Brasilia, capitale d`hier, d`aujourd`hui et de demain

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Brasilia, capitale d`hier, d`aujourd`hui et de demain
Brasilia, capitale d’hier,
d’aujourd’hui et de demain
Brasilia, capitale du Brésil. Capitale futuriste
et inattendue. Capitale de toutes les audaces
architecturales et urbanistiques. Capitale de
l’imprévu et de l’imprévisible.
Construction urbaine initiée avec fougue
et détermination en 1956 par le Président Juscelino Kubitschek et inaugurée, dans les délais
annoncés et dans la liesse populaire, le 21 avril
1960. Cité édifiée au milieu du Brésil, projet
ancien et réalisation unique permettant de recentrer le pouvoir politique de façon géostratégique. Evidemment, quitter Rio de Janeiro
pour s’installer à plus de 1000 kilomètres
de ses plages de sable fin, de son ambiance
festive, de ses couleurs, de ses flamboyances,
quelle audace… La volonté et la conviction
furent nécessaires, tout comme bien des incitants, pour attirer au début les habitants, y
compris les diplomates étrangers, vers la terre
rouge de Brasilia. Mais ce fut fait.
Sous l’impulsion du Président Kubitschek,
sous la houlette de la créativité combinée et
débridée de l’urbaniste Lucio Costa, de l’architecte Oscar Niemeyer et du paysagiste
Roberto Burle Marx, une ville est née. Ou
peut-être pas une ville. Car, traditionnellement, classiquement, une ville s’édifie et se
constitue autrement. Brasilia est donc plutôt
une construction urbaine, issue d’une vision
volontariste et directive, résultant de plans et
de planifications.
Aux côtés des noms déjà cités de Juscelino
Kubitschek, Lucio Costa, Oscar Niemeyer et
Roberto Burle Marx, il faut souligner le rôle
considérable des équipes qui les ont entourés
et des dizaines de milliers de travailleurs venus
de tout le Brésil pour édifier cette stupéfiante
capitale. Héros anonymes de cette épopée
aventureuse, ils ont permis à ce songe chimérique de se transformer en réalité magique.
çoise Dorléac, réalisé par Philippe de Broca en
1964. Une petite partie du film se déroule,
comme son titre ne l’indique pas, à Brasilia
encore toute jeune enfant. Quelle très étrange
impression d’immense décor cinématographique quasi-irréel… Il est aisé de comprendre
pourquoi un talentueux réalisateur de cinéma
a souhaité y tourner quelques scènes, au demeurant mémorables.
L’an prochain, le 21 avril 2010, Brasilia
fêtera, dans la joie et l’allégresse, son cinquantième anniversaire. Un demi-siècle,
déjà… Un bel âge… Celui de la maturité, de
la stabilité et de la densité. Sans doute aussi
celui des illusions perdues, des rêves enfuis et
des projets enfouis. Car, bien entendu, rien
n’est parfait. Dès lors, pourquoi le demander
à Brasilia plus qu’à une autre ville ? Brasilia
a évidemment ses imperfections, ses imprécisions et ses omissions, ce qui la rend peut-être
plus humaine. De plus, par rapport aux plans
initiaux, les individus et les circonstances se
sont progressivement accaparés la cité. Mais
les plans ne sont-ils pas faits pour être transformés et adaptés?
Mais rien ne remplace une découverte
directe. Après tant de décennies, la magie est
encore là. Plus que jamais. Pour une première
vision, l’idéal est de la choisir au crépuscule et
de nuit, pour savourer les principaux monuments mis en valeur par des éclairages subtils
et élégants. La ville paraît presque improbable.
Les édifices donnent l’impression de flotter et
de léviter.
Quelle envoutante magie de découvrir
pour la première fois Brasilia, que ce soit par
le biais de photographies, d’un film ou d’un
documentaire. Celles et ceux qui apprécient le
cinéma français des années 1960 auront très
probablement vu le trépidant film « L’homme
de Rio », avec Jean-Paul Belmondo et Fran-
Le Congrès National, avec la coupole du
Sénat et la soucoupe de la Chambre des
Députés, apparaît comme un vaisseau spatial
venant d’atterrir ou se préparant à décoller.
La Cathédrale est comme un feu d’artifice
perpétuel enflammé par de sublimes vitraux.
Le Palais du Planalto, siège des bureaux de la
Présidence, est imposant et aérien.
Le Palais de l’Itamaraty, Ministère des Relations extérieures, est sobre et somptueux.
Face à lui, le Ministère de la Justice est massif
et inspiré.
Non loin de là, à la lisière de la Place des Trois
Pouvoirs, le Tribunal fédéral est majestueux.
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Il y aurait tant d’édifices à mentionner. Mais
il faut certainement mettre en lumière, un peu
à l’écart, au bord du lac, le Palais de l’Alvorada,
Résidence officielle du Président. Architecture
audacieuse et magique, se reflétant et se dédoublant sur un plan d’eau. Mentionnons que ses
célèbres colonnes avaient provoqué l’émerveillement d’André Malraux en 1959. Palais étonnant,
ouvert sur l’extérieur, aquatique et aérien.
Brasilia et son « Plano Piloto » classé au Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO
en 1987. Brasilia dont plusieurs constructions
récentes sont encore imprégnées de ce style
incomparable.
Brasilia était une ville du futur en 1960. De
manière surprenante, elle le demeure aujourd’hui.
Et elle le restera sans doute demain…
Au vu de la stupéfaction que suscite
aujourd’hui encore Brasilia, il est difficile
d’imaginer quelles furent les réactions il y a
50 ans face à une telle audace urbanistique,
à une telle créativité architecturale et à une
telle projection vers le futur. Une ville conçue
à l’origine sans feux de signalisation, remplacés par un subtil et étonnant entrelacs de
ronds-points, de ponts, de tunnels et d’échangeurs routiers. Une ville dont les immeubles
d’habitation n’avaient pas de rez-de-chaussée, auxquels se substituaient des pilotis de
béton, donnant une impression de légèreté
flottante et permettant une mobilité insolite.
Une ville bâtie sur la base d’un plan s’inspirant d’un oiseau ou d’un avion et construite
sur le principe d’une surprenante, mais pour
certains contestable, organisation thématicofonctionnelle.
Un visiteur faisait part à ses amis brasilians
(avec deux « a ») de sa première réaction suite
à sa visite de la ville: « Si, un jour, des extraterrestres devaient arriver sur terre, c’est à
Brasilia qu’ils atterriraient ». Face à leur hilarité, il rajouta : « Et on peut se demander s’ils
ne sont pas déjà là… ». A quoi ses amis lui
répondirent qu’il existait dans la proche banlieue de Brasilia un centre ésotérico-spirituel
qui se prépare à l’arrivée d’éventuels visiteurs
de l’espace…
Bon anniversaire Brasilia !
Professeur Amine Ait-Chaalal
Directeur, Centre d’études des crises
et conflits internationaux (CECRI)
Université catholique de Louvain (UCL)