renforcer l`équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé
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renforcer l`équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé
Une once de Prévention: renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé Association canadienne de santé publique Conseil d’administration Document de discussion Mai 2000 Une once de Prévention: renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé Association canadienne de santé publique Conseil d’administration Document de discussion Mai 2000 Copyright © 2000 Association canadienne de santé publique ISBN: 1-894324-10-2 Reproduction à des fins non commerciales uniquement. Pour plus de renseignements, contactez : Association canadienne de santé publique 1565, avenue Carling, bureau 400, Ottawa (Ontario) K1Z 8R1 Téléphone : 613-725-3769 Télécopieur : 613-725-9826 Courriel : [email protected] www.cpha.ca Une version électronique de ce document de discussion est disponible sur le site Web à l'adresse www.cpha.ca 1 Imprimé au Canada sur papier recyclé. Une once de prévention : renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé Association canadienne de santé publique Conseil d’administration Document de discussion Mai 2000 Une once de prévention ii Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé Préface L’Association canadienne de santé publique (ACSP) est une association bénévole nationale, indépendante et sans but lucratif, qui représente la santé publique au Canada et entretient des liens étroits avec la communauté de la santé publique internationale. Les membres de l’ACSP croient fermement à l’accès universel et équitable aux conditions de base qui sont nécessaires pour permettre à tous les Canadiens d’être en santé. En tant que ressource spécialisée au Canada, l’ACSP a pour mission de promouvoir l’amélioration et la préservation de la santé personnelle et communautaire, conformément aux principes de santé publique en matière de prévention de la maladie, de promotion et de protection de la santé, et de politique publique favorisant la santé. L’Association canadienne de santé publique et ses membres s’inquiètent de l’avenir du système de santé du Canada comme d’ailleurs de la santé des individus et des communautés. Ce document de discussion, Une once de prévention : renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé, présente les enjeux et les grandes questions qui se posent au système de soins de santé du Canada, et montre toute l’importance de se doter d’une stratégie de santé publique dans le cadre de la réforme des services de santé. En mars 2000, le Conseil d’administration de l’ACSP a exprimé son inquiétude croissante face à l’érosion progressive du système de soins de santé du Canada, l’une des institutions que les Canadiens chérissent le plus. L’ACSP est profondément déterminée à préserver et à renforcer le système d’assurance-maladie qui repose sur le principe de l’accès pour tous à des soins complets. Nous appuyons sans réserve les cinq principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. L’ACSP a créé un groupe de réflexion au sein du Conseil d’administration pour aider à l’orientation de ce document de discussion. Présidé par David Butler-Jones, ce groupe était constitué des personnes suivantes : Christina Mills, Ian Gemmill, Marilyn Keddy, Mary Martin-Smith, Joan Riemer, et Brian Bell pour le groupe Alder. L’Association tient à remercier le groupe pour le temps et les connaissances qu’il a consacrés à l’élaboration de ce document. Gerald H. Dafoe Chef de la direction Association canadienne de santé publique iii Une once de prévention iv Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé Table des matières Sommaire ........................................................................................vii 1. Ordonnance pour une réforme ........................................................1 2. Réévaluation du bilan de santé..........................................................3 3. L’énigme de l’assurance-maladie ........................................................5 4. Financement : De la coopération à l’acrimonie .................................7 4.1 L’instabilité croissante des transferts du fédéral aux provinces ...7 4.2 La privatisation des soins de santé .............................................8 5. Le bon diagnostique : pour un système de santé équilibré au 21e siècle ......................................................................11 6. La contribution de la santé publique à la réforme des services de santé .......................................................................13 6.1 Une once de prévention ..........................................................13 6.2 Une stratégie de santé publique intégrée à la réforme des services de santé .................................................................15 7. Conclusions ...................................................................................17 Références bibliographiques ............................................................19 Association canadienne de santé publique v Une once de prévention vi Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé Sommaire Le débat actuel sur le financement des soins de santé est important pour la préservation de notre système de soins de santé. Toutefois, les questions de financement et de privatisation en monopolisant le débat public ont évacué les véritables questions à résoudre : en effet, l’argent ne saurait être le bon diagnostique pour relever les vrais défis et la privatisation n’est certainement pas la bonne ordonnance à prescrire. En revanche, on a besoin d’un engagement de la part de tous les Canadiens à transformer de fond en comble la structure de notre système de santé pour qu’il puisse répondre aux exigences du 21e siècle. Les progrès de la santé au 20e siècle ont été remarquables et pourtant, à l’aube du 21e siècle, de grands problèmes subsistent. Le financement et la restructuration d’un système d’assurance-maladie viable exigent de tenir compte de ces grands problèmes, et de profiter de l’acquis provenant des succès remportés, de l’amélioration de l’information, des connaissances et des capacités de recherche, ainsi que des progrès de la technologie. Il ne sera possible d’améliorer de façon durable la santé de la population canadienne qu’en créant un système de soins de santé viable qui : ➤ accorde une priorité aux grands déterminants de la santé capables d’agir sur les vraies questions de santé qui se posent à la société canadienne; ➤ préserve la vision et les valeurs à la base de notre système actuel d’assurance-maladie tout en apportant des changements significatifs à l’équilibre et à la prestation des services au sein du régime d’assurance-maladie; ➤ reconnaît qu’une plus grande privatisation n’aurait pour seul effet que de déplacer plutôt que de contenir les coûts des soins de santé à l’avenir, et que l’on prendrait des décisions de financement mieux informées à l’aide de différents types de stratégies axées sur des données fiables et sur l’amélioration de l’efficience dans toute la gamme des services de prévention et de soins de santé; ➤ investisse dans le développement de toute une gamme de services de santé, allant de la santé publique et des soins communautaires jusqu’aux hôpitaux et aux établissements de soins de longue durée, en passant par le renforcement des soins de santé primaires qui constituent le premier point de contact des individus, des familles et des communautés avec le système de santé. La santé publique est particulièrement bien placée pour contribuer au renouvellement et à la réorientation du secteur de la santé. Les services de santé publique font partie intégrante du système de soins de santé actuel et ont recours à des stratégies de prévention des maladies et des blessures ainsi que de protection et de promotion de la santé qui, en plus de réduire les besoins de soins et de traitements, contribuent à l’amélioration de la qualité de vie des Canadiens. La santé publique joue Association canadienne de santé publique vii Une once de prévention aussi un rôle important pour forger des alliances utiles avec d’autres secteurs essentiels au développement de politiques publiques qui favorisent la santé et la préservent. Dans ce document de discussion, nous disons que les composantes dont a besoin le système de soins de santé du Canada au 21e siècle vont bien au-delà de simples mesures de financement, doivent permettre un meilleur équilibre entre plusieurs facteurs importants, et doivent comprendre : ➤ un leadership fédéral assorti de la coopération intergouvernementale pour trouver des solutions appropriées aux questions urgentes de même que pour moderniser le système et pour garantir sa survie dans la durée; ➤ une large vision des soins de santé au 21e siècle qui comprenne un continuum de services intégrés et qui mette l’accent sur la santé de la population et sur toute la gamme des facteurs qui l’influencent; ➤ plus de fonds au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) et la mise au point d’un mécanisme d’indexation pour garantir la stabilité ainsi qu’un financement suffisant et permanent du système de soins de santé; ➤ une participation financière du gouvernement fédéral pour les services non assurés, notamment la santé publique, les soins de santé primaires, ainsi que les soins communautaires et à domicile – autant de services essentiels pour avoir un système de soins de santé complet; ➤ des stratégies pour accentuer la transparence et la responsabilisation dans le financement public des soins de santé, y compris des mesures pour renforcer le partage de l’information et des pratiques exemplaires, le rendement des services et du système dans son ensemble, ainsi que l’information fournie au public concernant les résultats; ➤ des mesures pour renforcer la place de la santé publique et son champ d’application dans le cadre d’un continuum de services de santé, y compris le développement des connaissances et des compétences, des stratégies d’utilisation et de développement des ressources humaines; la mise sur pied d’alliances et la collaboration intersectorielle; la définition d’indicateurs du rendement et des résultats obtenus; et des systèmes de direction communautaires; ➤ des stratégies pour affecter les ressources publiques nécessaires à la santé publique et à la prévention des maladies et des blessures ainsi qu’aux activités de protection et de promotion de la santé, à partir du budget global des gouvernements; et, ➤ un moratoire sur toute autre privatisation du système de soins de santé du Canada tant que l’on n’aura pas fait une analyse publique de la répartition adéquate entre le public et le privé pour ce qui est du financement et des prestations de services, qui serait souhaitable et viable dans le cadre d’un système de soins de santé renouvelé. viii Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé 1. Ordonnance pour une réforme Le numéro spécial des rapports sur la santé publiés par Statistique Canada intitulé How Healthy are Canadians indique que le Canada a fait des progrès importants pour améliorer la santé de sa population, comme en témoignent l’augmentation de l’espérance de vie, la diminution de la mortalité infantile et l’amélioration de la qualité de vie des Canadiens d’âge moyen et plus âgés. 1 Nous avons une des espérances de vie les plus élevées au monde. Le Canada est toujours en tête de tous les pays selon l’Indice de développement humain des Nations Unies mais chute à la dixième place si l’on considère l’Indice de pauvreté humaine pour les pays industrialisés. Cette situation contraste de façon marquée avec le tableau du système de soins de santé du Canada que nous dépeignent au quotidien les médias et de nombreux médecins et politiciens canadiens. À les entendre, nous traversons ce qui est peut-être la crise de financement la plus grave de l’assurance-maladie – et d’ailleurs du régime d’assurancemaladie en soi – depuis son lancement en 1968. Le Forum national sur la santé s’est penché sur la façon de répartir les ressources financières limitées de la société « pour protéger, rétablir et promouvoir le mieux possible la santé des Canadiens et des Canadiennes. » Le Forum a estimé qu’il fallait établir un équilibre entre trois considérations fondamentales : 1) entre le secteur de la santé et le reste de l’économie, 2) au sein même des services du secteur de la santé et 3) entre les sources de financement privées et publiques.2 Le Conseil d’administration de l’Association canadienne de santé publique (ACSP) estime que le financement est une question très importante pour la préservation de notre système de soins de santé et que la stabilité de l’apport financier est critique à long terme. Toutefois, poser la question du financement, c’est faire un diagnostic erroné des questions critiques auxquelles notre système de soins de santé est confronté, et privatiser les soins de santé n’est certainement pas le remède à administrer. Plus que jamais, il importe d’avoir un débat et de proposer des solutions équilibrées. Association canadienne de santé publique 1 Une once de prévention 2 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé 2. Réévaluation du bilan de santé « Si l’on veut réfléchir comme il faut à la médecine…il faut considérer…la façon dont les habitants vivent, leurs entreprises, s’ils aiment boire et manger sans limite, s’ils sont prônes à l’indolence ou au contraire avides d’exercice et de travail. » (Hippocrate, Sur l’air, l’eau et le monde. 5e siècle avant J.-C.) Vers la fin du 19e siècle et au cours des premières décennies du 20e siècle, « la politique de la santé était en fait la politique de la santé publique. »3 [Traduction] Les initiatives de santé publique – notamment l’élimination des eaux d’égout brutes, l’approvisionnement en nourriture et en eau ne présentant pas de danger, les programmes pour la santé des mères et des enfants, l’amélioration des conditions de logement et l’accès à l’instruction – étaient considérées comme des questions de santé essentielles, et les mesures de santé publique ont permis de considérablement réduire l’incidence des maladies infectieuses et des blessures. Par opposition, les services de soins de santé étaient « rudimentaires en extension et peu élaborées » et « plus souvent qu’autrement, être hospitalisé entraînait la mort. »4 Les hôpitaux étaient des lieux où l’on mettait les gens en quarantaine et où l’on s’occupait des indigents qui ne pouvaient se permettre les soins nécessaires chez eux. Mais les importants progrès réalisés en biologie, « l’amélioration des connaissances en pathologie et en biologie humaines ont amené l’avènement de la médecine scientifique. » Dans les années 1920 et 1930, les gouvernements et le public ont de plus en plus pris conscience de l’importance et des bienfaits des soins de santé modernes et ont commencé à « créditer les médecins et les hôpitaux pour les améliorations apportées à l’état de santé. »3 Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, individuellement ou ensemble, ont consacré des ressources importantes au développement des services de soins de santé, et à la mise en place progressive d’un système d’assurance-maladie universel et financé par des fonds publics. Ces efforts ont culminé en 1984 par l’adoption de la Loi canadienne sur la santé (LCS). C’est toujours cette Loi qui définit les conditions de transfert des fonds fédéraux aux provinces au titre du financement des services hospitaliers et médicaux, dans la mesure où leurs régimes respectent les cinq principes suivants : l’universalité, l’accessibilité, l’intégralité, la transférabilité et l’administration publique. Pendant toute cette période, les soins médicaux et les services en établissement ont dominé la réflexion et la prise de décision autour du financement des interventions en santé destinées à favoriser et à préserver la santé des Canadiens. Au début des années 1970, plusieurs grands rapports nationaux et internationaux ont précipité des changements dans la façon dont nous comprenons ce qui contribue à la santé Association canadienne de santé publique 3 Une once de prévention de la population, ainsi que les facteurs qui permettent des gains en santé durables pour l’ensemble de la population. Il s’agit notamment de : ➤ Nouvelle perspective de la santé des Canadiens (en 1974) qui montrait que la santé était déterminée par l’interaction entre la biologie humaine, l’organisation des soins de santé, l’environnement et le mode de vie; ➤ la Déclaration d’Alma-Ata (en 1978) qui soulignait l’importance des soins de santé primaires en tant que point de départ du continuum des soins de santé au niveau communautaire; ➤ la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé (en 1986) qui identifiait les conditions fondamentales ou « sine qua non » pour la santé et proposait cinq stratégies-clés pour la nouvelle santé publique (opter pour une politique publique favorable à la santé; créer des environnements de soutien; renforcer l’action communautaire; développer les aptitudes personnelles; et réorienter les services de santé); La santé pour tous : Plan d’ensemble pour la promotion de la santé (en 1986) qui présentait un paradigme des grandes questions, des mécanismes et des stratégies de promotion de la santé pour orienter la recherche, la politique et l’action dans ce domaine au Canada. Ces grands textes reposent sur un grand nombre des prémisses fondamentales du mouvement de la santé publique. Ils affirment que si l’on veut s’attaquer aux racines des maladies et d’un grand nombre de problèmes de santé au Canada et dans le monde développé, il faut agir sur les grands déterminants de la santé, notamment sur les conditions de vie et de travail des individus. Ces idées sont les points d’ancrage de la santé publique d’aujourd’hui et se concrétisent par l’approche de « la santé de la population. » Celle-ci se propose d’améliorer la santé des Canadiens en agissant sur les facteurs environnementaux qui leur permettent d’être en santé, et en réduisant les inégalités qui font que certains d’entre eux sont désavantagés pour jouir de la meilleure santé possible et la conserver.5 Les principaux facteurs ou « déterminants » de la santé comprennent l’environnement socioéconomique, l’environnement physique, la biologie et le capital génétique, le développement sain de l’enfant, les pratiques personnelles en matière de santé et les services de santé eux-mêmes. 4 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé 3. L’énigme de l’assurance-maladie Quand nous avons jeté les bases de l’assurance-maladie, nous avons expliqué que cela se ferait en deux temps. Dans un premier temps, on éliminerait les obstacles financiers entre les prestateurs et les prestataires des soins de santé. Dans un deuxième temps, à partir des acquis on remanierait tout le système de prestation – et bien entendu, ça c’est le gros morceau. C’est ce que nous n’avons toujours pas fait. (Tommy Douglas) Nombreux sont ceux qui voudraient nous faire croire que le système d’assurance-maladie n’est plus tenable. C’est faux. Mais il existe sans aucun doute un besoin manifeste de réformer les soins de santé en profondeur. L’évolution de la pensée qui explique pourquoi certains Canadiens sont en santé alors que d’autres sont malades constitue un bon point de départ pour discuter des véritables points faibles de l’assurance-maladie aujourd’hui. On constate notamment une dérive du système vers moins de compassion et de justice pour tous les Canadiens; des attentes contradictoires quant au champ d’application du système; des inefficiences coûteuses et de plus en plus nombreuses du système actuel, ainsi que la crainte que le système de soins de santé public ponctionne de façon illimitée les ressources gouvernementales à l’avenir. ➤ La dérive du système et des valeurs de l’assurance-maladie. Dans les années 1930 et 1940, on pensait que les gouvernements devaient jouer un rôle central pour garantir à tous les Canadiens l’accès aux services de santé nécessaires. Au coeur de l’assurance-maladie, il y avait la conviction que les soins de santé sont un bien public, que tout le monde doit avoir un accès égal aux soins, et que la capacité d’un individu à payer le coût du traitement dont il a besoin ne peut pas être le facteur qui détermine s’il peut être soigné ou non. Aujourd’hui, cette façon de voir les choses est de plus en plus contestée par ceux qui disent que ces principes n’ont plus cours à l’ère de la mondialisation des marchés, ou encore que même s’ils demeurent souhaitables, leur coût les rend prohibitifs. ➤ Le champ d’application restreint de l’assurance-maladie. La plupart de ceux qui ont jeté les bases de l’assurance-maladie ont pensé qu’un jour elle prendrait en charge l’ensemble des services de santé. Pourtant elle a été mise en oeuvre à partir d’une vision considérablement plus limitée des soins de santé comme c’est encore le cas aujourd’hui. Donc, même si la Loi canadienne sur la santé considère l’objectif essentiel visé par la politique canadienne des soins de santé comme étant beaucoup plus large, les dispositions en matière de financement des services restent limitées. Par exemple, on tient pour acquis que les services de santé publique (y compris la prévention des blessures et des maladies, la protection et la promotion de la santé) continueront d’être financés par des fonds publics. Parallèlement, la définition des services médicalement obligatoires est de plus en plus problématique en Association canadienne de santé publique 5 Une once de prévention raison des services qui sont délistés ou qui cessent d’être couverts par l’assurance, et l’accès reste très injuste pour d’autres services de santé importants (notamment les soins dentaires, les soins pharmaceutiques, les soins communautaires et à domicile) qui ne sont tout simplement pas assurés. ➤ Les inefficiences du système. Selon le Forum national sur la santé, l’un des grands défis à relever par le système de la santé consiste à créer une culture décisionnelle qui repose sur des données probantes. Le Forum a fait remarquer que dans certains cas il n’existe souvent pas de preuves de grande qualité, alors que dans d’autres cas celles dont on se sert sont inappropriées, ou encore que les décisions sont prises en l’absence de toute information conséquente.6 Mais les données qui commencent à apparaître dans les provinces de la Saskatchewan et du Manitoba laissent penser que d’importants progrès peuvent être faits aux plans de l’efficience et de l’efficacité dans un système financé par des fonds publics.7 ➤ L’insuffisance du financement. Le Canada a déjà l’un des systèmes de soins de santé les plus chers au monde : nous dépensons environ 86 milliards de dollars, ce qui nous situe en troisième place sur sept pays de l’OCDE (1996) en termes de dépenses de santé par habitant, et en quatrième place en pourcentage du PIB (9,3 %) consacré aux soins de santé.5 Les comparaisons internationales adressent une mise en garde en rappelant que l’amélioration de la santé va bien au-delà de la quantité d’argent dépensée en services de santé. Les pays qui ont les dépenses de santé les plus élevées n’ont pas nécessairement les meilleurs résultats en matière de santé.5 Le Forum national de la santé en est arrivé à la conclusion que « les citoyens dépensent déjà assez par leurs taxes, impôts et déboursés personnels pour se garantir l’accès aux soins médicaux qui leur sont nécessaires, »6 bien que les membres du Forum aient ensuite circonstancié leur position et recommandé un financement stable ainsi que des investissements supplémentaires pour élargir la gamme de services de santé financés par des fonds publics. En conséquence, s’il faut effectivement davantage d’argent, on ne sait pas clairement combien en plus et, tout aussi important, où cet argent doit être investi. 6 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé 4. Financement : De la coopération à l’acrimonie « ...le très puissant moteur des organismes à but lucratif est le profit. Un point c’est tout. Il ne s’agit pas d’améliorer l’efficience du système de soins de santé, ni de fournir des soins de grande qualité, ni encore d’améliorer la santé de la population. S’il s’avère que ces stratégies sont payantes, très bien, on y aura recours pour arriver au but visé. Mais, en elles-mêmes, ces stratégies n’ont aucune valeur intrinsèque pour les organismes à but lucratif. »8 Les questions de financement ont monopolisé l’important débat sur le type de système dont le Canada a besoin pour le 21e siècle. Dans toutes les déclarations, on s’en est toujours tenu à ce qui apparaissait comme des tensions dans le système en pensant qu’il suffisait d’injecter des fonds supplémentaires pour régler les problèmes. L’incapacité des gouvernements à s’entendre sur les questions de financement de base a suscité des inquiétudes chez les Canadiens quant à leur capacité de collaborer pour préserver le système canadien de soins de santé financés par l’argent public. Cette situation ne manque pas d’ironie – en plus d’être tout à fait décourageante – alors même que l’on vient de définir la nouvelle Entente-cadre sur l’union sociale, et vu l’engagement des gouvernements de collaborer à l’élaboration des politiques portant sur toute une gamme de programmes sociaux, y compris les soins de santé. 4.1 L’instabilité croissante des transferts du fédéral aux provinces En 1997, le politologue américain, Aaron Wildavasky, a formulé comme suit la Loi du financement de la médecine : < … les coûts rattrapent toujours les fonds disponibles. >8 Les dépenses en soins de santé ont nettement augmenté au cours des dernières décennies; elles représentent aujourd’hui 86 milliards de dollars, soit environ 50 % de plus qu’il y a vingt ans. De 1975 jusqu’à 1993, on a constaté une croissance soutenue de ces dépenses, suivie par plusieurs années de restriction dans le milieu des années 1990. Cela a eu pour effet que « pendant quelques années, on a assisté à une baisse modeste, mais sans précédent, des dépenses réelles par habitant. Depuis 1997, les dépenses totales de santé et celles des gouvernements sont de nouveau en hausse. »7 L’examen des accords de transferts financiers du fédéral aux provinces au titre des soins de santé reflète un changement identique entre 1975 et 1995, une période pendant laquelle la part fédérale des dépenses en santé est passé de 39 % à 33 % (en transferts fiscaux et en dépenses directes). C’est une période pendant laquelle on est passé du partage des coûts à Association canadienne de santé publique 7 Une once de prévention des accords de financement global; de l’absence de limite des fonds de contrepartie octroyés par le gouvernement fédéral à l’imposition par ce dernier de contrôles unilatéraux; et de l’augmentation à la diminution (et à une nouvelle augmentation) des paiements de péréquation. Enfin, pendant toutes ces années, les accords se sont également caractérisés par une réduction (voire aujourd’hui une disparition) des moyens de retracer l’argent transféré ou d’en rendre compte. Depuis l’adoption du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux en 1996-1997, la baisse des contributions fédérales suscite une acrimonie particulièrement marquée. On entend également des arguments solides et convaincants, venus d’horizons divers, en faveur de l’établissement d’un niveau-plancher « acceptable » pour les transferts fédéraux. On a souvent imputé aux réductions fédérales des pressions supplémentaires sur les trésoreries provinciales. Les provinces ont également dû faire des efforts pour contenir et réduire les coûts afin d’alléger le poids des augmentations en soins de santé et de travailler à réduire le déficit. Par conséquent, il ne faut guère s’étonner que la confiance du public dans le système de soins de santé ait baissé. Cela a sans aucun doute contribué à amener la population à croire que la privatisation pouvait être la solution à la présumée « crise » de l’assurance-maladie! 4.2 La privatisation des soins de santé Le système de soins de santé du Canada a toujours été un système mixte alliant le privé et le public; ce mélange est caractéristique du financement et de la prestation de virtuellement tous les services. Par exemple, la santé publique est essentiellement financée par des fonds publics et assurée par le secteur public. Les hôpitaux sont principalement financés par des fonds publics et relèvent surtout du secteur public. À l’opposé, les soins dentaires et les services d’optométrie sont principalement financés par le secteur privé qui se charge également de les fournir. Ce mélange public-privé n’est pas exceptionnel et, en comparaison avec les normes internationales, l’importance du financement public au Canada ne l’est pas davantage. En effet, en moyenne, près de 80 % des dépenses en soins de santé dans les pays de l’OCDE sont financés par le secteur public. Jusqu’au début des années 1990, le rapport au Canada s’établissait à 75:25. Toutefois, en 1999, près de 30 % de tous les coûts de santé dans ce pays ont été pris en charge par le secteur privé. En conséquence, la part du secteur privé dans les dépenses de santé au Canada est déjà comparativement élevée, et en 1997 arrivait en deuxième place après les États-Unis parmi les pays du G-7.7 8 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé En apparence, le débat sur la privatisation peut sembler surtout relever du débat idéologique, et dans une certaine mesure, c’est bien le cas. Toutefois, c’est aussi une question de valeurs et de réalités. En conséquence, il est urgent de déplacer le débat public sur ces deux fronts. Peut-être la meilleure façon de lancer le débat sur ces points consiste-telle à reprendre la question posée il y a quelques années de cela par le Forum national sur la santé, à savoir : « À quel point l’existence de services parallèles financés par des sources privées affecte-t-elle l’intégrité de l’assurance-maladie? »9 On peut répondre à cela en disant que l’on y ait presque! Parmi les arguments les plus forts en faveur de la privatisation, il y a l’idée que le système actuel est sous-financé; que la privatisation permettra de répondre à des besoins de soins de santé non satisfaits à l’heure actuelle; et que les installations privées sont meilleur marché et plus efficientes que les infrastructures publiques. On commence à se rendre compte que ce n’est pas aussi vrai que cela. En effet, rien ne prouve que plus d’argent va régler les problèmes de l’assurance-maladie. Par exemple, une étude récente fait remarquer « qu’après avoir investi trente-cinq ans dans le système de soins de santé, on n’est toujours pas arrivé à < satisfaire tous les besoins > ni à mettre fin à la crise du sous-financement. On n’a d’ailleurs pas fait mieux dans les autres pays du monde développé. »8 Dire qu’il faut davantage d’argent pour faire face aux listes d’attente qui s’allongent et aux manques de services est un faux débat. Dans l’ensemble, les besoins de soins de santé non satisfaits au Canada restent peu élevés (5 %), bien qu’il y ait eu une légère augmentation dans toutes les provinces.5 Par ailleurs, les rapports concernant les délais et les listes d’attente ne veulent pas dire grand-chose non plus. Selon des indications récentes, certains délais d’attente seraient en fait en baisse et non le contraire. D’autres données laissent penser que si l’on canalise davantage de fonds vers le système privé, on risque en fait d’allonger les listes d’attente étant donné que ces fonds seront autant d’argent que le système public n’aura pas. L’expérience de l’Alberta avec les opérations de la cataracte vient de le confirmer.10 Enfin, dire que le secteur privé est un moyen plus efficient et moins coûteux d’augmenter les services et que les services privés « sont plus rentables » ne tient pas la route non plus. Là encore, les données indiquent que la privatisation revient à déplacer d’un secteur à l’autre les coûts de santé sans pour autant réussir à les contenir. Les systèmes de prestation privés ont tendance à coûter plus chers et à être moins efficients que les organismes à but non lucratif.8 À l’inverse, les raisons qui militent contre la privatisation sont nombreuses. Parmi les plus évidentes, il y a le fait que les soins de santé constituent un cas d’échec du marché car les forces du marché ne peuvent tout simplement pas fonctionner de la même façon dans le cas des soins de santé que pour la plupart des autres produits et services; l’accès aux services et leur qualité ne s’améliorent pas avec la privatisation et, à plus long terme, il peut même y Association canadienne de santé publique 9 Une once de prévention avoir une réduction des services; un système privé coûte plus cher, est plus compliqué à commercialiser et à administrer, entraîne une augmentation des coûts du système public et crée en parallèle « un pallier privé subventionné par des fonds publics » de prestations et de paiements des soins de santé; la motivation des prestateurs de services médicaux et la relation de confiance patient-professionnel de la santé risquent d’en prendre un coup, sans parler du fait que les meilleurs professionnels de la santé pourront être attirés par les installations privées; enfin, la privatisation risque de miner le soutien du public en faveur du système de soins de santé actuel. Il existe aussi des incertitudes quant aux répercussions d’une plus grande privatisation dans le cadre de l’ALÉNA et d’autres accords commerciaux internationaux en raison du fait que le secteur de la santé échappe à l’heure actuelle à toute concurrence en étant considéré comme domaine d’intervention publique. En conséquence, avant de privatiser davantage le système de santé du Canada, il convient de se poser des questions importantes qui méritent plus de réflexion avant de considérer que la privatisation est la solution à la réforme du système de santé. Bien entendu, nous devons veiller à ce que les services assurés continuent d’être financés. Toutefois, nous devons également développer un plan pour garantir qu’à l’avenir les investissements dans la santé seront les plus rentables et durables possible. 10 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé 5. Le bon diagnostique : pour un système de santé équilibré au 21e siècle Des années de replâtrage ici et là n’ont pas permis de régler les problèmes du système de santé. De la même façon qu’il est plus logique de rénover que d’entretenir un immeuble mal isolé, notre système a besoin de rénovations en profondeur et non pas de changements mineurs. Nous payons beaucoup trop cher les bienfaits que nous en retirons. Il existe un manque d’évaluation, le financement n’est pas fonction des résultats, le système est morcelé, et on constate gaspillage et double emploi. Les dépenses en services continuent d’augmenter mais notre santé dans son ensemble ne s’est pas nettement améliorée. Le système des soins de santé n’a pas seulement besoin d’un coup de peinture, il doit être repensé et modernisé.11 Si on voulait mettre sur pied un système de santé le plus efficace possible pour répondre aux besoins de santé actuels et futurs des Canadiens, il y a fort à parier qu’il ne ressemblerait pas au système dont nous avons hérité jusqu’à présent, et qu’il fonctionnerait très différemment. Il comprendrait sans aucun doute un volet important consacré aux services des médecins et aux équipements médicaux pour fournir soins et traitements aux personnes blessées ou malades. Toutefois ce ne serait pas le seul; il y en aurait plusieurs autres – tout aussi importants – intégrés à l’ensemble des services de santé. Ce système serait axé essentiellement sur la santé de la population et sur la vaste gamme de facteurs en rapport avec elle, et serait conçu pour fournir « les bons services aux bonnes personnes, au bon moment, et de la façon la plus rentable et la plus efficace qui soit. »7 Sous diverses formes, des efforts de restructuration sont menés dans les provinces et les territoires depuis les années 1980. Tout le monde insiste sur la nécessité d’une réforme structurelle en profondeur du système de soins de santé. Parmi les grands thèmes qui reviennent, on trouve une vision de la santé axée sur la santé de la population et sur ses déterminants; le besoin corrolaire d’un système de soins de santé intégré qui encourage des solutions de remplacement aux soins en établissement et la redistribution des fonds à un plus grand nombre de services communautaires; ainsi que les efforts à faire pour que la population joue un rôle plus actif dans la planification et la prestation des services de santé.7 Étant donné ce que l’on sait des facteurs qui permettent aux Canadiens d’améliorer de façon significative leur santé, la réforme et le rééquilibrage exigent d’intervenir sur plusieurs fronts. Association canadienne de santé publique 11 Une once de prévention ➤ Disposer d’une vision pour s’orienter. Il s’agirait d’un ensemble de valeurs ou de principes bien acceptés et largement compris du public pour mener la transition. Il n’y a aucune raison que les principes et le projet à la base de l’assurance-maladie et de la Loi canadienne sur la santé ne continuent pas de jouer pleinement leur rôle à cet égard. ➤ Être mieux informé. Quelques initiatives très prometteuses ont déjà été lancées et doivent être poursuivies. Entre autres exemples, on peut citer la création des Instituts canadiens de recherche en santé; les récents rapports publiés par Statistique Canada et l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) sur la santé de la population et sur le rendement du système de soins de santé; ainsi que l’initiative Carnet de route de l’information sur la santé et les efforts menés par la Fondation canadienne de la recherche pour améliorer le transfert des connaissances aux décideurs et au public. Une meilleure information doit servir, entre autres choses, à examiner la façon dont les services de santé sont organisés et fournis à l’heure actuelle, ainsi qu’à permettre aux initiatives entreprises à cet égard de disposer de l’information sur ce qui marche le mieux, pour qui, quand et avec quels risques et avantages. ➤ Disposer d’un continuum de services de santé homogène. Ce continuum doit aller des services de santé publique revivifiés, en passant par des hôpitaux et des établissements de soins de longue durée plus efficients et plus efficaces, jusqu’aux services communautaires plus adaptés aux besoins de la population. Il doit comprendre les volets suivants : la prévention des blessures et des maladies; la protection et la promotion de la santé; le maintien de la santé et du mieux-être, des soins personnels et de l’entraide; les soins en établissement; les soins spécialisés en établissement et les soins communautaires, y compris les soins à domicile.12 Dans un pareil système, le financement doit suivre l’individu pour tous les services. Parallèlement à cette transition, il faut rapprocher tant la planification que la prestation des services de santé des Canadiens en les introduisant dans leurs lieux de travail et chez eux, en plus de les y faire participer activement. ➤ Insister sur les soins de santé primaires. Les soins de santé primaires sont le point de départ du continuum des services de santé. Ils constituent le premier point de rencontre des individus, des familles et des communautés avec le système des soins de santé, celui qui fait entrer la santé dans les lieux où les gens vivent, travaillent et se divertissent. 12 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé 6. La contribution de la santé publique à la réforme des services de santé Au moment de la Deuxième Guerre mondiale, la santé publique avait réussi à montrer l’impact potentiel sur la santé de la population d’un ensemble de connaissances et de techniques concernant l’hygiène et la bactériologie grâce à l’étroite collaboration entre la recherche et la pratique, l’éducation du public, et une meilleure formation des personnels de la santé publique, associée à un engagement inconditionnel et bien pensé en faveur de la réforme de la santé publique.4 6.1 Une once de prévention En septembre 1999, le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population a demandé l’adoption d’« une approche globale et de collaboration pour améliorer la santé des Canadiens, qui aborde les causes sous-jacentes des maladies et des décès prématurés (sic). »5 Ce faisant, le rapport du Comité aux ministres de la Santé identifie trois champs d’action prioritaires : ➤ le renouvellement et la réorientation du secteur de la santé; ➤ l’investissement dans la santé et le bien-être de groupes-clés de la population, à savoir les enfants, les jeunes et les peuples autochtones; et, ➤ l’amélioration de la santé par la réduction des inégalités liées à l’alphabétisation, au niveau de scolarité et à la répartition du revenu au Canada. La santé publique est particulièrement bien placée pour contribuer à toutes ces priorités, ce qu’elle a au demeurant toujours fait. Les services de santé publique font partie intégrante du système de soins de santé et ont recours à des stratégies de prévention des maladies et des blessures ainsi que de protection et de promotion de la santé qui, en plus de réduire les besoins de soins et de traitements, contribuent à l’amélioration de la qualité de vie des Canadiens et de leurs communautés. Les US Centers for Disease Control and Prevention ont préparé une série de rapports en 1999 au sujet des dix grandes réalisations de la santé publique au cours du siècle dernier. Il s’agit notamment de l’impact des recommandations universelles de vaccination des enfants; de l’approvisionnement en aliments plus sains et plus salubres; de la sécurité des véhicules à moteur; de l’amélioration de la sécurité en milieu de travail; de la lutte contre les maladies infectieuses; de la fluorisation de l’eau potable pour prévenir les caries dentaires; de la baisse de la mortalité due aux maladies cardiaques et aux accidents cérébrovasculaires; de la Association canadienne de santé publique 13 Une once de prévention meilleure santé des mères et des enfants; de la planification des naissances; ainsi que du contrôle et de la réduction du tabagisme.13 Le Canada a connu des succès analogues. L’espérance de vie en 1996 était de 78,6 ans, une hausse considérable par rapport à 50 ans au tournant du siècle. Les facteurs qui ont contribué à ces améliorations comprennent la vaccination, l’hygiène et l’eau propre, la pasteurisation, une meilleure alimentation, des conditions de logement satisfaisantes, etc. L’importance et la rentabilité des mesures de prévention, de protection et de promotion, sont évidentes dans la mise au point des vaccins. En effet, depuis leur introduction, le Canada a connu une baisse de 95 % des maladies évitables chez les enfants et a éradiqué totalement la polio. La prévention des blessures offre un autre exemple. Les Canadiens dépensent chaque année 8,7 milliards de dollars pour soigner environ 2 millions de blessures qui, pour la plupart, auraient pu être anticipées et évitées. Les mesures de protection et de prévention comme les ceintures de sécurité, les casques pour cyclistes, les limites de vitesse et l’amélioration des autoroutes ont contribué à réduire le taux global de décès par blessures. En appliquant ce type de stratégies préventives, on pourrait éviter 22 000 blessures et handicaps permanents, en plus d’épargner 500 millions de dollars nets en frais de soins de santé chaque année.14 Quoiqu’il en soit, en dépit des succès remportés par notre système de soins de santé dans plusieurs domaines, notamment en santé publique, les effets pernicieux d’autres facteurs à l’oeuvre essentiellement à l’extérieur du système continuent de freiner les gains en santé pour la population et pour les individus. S’il est vrai que tous les Canadiens ont en règle générale un accès égal aux services de santé dont ils ont besoin, ils n’ont pour autant pas le même accès à la bonne santé. L’état de santé n’est pas le même pour tout le monde et de graves inégalités persistent : les Canadiens à faibles revenus ont une plus grande probabilité d’être malades et de mourrir prématurément; les peuples autochtones meurent plus tôt que les autres; les nourrissons et les enfants victimes de négligence ou d’abus courent plus de risques de se blesser, de développer plus tard des problèmes de comportement, des problèmes sociaux et des problèmes d’apprentissage, et aussi de décéder prématurément.5 La santé publique joue aussi un rôle très important en forgeant et en entretenant des alliances efficaces avec d’importants « secteurs qui déterminent la santé » et qui existent en marge du système de santé. Ces derniers sont souvent d’une importance capitale pour mettre au point des politiques publiques favorables à la santé (ainsi qu’à la prospérité et au bien-être des individus). Il s’agit entre autres des politiques économiques et budgétaires, des services sociaux, de l’éducation, de la justice, du logement et du transport. Ici encore, la prévention des maladies et des blessures, ainsi que les mesures de protection et de promotion de la santé, ont fait la preuve de leur importance et de leur rentabilité. Bien 14 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé que les travaux dans ce domaine n’en soient qu’à leurs balbutiements, leurs répercussions potentielles sont très importantes. Par exemple, nous savons que la qualité des soins et la stimulation des enfants d’âge pré-scolaire sont des déterminants-clés du développement sain de l’enfant. En ce qui concerne les revenus, le rapport sommaire d'une récente étude sur l'inégalité des revenus et la mortalité fait apparaître que, si l'on augmentait de 1 % les revenus situés dans la fourchette inférieure, cela aurait pour effet de faire baisser les taux de mortalité de 21 pour 100 000. Ce rapport montre que, du point de vue de la santé publique, cet effet est presque le même que la réduction du taux de mortalité que l'on obtiendrait en éliminant les décès causés par les accidents de la route et par le cancer du sein chez les gens en âge de travailler.1 6.2 Une stratégie de santé publique intégrée à la réforme des services de santé Dans un système de santé plus intégré et plus équilibré, la santé publique au même titre que la prévention des maladies et des blessures, que la protection et la promotion de la santé, et que les politiques publiques favorables à la santé, serait considérée comme un volet d’une importance critique, et les politiques, les programmes et les services de santé publique seraient planifiés, financés et mis en oeuvre en conséquence. En février 1996, le Conseil d’administration de l’ACSP a publié un document de discussion intitulé Priorité à la santé : la santé publique dans la réforme des services de santé. Ce document décrit les principales caractéristiques de la santé publique. ➤ une approche complète qui englobe la prévention des maladies et des blessures, la protection et la promotion de la santé, ainsi que des politiques publiques favorables à la santé, et qui recourt à des stratégies d’autonomisation, d’action sociale, de coopération et de collaboration dans les échanges avec les individus et les collectivités, tant au sein du système de santé que dans les autres secteurs; ➤ une combinaison unique de perspectives, de compétences et de connaissances qui s’appliquent de façons très diverses, avec notamment la surveillance et la lutte contre les maladies, l’appui à la santé des individus dans leurs communautés, la mise sur pied de partenariats intersectoriels et l’action sociale en faveur de la santé du public; ➤ une vaste gamme de services, de programmes et de stratégies allant de l’administration, de la planification et de l’évaluation à la lutte contre les maladies transmissibles et jusqu’à la mobilisation et l’encadrement communautaires; ➤ un groupe pluridisciplinaire de praticiens comprenant des travailleurs des services à l’enfance, des épidémiologistes, des sages-femmes, des médecins, des personnels infirmiers, Association canadienne de santé publique 15 Une once de prévention des inspecteurs en santé publique, des spécialistes de la santé et de la sécurité en milieu de travail, des économistes et des représentants du secteur de la santé communautaire; ➤ un ensemble de maillons reliant les individus, les communautés, le système de santé au sens large, ainsi que d’autres secteurs privés et publics allant des services, des départements, et des autorités sanitaires de district et de région aux collèges et universités, aux gouvernements, aux employeurs, etc. Pour contribuer aux futures initiatives de réforme et de restructuration, le système de santé publique doit s’articuler autour de plusieurs éléments déterminants au coeur du système des soins de santé : ➤ Maintien de la priorité à toute la gamme des facteurs qui influencent la santé; ➤ Renforcement des fondements et des connaissances de la santé publique, à partir d’un consensus sur un ensemble de services et de programmes de santé publique essentiels et responsables; ➤ Plus de moyens d’exercer une pratique pluridisciplinaire et de constituer des alliances; ➤ Un meilleur système de responsabilisation reposant sur de nouveaux indicateurs de l’évolution de la santé qui évaluent les interventions aux plans de la prévention des maladies et des blessures, de la protection et de la promotion de la santé, ainsi que de l’action de la politique publique pour les déterminants de la santé au sens large; ➤ une nouvelle répartition des ressources qui porte sur l’ensemble des services de santé et qui se traduise par un équilibre plus juste du financement de tous les services, et notamment qui garantisse un financement plus important et plus stable de la santé publique, laquelle à l’heure actuelle ne reçoit qu’entre 2 et 4 % de l’ensemble des ressources allouées aux soins de santé; ➤ l’élaboration de structures de direction qui encouragent et renforcent la participation du public au processus décisionnel conjointement à la planification, à la prestation, à la supervision et à l’évaluation des services de soins de santé. 16 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé 7. Conclusions Les gouvernements et les Canadiens en général doivent mettre à profit l’important travail qui a été fait dans les provinces et les territoires ainsi qu’au niveau fédéral pour introduire dans la réforme du système de santé un équilibre hautement nécessaire et bien pesé. On ne parviendra à apporter une solution durable à la crise financière ressentie dans les soins de santé qu’à condition de réfléchir sur tout ce qui nous permet d’être en santé ainsi que sur la vision et le cadre exigés par l’ensemble du système de soins de santé pour le 21e siècle. Dans ce document de discussion, nous pensons que les composantes suivantes sont nécessaires à la mise en place d’un tel système : ➤ un leadership fédéral assorti de la coopération intergouvernementale pour trouver des solutions appropriées aux questions urgentes, de même que pour moderniser le système et pour garantir sa survie dans la durée; ➤ une large vision des soins de santé au 21e siècle qui comprenne un continuum de services intégrés et qui mette l’accent sur la santé de la population et sur toute la gamme des facteurs qui l’influencent; ➤ plus de fonds au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) et la mise au point d’un mécanisme d’indexation pour garantir la stabilité ainsi qu’un financement suffisant et permanent du système de soins de santé; ➤ une participation financière du gouvernement fédéral pour les services non assurés, notamment la santé publique, les soins de santé primaires, ainsi que les soins communautaires et à domicile – autant de services essentiels pour avoir un système de soins de santé complet; ➤ des stratégies pour renforcer la transparence et la responsabilisation dans le financement public des soins de santé, y compris des mesures pour accentuer le partage de l’information et des pratiques exemplaires, le rendement des services et du système dans son ensemble, ainsi que l’information fournie au public concernant les résultats; ➤ des mesures pour renforcer la place de la santé publique et son champ d’application dans le cadre d’un continuum de services de santé, y compris le développement des connaissances et des compétences, des stratégies d’utilisation et de développement des ressources humaines; la mise sur pied d’alliances et la collaboration intersectorielle; la définition Association canadienne de santé publique 17 Une once de prévention d’indicateurs du rendement et des résultats obtenus; et des systèmes de direction communautaires; ➤ des stratégies pour affecter les ressources publiques nécessaires à la santé publique et à la prévention des maladies et des blessures, ainsi qu’aux activités de protection et de promotion de la santé, à partir du budget global des gouvernements; et, ➤ un moratoire sur toute autre privatisation du système de soins de santé du Canada tant que l’on n’aura pas fait une analyse publique de la répartition adéquate entre le public et le privé pour ce qui est du financement et des prestations de services, qui serait souhaitable et viable dans le cadre d’un système de soins de santé renouvelé. 18 Association canadienne de santé publique Renforcer l’équilibre dans le cadre de la réforme des soins de santé Références bibliographiques 1. 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