Les tableaux russes - Musée d`art moderne et contemporain de

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Les tableaux russes - Musée d`art moderne et contemporain de
G e o r g
B A S E L I T Z
Les tableaux russes
Exposition du 9 février au 22 avril 2007
Musée d’art moderne, Saint-Étienne Métropole
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B A S E L I T Z
Les tableaux russes
L’œuvre de Georg Baselitz est largement reconnue dans l’histoire de l’art du XXe
siècle. Ce grand maître de la peinture a été l’un des chefs de file de la nouvelle
peinture expressionniste allemande des années 1980, accompagné alors
d’Immendorf, Penck ou Lupertz (visibles dans les salles consacrées aux
collections permanentes du Musée).
L’expressionnisme a traversé le siècle, en
commençant par celui des fauves (Derain,
Vlaminck...), les expressionnistes allemands des
années 1910 (Nolde, Kandinsky…), l’expressionnisme abtrait américain des année 1950-60 (De
Kooning, Gorky...). Cet ensemble de courants
manifeste une volonté d’aller au-delà de la stricte
représentation d’une figure, d’une forme, pour se
tourner vers la possible incarnation, au travers
d’un style pictural, de sentiments propres à
une individualité. Le contexte des années 1980
est celui d’un certain retour à la figuration et à
l’expressivité parfois exagérée, après une
certaine domination de l’art conceptuel ou
minimaliste sur la scène internationale. Ce retour
à la figuration est notable dans différents pays
européens : la Figuration narrative en France
(Monory, Rancillac…), la Trans-avant-garde
en Italie (Francesco Clemente, Enzo Cucchi,
Sandro Chia…), et le Nouvel expressionnisme
en Allemagne.
Victory day in Berlin - 1999
Ce qui distingue Baselitz dans ce mouvement plus large, au-delà d’une touche
très libre, c’est sans doute le renversement des figures. Ce subterfuge permet de
rassembler en un geste les contradictions internes qui hantent le peintre face à
la peinture et à son histoire. Que peindre sinon le motif ? Mais que peut être le
motif si ce n’est un prétexte à l’art du peintre ? La figure renversée renforce une
identification immédiate à un modèle ancestral tout en insinuant un décalage
nécessaire pour un nouveau regard. La peinture peut alors être regardée pour ce
qu’elle est : une touche, de la couleur, une composition, et un motif. Les éléments
sont distingués d’emblée tant leur association semble anti-naturelle.
La série des Tableaux russes constitue dans l’œuvre de Baselitz un ensemble très
personnel, teinté d’une certaine mélancolie. L’artiste est né en 1938, et a vécu en
ex-RDA jusqu’en 1958. Le modèle artistique, dans les années qui ont été celles de
ses premières formations artistiques, était celui de la peinture réaliste soviétique,
telle qu’elle a pu être exposée en 1953 à Berlin puis Dresde, lors d’une exposition
consacrée à l’Art russe soviétique et pré-révolutionnaire. La référence à la peinturemodèle de cette époque est évidente dans les œuvres de cette série peinte par
Baselitz cinquante ans plus tard : certains titres renvoient explicitement à des œuvres
précises – à chaque fois qu’une indication entre parenthèses suit le titre, il s’agit du
nom d’un peintre de ce courant réaliste soviétique dont le tableau s’inspire. Ainsi,
c’est comme si Baselitz se replongeait dans l’univers de son adolescence, tout en
poursuivant sa réflexion sur l’art pictural, son bien-fondé et ses limites : prenant
pour modèle une peinture fortement marquée par son style, il est d’autant plus
facile pour lui de jouer, de s’amuser à déconstruire, recomposer, réinterpréter pour
donner une nouvelle force à ces histoires. Ces modèles d’une époque, reconnus
pour leur universalisme collectiviste, sont devenus les sujets réappropriés et
réinterprétés par l’individu artiste, modulant plusieurs versions à partir d’un même
thème – Stunde der Nachtigall (L’heure du rossignol) se décline en quatre temps,
Lénine à Smolny existe en deux versions, Victory day in Berlin également…
Stunde der Nachtigall VII - 1998
Stunde der Nachtigall VI - 1998
Wo ist der doktor - 2000
Das parteikommitee der Fabrik
(Lukomsky) - 1999
Dans cette importante série qui a occupé les
dernières années du peintre (les toiles présentées
ont toutes été peintes entre 1998 et 2001),
plusieurs ensembles peuvent être distingués :
les peintures de guerre (In the name of Life) ; les
figures historiques politiques (Die Mexikanische
Revolution II, Lenin on the tribune,…) ; les
scènes paysannes ou ouvrières (Russentanz, Das
parteikommitee der Fabrik (Lukomsky), ou plus
triviales (Wo ist der doktor, Ilich’s lightbulb). Tous
ces thèmes constituent les catégories propres à la
peinture académique du XVIIe (peinture de genre,
portrait, paysage, peinture d’histoire). Et le peintre
se joue de l’histoire de l’art en reprenant ces
catégories fondatrices de l’académisme de son
art, dans des styles évocateurs des grands
courants qui ont traversé l’histoire de l’art,
tels que le pointillisme. Pourtant, tout l’art de
Baselitz consiste à transformer ces codes
académiques en des modèles de liberté.
Portrat des mitglieds der akademie
(M.Nesterow) - 1999
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B A S E L I T Z
Les tableaux russes
C’est en effet ce sentiment de fraîcheur et de grande liberté qui domine lorsqu’on
regarde ces œuvres d’un septuagénaire génial. Face au style, à l’histoire de son
art et à l’histoire de son pays, Baselitz dévoile en effet une nouvelle approche de la
peinture historique – genre plutôt délaissé dans l’ère contemporaine des quarante
dernières années, tout en se basant sur des modèles très chargés de références
«datées» qui pourraient sembler largement dépassées. Le maître se joue des risques
et du poids des références pour affirmer la plus grande des libertés du peintre et
du créateur. La légèreté de la touche et des couleurs, l’inversion ou le basculement
des figures dans la composition, l’utilisation de l’aquarelle, l’impression d’esquisse
révélée par la fluidité du trait font de ces œuvres une nouvelle création, à-même
de raconter de nouvelles histoires, autrement, dans une forme de discours apaisée
et renouvelée qui intègre les modèles historiques et artistiques pour les mettre sur
un même plan : celui des codes et des références à déjouer et à réinterpréter en
permanence.
Lenine on the tribune
(A. M. Gerasimov) - 1999
L
« es contenus ne diminuent pas, ils augmentent. Les références ne sont pas effacées
mais multipliées. Les valeurs ne sont pas exterminées, mais replacées dans de nouveaux
contextes. Les anciens récits picturaux, qui reflétaient des conventions culturelles, sont
confrontés à de nouvelles histoires. […] Il en résulte une complexité subversive qui rend les
peintures de Baselitz vivantes, directement accessibles, puissantes et riches en émotion.»
L. Hegyi, Catalogue de l’exposition.
L
« ’ objet et les motifs sont inversés, pas le tableau lui-même. La potentialité des motifs,
ce qui est reconnaissable sur la toile, je n’en ai pas besoin. […] Le fait de renverser le
motif dans le tableau m’a donné la liberté de me confronter à des problèmes picturaux.»
Entretien G. Baselitz / Ulrich Weisner, 1985, cité dans le catalogue de l’exposition.
Georg Baselitz - Les tableaux russes
Commissariat Lóránd Hegyi
Catalogue : Textes de Lóránd Hegyi et Robert Fleck
20 ans d’art
allemand
(Collection permanente)
PHOTO
(Collection permanente)
Crédit images : Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac
Baselitz
Badiola
Musée d’art moderne - La Terrasse - BP 80241
42006 Saint-Étienne Cedex 1
Tél. : 04 77 79 52 52 - [email protected]
Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h sauf le mardi
Web : http://www.mam-st-etienne.fr
Soif d’aujourd’hui
Jeunes vidéastes asiatiques
Cabinet d’art graphique
1er étage
Bulle 6 coques de B. Maneval
Conception et design graphique : Musée d’art moderne, Saint-Étienne Métropole - Visuel de couverture : Nacht der shlach II, Georg Baselitz
In the name of life II - 1998