Edgar Paillettes

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Edgar Paillettes
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Simon boulerice
Edgar
Paillettes
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GULLIVER
Collection dirigée par
Stéphanie Durand
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Edgar
Paillettes
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Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice
Révision linguistique : Eve Patenaude et Chantale Landry
Mise en pages : André Vallée – Atelier typo Jane
Conception graphique : Sara Tétreault
Illustration en couverture : Anouk Noël
Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3e étage
Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par
l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an
dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art
dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition
de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales
du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Boulerice, Simon
Edgar Paillettes
(Gulliver ; 200)
Pour les jeunes de 9 ans et plus.
ISBN 978-2-7644-1224-4 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-1247-3 (PDF)
ISBN 978-2-7644-1248-0 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Gulliver jeunesse ; 200.
PS8603.O937E33 2014
jC843'.6
C2013-942221-8
PS9603.O937E33 2014
Dépôt légal : 1er trimestre 2014
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2014.
quebec-amerique.com
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Simon boulerice
Edgar
Paillettes
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À la lumineuse Caroline Guyot,
à mes amis lillois
et à Edgar Demagondeau, naturellement.
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« Maintenant j’ai des bijoux. C’est lui qui
me les donne. Il me les offre dans une petite
boîte et quand j’ouvre la boîte, je crie. Je
crois que c’est ce qu’il faut faire. Il les choisit
toujours bien dorés. Et ça me fait briller. Je
brille de tous mes feux et lui, il me reconnaît
toujours grâce aux bijoux, même le soir
quand il est fatigué et qu’il fait noir. »
Sylvie Laliberté, Je suis formidable mais cela
ne dure jamais très longtemps
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chapitre 1
Ce matin, Edgar est un cowboy. Il porte
un chapeau western, une veste en suède
complètement usée et les fameuses
bottes en cuir d’un vrai cowboy. Ce n’est
pourtant pas l’Halloween. Mais c’est tout
comme. Nous sommes le 21 octobre et,
pour Edgar, c’est l’Halloween. Pour lui,
et seulement lui. Parce que chaque jour,
c’est l’Halloween pour lui.
Pour moi et les autres, non. Le
21 octobre, on ne fête rien du tout. On se
costume en soi-même. Moi, par exemple,
je suis déguisé en Henri Payette (moi) ! Je
porte un tee-shirt brun-orange et un jeans
bleu. Rien de remarquable là-dedans.
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Edgar, lui, n’est pas costumé en
Edgar. Il est un cowboy. Pour aujourd’hui,
seulement. Hier, c’était un magicien.
Avant-hier, c’était un chat. Et demain, ce
sera peut-être un homme-grenouille, un
funambule, un aviateur ou un pirate des
Caraïbes. Ça peut être n’importe quoi.
N’importe qui sauf Edgar. Parce qu’Edgar
Payette ne se costume jamais en Edgar
Payette. Chaque jour, il a le droit d’être
quelqu’un d’autre. Il se renouvelle chaque
matin. Il se réinvente du dimanche au
vendredi. Le samedi, il se repose et nous
repose les yeux en même temps. Le samedi,
il le passe en pyjama. Mais attention :
c’est toujours un pyjama flamboyant.
Parce que toute la vie d’Edgar Payette
n’est que flamboyance. C’est maman qui
répète ça. Elle dit aussi qu’Edgar est un
poème visuel.
Ce qui est sûr, c’est que mon petit
frère parle en poèmes.
Ce matin, en terminant son déjeuner,
il recommence avec sa célèbre liste
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J’aime/Je suis capable. Écouter Edgar
Payette est étourdissant !
J’aime la vitamine C et les épinards.
Je suis capable de battre Batman
au tir au poignet.
J’aime les bonbons sucrés et amers à la fois.
Je suis capable de me brosser les dents
juste en passant la langue dessus.
J’aime plus Pierre qu’Éric Lapointe.
Je suis capable de réciter l’alphabet
en anglais comme en français.
J’aime l’odeur de l’automne.
Je suis capable de lécher mon propre nez.
J’aime lancer de la monnaie vers le ciel.
Je suis capable de prédire si ce sera pile
ou bien face.
Dans mon bol de céréales, mon frère
me vole une Cheerios Multi-Grain et
l’échappe. Elle roule entre les jambes de
maman, qui lave la vaisselle. En chantonnant, Edgar ramasse la céréale comme si
c’était un vingt-cinq cents, et l’avale sans
souffler dessus. C’est à ce moment qu’il
remarque que notre mère n’a toujours
pas mis de jupe.
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— Pourquoi tu portes un pantalon,
maman ?
Tu portes toujours un pantalon !
— Je préfère un pantalon, mon chéri.
C’est comme ça.
— C’est plus féerique porter une jupe,
maman.
— Peut-être, mais je ne suis pas féerique. Et pourquoi tu voudrais que je
porte une jupe, au juste ?
— Pour regarder en dessous.
Voir c’est quoi le mystère.
S’il y a des étoiles sur ton collant.
Comme sur celui de la fée des dents.
— Franchement, ça existe pas la fée
des dents ! que je crie à mon frère en lui
lançant une Cheerios à la tête.
Ma mère me mitraille avec ses yeux
fâchés. L’air de m’ordonner de me mêler
de mes affaires. De laisser mon petit frère
tranquille. Je dois toujours le laisser tranquille. Mais lui, il ne me laisse jamais
tranquille. Il a tous les droits, bien sûr, ce
fameux Edgar Payette.
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— Oui, Oh Henry, ça existe.
« Oh Henry », c’est le surnom qu’il me
donne constamment. C’est comme ça
que s’appellent ses barres de chocolat
préférées. Je ne sais pas si c’est une façon
de me dire qu’il m’aime ou qu’il veut
m’avaler pour qu’il ne reste plus que lui.
— D’ailleurs, non seulement elle existe,
mais la fée des dents est mon amie.
— Tu vois, réplique ma mère, satisfaite.
— Je veux que toutes les filles portent
des jupes.
Pour apprendre la vérité.
Si c’est vrai que les filles ne sont pas
comme les garçons.
Voir de quelle couleur sont vos culottes
et de quels motifs elles sont ornées.
Si elles collent avec votre personnalité.
Oh Henry, lui, porte des caleçons
de superhéros.
Toi, maman, tu portes des caleçons
de quoi ?
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Pour toute réponse, ma mère rit. Elle
réagit de cette façon quand elle ne sait
pas quoi répondre aux questions étranges de son plus jeune. Elle rit et embrasse
Edgar, qui rit à son tour, puis elle me
demande de garder l’œil ouvert pendant
qu’elle file faire son lavage.
Garder l’œil ouvert veut dire surveiller
mon petit frère. C'est mon rôle depuis
toujours, surveiller mon petit frère. Ne
va pas là. Ne touche pas à ça. Enlève tes
doigts de là. Edgar a sept ans, mais c’est
comme s’il essayait de prolonger sa vie de
bébé indéfiniment.
Ma mère disparaît. J’en profite pour
faire la leçon à Edgar.
— Il ne faut pas regarder sous les
jupes des filles. C’est impoli. Ce n’est pas
civilisé. Un jour, une fille va se fâcher
avec raison et te boxer le nez.
— J’ai le droit.
Je suis Edgar Payette.
Maman et papa disent qu’on me pardonne
tout.
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C’est vrai. On lui pardonne tout.
Absolument tout. Juste parce qu’il est
différent. Ce n’est pas moi qui le dis ; c’est
le docteur. Il a confirmé le trouble d’Edgar
quand il avait trois ans seulement !
— Peut-être, mais ça se fait pas quand
même.
— Mais oui, ça se fait, tu vas voir.
Je te passe un vingt-cinq sous.
Tu l’échappes.
Tu le ramasses.
Et tu regardes vers le soleil.
Ou vers les étoiles.
En dessous de celle que tu veux.
Simple comme bonjour.
Bonjour, Oh Henry !
Quel petit frère fascinant, tout de
même.
— Bonjour, Edgar ! Tu es un cowboy
aujourd’hui ?
— Oui. Je suis magnifique, n’est-ce pas ?
— Hum-hum.
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Alors que je suis en train de boire le
lait de mes Cheerios, Edgar se cache sous
la table. Il essaie de passer inaperçu, mais
ça ne marche jamais. Il est en boule, à
mes pieds. Je le sens du bout des orteils.
Il prépare un mauvais coup. Je le vois
venir !
Je ne me suis pas trompé. Edgar surgit
de sous la table et pointe sur moi son
pistolet en plastique, recouvert de peinture
argentée.
— Pow-pow, Oh Henry !
Pow-pow !
Tu es mort.
— Tu m’as tué, Edgar.
— C’est moi le plus fort.
— C’est toi le plus fort.
J’agonise sur le plancher de la cuisine.
Je mime un cadavre pour le satisfaire. Au
fond, je suis comme mes parents. Tout
pour faire plaisir à Edgar.
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Fiches d’exploitation pédagogique
Vous pouvez vous les procurer sur notre site Internet
à la section jeunesse / matériel pédagogique.
www.quebec-amerique.com
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Simon boulerice
Illustration d’Anouk Noël
Henri a l’impression d’être invisible. Tout le monde
n’en a que pour son petit frère, Edgar. Edgar se
costume tous les jours, même si ce n’est pas
l’Halloween. Edgar parle en poèmes. Même la fée
des dents accorde des droits spéciaux à Edgar ! Il est
grand temps pour Henri de montrer qui il est. Mais
sait-il lui-même qui il est ?
Pas facile d’être le grand frère d’un enfant différent !
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