations investisseurs
Ils apportent une réponse pertinente à la
fragmentation des canaux de diffusion sur Internet
(réseaux sociaux, etc.), à l’hétérogénéité des
actionnaires et investisseurs et à la nécessité de
gagner en visibilité dans un marché boursier
extrêmement concurrentiel et inondé d’informations.
De même, un soin particulier doit être apporté à la
rédaction des communiqués de presse. Leur contenu
est de plus en plus formaté pour les réseaux sociaux
et plus généralement pour une diffusion optimale sur
le web. Les communiqués doivent être conçus pour
attirer l’attention de leurs différents publics : analystes
sell-side, journalistes, investisseurs institutionnels,
actionnaires individuels et employés. En matière de
SEO (Search Engine Optimization), une prime est
accordée par les moteurs de recherche aux
communiqués comprenant des contenus plus riches
avec par exemple des liens vers des pages web. Une
idée pourrait être de lier le communiqué de presse à
une infographie ou une courte vidéo en reprenant les
principaux messages.
Plus généralement le responsable des relations
investisseurs doit s’adapter aux spécificités de la
lecture sur le Net. La longueur d’un article ne doit pas
excéder 2000 signes. La lecture sur écran peut être
pénible. Il convient donc d’écrire court, d’aérer le
texte avec des paragraphes selon le principe « une
29
Quelques réflexions sur un métier singulier
idée, un paragraphe », d’utiliser des tirets et donner
du relief au texte avec du gras. Par ailleurs, des tests
de compréhension et de mémorisation ont montré
que l’unité de mémorisation immédiate du processus
de lecture oscille entre 8 et 20 mots suivant le niveau
culturel du lecteur (entre 13 et 16 mots pour lecteur
de communiqués de presse financiers). Cela ne
signifie pas que les phrases du communiqué doivent
être inférieures à ce nombre, mais que ses
composantes, les « sous phrases » (celles qui sont
retenues par la mémoire immédiate du lecteur) ne
doivent pas le dépasser. Des « mots rappels » et des
répétitions doivent alors jalonner la phrase pour la
rendre lisible. Ces études montrent que la phrase
idéale doit comporter en moyenne entre 1,5 et 2
sous-phrases. Généralement, les mots contenus dans
la première moitié de la phrase sont mieux retenus
que ceux de la seconde moitié.
30
Les relations investisseurs
Un professionnel connecté
« Pour comprendre les médias sociaux, regardez-les
comme la création d’un nouvel espace public »
Danah Boyd
L’avènement de l’internet et des médias sociaux
offrent de nombreuses opportunités au responsable
des relations investisseurs. Le grand gagnant de cette
révolution numérique est le site Internet institutionnel
de la société qui devient la pièce maîtresse d’une
bonne communication financière auprès des
marchés.
Il est désormais indispensable de développer un site
en RWD (Responsive Web Design) pour permettre un
accès aisé à partir de n’importe quel type de
terminal (smartphone, tablette, ultrabook, PC). Selon
une étude de NASDAQ OMX réalisée en 2014, 74 %
des investisseurs et des analystes reconnaissent que
la qualité du site Internet des émetteurs influence leur
perception de l’entreprise et de son programme de
relations
investisseurs.
Le
site
Internet
est
véritablement un moyen de montrer l’ouverture et la
transparence de la société.
Même si cela fait encore débat comme le prouve la
proportion somme toute encore modeste de
sociétés qui ont pleinement intégré les médias
31
Quelques réflexions sur un métier singulier
sociaux dans leur dispositif de communication
financière (selon une étude BNY Mellon 2013
seulement 27 % des sociétés cotées utilisent les
réseaux), il semble de plus en plus difficile de se
passer complètement de l’utilisation de certains
réseaux sociaux professionnels (Twitter, Linkedin,
Slideshare, StockTwits, YouTube, etc.) pour relayer
efficacement l’information au marché.
La réglementation commence d’ailleurs à évoluer en
ce sens avec la décision de la SEC (Securities and
Exchange Commission) aux Etats-Unis qui a autorisé
en avril 2013 le recours aux médias sociaux pour la
diffusion des informations financières dès lors que les
marchés ont été préalablement informés de
l’intention des sociétés d’utiliser ces canaux de
diffusion pour leurs relations investisseurs.
L’investissement pour le responsable des relations
investisseurs est minimal (un peu de temps) puisque
ces médias sociaux peuvent permettent d’assurer
une diffusion effective de contenus déjà existants
(par exemple le titre du communiqué de presse)
voire de liens conduisant sur le site institutionnel de la
société. Ces médias offrent ainsi un moyen efficace
de drainer une audience qualifiée sur le site de la
société.
En
pratique,
un
compte
Twitter
@Company_IR pourra être créé à cet effet. De
même la société pourra capitaliser sur sa présence
32
Les relations investisseurs
sur Linkedin pour diffuser ses principales informations
financières, en plus de ses offres d’emploi. Le web
fournit aussi des outils de mesure d’audience très
utiles (nombres de vues d’un post, etc.).
Plus généralement, le web est la caverne d’Ali Baba
du communiquant. Il offre de nombreux types de
supports très efficaces comme par exemple les
infographies qui peuvent permettre d’approfondir les
informations communiquées au marché. L’utilisation
d’un blog IR, intégré au site Internet de la société,
peut aussi permettre de clarifier certains points de la
communication financière dans le respect des
principes généraux de la communication financière.
Il convient toutefois de noter que cet outil requiert la
production de contenus spécifiques, et est donc
plutôt adapté aux sociétés ayant les moyens de
l’alimenter régulièrement. Sans être un geek, le
responsable
des
relations
investisseurs
doit
impérativement se familiariser avec l’univers digital.
33
Quelques réflexions sur un métier singulier
Une curiosité de tous les instants
« A l'origine de toute connaissance, nous
rencontrons la curiosité ! Elle est une condition
essentielle du progrès » Alexandra David-Néel
Le responsable des relations investisseurs doit
maîtriser tous les aspects de la gestion d’entreprise.
Les investisseurs s’intéressent finalement assez peu
aux données strictement comptables de l’entreprise.
Le compte de résultat et le bilan sont souvent
analysés de façon assez sommaire. Sans parler du
tableau de flux de trésorerie qui est souvent
carrément oublié …
En fait les investisseurs se concentrent surtout sur les
données extra-financières de l’entreprise, ses
facteurs de différentiation, son positionnement, sa
stratégie. Bref tout ce qui est de nature à supporter la
valorisation boursière de la société, qui comme nous
l’avons vu plus haut dépend essentiellement de la
soft information.
Il est donc primordial que le responsable des relations
investisseurs maîtrise à la fois les aspects financiers (ce
qui n’est pas toujours simple au regard de l’évolution
des normes comptables) mais aussi les aspects
produits, marché, marketing, industriels de la société
afin de pouvoir en parler intelligemment aux
34
Les relations investisseurs
analystes financiers et aux investisseurs. Il doit
maîtriser l’ensemble des grands enjeux de
l’entreprise.
C’est la raison pour laquelle le responsable des
relations investisseurs doit étroitement collaborer
avec les autres fonctions stratégiques de l’entreprise,
afin d’obtenir à la source les informations qui sont
nécessaires à sa mission, tant sur les performances
financières que sur les réalisations et les indicateurs
clés de l’entreprise. Il doit être parfaitement intégré
aux processus de reporting interne (flash mensuels,
business reviews trimestrielles, etc.) et plus
généralement dans tous les systèmes de remontée
d’information à la direction générale. Enfin, au-delà
de la gestion courante de l’entreprise, il doit aussi
être informé des projets à caractère stratégiques
(acquisitions, opérations financières, etc.).
Le responsable des relations investisseurs doit aussi
avoir
une
parfaite
connaissance
de
la
réglementation boursière, et en premier lieu du
règlement général et des recommandations de
l’AMF qui lui sera indispensable pour produire le
document de référence, le rapport social et
environnemental, etc. Loin de nous l’idée que le
responsable des relations investisseurs doit être un
responsable ou conseil juridique : chacun son métier !
35
Quelques réflexions sur un métier singulier
Mais il doit travailler en étroite collaboration avec
ce(s)-dernier(s) surtout dans un environnement
réglementaire changeant sur bien des sujets (Say-onpay qui impacte la tenue des assemblées générales,
avertissements sur résultats, rapport environnemental
et social, données pro-forma, diffusion de
l’information sur les réseaux sociaux, etc.)x.
36
Les relations investisseurs
Une implication nécessaire auprès
des organes de direction
« Ne demandez pas ce que votre pays peut faire
pour vous. Demandez ce que vous pouvez faire
pour votre pays » John Fitzgerald Kennedy (1961)
Le responsable des relations investisseurs s’immisce
de plus en plus dans la gouvernance d’entreprise. Il
travaille en étroite collaboration avec le comité
d’audit dont le rôle en matière de communication
financière est important. Celui-ci prépare les travaux
du conseil d’administration dans le cadre de l’arrêté
des comptes. A ce titre il doit assurer le suivi du
processus d’élaboration de l’information financière,
de l’efficacité des systèmes de contrôle interne et de
gestion des risques, du contrôle légal des comptes
annuels et des comptes consolidés par les
commissaires aux comptes et de l’indépendance de
ces derniers.
La plupart des comités d’audit et des conseils
d’administration vont au-delà de l’obligation légale
de revoir les données brutes et les informations
réglementées. Ils s’intéressent très souvent à leur mise
en perspective en revoyant très attentivement les
projets de communiqués de presse et les autres
documents (prévisions, tendances, avertissements
37
Quelques réflexions sur un métier singulier
sur résultat, présentations analystes et document de
référence). Leur implication va parfois même jusqu’à
la stratégie actionnariale, qui est de la responsabilité
du management en général et du responsable des
relations investisseurs en particulier.
Nombre de responsables des relations investisseurs
viennent présenter au conseil d’administration une
fois par an un bilan complet de l’action en matière
de relations investisseurs comprenant un point sur les
marchés financiers, le profil des actionnaires de la
société et leur évolution, la stratégie de
communication et la perception de la société par les
marchés. Par ailleurs il n’est pas rare de fournir les
notes d’analystes les plus représentatives au conseil
d’administration sur une base trimestrielle ainsi que le
consensus de marché et une analyse de la
valorisation de la société. Le responsable des
relations investisseurs est non seulement au service de
la direction générale mais aussi du conseil
d’administration.
38
Les relations investisseurs
Quelques mots de conclusion
« Vous pouvez tromper tout le monde une fois,
quelques-uns souvent, mais vous ne pouvez tromper
tout le monde tout le temps » Abraham Lincoln
Après avoir partagé ces quelques réflexions issues de
nos expériences vécues, nous ne pouvons vous
quitter sans insister sur l’importance fondamentale de
la transparence envers les investisseurs.
Certes, ce souci de transparence n’est pas toujours
facile à faire comprendre en interne, tant il est
contre-intuitif pour les non-spécialistes et il faut bien
l’avouer, peu pratiqué dans de nombreux domaines.
Pour autant lui seul permet d’éviter la « double
peine » : être sanctionné non seulement pour une
contre-performance, mais en plus pour avoir tardé à
communiquer voire avoir tenté de la dissimuler ou
d’en atténuer la portée. Et les marchés financiers ont
la mémoire longue en la matière…
Sans transparence il ne peut y avoir de confiance, et
sans confiance aucune société ne pourra
développer une relation fructueuse et durable avec
les marchés financiers, ce qui doit être l’essence
même des relations investisseurs.
39
Quelques réflexions sur un métier singulier
A propos des auteurs
Vincent Gouley
Après avoir débuté sa carrière en tant
qu’analyste financier, Vincent a été
responsable des relations investisseurs
de diverses sociétés cotées pendant
plus 10 ans, telles que Wanadoo et
Solocal
Group
(ex-PagesJaunes
Groupe). Vincent est par ailleurs l’un
des fondateurs de Watchowah,
société
d’études
marketing
innovante spécialisée dans les
relations
investisseurs
et
la
communication financière. Il est
titulaire
du
DEA
Marchés
et
Intermédiaires Financiers de l’Ecole
Doctorale de l’Université Toulouse 1 et
a suivi le Master Spécialisé en
Ingénierie Financière de l’EM Lyon.
Patrick Massoni
Après une première partie de carrière
réalisée au sein de groupes financiers
ou industriels dans des fonctions
financières variées, Patrick a été
responsable des relations investisseurs
pendant près de 10 ans, chez Bull puis
Poweo. En 2012 il a rejoint
Watchowah pour prendre en charge
diverses missions de conseil et
d’accompagnement en relations
investisseurs pour des sociétés cotées
ou non cotées, tout en développant
une activité de formation en
communication financière. Patrick est
diplômé de Sciences Po Paris, section
Economique et Financière.
40
Les relations investisseurs
Références
Investor Behavior: The Psychology of Financial Planning and
Investing, Victor Ricciardi et H. Kent Baker, 2014
i
ii Global
Trend in Investor Relations: A Survey Analysis of IR
Practices Worldwide, Ninth Edition, BNY Mellon, 2013
iii
L’art de la vente : les fondamentaux, René Moulinier, 2011
Predictably Irrational: The Hidden Forces That Shape Our
Decisions, Dan Ariely, 2008
iv
Les techniques de questionnement : Poser et se poser les
bonnes questions, Lionel Bellenger et Marie-Josée Couchaere,
2012
v
Communicating with the right investors, McKinsey on
Finance, 2008
vi
vii
Wining Over Investors, Baruch Lev, 2012
Explanations determine the impact of information on
financial investment judgments, Journal of Behavioral Decision
Making, avril 2005
viii
Eight experienced horserace handicappers were shown a list
of 88 variables and were asked to select those they would use
to handicap 40 races in 1968, Slovic, 1973
ix
Cadre et Pratiques de Communication Financière,
Observatoire de la Communication Financière (OCF)
x
41

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