Solidification d`un matériau à changement de phase (MCP)

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Solidification d`un matériau à changement de phase (MCP)
Solidification d’un matériau à changement de
phase (MCP):
expérimentations
et
approche
phénoménologique
Seyed-Amir BAHRANI1,2, Rémy OSIPIAN1, Kamel AZZOUZ3, André BONTEMPS2,
Laurent ROYON1*
1
Laboratoire Matière Système Complexe, UMR 7057, CNRS,
Univ. Paris Diderot, Paris Sorbonne Cité, F-75013, Paris, France
2
Laboratoire LIED, UMR 8236, CNRS,
Univ. Paris Diderot, Paris Sorbonne Cité, F-75013, Paris, France
3
Valeo Thermique Habitacle, Centre de recherche, 78321 La Verrière, France
*
(auteur correspondant : [email protected])
Résumé - Dans le cadre d'une étude sur la solidification s'une paraffine, on propose une expression
phénoménologique décrivant l'évolution temporelle de la température en un point du matériau. L'un
des temps caractéristiques de l’expression permet d’évaluer la durée complète de la solidification de
l’échantillon de forme parallélépipédique. Une corrélation est proposée dont les paramètres sont
déterminés à l’aide d’un dispositif expérimental.
Nomenclature
a
Cp
E
k
L
T
Fo
Ste
diffusivité thermique, m2.s-1
capacité thermique massique, J.kg-1. K-1
épaisseur, m
conductivité thermique, W.m-1.K-1
chaleur latente, kJ.kg-1
température, K, °C
intervalle de température, K
nombre de Fourier
nombre de Stefan
Symboles grecs
 paramètres sans dimension

fraction massique en polymère


masse volumique, kg.m-3
temps caractéristique, s
température adimensionnée
Indices et exposants
inférieur
supérieur
0
changement de phase
f
final
i
initial
sol solidification
1. Introduction
Le phénomène de solidification occupe une place majeure dans de nombreux procédés
industriels comme ceux liés à la fabrication et à la mise en forme de matériaux ou ceux
exploitant les propriétés de stockage d’énergie thermique de matériaux. La durée complète du
processus s’avère une donnée importante, notamment dans l’optique d’une optimisation du
procédé. Sa connaissance demande cependant de résoudre un problème à frontière libre
problème dit de Stefan, qui n’admet pas de solution analytique lorsque le milieu est de
dimension finie.
Néanmoins, sans avoir à développer une méthode numérique, une évaluation rapide de la
durée complète de solidification peut être obtenue au moyen des différentes approches
analytiques développées pour un milieu semi-infini. Un des pionniers fut Neumann [1] qui, en
1860, proposa une méthode de résolution du problème en géométrie 1D, sans convection dans
la phase liquide pour un matériau initialement à la température de changement de phase.
Considérant des profils de température dans les phases liquide et solide sous la forme de
fonctions erreur (voir [2] pour plus de détail), le bilan thermique à l’interface solide-liquide
permet d’écrire l’équation suivante :
(
)
(1 π )
 1 
e 4 Fo erf 
  Ste
( 2 Fo )
 2 Fo 
1
où Ste 
Cp (TO -T f )
L
représente le nombre de Stefan et Fo 
(1)
at
x2
le nombre de Fourier
dans lesquels intervient la diffusivité thermique, L la chaleur latente de solidification du
matériau, x la position du front dans l’échantillon, T0 la température de solidification et T f la
température imposée à la surface de l’échantillon. La résolution montre que l’avancée du front
est proportionnelle à la racine carrée du temps. La méthode de Neumann fut par la suite
généralisée [2] pour différentes conditions initiales et limites
Dans le cadre d’une étude sur la solidification d’une paraffine, on se propose, de présenter
via une approche phénoménologique, une corrélation permettant d’évaluer la durée complète
de solidification d’un échantillon de matériau de taille finie. Une comparaison avec la solution
de Neumann est proposée afin de mesurer l’écart entre les approches.
2. Matériel et Méthode
Le matériau à changement de phase (MCP) est une paraffine emprisonnée dans une
matrice polymère [3]. Pour des taux supérieurs à 15%, le polymère permet de conférer une
structure solide (état de gel) au matériau même lorsque la paraffine est à l’état liquide. Les
transferts sont par conséquent purement conductifs. La cristallisation du MPC est étalée sur
une gamme comprise entre 24,5°C et 19,5°C comme l’illustre le thermogramme présenté
Figure 1. On note To la température du pic calorimétrique de solidification. La fin de la
solidification apparait à une température voisine de 20°C. Le tableau 1 présente les différentes
valeurs des caractéristiques thermophysiques des trois formulations de MCP étudiées dans le
cadre de ce travail.
Echantillon
To
Cp à 20°C
°C
-1
J.kg K
-1
 à 20°C
-3
kg.m
k à 20°C
W.m-1K-1
L
kJ.kg-1
MCP à 15% en
polymère
22,6
2800
850
0,23
127,5
MCP à 20% en
polymère
22,0
2800
850
0,23
110
MCP à 25% en
polymère
21,8
2800
850
0,23
80
Tableau 1 : Caractéristiques thermophysiques du MCP en fonction de la fraction en polymère.
A noter que la capacité thermique en phase liquide est sensiblement la même qu’en phase liquide.
Figure 1 : Thermogramme du MCP à 15%
L’étude du processus de solidification a été réalisée au moyen du dispositif schématisé
Figure. 2. Il comprend un échantillon de MCP de forme parallélépipédique, de section carrée
de 0,25cm2 et de longueur 1cm, entouré d’une couche isolante de mousse de polyuréthane de
10cm d’épaisseur. La présence de l’isolant permet de considérer les transferts unidirectionnels
au sein de l’échantillon. Une sonde de température (thermocouple type-K d=0,25mm) est
placée sur la face arrière du matériau, au centre de l’échantillon; seule la face avant est en
contact avec le milieu ambiant. L’échantillon est initialement maintenu à une
température Ti  32C pendant 24 heures, puis placé à un temps t  0 dans une enceinte
climatique régulée à différentes températures T f , telles que T f  T0 de manière à développer
un processus de solidification au sein de l’échantillon.
Figure 2 : Schéma du dispositif expérimental
La face en contact avec l’air de l’enceinte climatique est placée, pour l’ensemble des
expériences, dans des conditions de convection naturelle similaires. Chaque expérience est
répétée deux fois.
3. Résultats et Analyse
La Figure 3 présente un exemple de thermogramme d’une phase de solidification. Il
T-T f
présente l’évolution de la température adimensionnée θ 
de la face arrière de
Ti -T f
l’échantillon en fonction du temps. La température décroit fortement dans un premier temps
sur l’intervalle de température (Ti -T0 ) , noté ( T ) , se stabilise ensuite lors du changement de
phase du MCP pour de nouveau décroitre rapidement sur l’intervalle de température (T0 -T f ) ,
noté ( T ) jusqu’à atteindre la température de consigne imposée par l’enceinte climatique
(T  T f ) . Sur cette figure on a noté  0 la température de changement d’état adimensionnée
T0 -T f
. Les deux intervalles de températures précités deviennent  0 et 1   0 . Les
Ti -T f
différents thermogrammes se différencient par la longueur du pseudo-plateau de stabilisation
en température induit par le changement de phase. La durée de ce pseudo-plateau est d’autant
plus grande que la concentration en paraffineest forte et que l’écart de température ( T )
imposé par l’enceinte climatique est faible.
soit θ0 
Pour l’ensemble de nos expériences, on propose de modéliser le thermogramme par une
expression phénoménologique du type :
t
t
  


1   1
t 
2 

  e   1  e
 1  tanh   


2
 3 


 

(2)
dans laquelle apparaissent deux paramètres  et  et trois temps caractéristiques  1 ,  2 et  3
que l’on peut directement relier aux variations de chaleur sensible pour les deux premiers et à
la chaleur latente pour le dernier. La Figure 3 montre le bon accord obtenu entre les données
expérimentales et l’expression (2).
1  O
O
Figure 3 : Thermogramme d’une phase de solidification
Une analyse de l’ensemble des données au moyen de l’expression (2) montre que le jeu de
paramètres (  2 ,  demeure constant pour les différentes expérimentations réalisées sur les 3
échantillons de matériau, ce qui signifie qu’ils sont à la fois indépendants de la chaleur latente
L et de l’intervalle de température ( T ) . Ils peuvent néanmoins dépendre du coefficient
d’échange convectif. Ces deux paramètres (  2 ,  qui caractérisent la chaleur sensible
échangée sur l’intervalle de température ( T ) , prennent les valeurs respectivement égales à
 2  1,4 mn et   2,5 .L'influence de l’intervalle de température ( T ) sur ces 2
paramètres n’a pas été étudiée lors de cette campagne d’expériences. Il en est de même pour
l’influence de la convection imposée à la surface du matériau.
Les variations du temps caractéristique  1 et de l’inverse du paramètre  sont présentés
Figure 4 en fonction de l’intervalle de température ( T ) . Ces deux paramètres présentent une
dépendance de la forme :
 1  5,6 ΔT 1 / 3
1

 3,6 ΔT 1 / 3
(3)
Ils sont relatifs à la chaleur sensible échangée sur l’intervalle de température ( T ) par le
matériau.
Figure 4 : Variation de  1 et
1
en fonction de l’intervalle de température ( T ) .

Le temps caractéristique  3 est le principal paramètre qui affecte la longueur du pseudopalier de changement de phase. Il montre une forte dépendance avec la chaleur latente du
matériau et l’intervalle de température ( T ) . On peut corréler ce temps  3 au temps
correspondant à la fin du changement de phase défini lorsque la température atteint la valeur
de Tendset . La valeur de Tendset a été évaluée lors de l’étude calorimétrique (voir figure 1). La
figure 5 compare le temps  3 et le temps t sol correspondant à la fin du changement de phase
soit lorsque T  Tendset . On remarque une relation linéaire entre ces deux temps
caractéristiques.
Figure 5: Durée de solidification t sol en fonction de  3
En prenant comme échelle de temps le groupement ( E 2 a ) , on définit une durée de
solidification adimensionnelle à partir du nombre de Fourier Fo sol sous la forme :
Fo sol 
La Figure 6 présente les variations de Fo sol 
l’expression Ste 
CpT
.
L
tsola
E2
(4)
tsola
en fonction du nombre de Stefan défini par
E2
Figure 6 : variation de Fo sol en fonction de Ste
Les données expérimentales montrent une décroissance de la durée Fo sol avec le nombre
de Stefan. On peut observer que la pente est plus prononcée pour les faibles Ste que pour les
forts Ste ce qui signifie qu’une modification de température en surface affecte plus fortement
la durée de solidification d’un matériau de forte chaleur latente qu’un matériau de faible
chaleur latente. En reprenant l’équation (1) pour x  E , on obtient :
2
1
(
)

π
1
4 Fosol
e
erf 
 2 Fo
Fo sol
sol


  Ste


(5)
permettant de présenter la solution analytique sur la Figure 6. On observe un bon accord avec
les données expérimentales. La dépendance de la durée Fosol avec le nombre de Stefan Ste se
traduit par une expression empirique de la forme :
Fosol  1  0,4Ste 1
(6)
Ce résultat est similaire aux expressions proposées par Charach & Zoglin [4] dans le
développement d’une modélisation qui combine la méthode du bilan intégral et la théorie de
perturbation variable dans le temps. Ce type d’expression avec dépendance en Ste 1 a
également été obtenu pour une solidification en géométrie cylindrique pour plusieurs types de
conditions aux limites [5-8].
4. Conclusion
Pour pouvoir optimiser simplement la quantité de matériau à changement de phase dans
des systèmes de stockage d’énergie thermique parallélépipédiques on a établi une relation
analytique basée sur une série d’expériences. Ces expériences ont été menées dans les mêmes
conditions sur trois composites polymère – paraffine présentant des chaleurs latentes
différentes. Les variations de température mettent en évidence trois zones : une décroissance
due à la variation de chaleur sensible du MCP liquide, un pseudo-palier de solidification et
une décroissance due à la variation de chaleur sensible du MCP solide. La relation obtenue,
qui tient compte des trois zones fait intervenir deux coefficients  et  ainsi que trois temps
caractéristiques  1 ,  2 et  3 . De la comparaison de cette relation avec les résultats
expérimentaux on a montré que le couple   ,  2 était constant et on a déterminé la
dépendance de  1 et de 1  avec l’écart de température T  T0  T f . Le temps  3 est
directement relié à la durée complète de solidification du matériau au travers d’une relation
linéaire.
Les résultats expérimentaux concernant le pseudo-palier de solidification sont en accord
avec ceux obtenus à l’aide du modèle classique de Neumann validant ainsi l’hypothèse d’un
transfert essentiellement unidirectionnel.
D’autres expériences sont en cours avec des composites utilisant d’autres types de
matériaux à changement de phase. Une approche similaire est également en développement
pour la phase de stockage.
Références
[1] F. Neumann, in Die partiellen differentialgleichungen der mathematischen physik, RiemannWeber, 5th Edition, 2 (1912) 117 – 121.
[2] H. S. Carslaw, J.C. Jeager, Conduction of Heat in Solids, Oxford University Press, Chap. 11,
(1959).
[3] L. Karim, P. Barberon, P. Gegout, L. Royon, New phase-change material components for
thermal management of the light weight envelope of buildings , Energy & Buildings, 68 - Part B
(2014), 703-706.
[4] Ch. Charach, P. Zoglin, Solidification in a finite, initially overheated slab, Int. J. Heat Mass
Transfer, 28 -12 (1985), 2261-2268.
[5] A.D. Solomon, Melt time and heat flux for a simple PCM body. Solar Energy, 22 (1979), 251–
257.
[6] V. Voller, M. Cross, Accurate solutions of moving boundary problems using the enthalpy
method. Int. J. Heat Mass Transfer, 24 - 3 (1981), 545–556.
[7] A.Hasan, Phase change material energy storage system employing palmitic acid. Solar Energy,
52(2) (1994), 143-154.
[8] D.S. Riley, F.T. Smith, G. Poots, The inward solidification of spheres and circular cylinders. Int.
J. Heat Mass Transfer, 17 (1974), 1507–1516.
Remerciements
Les auteurs remercient la région Île de France pour le financement de cette étude dans le
cadre du projet FUI VEGETO.

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