Si le rideau opaque était à l`horizontale

Semaine 145
Si le rideau opaque était à l’horizontale
Une salle de classe.
Une enseignante est face au public, à son bureau, face à ses élèves, dont on ne voit que les dos. Les élèves écrivent, et
… pensent. C’est ce qu’elle espère.
Elle se met à déambuler.
Elève 1 : Les élèves ont un pupitre. Elle est la professeure, assignée au bureau de la professeure.
C’est à ça qu’on la reconnaît, à ses rides aussi. A sa jupe qui frôlera toujours ses genoux.
Elève 2 : Elle est seule contre tous. S’ils se rebellent, ils feront d’elle une bouchée.
Silence.
Ils n’auront pas cette idée ce matin. Ils ne l’ont jamais.
Elève 3 : Elle patrouille dans les rangs parce qu’elle est censée détenir la connaissance et
surveiller.
Elève 4 : Elle est un peu déçue, elle aurait tant aimé que sa consigne ouvre de vastes possibles.
C’est peut-être sa fauauauaute.
Elève 5 : Claquement de martinet.
Elève 6 : Craquement du plancher.
Elève 7 : Elle glisse, comme dans la chambre de son enfant, la nuit. C’est léger, c’est gracieux, elle
a l’air à l’aise…
Elève 8 : Suspension du souffle…
Elève 9 : Trop grande pesanteur du corps.
Elève 10 : Chuuuuuut !
Elève 11 : Il s’est rendormi ?
Elève 12 : Raté !
Elève 13 : Elle repense à ce père, portant un t-shirt rose à palmiers, imprimé à Kos. Débarqué à
Buchs. Un bébé aux cheveux de jais dans les bras.
Elève 14 : Et de cette bannière brandie par trois jeunes Refugees welcome here.
Elève 15 : Vol de martinets dans l’air doré.
Elève 16 : Le rideau opaque est à l’horizontale.
Elève 17 : La fenêtre entr’ouverte vient de heurter l’élève-hôte, au dernier rang.
Elle ferme la fenêtre.
Elle : Voilà, je vous ai demandé de vous présenter à travers un lieu auquel vous vous identifiez.
Valérie Torrent