En mal de fonds, la France qui innove se tourne
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En mal de fonds, la France qui innove se tourne
Date : 29/06/2014 Pays : FRANCE Page(s) : 1-2 Rubrique : PLEIN CADRE Diffusion : 275310 Périodicité : Quotidien Surface : 92 % Enmal de fonds,laFrancequi innove setourne verslesEtats-Unis m Jeudi26et vendredi 27juin, la FrenchTouch Conférencea présenté àNewYorklesplus belles start-up françaises. Objectif: enrôler des investisseurs américains dans leur aventure m Pour tenter de changer l'image de laFranceaux Etats-Unis,pas moins de deux ministres, Fleur Pellerin et Axelle Lemaire,ont participé à la manifestation et fait le déplacement depuis Paris b Cettesemaine,les biotechsfrançaises avaient aussi franchi l'Atlantique pour trouver des fonds.ANewYorket à San Diego,ellesont testé le « speed dating » en quête del'investisseurrêvé m Nonseulement les investisseurs américains ont de l'argent, mais ils savent transformer une start-up en succès commercial bien mieux que les Français Tous droits de reproduction réservés Date : 29/06/2014 Pays : FRANCE Page(s) : 1-2 Rubrique : PLEIN CADRE Diffusion : 275310 Périodicité : Quotidien Surface : 92 % Speed-datingpour biotech française ANewYorkou à San Diego,des start-up de la santéveulent séduirepour financerleur avenir San Diego et New York Envoyéespéciale Nous sommes au Lafayette, un bistrot français à la mode en plein cœur de Manhattan. En cette fin de journée, les traders branchés se pressent au bar, pour siroter un verre de chardonnay cali fornien. Ledécor rétro fait très cliché mais peu importe. C'est là qu'une vingtaine de biotechs françaises ont donné rendezvous aux investisseurs, analystes et journa listes du tout-New York. Objectif pour ces start-up de la santé :se faire connaître aux Etats-Unis, premier marché mondial du médicament et siège des plus puissants fonds d'investissement de la planète. Parmi celles qui ont participé, mercre di 25et jeudi 26 juin, à la première édition des French Life Science Days: Carmat, DBV,Erytech Pharma, Genticel, Genomic Vision ou encore TxCell.Dans leurs baga ges, le futur de lamédecine : un cœur artifi ciel, des patchs, des thérapies contre le can cer, des tests ADNou des vaccins. Ce soir-là, leurs dirigeants - dont beau coup viennent de prestigieux centres de recherche français comme l'institut Pas teur ou l'Inserm - discutent cellules et molécules sur fond de musique lounge. L'ambiance est bon enfant, chacun rode son discours, avant le grand oral du lende main, des présentations chronométrées de dix minutes, puis des rendez-vous en face à face avec une cinquantaine d'investis seurs. Du speed dating version business. Vamerican dream de ces pionniers du XXIesiècle ?Convaincre un fonds à larépu tation bien établie dans les sciences de la vie de prendre un ticket dans leur société, avec, à la clé,de l'argent pour financer leur développement et une visibilité précieu se. Lemoment est idéal :depuis un an, l'ar gent afflue à New York et la valorisation déjà élevée de leurs rivales américaines rend les biotechs françaises moins chères. Mais plusieurs obstacles attendent nos «frenchies ».Récit. Attablée au bar du très chic Four Seasons, à deux pas de Central Park, Susanna Mesa affiche un sourire éclatant. Per chée sur ses talons aiguilles, cette énergi que blonde a couru d'un rendez-vous à l'autre dans les gratte-ciel de BigAppleoù s'empilent les fonds d'investissements. Tout juste recrutée par DBV,une bio tech française qui développe des patchs destinés à traiter l'allergie aux arachides un fléau aux Etats-Unis -, elle a longtemps travaillé pour Trout. Cette société, bapti sée en référence à la Truite de Schubert, sert d'agent aux start-up sur la scène finan cière new-yorkaise. Son carnet d'adresses leur ouvre les portes des grands fonds de la place comme Orbimed, Deerfield ou Baker Brothers, dont la moindre marque d'intérêt suffit à faire bondir l'action d'une société. «Ils sont submergés de dossiers, expli que Susanna en picorant des...cacahuètes. Pour attirer leur attention, lepitch doit être ciselé: quel est lepotentiel de la technolo gie, en quoi va-t-elle révolutionner le mar ché, quel est son avantage par rapport aux concurrents ?» Tout se joue en quelques minutes. Ici, les investisseurs n'hésitent pas à couper la parole aux bavards, voire à selever en plein milieu d'une présentation pour marquer le clap de fin. Un casting impitoyable, mais qui en vaut la peine. «C'esf comme une petite mafia. Une fois quel'ony est admis ,les chosesvontvite grâ ce au bouche-à-oreille»,assure-t-elle. DBVen est l'emblème : son cours de Bourse a doublé depuis l'entrée à son capi tal d'Orbimed à la fin 2013.Savalorisation atteint près de 300 millions d'euros. Envi ron "joX du flottant est désormais aux mains des Américains, et certains regret tent déjà d'avoir laissé passer la bonne affaire. «Nous étions en train de regarder le dossier, quand le cours s'est soudaine ment envolé», soupire Howie Furst, asso ciéchez Deerfield. Comme bon nombre de ses confrères, il est médecin. Un autre challenge pour les Frenchies, habitués à jongler avecles méta phores scientifiques plutôt qu'à déballer leurs résultats cliniques face à un public européen plutôt généraliste. «C'est souvent une surprise pour lesdiri geants, mais ici les investisseurs placent la barre très haut: ils veulent connaître le nombre et la nature de brevets déposés, avoir accèsaux donnés cliniques,compren dre comment l'essai a été conçu, etc.», sou ligne Adam Cutler, l'un des directeurs de Trout, qui a notamment conseillé Cellectis, l'une des grandes réussites françaises aux Etats-Unis. «Les investisseurs que nous avons ren contrés étaient très bien renseignés sur notre société et sur les technologies concur rentes »,confirme Erwan Martin, directeur financier de Genomic Vision, une biotech dont les tests ADNpourraient améliorer le dépistage de certains cancers. Lesaffirma tions des dirigeants sont scrutées à la lou pe. «Nous avons notre propre réseau d'ex perts et nous n'hésitons pas à appeler en France les médecins qui conduisent les essais cliniquespour en savoir plus », assu re Howie Furst. Mais,pour mettre toutes les chances de son côté, unebiotech a aussi intérêt à enrô ler des chercheurs qui font autorité de ce côté-ci de l'Atlantique. La caution de ces key opinion leaders - ou « KOL», comme on les appelle dans le jargon - est appré ciée des investisseurs, et de la Food and Drug Administration, l'agence américai ne du médicament. «Le fait qu'ils aient déjà participé à des lancements rassure », insiste Howie Furst. TxCell l'a bien compris. Cette biotech, positionnée sur le créneau prometteur de l'immunothérapie - une approche qui consiste à « rééduquer » les cellules du sys tème immunitaire pour l'aider à lutter contre la maladie -, s'est entourée de KOL en vue : l'un exerce à l'université de San Diego (Californie), l'autre au prestigieux Mount Sinai Hospital à NewYork. Son patron, Damian Marron, vient de semer «sespremiers petits cailloux» sur le sol américain. Mine et costume un peu froissés, il a enchaîné cinq rendez-vous avec des investisseurs, tous arrangés par les organisateurs des French Life Science Days.« Un beau score pour une société qui vient de s'introduire en Bourse», se félicite-t-il, posé sur un des poufs design de l'hô tel W où loge la délégation. « Nous n 'avons pas besoin de lever des fonds immédiate ment, mais ilfaut saisir les opportunités quand ellesse présentent. Avoir trop d'ar gent dans les caisses n'a jamais fait de mal», plaisante-t-il. quelques heures, il s'envole pour Boston (Massachusetts) où des banquiers l'attendent. Ce sera le point final d'une semaine commencée à San Diego où se tenait la Bio Convention, grand-messe annuelle des bio technologies. Cespeed dating géant permet aux startup de se faireconnaître des laboratoires du monde entier. Lesrendez-vous (28000 en 2014)sont orchestrés par un logiciel et ont lieu dans de minuscules box aux allures de parloir. Une cloche retentit lorsque le temps imparti est écoulé. Guère convivial, mais efficace : le système permet de caser jusqu'à quinze meetings dans la journée. «Cela nous a permis de rencontrer des partenaires potentiels, ce qui est précieux, car nous n'aurons pas les moyens de déve lopper seuls toutes les applications possi bles de notre technologie», se réjouit Damian Marron. Une chose est sûre :pour conquérir l'Amérique, impossible d'échap per à ce genre de marathon. Pour une bon ne partie, la valeur des biotechs repose sur le management :il importe de soigner son image et de se montrer souvent. Complexe à décrypter, le marché améri cain peut se révéler surprenant. Habitués au grand classicisme des fonds européens, les « frenchies » peuvent ici se retrouver face à des investisseurs parfois fantasques. Comme Gary Nash,de Crede,unfamily offi ce qui gère lafortune de deux familles mulDans Tous droits de reproduction réservés Date : 29/06/2014 Pays : FRANCE Page(s) : 1-2 Rubrique : PLEIN CADRE Diffusion : 275310 Périodicité : Quotidien Surface : 92 % timilliardaires. «J'ai carte blanche », explique-t-il assis sur la bouche d'incendie qui lui sert de bureau improvisé pour mener ses interviews. «Je me suis réveillé un matin et je me suis dit: tiens, qu'est-cequi sepasse en Fran ce ?»Sa lubie l'a conduit à éplucher les dos siers de toutes les biotechs tricolores pour finalement investir dans Genfit, société spécialisée dans les maladies métaboli ques et inflammatoires, dont la valeur a presque triplé depuis le f janvier pour dépasser les 500 millions d'euros. Cet Afro-Américain, qui passe une par tie deses vacances dans l'Hexagone, s'inté resse à cinq autres biotechs françaises. Ce fan de la French touch a plusieurs mil liards à dépenser avec des tickets de 5mil lions à 80 millions de dollars. Un cocktail de cash et de fantaisie très apprécié au bar du Lafayette. m Chloi Hecketsweiler Rencontre entre des représentants de biotechs françaises et des investisseurs américains, au restaurant Lafayette, le 25juin, à Manhattan. CLÉMENCEDELIMBURGPOUR«LEMONDE» Tous droits de reproduction réservés