Les chausse-trappes de la sortie de crise

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Les chausse-trappes de la sortie de crise
JUILLET 2014 // N°72
Les chausse-trappes
de la sortie de crise
PAR DIDIER SAINT-GEORGES
Membre du comité d'investissement
D
ans l'ensemble du monde développé
en crise, les Banques Centrales ont
su prendre leurs responsabilités, voire davantage, en s'emparant du rôle laissé vacant par des Etats surendettés de grand
horloger des destinées économiques des
pays. Même la Banque Centrale Européenne, sous la baguette de Mario Draghi, est devenue le principal garant auprès des investisseurs de la poursuite du
redressement européen, alors même que
sa mission première d'assurer une hausse
des prix "inférieure mais proche de 2%",
est pour l'instant loin d'être remplie. Il fallait certainement avoir le courage d'oser
des politiques "non-conventionnelles".
Mais la preuve de la bravoure étant faite,
nos hérauts vont devoir affronter des défis bien plus compliqués désormais : la
Fed va devoir doser sa politique monétaire entre ce que réclame aujourd'hui
une économie encore très vacillante et
ce que nécessitera bientôt le cycle de remontée de l'inflation. La BCE devra pas-
« Le chemin devient
étroit entre risque de
déception économique
et marge de manœuvre
des banques centrales »
ser de la phase des paroles rassurantes
et des liquidités sans limite apportées aux
banques, à celle d’un soutien effectif à
une économie réelle européenne enlisée
dans les pressions déflationnistes du désendettement. Les Banques Centrales
La forme de la reprise économique aux Etats-Unis et en Europe
PIB
Cycle normal
Creux
Creux
du cycle du cycle
T2 2013
T1 2014
US
Zone euro
Temps
vont devoir relever un nouveau défi et les
marchés pourraient entrer dans une période nouvelle d’incertitude.
Les chiffres du ralentissement économique américain au premier trimestre
2014 sont spectaculaires. Contre toute
attente (voir notre Note de janvier « 2014
ou les défis de la grande normalisation
»), le rythme de développement s’est brutalement enrayé, le PIB de la première
économie du monde s’effondrant, selon
la dernière révision en date des statistiques, de 2,9%. Pourtant ce n’est pas
cet affaissement qui est en soit particulièrement préoccupant. Car il repose en
grande partie sur la coïncidence malheureuse de plusieurs facteurs exceptionnels,
tels qu’une météo hors-norme, un violent
mouvement de déstockage et l’expiration
de programmes de prestations sociales.
Ce qu’il confirme en revanche c’est le
degré de vulnérabilité d’une économie
en convalescence à des chocs externes.
Ne perdons jamais de vue que, sous le
poids du désendettement, cette sortie de
crise sera inévitablement lente et fragile.
L’un des écueils principaux à venir pour
le rythme général de la croissance américaine nous est révélé par l’analyse des
prix à la consommation.
Selon nos estimations, la hausse des
prix déjà constatée aux Etats-Unis se
concentre principalement sur les biens de
consommation courante, en hausse de
3,1% en glissement annuel, tandis que
les prix des biens de consommation discrétionnaires sont en décélération (+0,5%
en glissement). Autrement dit, il s’agit aux
Etats-Unis de « mauvaise inflation ». Elle
n’est pas provoquée par une vigueur de la
demande qu’alimenterait une croissance
des revenus. Elle se produit en l’absence
de toute augmentation des salaires, et
provient plutôt d’entreprises qui tentent de
compenser la faiblesse de leurs volumes
d’affaires en augmentant leurs tarifs sur
les produits dont l’élasticité-prix est faible.
S’il se confirme, ce phénomène constitue
donc un risque bien plus important pour la
croissance que pour la tendance des prix
à long terme. Car une hausse des prix
des biens de première nécessité dans un
environnement de croissance faible est
« Le grand soir de la
rotation brutale des
obligations vers les
actions n’est pas pour
tout de suite »
récessive, en mordant dans le pouvoir
d’achat des ménages. Il est à cet égard
assez éclairant d’observer que le rythme
de la consommation aux Etats-Unis s’annonce très médiocre pour le second trimestre, après une baisse de -0,2% en
avril et -0,1% en mai. Ce scénario laisse
ainsi présager une croissance incapable
d’accélérer et entrecoupée néanmoins de
poussées inflationnistes de courte durée.
Une telle perspective constitue clairement
un défi supplémentaire pour Janet Yellen
dans son ambition de normaliser dès que
possible sa politique monétaire.
Un tel scénario constitue également une
perspective malvenue pour l'économie
de la zone euro, dont la faiblesse de la
croissance la rend encore bien plus vulnérable que l’économie américaine à un
choc externe. Les interventions de Mario
Draghi ont permis à la confiance des investisseurs de revenir, et ainsi de produire
une progression spectaculaire du prix des
actifs financiers, actions comme obligations. Mais l’économie réelle demeure enlisée dans les conséquences de la crise
de crédit des quatre dernières années et
du surendettement des Etats. Il faudra encore de nombreux trimestres avant que la
mise à niveau du bilan des banques et les
liquidités offertes par la BCE rencontrent
une demande de crédit suffisante de la
part des entreprises, pour que se confirme
l’amorce d’une reprise domestique. En attendant, l’économie européenne a besoin
d’une demande externe soutenue, qu’un
ralentissement de la croissance américaine décapiterait.
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Carmignac's Note - Juillet 2014
Bien entendu, il est possible que cette
fois encore, l’équilibre entre croissance
molle, inflation modérée et soutien des
banquiers centraux, procure aux marchés
suffisamment de confort pour qu’ils continuent quelques temps leurs progressions.
La confiance dans l’omnipotence des
banquiers centraux a été bonne conseillère depuis quelques années. Mais il nous
semble important d’être lucide sur deux
choses. D’abord le chemin devient étroit
entre risque de déception macro-économique et marge de manœuvre des
Banques Centrales. Le pilotage par les
banquiers centraux va devenir de plus
en plus délicat et les risques de sortie de
route plus fréquents. Ensuite, le risque
qu’une poussée inflationniste aux EtatsUnis, fût-elle temporaire, ralentisse encore
la trajectoire de croissance de l’économie
américaine amène à une allocation d’actifs contre-intuitive : ce sont les marchés
actions, notamment en zone euro qui
pourraient s’avérer les plus vulnérables à
une hausse de l’inflation, davantage que
les marchés de taux. Le grand soir de la
rotation brutale des obligations vers les
actions n’est pas pour tout de suite.
Dans une économie mondiale globalisée,
une nouvelle déception sur le rythme de
la croissance occidentale ne saurait épargner le reste du monde. Mais reconnaissons que certains pays présentent l’avantage aujourd’hui d’une dynamique propre,
moins esclave qu’autrefois du rythme de
croissance des pays développés. C’est le
cas de la Chine, dont le niveau d’activité est aujourd’hui stabilisé, tandis que les
réformes de structure avancent. C’est le
cas aussi de l’Inde, que son nouveau Premier Ministre Narandra Modi est en train
de positionner sur une trajectoire de crois-
« L’économie
européenne a besoin
d’une demande externe
soutenue. »
sance endémique. C’est encore, dans
une certaine mesure, le cas du Japon,
où la première flèche du soutien monétaire décochée l’an passé fait désormais
place à une reprise qui sera soutenue
par l’augmentation des investissements
et des revenus salariaux. Par ailleurs,
certaines entreprises, souvent des leaders mondiaux dans leurs secteurs, sont
bien armées pour continuer d’afficher des
croissances de résultats solides dans
un contexte atone. Nos constructions de
portefeuille, très équilibrées géographiquement et où dominent les entreprises
capables de traverser le cycle sur leurs
mérites propres, reflètent cette analyse.
Tactiquement, nous pourrions par ailleurs
être amenés à compléter notre dispositif
de gestion des risques en ajustant nos niveaux d’exposition aux marchés actions,
si nos anticipations se confirmaient.
Achevé de rédiger le 02/07/2014
STRATéGIE D'INVESTISSEMENT
LES DEVISES
Les
déclarations
de Janet Yellen
confirmant
le
maintien
d’une
politique de taux
bas aux Etats-Unis longtemps après la fin
du programme de réduction des achats
d’actifs de la Fed ont temporairement
pesé sur le dollar en milieu de mois. La
normalisation progressive de la politique
monétaire américaine sur fond de remontée graduelle de l’inflation devrait
toutefois fournir à terme un support au
dollar. Le billet vert et le yen japonais (sur
lesquels nous avons commencé à nous
repositionner au cours du mois de mai)
équilibrent ainsi les risques dans notre
construction de portefeuille de par leur
statut de monnaie refuge. En fin de mois
notre allocation devise continue ainsi de
privilégier le dollar américain avec 55%
d’exposition dans Carmignac Patrimoine
et 60% dans Carmignac Investissement.
LES TAUX
Les taux souverains
européens ont prolongé leur mouvement de baisse au
cours du mois.
L’ensemble des mesures annoncées début juin par Mario Draghi (baisse des taux,
nouveau programme d’injections de liquidités TLTRO destiné à soutenir le crédit à
l’économie, fin de la stérilisation des
achats d’obligations souveraines périphériques dans la cadre du programme OMT
et annonce de l’intensification des travaux
préparatoires en vue du rachat d’actifs titrisés) ont positivement surpris les marchés
et permis à l’ensemble des marchés de
taux européens de rester bien orienté malgré les doutes sur la croissance et donc le
désendettement des Etats. Nos positions
sur les obligations souveraines périphériques et sur les obligations privées bancaires européennes ont profité de ce mouvement. Nous en avons profité pour
prendre une partie de nos profits sur les
obligations souveraines d’Europe du sud
dans un contexte de réduction globale du
risque de nos portefeuilles. En fin de mois
les sensibilités de nos Fonds se sont établies respectivement à +1,6 pour Carmignac Patrimoine, +1,8 pour Camignac
Portfolio Emerging Patrimoine, +0,1 pour
Carmignac Portfolio Global Bond, +1,5
pour Carmignac Sécurité et -0,5 pour Carmignac Portfolio Capital Plus.
LES ACTIONS
Encouragés par l’attitude
accommodante des banques
centrales, les marchés actions mondiaux ont connu un nouveau mois de
hausse, les marchés émergents comme le
Brésil ou l’Inde bénéficiant particulièrement de l’environnement favorable en matière de liquidités. On notera toutefois une
divergence des marchés européens qui se
sont inscrits en légère baisse à l’inverse du
reste du monde. Cela n’a pas empêché la
stratégie actions globales de Carmignac
Investissement de progresser de près de
2% sur le mois écoulé. Cette hausse des
actions mondiales intervient toutefois sur
fond de perspectives économiques toujours en demi-teinte, ce qui nous conforte
dans notre stratégie de recherche de sociétés capables de faire croître leurs résultats indépendamment du cycle économique. Au cours du mois nous nous
sommes ainsi repositionnés sur une sélection de banques européennes qui bénéficient de la baisse des coûts de financement et la poursuite de leurs efforts de
restructuration. Nous avons également
renforcé nos valeurs positionnées sur des
thématiques de croissance structurelle
comme la valeur de biotechnologie Celgene. Nous avons enfin acté le risque que
représente pour l’économie mondiale la
hausse des prix des biens de première
nécessité dans un contexte de croissance
faible aux Etats-Unis, en réduisant tactiquement notre exposition actions. Celle-ci
s’établit désormais à 39% pour Carmignac
Patrimoine, 34% pour Carmignac Portfolio
Emerging Patrimoine et 90% pour Carmignac Investissement.
LES matières
premières
Carmignac Portfolio
Commodities a enregistré un nouveau
mois de performance solide, portant sa performance totale depuis le début de l’année au-delà de
+10%. Le Fonds est resté concentré sur
l’identification de valeurs énergétiques
présentant des profils de génération de
cash-flows attractifs à long terme, quels
que soient les développements géopolitiques récents en Irak. Au cours du mois
nous avons également bâti une position
sur la société Monsanto. Ce leader mondial des semences et traitements des récoltes offre en effet le profil de croissance
profitable de long terme que nous recherchons.
FONDS de
fonds
Nos
Fonds
de
Fonds ont enregistré une performance
positive sur le mois.
Nous avons décidé en fin de mois de réduire partiellement notre exposition actions
après le beau parcours enregistré par les
marchés actions mondiaux depuis le début
de l’année. Cette hausse étant survenue
dans un contexte de croissance économique mondiale toujours très modérée,
nous considérons que le couple rendement-risque des actifs risqués est moins
favorable qu’en début d’année. Nous
avons en conséquence ajusté à la baisse
les expositions actions de Carmignac Profil Réactif 100, 75 et 50 qui s’établissent
respectivement à 60%, 42% et 29%. L’exposition actions de Carmignac Investissement Latitude est quant à elle de 68%.
PERFORMANCES DES FONDS
Valeur liquidative
Carmignac Investissement A EUR acc
MSCI AC World NR (Eur)
Carmignac Portfolio Grande Europe A EUR acc
Stoxx 600 NR (Eur)
Carmignac Euro-Entrepreneurs A EUR acc
Stoxx 200 Small NR NR (Eur)
Carmignac Emergents A EUR acc
MSCI Emerging Markets NR (Eur)
Carmignac Portfolio Emerging Discovery A EUR acc
50% MSCI EM SmallCaps NR (Eur) + 50% MSCI EM MidCaps NR (Eur)
Carmignac Portfolio Commodities A EUR acc
Indicateur Carmignac Commodities*
Carmignac Patrimoine A EUR acc
50% MSCI AC World NR (Eur) + 50% Citigroup WGBI (Eur)
Carmignac Portfolio Emerging Patrimoine A EUR acc
50% MSCI EM NR (Eur) + 50% JP Morgan GBI EM Global diversified
Carmignac Euro-Patrimoine A EUR acc
50% EuroStoxx 50 NR (Eur) + 50% Eonia Capitalisé
Carmignac Investissement Latitude A EUR acc
MSCI AC World NR (Eur)
Carmignac Profil Réactif 100 A EUR acc
MSCI AC World NR (Eur)
Carmignac Profil Réactif 75 A EUR acc
75% MSCI AC World NR (Eur) + 25% Citigroup WGBI (Eur)
Carmignac Profil Réactif 50 A EUR acc
50% MSCI AC World NR (Eur) + 50% Citigroup WGBI (Eur)
Carmignac Portfolio Global Bond A EUR acc
JP Morgan Global Government Bond (Eur)
Carmignac Securité A EUR acc
Euro MTS 1-3 ans
Carmignac Portfolio Capital Plus A EUR acc
Eonia Capitalisé
Carmignac Court Terme A EUR acc
Eonia Capitalisé
1 008,80
170,58
267,33
739,24
1 176,85
296,98
581,31
101,73
315,72
243,61
177,21
197,45
165,95
1 163,06
1 700,72
1 159,22
3 765,06
2014
1 an
3 ans
5 ans
0,04%
6,86%
8,54%
6,19%
12,03%
5,09%
4,25%
6,82%
9,45%
8,38%
11,71%
8,48%
1,93%
6,28%
4,92%
6,76%
3,88%
3,05%
-3,34%
6,86%
-0,85%
6,86%
-0,29%
6,57%
1,15%
6,28%
6,88%
5,72%
1,96%
1,33%
1,58%
0,10%
0,12%
0,10%
10,87%
16,73%
21,22%
23,24%
34,20%
27,97%
7,87%
8,53%
7,45%
8,15%
17,69%
18,93%
6,41%
9,47%
1,34%
3,54%
6,63%
13,56%
2,98%
16,73%
2,47%
16,73%
1,32%
13,18%
1,23%
9,47%
5,42%
1,11%
4,22%
2,54%
3,23%
0,15%
0,23%
0,15%
22,35%
37,24%
27,87%
31,47%
55,23%
33,90%
8,47%
0,77%
14,57%
1,07%
-15,76%
-1,74%
15,74%
24,93%
1,84%
5,59%
17,48%
10,96%
18,09%
37,24%
18,18%
37,24%
15,60%
31,33%
12,17%
24,93%
24,59%
11,06%
10,14%
8,33%
10,74%
0,88%
1,27%
0,88%
50,75%
85,31%
63,36%
74,29%
104,15%
104,90%
62,03%
46,79%
65,86%
57,22%
37,02%
40,56%
25,50%
53,46%
31,25%
22,05%
36,43%
85,31%
38,67%
85,31%
28,74%
69,39%
19,51%
53,46%
18,57%
23,46%
17,54%
10,55%
14,02%
1,94%
2,31%
1,94%
* 45% MSCI ACWF Oil and Gaz NR (Eur), 5% MSCI ACWF Energy Equipment NR (Eur), 40% MSCI ACWF Metal and Mining NR (Eur), 5% MSCI ACWF Paper and
Forest NR (Eur) et 5% MSCI ACWI Chemicals NR (Eur) depuis le 01/07/2013. Rebalancé annuellement depuis le 01/01/2012.
Source : Carmignac Gestion au 30/06/2014.
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fr et sur simple demande auprès de la Société de Gestion. Les DICI doivent être remis au souscripteur préalablement à la souscription.
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Carmignac Gestion, Société de de portefeuille (agrément AMF n° GP 97-08 du
13/03/1997) SA au capital de 15 000 000 € - RCS Paris B 349 501 676
Carmignac Gestion Luxembourg, Filiale de Carmignac Gestion, Société de gestion
d’OPCVM (agrément CSSF du 10/06/2013) SA au capital de 3 000 000 €
- RC Luxembourg B67549.

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