Projet de traduction

Transcription

Projet de traduction
Projet de traduction d'une œuvre littéraire espagnole
EL ÚLTIMO SOLDURIO
Ð Javier Lorenzo
Traduction de Jean-François Breton
[email protected]
Sommaire
1. Présentation du livre et de l'auteur....................................................3
2. Échantillons de traduction................................................................12
3. Bonus : le Test de Proust par Javier Lorenzo....................................40
El último soldurio : Présentation
El último soldurio de Javier Lorenzo
El último soldurio est un roman historique espagnol de Javier Lorenzo, publié
aux Éditions Planeta en 2005, qui mêle la figure de Corocotta, un mythique guerrier
cantabre, avec d'authentiques faits historiques survenus à l'époque où l'Empire
Romain était en pleine conquête de la Péninsule Ibérique. Comme le souligne le soustitre de ce roman, La fascinante aventure de Corocotta lors de la Conquête de
l'Hispanie, Javier Lorenzo a imaginé, avec beaucoup de vraisemblance, une biographie
fictive de ce célèbre guerrier et l'a intégrée dans une grande fresque historique dont
l'action se déroule entre 60 av. JC et 22 av. JC, et plus particulièrement au cours des
Guerres Cantabres (29 av. JC - 22 av. JC).
Nous sommes en 29 avant Jésus-Christ. Toute l'Hispanie est occupée par les Romains...
Toute ? Non ! Un village peuplé d'irréductibles Cantabres résiste encore et toujours à
l'envahisseur...
4
El último soldurio de Javier Lorenzo
Le titre du roman inclus un terme, Soldurio, qui n'apparait pas dans les
dictionnaires mais qui, comme l'a expliqué l'auteur, existe cependant depuis plus de
deux mille ans. D'après une définition de Vinceslav Krutas, un éminent spécialiste du
monde celte, un soldurio, ou soldurii, était le nom donné aux guerriers qui
s'engageaient par un acte de devotio (c'est-à-dire, un dévouement jusqu'à la mort)
envers un personnage important (comme Jules César par exemple), une coutume très
répandue chez les Celtes de la Péninsule Ibérique. Les Soldurios étaient caractérisés
par leur légendaire courage et leur audace et ils étaient bien plus que de simples
mercenaires.
Ce roman retrace l'histoire de l'un de ces soldurios, dont le souvenir demeure
toujours vivant dans les légendes cantabres, Corocotta. Javier Lorenzo redonne vie au
dernier chef d'un peuple fier de ce qu'il est, d'une culture qui finit par disparaitre face
à la puissance d'un Empire invincible. L'auteur a confessé avoir voulu écrire un livre qui
soit un "portait de l'Espagne antique, un roman historique mais aussi d'aventures" qui
raconte une période très mouvementée et sauvage de l'Histoire.
El último soldurio raconte l'histoire de Corocotta, un guerrier cantabre
qui s'est vu protéger et privilégier depuis son enfance par “la maladie des
dieux”, l'épilepsie, et dont la bonne fortune l'a conduit de sa terre natale, la
Cantabrie, jusqu'à Jules César, aux côtés duquel il a combattu, de la lointaine
Afrique à Gadès, de Rome à la Britannia.
Un guerrier capable de renoncer à la citoyenneté romaine afin de
conserver ses racines et son bien le plus précieux, sa terre. Corocotta a mené,
grâce aux stratagèmes appris auprès de César lui-même, l'ultime défense de la
Cantabrie face au siège d'Auguste.
Un roman historique passionnant, où se mêle la douleur des cruelles
batailles avec la lecture des œuvres d'Homère, la fidélité à la terre avec les
enseignements militaires de la meilleure armée de tous les temps, et l'ardeur
d'un guerrier avec les sentiments d'un premier amour.
5
El último soldurio de Javier Lorenzo
El último soldurio est le premier roman de Javier Lorenzo (Madrid, 1960), un
auteur madrilène d'ascendance cantabre par sa mère. Bien qu'il ait commencé à
travailler à la radio en tant que journaliste, il a ensuite travaillé dans la presse écrite,
pour le journal El Mundo, afin de satisfaire sa passion depuis toujours : l'écriture. Avant
la publication, en 2005, de El último soldurio, il a également écrit quelques scénarios
pour la télévision et a publié un essai intitulé La España hortera ("L'Espagne ringarde")
publié aux éditions "Temas de Hoy" en 1996. Suite à l'immense succès de son premier
roman, particulièrement en Cantabrie, où les ventes de celui-ci ont dépassé celles du
Da Vinci Code de Dan Brown, Javier Lorenzo a publié un deuxième volume sur les
guerres cantabres : Las guardinas del Tabú (Éditions Planeta, 2007).
Javier Lorenzo est marié et a deux enfants, et outre la littérature, il a de
nombreux centres d'intérêts. Parmi ceux-ci, on peut signaler qu'il est arbitre
international d'escrime, un sport dont il a été champion d'Espagne junior en 1980.
Aujourd'hui, il ne pratique plus que le padel et l'un de ses principaux passe-temps est
surfer sur internet, dont il apprécie la sensation d'anonymat.
Ainsi, grâce à un célèbre réseau social actuellement très à la mode, j'ai eu la
chance de pouvoir virtuellement rencontrer Javier Lorenzo et d'échanger quelques
mots avec lui autour de son roman El último soldurio au cours d'une interview par
courriels interposés. Voici ses réponses…
En guise d'introduction, présentez-nous en quelques mots votre roman, El último
soldurio.
Il s'agit de l'autobiographie romancée de Corocotta, le chef militaire cantabre qui défia
l'Empereur Auguste et Rome.
Le roman se présente sous la forme d'un journal intime, écrit par Corocotta luimême, pourquoi avoir choisi ce modèle de narration ?
C'est une forme agile et intense de pouvoir raconter une histoire. De plus, je voulais
me mettre dans la peau du personnage.
6
El último soldurio de Javier Lorenzo
Dans cette autobiographie romancée, où se situe la frontière entre l'Histoire et la
fiction ? Où commence la légende de Corocotta ?
Ce n'est pas une légende, il a vraiment existé. L'historien classique Dion Cassius est la
seule source qui le mentionne, mais il est logique de penser qu'au cours de l'invasion
de la Cantabrie, les différents peuples aient choisi un chef afin de se défendre du
mieux possible.
Parlez-nous de votre travail de documentation ? Cela a été un travail difficile ?
Existe-il une documentation abondante sur ce personnage et les guerres cantabres ?
Cela a été compliqué. C'était mon premier roman et j'étais obsédé par la rigueur
historique. J'ai mis près de deux ans à lire tout ce qui existe sur les guerres cantabres
(Horace, et surtout Strabon, ont beaucoup écrit à ce sujet, ainsi que Florus, Silius
Italicus, et quelques autres). Je me suis rendu dans la région –bien que je la connaisse
bien, je l'ai regardée d'un autre œil– et je me suis informé sur leurs coutumes
ancestrales qui, aussi incroyablement que cela puisse paraitre, survivent encore.
Étant madrilène, comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à l'histoire de la
Cantabrie et à la figure de Corocotta ? Comment avez-vous découvert ce
personnage ?
Ma mère est cantabre, mais cela n'a rien à voir... Je l'ai découvert après avoir acheté
un livre du professeur Joaquín González Echegaray qui s'intitulait Los cántabros. Je
trouvais cela incroyable que presque rien n'ait été écrit sur ce personnage et cet
épisode de l'Histoire.
Pourquoi avez-vous décidé d'écrire ce roman ? Qu'est-ce qui vous a attiré dans cette
histoire ?
Et bien, c'est cette image romantique de celui qui sait qu'il va perdre, mais qui même
ainsi refuse de baisser les bras et ne renonce pas à être ce qu'il est. Quelqu'un de
courageux, mais à la fois intelligent qui a mis à mal la première puissance militaire de
l'époque.
7
El último soldurio de Javier Lorenzo
Quels sont les principaux thèmes et valeurs développés dans ce roman ?
La loyauté, la fierté et le courage. Dans le fond, j'ai voulu écrire un roman en suivant la
tradition du roman historique classique.
Quant à l'écriture de ce livre, vous avez utilisé beaucoup de vocabulaire "d'époque",
appartenant à divers domaines (vie quotidienne, culture, agriculture, guerre, etc.)
mais vous-êtes vous fixé certaines règles afin d'adopter la façon de parler et d'écrire
d'un homme qui vivait il y a deux mille ans et dont la langue n'existe plus ?
Il est impossible de reproduire ce langage avec précision. J'ai seulement pu en laisser
entrevoir quelques minuscules bribes de manière à ce que, au moins l'espace d'un
instant, il ne se perde pas complètement.
Vous êtes passionné par l'escrime, vous vous en êtes donné à cœur joie en narrant
les duels et les scènes de bataille…
Je ne crois pas que les scènes de batailles soient excessives dans le roman, c'est tout
du moins ce que j'ai tâché de faire, mais il est évident qu'il y a eu des moments où mes
connaissances d'escrime ont influé de manière positive sur le récit.
Outre le fait de nous faire découvrir un personnage et de nous décrire certains
épisodes de l'Histoire de ce qui finira par être l'Espagne, ce roman permet également
au lecteur de découvrir toute une culture, la culture cantabre, ne craignez-vous pas
néanmoins d'avoir écrit un roman localiste ?
À mon avis, il est aussi localiste que peut l'être Braveheart, The Assyrian, Sinouhé
l'Égyptien, ou quelconque autre roman historique ayant pour toile de fond une culture
disparue. Le livre parle de passions et de sentiments qui sont communs à tous les êtres
humains, mais je crois aussi que le caractère celte de nombreuses coutumes du peuple
cantabre est très similaire à celui de nombreux territoires européens.
8
El último soldurio de Javier Lorenzo
Croyez-vous que ce roman pourrait intéresser les lecteurs français, et plus
généralement étrangers ?
D'une part, il offre un épisode méconnu mais néanmoins passionnant de l'Histoire
européenne. C'est un très bon exemple de comment Rome a détruit les sociétés
primitives européennes. D'autre part, je crois que la qualité littéraire, ainsi que
l'intrigue, évoqueront quelque chose à tout lecteur européen, et même américain,
africain ou asiatique.
Quelques mots sur Las guardianas del tabú, votre deuxième roman, publié aux
Éditions Planeta en 2007. De quoi traite ce deuxième volume dédié aux guerres
cantabres ? Quelle était l'objectif de celui-ci ?
Il s'agit d'un livre différent sous tous les aspects, bien que chronologiquement ce soit
une suite. Simplement, suite à l'anéantissement de la plupart des Cantabres, les
femmes ont dû être, trois ans plus tard, le moteur de cette rébellion qui n'a été
étouffée que lorsqu'Auguste ordonna à Agrippa, son meilleur général, de voyager
jusqu'au nord de l'Hispanie.
En tant que cinéphile, je voulais vous demander si vous aimeriez voir vos romans
adaptés au cinéma. Au bout du compte, Corocotta est à la Cantabrie ce que William
Wallace est à l'Écosse, ce qu'Astérix est à la France, non ?
Bien sûr, j'adorerais. Il y a film sur Corocotta, mais il est franchement mauvais. Il est de
Paul Naschy –un espagnol malgré son nom de scène–. D'autre part, il est évident que
mon livre a renforcé le caractère celte de la société cantabre actuelle, de la même
manière qu'il a stimulé, je crois, sa fierté et sa conscience en tant que peuple. Je suis
fier d'y avoir contribué.
9
El último soldurio de Javier Lorenzo
Pour conclure, que pensez-vous de ce courant de la littérature espagnole actuelle qui
se consacre à la (richissime) Histoire de l'Espagne (l'Hispanie romaine, Al-Andalus, le
Siècle d'or…) et dont les principaux représentants sont Arturo Pérez Reverte et son
Capitaine Alatriste, et Ildefonso Falcones et sa Cathédrale de la Mer, pour ne
mentionner que deux auteurs ayant franchi les Pyrénées avec succès ?
C'est fabuleux. L'Espagne a toujours été un pays d'écrivains (certains affirment qu'il y
en a plus que de lecteurs) et, comme vous l'avez souligné, notre richissime passé est
un trésor qui reste encore à découvrir. Même pour les Espagnols eux-mêmes.
El último soldurio nous permet donc de découvrir un personnage historique
oublié, qui pourrait avoir autant d'importance pour le peuple cantabre que
Vercingétorix (et Astérix) pour les Gaulois ou que William Wallace pour les Écossais.
Comme l'a souligné Javier Lorenzo, l'objectif premier de ce livre était donc de décrire
ce qu'aurait pu être la vie de Corocotta, mais aussi de réfléchir sur l'existence et la
chute de l'Espagne préromaine, quand elle ne s'appelait pas encore Hispanie. Il a ainsi
décrit des épisodes fondamentaux de l'Histoire d'Espagne qui ont signifié la fin de la
civilisation celte et le passage à la culture latine actuelle. D'autre part, ce roman
permet également de découvrir toute une civilisation et sa culture. En effet, au cours
des péripéties du héros, on apprend de nombreuses choses sur la culture cantabre, sur
leur vie quotidienne, leurs croyances, leurs traditions, etc. Et c'est là que réside
l'intérêt principal de ce roman historique : il permet de découvrir un peuple disparu et
sa culture.
Bien sûr, on pourrait reprocher à El último soldurio de ne traiter que d'un
peuple à peine connu au-delà des Pyrénées, mais Javier Lorenzo a clairement exprimé
qu'il n'avait pas écrit un roman localiste mais un roman qui touche tous ceux qui ont
des racines hispaniques. L'auteur l'a dit lui-même, un de ses objectifs était de décrire
et faire découvrir les us et coutumes non seulement du peuple cantabre mais aussi de
ses voisins les plus proches (les Astures, les Vascons et les Austrigons) ainsi que de
nombreuses autres cultures que l'on découvre au gré des aventures du héros (les
Gaulois, les Romains, les Numides, etc.).
10
El último soldurio de Javier Lorenzo
L'académicien José María Blázquez a qualifié El último soldurio de roman
"habile, commode et facile à lire" et il a aussi ajouté qu'il s'agissait "d'une bonne
reconstruction historique qui met en évidence les magnifiques informations
recueillies par son auteur". Quant à Beatriz Hernanz, du supplément culturel du
journal El Mundo, elle a expliqué que "Javier Lorenzo a imaginé avec une certaine
vraisemblance une biographie imaginaire de Corocotta" et que l'auteur a réussi à
créer une "une grande fresque romantique et pleine d'aventures" qui permet au
lecteur de découvrir "les us et coutumes et les caractéristiques des peuples
cantabres" tout en laissant libre cours à son imagination dans ce "merveilleux genre
qu'est le roman feuilletonesque d'aventures".
Qui plus est, le dytique écrit par Javier Lorenzo sur les Guerres Cantabres,
composé par El último soldurio et Las guardianas del Tabú, s'inscrit dans l'une des
tendances actuelles de la littérature espagnole qui ne cesse de se développer en
France : le roman historique. Parmi les quelques romans ayant récemment connu un
certain succès en France, on peut citer les Aventures du Capitaine Alatriste, d'Arturo
Pérez Reverte, une grande fresque historique qui retrace les aventures d'un capitaine
des tercios espagnols lors des XVIème et XVIIème siècles et qui permet au lecteur de
découvrir les us et coutumes de l'Espagne de la fin du Siècle d'Or ; et La cathédral de la
mer d'Ildefonso Falcones, qui dépeint le Barcelone médiéval en suivant les aventures
d'un jeune paysan au rythme de la construction de l'église Santa María del Mar à
Barcelone. Ces récents succès semblent démontrer qu'il y ait un intérêt croissant des
lecteurs français pour la très riche Histoire d'Espagne et ses différentes cultures.
11
El último soldurio : Extraits
El último soldurio de Javier Lorenzo
Premier chapitre, p.11-13 (début du roman)
I. Anno 693 a.U.c.* (ab Urbe condita, desde la fundación de Roma) [60 a.C.]
Tenía poco más de siete años cuando vi por primera vez a un romano. Lo recuerdo con
exactitud porque aquel hombre flaco y de barba rala, cuyo sombrero de ala ancha
dejaba escurrir las gotas de lluvia por los contornos de su cuerpo, miró con sorpresa a
Ilicón, mi hermano mayor, luego a mí y tras inclinarse y palmear sin ruido a una de las
mulas que tiraban de su carruaje nos sonrió de una manera tan franca que su boca
dejó ver los numerosos huecos que hollaban su dentadura. En otras condiciones,
nuestra respuesta al encuentro con un desconocido, aun en el caso de que se estuviera
carcajeando, se habría resuelto de inmediato con una vertiginosa huida hacia el
interior del bosque del que acabábamos de salir corriendo, pero en esta ocasión una
irresistible emanación de simpatía y la siempre implacable curiosidad nos dejaron
clavados en el barro de la trocha, mirando absortos los desconocidos objetos que
pendían de los costados del carro y preguntándonos quién podía ser aquel loco
sonriente que, sin armas a la vista, se atrevía a entrar en lo más profundo de los valles
cántabros.
Quizá fuera sólo por salir del estupor, pero a mi hermano no se le ocurrió en esos
instantes otra cosa que exclamar:
- ¡Mira, Linto*! Le faltan los dientes delanteros, como a ti.
Y acto seguido, como si lo considerara una muestra de hospitalidad, me cogió la
barbilla con una mano y, pese a mis esfuerzos por evitarlo, con la otra me abrió los
labios para que el extranjero pudiera apreciar lo dispuestos que estábamos a tener
cosas en común. El hombre comenzó a ensanchar aún más la comisura de los labios
mientras Ilicón, una vez perpetrada su broma, nos señalaba a ambos y a su propia
dentadura, pero un destello en su mirada cortó abruptamente ese conato y, en lo que
luego interpreté como un desagravio por la humillación sufrida
13
El último soldurio de Javier Lorenzo
I. Anno 693 a.U.c* (ab Urbe condita depuis la fondation de Rome) [60 av. J.-C.]
J'avais à peine plus de sept ans lorsque je vis pour la première fois un Romain. Je m'en
souviens avec précision parce que cet homme maigre à la barbe clairsemée, dont le
chapeau à larges ailes laissait glisser les gouttes de pluie le long de son corps, regarda
d'un air surpris Ilion1, mon frère aîné, avant de tourner les yeux vers moi. Puis, après
s'être penché et avoir silencieusement donné une tape à l'une des mules qui tiraient sa
charrette, il nous sourit d'une manière si franche que sa bouche laissa entrevoir les
nombreux trous qui jalonnaient sa denture. Dans d'autres conditions, une rencontre
avec un inconnu, même dans le cas où celui-ci rirait aux éclats, aurait été
immédiatement suivie d'une vertigineuse fuite vers l'intérieur du bois dont nous
venions de sortir en courant. Cependant, à cette occasion, une irrésistible émanation
de sympathie et notre curiosité, toujours implacable, nous laissèrent plantés dans la
boue du sentier, absorbés par les mystérieux objets qui pendaient des ridelles de la
charrette, nous demandant qui pouvait bien être ce fou qui souriait et qui, sans arme
en vue, osait pénétrer au plus profond des vallées cantabres.
Ce ne fut peut-être que pour sortir de cette stupeur, mais mon frère n'eut pas
d'autre idée à ce moment-là que de s'exclamer :
- Regarde, Linto* ! Il lui manque les dents de devant, comme toi.
Et aussitôt après, comme si pour lui il s'agissait d'un geste d'hospitalité, il me
prit le menton d'une main et, malgré mes efforts pour l'en empêcher, de l'autre il
m'écarta les lèvres de manière à ce que l'étranger puisse apprécier à quel point nous
étions disposés à avoir des choses en commun. L'homme commença à entrouvrir
davantage les commissures de ses lèvres tandis qu'Ilion, sa moquerie finie, nous
pointait tous les deux du doigt en signalant sa propre denture, mais une lueur dans le
regard de l'inconnu interrompit brusquement cette tentative. Dans un mouvement
que plus tard j'interpréterais comme un dédommagement pour l'humiliation subie
1
Adaptation du prénom du personnage pour des raisons de cacophonie en français (en accord avec
l'auteur).
14
El último soldurio de Javier Lorenzo
—en ese momento me imaginaba cualquier otra cosa—, empinó el cuerpo de un lado,
revolvió brevemente por debajo de la pelliza marrón que le cubría y extrajo algo que
arrojó con la suficiente puntería como para que yo pudiera cogerlo al vuelo. Era un
objeto blanco y brillante, metálico y redondo, y su peso no parecía corresponderse con
sus pequeñas dimensiones. En una de sus caras aparecía el perfil de un hombre de
nariz aguileña y pelo encrespado; en la otra, un jinete alanceaba a lo que podía ser un
jabalí. Ambas tenían inscripciones incomprensibles para mí. Volví los ojos hacia quien
me había hecho tan inesperado regalo y comprobé que su sonrisa, tan horadada como
extrañamente atractiva y seductora, había regresado a sus facciones. Luego dijo una
sola palabra: argentum*, y aunque yo no sabía en esos momentos su significado, y aún
tardaría varios años en comprenderlo del todo, lo cierto es que aquel trozo de metal
que se calentaba en mi puño a pesar de la lluvia y del frío que nos azotaba cobró
repentinamente una importancia excepcional para el universo de mi corta edad y me
prometí a mí mismo no desprenderme nunca de él. Hoy, cuarenta veranos después,
me pregunto si aquel hombre que me dio a conocer el dinero, si ese mercader que me
lanzó mi primer sestercio no sabía perfectamente lo que estaba haciendo.
15
El último soldurio de Javier Lorenzo
–à cet instant-là je m'attendais à tout autre chose–, il se pencha sur le côté, fouilla
rapidement sous la pelisse marron qui le couvrait et sortit quelque chose qu'il lança
avec suffisamment de précision pour que je puisse l'attraper au vol. C'était un objet
blanc et brillant, rond et métallique, et son poids ne semblait pas correspondre à ses
petites dimensions. Sur l'une de ses faces, apparaissait le profil d'un homme au nez
aquilin et aux cheveux frisés ; sur l'autre, un cavalier qui chassait la lance au poing ce
qui
semblait
être
un
sanglier.
Toutes
deux
portaient
des
inscriptions
incompréhensibles pour moi. Je tournai mon regard vers celui qui venait de me faire
une offrande si inattendue et je vis que son sourire, à la fois crénelé et curieusement
attirant et séducteur, avait retrouvé ses traits. Il prononça ensuite un seul et unique
mot : argentum*, et bien qu'à cette époque-là je ne connaisse pas sa signification –et
je mettrais encore plusieurs années avant de bien la comprendre–, il est certain que ce
bout de métal qui se réchauffait au creux de ma main malgré la pluie et le froid qui
s'abattaient sur nous, prit soudainement une importance exceptionnelle dans l'univers
de mon jeune âge et je me promis à moi-même de ne jamais m'en séparer.
Aujourd'hui, quarante étés plus tard, je me demande si cet homme qui me fit
découvrir l'argent, si ce marchand ambulant qui me lança mon premier sesterce, ne
savait pas parfaitement ce qu'il faisait.
16
El último soldurio de Javier Lorenzo
Chapitre VII, p.278-280
VII. Anni 707-708 a.U.c. (46-45 a.C.)
No me atreveré a decir que nuestra llegada fue providencial, pero sí bastante
oportuna. La información que yo había obtenido del centurión pompeyano en Corduba
fue muy útil y pesó a la hora de decidir que se cerrasen las puertas de la ciudad a
Marco Terencio Varrón, quien quiso refugiarse en Gades cuando supo que dos legiones
cesarianas al mando de Quinto Casio Longino acudían a su encuentro. Aquel hecho
llevó la desolación al bando de Pompeyo: poco después la legión Vernácula —formada
exclusivamente por hispanos— se amotinaba en Hispalis y sólo unos días más tarde, en
Itálica, Varrón entregaba a César la única legión que le quedaba. Parecía que la guerra
hubiera acabado en Hispania, pero el empecinamiento de los pompeyanos —muchos
de los cuales debían sus tierras al general picentino— y la actitud expoliadora,
arrogante e imprudente de Casio Longino, que quedó como legado de César en la
Ulterior, impedirían que fuera así.
Además de defender los múltiples intereses mercantiles y personales de los
Balbo, la pequeña fuerza de la que formábamos parte, equivalente en la práctica a una
cohorte, estaba también a disposición de los gobernadores romanos e intervenía como
tropa auxiliar en cuantos conflictos se presentaran pudiendo llegar a doblar su número
de efectivos si las circunstancias lo exigían. Así sucedió cuando, en el primer verano
tras nuestra llegada, acompañamos a Longino en su campaña contra los lusitanos y
también cuando tuvo que hacer frente a una revuelta pompeyana encabezada por el
itálico Tito Torio. Era una situación confusa en la que los partidarios de uno y otro
bando se enfrentaban a muerte en los foros de todas las ciudades al tiempo que ni
siquiera los más hábiles, o los más mudables, sabían a qué atenerse pensando en el
resultado final del conflicto. Luego, poco a poco, se fue sabiendo que Pompeyo había
dejado su cabeza en el lejano Egipto o que sus tropas habían sido derrotadas en la
griega Farsalia y en la africana Tapsos; sin embargo, estos desastres no menguaron la
voluntad de sus partidarios en Hispania, hasta el punto de que la mayor parte de la
Bética —con excepción de algunas ciudades— había caído en sus manos
17
El último soldurio de Javier Lorenzo
VII. Anni 707-708 a.U.c (46-45 av. J.-C.)
Je n'irai pas jusqu'à dire que notre arrivée fut providentielle, mais elle fut tout
de même particulièrement opportune. L'information que j'avais obtenue auprès du
centurion pompéien à Corduba fut très utile et pesa à l'heure de décider de fermer les
portes de la cité à Marcus Terentius Varron, qui avait voulu se refugier à Gadès quand
il avait appris que deux légions césariennes, sous le commandement de Quintus
Cassius Longinus, venaient à sa rencontre. Ce mouvement provoqua la désolation dans
le camp de Pompée : peu après, la légion Vernaculaire –exclusivement formée
d'Hispaniques– se mutinait à Hispalis et, à peine quelques jours plus tard, à Italica,
Varron livrait à César la dernière légion qu'il lui restait. La guerre semblait s'être
achevée en Hispanie, mais l'acharnement des partisans de Pompée –beaucoup d'entre
eux devaient leurs terres au général picénien– et l'attitude spoliatrice, arrogante et
imprudente de Cassius Longinus, qui resta en Hispanie Ultérieure comme légat de
César, empêcheraient qu'il en soit de la sorte.
Outre le fait de défendre les multiples intérêts mercantiles et personnels de la
famille Balbus, la petite unité à laquelle nous appartenions, équivalant dans la pratique
à une cohorte, était également à la disposition des gouverneurs romains et intervenait
en tant que troupe auxiliaire dans tous les conflits. Elle pouvait même aller jusqu'à
doubler ses effectifs si les circonstances l'exigeaient. C'est ce qui arriva quand, le
premier été après notre arrivée, nous accompagnâmes Longinus dans sa campagne
contre les Lusitaniens ainsi que lorsqu'il dut faire face à une révolte des armées
pompéiennes menée par l'italique Titus Torius. C'était une situation confuse dans
laquelle les partisans des deux camps s'affrontaient à mort dans les forums de toutes
les cités alors que même les plus habiles, ou les plus versatiles, ne savaient pas à quoi
s'en tenir quant à l'issue finale du conflit. De fil en aiguille, on apprit par la suite que
Pompée avait perdu la tête dans la lointaine Égypte et que ses troupes avaient été
vaincues à Pharsale, en Grèce, et à Thapsus, en Afrique. Cependant, ces désastres
n'entamèrent pas la volonté de ses partisans en Hispanie, à tel point que la majeure
partie de la Bétique –à l'exception de quelques cités– était tombée en leur pouvoir
18
El último soldurio de Javier Lorenzo
mientras que el joven Cneo Pompeyo había ocupado las Baleares y tomado Cartago
Nova. La desesperación comenzaba a tomar forma en Gades hasta que de nuevo,
como un poderoso eco, la noticia se expandió por la ciudad: César regresaba a
Hispania.
19
El último soldurio de Javier Lorenzo
alors que Pompée le Jeune avait occupé les îles Baléares et pris Cartago Nova. Le
désespoir commençait à se faire ressentir à Gadès, jusqu'à ce qu'une nouvelle fois, tel
un puissant écho, la nouvelle se répande dans toute la cité : César allait revenir en
Hispanie.
20
El último soldurio de Javier Lorenzo
Chapitre VII, p.285-287
Cuando se supo que César regresaba a Hispania, a finales del 708, Lucio Balbo
me hizo llamar al tablinum*.
- Irás a encontrarte con César. En Obulco*.
- Entre los oretanos.
- Así es. Llévate a algunos de los tuyos. Harán más falta que aquí. —Estaba
sentado en una silla detrás de una mesa de patas alargadas cuya madera no pertenecía
a nuestros bosques—. La primera parte del viaje la haréis por mar. Iréis hasta Sexi*,
donde desembarcaréis, y luego, atravesando la sierra hacia el norte, llegaréis a
Obulco*, una de las pocas ciudades que aún nos son fieles. ¡Ah! Por ningún motivo
uséis las vías romanas. Estarán vigiladas con toda seguridad.
- ¿Y cuál es el encargo?
- Éste.
Entre sus dedos apareció una hoja de papel doblada y sin lacre.
- No tiene sello, Lucio Cornelio.
- Por eso no te preocupes, que César sabrá quién la envía. Escóndela como si en
ello te fuera la vida. No debe caer en otras manos que en las del general, ¿de acuerdo?
- Así se hará, Lucio Cornelio.
Me retiré de la estancia, pero antes de abandonarla decidí hacer una pregunta.
- Discúlpame, Lucio Cornelio, pero tengo curiosidad por saber algo. ¿No te
preocupa que yo la lea y conozca su contenido?
Pareció sorprendido.
- No, ¿por qué? ¿Tendría que preocuparme por eso, Linto? Además está escrita
en griego. No entenderías ni una sola palabra.
Me alejé, dándole las gracias y sonriendo en mi interior. Curiosamente, mi
maestro seguía sin revelar nuestro secreto.
21
El último soldurio de Javier Lorenzo
Lorsque l'on apprit que César allait revenir en Hispanie, à la fin de l'an 708,
Lucius Balbus me fit appeler au tablinum*.
- Tu iras rejoindre César. À Obulco.
- En territoire orétani.
- Effectivement. Prends quelques-uns de tes hommes avec toi. Ils seront plus
utiles là-bas qu'ici. –Il était assis sur une chaise, derrière une table haute dont le bois
n'appartenait pas à nos forêts–. La première partie du voyage se fera par mer. Vous
irez jusqu'à Sexi*, où vous débarquerez, puis, après avoir traversé la Sierra, vers le
nord, vous arriverez à Obulco, une des rares cités qui nous est encore fidèle. Ah, au
fait, j'allais oublier, n'utilisez les voies romaines sous aucun prétexte. Elles seront
surveillées à coup sûr.
- Et quelle est la mission ?
- Celle-ci.
Une feuille de papier pliée en deux et sans cachet de cire apparut entre ses
doigts.
- Elle n'est pas scellée, Lucius Cornelius.
- Ne t'inquiète pas pour cela, César saura qui la lui envoie. Cache-la comme si ta
vie en dépendait. Elle ne doit pas tomber en d'autres mains que celles du général,
d'accord ?
- Il en sera ainsi, Lucius Cornelius.
J'allais me retirer, mais avant de quitter la pièce, je décidai de lui poser une
question.
- Excuse-moi, Lucius Cornelius, mais je suis curieux de savoir quelque chose.
Cela ne t'inquiète pas que je la lise et que je prenne connaissance de son contenu ?
Il sembla surpris.
- Non, pourquoi ? Devrais-je m'en inquiéter, Linto ? De surcroît, elle est écrite
en grec. Tu ne comprendrais pas le moindre mot.
Je m'éloignai en le remerciant et en souriant intérieurement. Curieusement,
mon maître n'avait toujours pas révélé notre secret.
22
El último soldurio de Javier Lorenzo
Navegamos disfrazados de marineros, como si fuéramos parte de la tripulación
del barco, un mercante cargado con ánforas de vino cuyo destino era Massilia, en la
Galia. La flota de César dominaba los mares y no había mucho peligro de que un navío
de guerra pompeyano nos asaltase; no obstante, desenvolvimos nuestras armas y
panoplias de los fardos en previsión de un encuentro que finalmente no se produjo. La
nave hacía cabotaje entre los puertos y nunca dejamos de avistar la costa. Cruzamos
así las columnas de Hércules, con la roca de Kalpe* a nuestra izquierda y el monte
Elephas* a nuestra derecha, en la cercana África; luego, dejando atrás la pompeyana
Carteia* —donde Cneo y Sexto tenían la escuadra que les restaba—, alcanzamos
Barbesula* y más tarde oteamos Salduba*, Malaca, Caviclum* y finalmente Sexi.
Desde el mar se veía cómo se alzaba sobre la tierra una impresionante cadena de
montañas, una sierra toda ella nevada como si fuera el lomo plateado de un
gigantesco pez.
23
El último soldurio de Javier Lorenzo
Nous naviguâmes déguisés en marins, comme si nous faisions partie de
l'équipage du navire, un bâtiment de la marine marchande chargé d'amphores de vin à
destination de Massilia, en Gaule. La flotte de César dominait les mers et il n'y avait
guère de danger qu'un vaisseau de l'armée pompéienne nous assaille ; néanmoins,
nous avions déballé nos armes et nos panoplies de nos paquetages en prévision d'une
rencontre qui finalement n'eut jamais lieu. Le bateau cabotait entre les ports, ainsi,
nous ne perdîmes jamais de vue la côte. Nous franchîmes les colonnes d'Hercules : le
rocher de Kalpé* sur notre gauche et le mont Éléphas*, situé sur la non lointaine
Afrique, sur notre droite. Par la suite, après avoir laissé derrière nous la cité
pompéienne de Carteia* –où Pompée le Jeune et Sextus disposaient de la dernière
escadre en leur possession–, nous arrivâmes à Barbesula*, puis, plus tard, nous
aperçûmes Salduba*, Malaca, Caviclum* et enfin Sexi. Depuis la mer, on voyait une
impressionnante chaîne de montagnes s'élever au-dessus de la terre, un massif tout
enneigé qui ressemblait au flanc argenté d'un gigantesque poisson.
24
El último soldurio de Javier Lorenzo
Chapitre IX, p.378-379
IX. Anno 712 a.U.c (41 av. J.-C.)
Una cascada de manos se erizó ensangrentada sobre las cabezas y los vítores
atronaron la llanura, llevando hasta los que huían el eco de nuestro entusiasmo. Nos
acercamos al tumulto de hombres caídos que había donde chocaron las dos fuerzas y
atendimos o rematamos, según, a los heridos que nos íbamos encontrando. La
mayoría de los muertos iban ataviados como es habitual en los gétulos, con túnicas de
algodón crudo y bonete de cuero, pero había también algunos cuerpos que vestían una
aparatosa prenda de color azul que les llegaba desde el cuello hasta los pies y un no
menos aparatoso tocado con el que ocultaban su rostro. Aparté la tela de uno de ellos
y vi una tez blanca como la leche.
- Son garamantes —me dijo Lucio Cornelio, tras haber sonsacado a uno de los
heridos—. Primos hermanos de los gétulos, aunque están lejos de su Cirenaica natal.
Como habrás visto, no son de origen fenicio o púnico. Dicen ser hijos de la Luna y por
eso se cubren de esa manera, para no mostrar jamás sus cuerpos al sol. Hay más
pueblos con sus mismas creencias desde Mauritania a Egipto y, aunque nosotros les
conozcamos por otros nombres, ellos se llaman a sí mismos amazighs.
- ¿Cómo es que tienen la piel tan clara? Algunos gétulos también la tienen así.
Hoy maté a uno que parecía germano.
- Sí, el color rubio o rojo no es infrecuente entre ellos, pero no sé cuál es su
procedencia, la verdad. Tal vez provengan de esa tierra perdida de la que habló Platón:
de la Atlántida. O quizás ya vivían aquí cuando el gran desierto del sur todavía era un
vergel y éstos son los herederos de quienes decidieron quedarse, quién sabe. En
cualquier caso —prosiguió adoptando repentinamente un tono castrense—, poco me
importa. Lo único que me preocupa es que hayan entendido que no pueden asaltar
impunemente las posesiones de Roma o de sus aliados.
- Yo creo que les ha quedado bien claro, Lucio Cornelio.
25
El último soldurio de Javier Lorenzo
IX. Anno 712 a.U.c (41 av. J.-C.)
Une vague de mains ensanglantées s'éleva au-dessus des têtes et les vivats de
la foule retentirent dans la plaine, emportant l'écho de notre enthousiasme jusqu'aux
fuyards. Nous nous approchâmes de l'amas d'hommes tombés au combat qui se
trouvait là où les deux forces s'étaient percutées et soignâmes, ou achevâmes selon le
cas, les blessés que nous découvrions au fur et à mesure que nous avancions. La
plupart des morts étaient habillés comme l'étaient habituellement les Gétules : ils
portaient une tunique en coton écru et un bonnet en cuir, mais il y avait aussi quelques
corps qui étaient vêtus d'un magnifique habit de couleur bleue qui les enveloppait du
cou jusqu'aux pieds et une non moins impressionnante toque qui dissimulait leur
visage. Je levai le voile qui couvrait l'un d'eux et vis une peau blanche comme le lait.
- Ce sont des Garamantes –me confia Lucius Cornelius, après avoir fait parler
l'un des blessés–. Des cousins des Gétules, bien qu'ils soient loin de leur Cyrénaïque
natale. Comme tu as peut-être remarqué, ils ne sont pas d'origine phénicienne ou
punique. Ils prétendent être des fils de la Lune et c'est pour cela qu'ils se couvrent de
cette façon, pour ne jamais montrer leurs corps au Soleil. Il y a d'autres peuples avec
les mêmes croyances de la Maurétanie jusqu'à l'Égypte et, même si nous nous les
connaissons sous d'autres noms, ils se font eux-mêmes appeler amazighs.
- Comment est-il possible qu'ils aient la peau si claire ? Certains Gétules aussi
ont le même teint. Aujourd'hui, j'en ai tué un qui ressemblait à un Germain.
- En effet, les cheveux blonds ou roux ne sont pas rares chez eux, mais
sincèrement je ne sais pas quelle est leur origine. Peut-être proviennent-ils de cette
terre perdue dont parle Platon : l'Atlantide. Ou peut-être vivaient-ils déjà ici quand le
grand désert du sud n'était encore qu'un verger et qu'ils sont les héritiers de ceux qui
ont décidé de rester, qui sait. En tout cas –poursuivit-il en adoptant soudainement un
ton militaire–, peu m'importe. La seule chose dont je me soucie, c'est qu'ils aient bien
compris qu'ils ne peuvent pas attaquer impunément les possessions de Rome ou de
ses alliés.
- Je crois qu'ils ont bien reçu le message, Lucius Cornelius.
26
El último soldurio de Javier Lorenzo
- Esperemos que sea así, por el bien de todos.
Retorné adonde se encontraba el cuerpo de Barú. Acaricié su pelaje moteado,
observé sus belfos inertes y, empujado por la pena, luché por traer a mi memoria el
cada día más desfigurado rostro de mi padre y el instante en que, doce años atrás,
había puesto las riendas de Barú en mi mano. Con qué rapidez transcurre el tiempo y
con qué inconsciencia deambulamos por la vida. Agarré sobre mi pecho el torque que
una vez había sido suyo e hice un último esfuerzo por recuperar sus rasgos, pero sólo
encontré algunos retazos en escenas aisladas, en gestos que se marchitaban tan
irremediablemente como las hojas que se arrancan de un árbol. La impotencia y la
tristeza me embargaron. El rostro de Corcontas, mi padre, se desvanecía y yo no podía
hacer nada para evitarlo.
27
El último soldurio de Javier Lorenzo
- Espérons qu'il en soit ainsi, pour le bien de tous.
Je retournai à l'endroit où se trouvait la dépouille de Baru. Je caressai son
pelage moucheté, regardai ses lèvres inertes et, poussé par la peine, je luttai pour me
remémorer le visage chaque jour un peu plus défiguré de mon père et l'instant où,
douze ans auparavant, il avait mis les rênes de Baru entre mes mains. Que le temps
passe vite. Comment pouvons-nous déambuler dans la vie avec tant d'inconscience. Je
serrai contre mon torse le torque qui lui avait appartenu autrefois et fis un dernier
effort pour me souvenir de ses traits, mais je n'en retrouvai que quelques bribes,
perdues au milieu de quelques scènes isolées, au milieu de certaines expressions qui
se fanaient aussi irrémédiablement que les feuilles arrachées à un arbre. L'impuissance
et la tristesse me paralysèrent. Le visage de Corcontas, mon père, se dissipait et je ne
pouvais rien faire pour l'éviter.
28
El último soldurio de Javier Lorenzo
Chapitre XIII, p. 552-553
XIII. Anno 728 a.U.c. (26 a.C.)
Ebrio de locura, no comprobé si alguien me seguía y me lancé con todas mis
fuerzas contra aquel incipiente erizo que empezaba a tomar forma. Si conseguía
crecer, plantarse y sacar todas sus púas la situación podía cambiar drásticamente. Al
fondo, frente a nosotros, las llamas comenzaban a extenderse entre la impedimenta,
mientras el ganado, situado en un recinto próximo, golpeaba las tablas y lanzaba
mugidos de pánico. Me estrellé contra aquella pared de hierro, madera y carne y aún
tuve tiempo de cruzarme durante un instante con unos ojos medrosos antes de salir
volando y caer al suelo. Tuve suerte porque no caí mal; no había perdido el escudo y
con él pude parar la estocada de un legionario que se abalanzó sobre mí y al que tuve
que apartar con mis pies. Logré por fin incorporarme; justo a tiempo pues recibí una
nueva acometida que culminó con un gesto de sorpresa del romano, el cual esperaba
otra vez mi caetra* pero se encontró con que fue mi falcata* la que detuvo el golpe
que iba a mi costado izquierdo y luego la que, con una ligera torsión de muñeca —viejo
truco que me enseñó Obarenes, el jefe de la guardia hispana de Julio César—, le
seccionó la garganta sin que le hubiera dado tiempo a cubrirse.
Me encontré entonces con los ojos medrosos, que pertenecían al tribuno del
casco ático. Tenía empuñado el gladio, pero las manos le temblaban mientras me
acercaba a él. Seguramente había estado ocupado toda su vida en la intendencia y
jamás se había visto en un combate como es debido. Lo comprobé tras los primeros
golpes de tanteo, que él paró con torpeza antes de retroceder. Miré un instante a los
lados para ver qué ocurría y vi que mis guerreros, encabezados por la imponente
hacha bipenne de Caelio, habían ensanchado la brecha que mi caballo y yo habíamos
abierto. No aguardé más y me aproximé al tribuno, pero antes de llegar a él, el hombre
miró frenéticamente a su alrededor, luego lanzó la espada a sus pies y salió corriendo.
No le valió de nada y uno de mis hombres le alcanzó poco más allá, metiéndole un
palmo de metal entre las
29
El último soldurio de Javier Lorenzo
XIII. Anno 728 a.U.c (26 av. J.-C.)
Ivre de folie, je ne vérifiai pas si quelqu'un me suivait et me lançai de toutes
mes forces contre ce hérisson qui commençait à prendre forme. S'il parvenait à
grandir, à se redresser et à sortir tous ses piquants, la situation pouvait changer de
manière drastique. Au fond, face à nous, les flammes commençaient à se propager
parmi l'attirail de guerre, alors que le bétail, situé dans un enclos proche, frappait les
barrières et mugissait, pris de panique. Je m'écrasai contre ce mur de fer, de bois et de
chair, mais j'eus toutefois le temps de croiser pendant quelques secondes des yeux
apeurés avant de m'envoler et de retomber sur terre. J'eus de la chance car je ne
retombai pas mal ; je n'avais pas perdu mon bouclier et grâce à lui, je pus parer
l'attaque d'un légionnaire qui s'était lancé contre moi et que je dus repousser avec
mes pieds. Je réussis enfin à me relever ; juste à temps car je reçus un nouvel assaut
qui se conclut par une grimace de surprise du Romain. Celui-ci s'attendait à se faire
contrer une fois de plus par ma caetra* mais il vit alors ma falcata* parer le coup qui
se dirigeait vers mon flanc gauche, puis, grâce à une légère torsion du poignet –une
vieille ruse que m'avait enseignée Obarenès, le chef de la garde hispanique de Jules
César–, je lui sectionnai la gorge sans qu'il ait le temps de se protéger.
Je me retrouvai alors face à des yeux apeurés qui appartenaient à un tribun
coiffé d'un casque attique. Il avait enfin empoigné son glaive, mais ses mains
tremblaient tandis que je me rapprochais de lui. Il s'était sûrement occupé de
l'intendance toute sa vie et ne s'était jamais retrouvé au cœur d'un combat en bonne
et due forme. J'en eus la certitude après les premiers coups visant à tâter le courage de
l'ennemi, que le tribun para maladroitement avant de reculer. Je regardai un instant
autour de moi pour voir ce qu'il se passait et je vis que mes guerriers, menés par
l'imposante hache bipenne de Caélio, avaient élargi la brèche que mon cheval et moi
avions ouverte. Je n'attendis pas davantage et je m'approchai du tribun, mais avant
même de l'atteindre, l'homme regarda frénétiquement autour de lui avant de jeter son
épée à ses pieds et de partir en courant. Cela ne lui fut pas d'un grand recours car l'un
de mes hommes le rattrapa un peu plus loin et lui enfonça un empan de fer entre les
30
El último soldurio de Javier Lorenzo
costillas. Viéndose perdidos, los legionarios supervivientes abrieron las puertas y
salieron atropelladamente en todas direcciones amparándose en la noche, aunque
algunos tuvieron la mala fortuna de topar en su huida con los jinetes que habían
prendido fuego al campamento. Todo aquel que caía en nuestras manos moría, se
rindiera o no. En nuestros corazones había prendido el deseo de revancha y además no
podíamos permitirnos la gracia de hacer prisioneros. ¿Qué hubiéramos hecho con
ellos?
Nuestro el campo, sacamos al ganado de las cercas y apartamos los carros en
los que aún no había prendido el fuego para examinar su contenido. Allí había una
montaña de trigo, suficiente para alimentar a tres legiones durante un mes, pero
además había ánforas de vino, de aceite y de garum*, y también varios miles de
denarios en un cofre sellado, así como paños, capas y túnicas de finísimo tacto, jarros y
aguamaniles de plata y de oro, y toda una serie de objetos de delicada factura que
parecían haber sido sacados de un palacio. Hasta una estatua en mármol de Mercurio
nos saludó.
31
El último soldurio de Javier Lorenzo
côtes. Se voyant perdus, les légionnaires qui avaient survécu ouvrirent les portes et
sortirent précipitamment, dans tous les sens, afin de se réfugier dans la nuit, bien que
certains, dans leur fuite, aient eu la malchance de tomber sur les cavaliers qui avaient
mis le feu au camp. Quiconque tombait entre nos mains mourait, qu'il se rende ou
non. Le désir de revanche avait embrasé nos cœurs et de surcroît nous ne pouvions
pas nous permettre le luxe de faire des prisonniers. Qu'aurions-nous fait d'eux ?
Quand le campement fut en notre pouvoir, nous sortîmes le bétail des enclos et
nous mîmes à l'abri les chars qui n'avaient pas encore été ravagés par les flammes afin
d'en examiner le contenu. Il y avait là une montagne de blé, suffisamment pour nourrir
trois légions pendant un mois, mais il y avait aussi des amphores de vin, d'huile et de
garum*, ainsi que plusieurs milliers de deniers dans un coffre scellé, des étoffes, des
capes et des tuniques d'un toucher extrêmement fin, des jarres et des aquamaniles en
or et en argent, et toute une série d'objets de délicate facture qui semblaient sortir
d'un palais. Et même une statue de Mercure en marbre nous salua.
32
El último soldurio de Javier Lorenzo
Chapitre XVI, p. 654 -656 (dernier chapitre du roman)
XVI. Anno 731 a.U.c. (22 a.C.)
Aún podemos hacer daño. Hemos saqueado varias caravanas y ayer noche, con
la luna iluminando nuestras cintas blancas, arrasamos un pequeño campamento de
marcha en las orillas del Namnasa*. Extrañamente, estaba al final de una suave ladera.
Dos carros ardiendo —los únicos que pudimos conseguir— aplastaron una parte de sus
defensas, allanando nuestro camino. La lucha fue feroz y encarnizada, pero en estas
circunstancias siempre tiene ventaja el que menos tiene que perder. Muchos
legionarios se ahogaron al pretender huir a través de la crecida corriente. Después,
volcada nuestra rabia, nos esfumamos como sombras entre los cajigales.
Nuestras culpas han recaído sobre cabezas inocentes. Cayo Furnio está haciendo
ganar mucho dinero a los tratantes de esclavos. Dispone de cuatro legiones y varios
cuerpos de auxilia: celtíberos, vascones y autrigones en su mayoría. Los galos y los
tracios se fueron con Augusto tiempo ha. Las temperaturas han aumentado e incluso,
a pesar de la época, se ha levantado viento sur. Es un alivio, pero aun así hemos
decidido trasladarnos desde el Vindio* hasta el Medullio*, donde hay más
posibilidades de hallar alimento y donde también es más sencillo que lleguen quienes
escapan del enemigo. La voz «en Beltene*, en el Medullio» vuelve a oírse, pero ahora
tiene una resonancia lúgubre y fatal.
33
El último soldurio de Javier Lorenzo
XVI. Anno 731 a.U.c (22 avant J.-C.)
Nous pouvons encore faire des dégâts. Nous avons pillé plusieurs convois et
hier, dans la nuit, alors que la lune illuminait nos bandeaux blancs, nous avons ravagé
un petit camp de marche installé sur les berges de la rivière Namnasa*. Étonnement, il
était situé aux pieds d'une légère pente. Deux charrettes ardentes –les deux seules que
nous avons pu obtenir– ont écrasé une partie de leurs défenses, nous ouvrant ainsi la
voie. Le combat a été féroce et sanglant, mais dans de telles circonstances, c'est
toujours celui qui a le moins à perdre qui a l'avantage. De nombreux légionnaires en
fuite se sont noyés en essayant de traverser la rivière en crue. Ensuite, une fois
déversée notre rage, nous nous sommes volatilisés comme des ombres dans une forêt
de chênes.
Nos fautes sont retombées sur des têtes innocentes. Caius Furnius est en train
de faire gagner beaucoup d'argent aux marchands d'esclaves. Il dispose de quatre
légions et de plusieurs troupes auxiliaires : des Celtibères, des Vascons et des
Autrigons pour la plupart. Les Gaulois et les Thraces sont partis avec Auguste il y a bien
longtemps déjà. Les températures ont augmenté et malgré l'époque, le vent du sud
s'est également levé. C'est un soulagement, mais même ainsi, nous avons décidé de
nous déplacer du Vindio* jusqu'au mont Médullio*, où il y a plus de chances de
trouver de la nourriture et où il est également plus facile d'accéder pour ceux qui
échappent à l'ennemi. L'adage "Quand Belténé* nous célébrerons, au mont Médullio
nous nous retrouverons" résonne à nouveau, mais il a maintenant des retentissements
lugubres et fatales.
34
El último soldurio de Javier Lorenzo
Las calzadas siguen siendo nuestro peor adversario y no podemos hacer nada
contra ellas. En media jornada, una legión puede avanzar hasta veinte millas sobre el
terreno más agreste. Por otro lado, su sistema de señales funciona cada vez mejor. No
podemos desplazarnos y mucho menos atacar un punto sin que lo sepan casi al
instante los campamentos más cercanos. El desánimo no cunde más porque ya sólo
pensamos en dar y recibir la muerte.
El tiempo ha empeorado de nuevo y debido a esto mi paladar y mi lengua han
percibido otra vez el sabor de la sangre de caballo. Les hacemos pequeñas heridas en
las patas, cerca de las pezuñas, succionamos de ahí el viscoso líquido, y luego las
cauterizamos con nieve. Eso, junto con toda clase de frutos y raíces, es lo que nos
mantiene en pie porque apenas queda ya caza a la que apuntar con nuestros venablos.
Los ratones se están convirtiendo en un manjar.
35
El último soldurio de Javier Lorenzo
Les voies romaines sont toujours nos pires ennemis et nous ne pouvons rien
faire contre celles-ci. En une demi-journée, une légion peut parcourir jusqu'à vingt
milles sur les terrains les plus agrestes. D'autre part, leur système de signaux
fonctionne de mieux en mieux. Nous ne pouvons pas nous déplacer et encore moins
attaquer une place sans que les camps les plus proches ne le sachent presque
instantanément. Le désespoir a cessé de grandir car nous ne pensons plus qu'à donner
et à recevoir la mort.
Le temps s'est encore dégradé et à cause de cela, mon palais et ma langue ont
une nouvelle fois gouté à la saveur du sang de cheval. Nous leur faisons de petites
entailles sur les pattes, près des sabots, et suçotons le visqueux liquide qui en sort
avant de les cautériser avec de la neige. Ceci, accompagné de toute sorte de fruits et
de racines, nous permet de nous maintenir sur pied car il ne reste presque plus de
gibier à chasser au moyen de nos vénablos. Les souris sont en train de devenir un mets
exquis.
36
El último soldurio de Javier Lorenzo
Ceci est la traduction du glossaire élaboré par l'auteur lui-même (seules apparaissent
les entrées se trouvant dans le corpus).
Glossaire
Ab Urbe condita : "Depuis la fondation de la cité". C'est ainsi que les Romains
calculaient leur Histoire, qui pour eux a commencé en 753 av. J.-C. C'est Marcus
Terentius Varron qui a imposé ce modèle.
Argentum : Signifie "argent", mais par extension, c'est aussi de la monnaie. La pièce en
argent la plus courante était le sesterce. Quatre sesterces équivalaient à un
denier, également en argent, et chaque sesterce équivalait à deux as et demi, l'as,
en bronze, ayant la plus petite valeur.
Barbésula : Il s'agit probablement de la localité gaditane de San Roque de Guadiaro.
Belténé : Il s'agit de la fête du 1er mai qui célébrait la fin de l'hiver. Il est probable
qu'elle soit également la date à partir de la quelle les Cantabres commençaient
leurs campagnes contre les autres peuples. C'était l'une des quatre fêtes celtes, on
y allumait des feux pendant la nuit afin de réchauffer symboliquement la Terre.
Caetra : Il s'agit d'un petit bouclier rond, avec un cône en métal au centre (umbro),
caractéristique des Cantabres.
Cartéia : L'actuelle ville d'Algésiras.
Caviclum : Ancien nom de la ville que l'on connait aujourd'hui comme Torrox, dans la
contrée de La Axarquía, dans la province de Malaga.
37
El último soldurio de Javier Lorenzo
Éléphas, mont : C'est probablement le mont Hacho, à Ceuta, bien que certains
affirment qu'il pourrait s'agir du mont Abilix, l'autre colonne d'Hercule.
Falcata : C'est une épée légèrement recourbée qui était répandue dans presque toute
l'Hispanie. C'était une arme très efficace, qui permettait aussi bien de frapper avec
le tranchant que de porter une botte. D'autre part, il faut rappeler que le glaive
romain recevait le surnom d' "hispano" car les Romains copièrent celui-ci aux
Ibères. Il y a eu des batailles au cours desquelles les soldats romains se
débarrassaient de leur épée, qui jusqu'alors étaient d'origine macédonienne, afin
de s'emparer du glaive ou de la falcata d'un mort et de continuer à se battre avec
celle-ci.
Garum : Sorte de sauce ou de saumure de poissons, apparemment très pestilentielle,
qui malgré tout, était très appréciée dans les tricliniums les plus exigeants de
Rome. Le meilleur, ou l'un des meilleurs, était celui qui se préparait à Gadès.
Actuellement, une entreprise espagnole souhaite récupérer cette coutume en
utilisant les méthodes d'autrefois.
Kalpé (o Calpé) : Ce n'est pas, comme on pourrait l'imaginer le rocher d'Ifach, situé
dans la localité de Calpé (Alicante), mais il s'agit bien du Rocher de Gibraltar.
C'était la colonne d'Hercule du côté européen.
Linto : Le prénom du héros présentait plusieurs problèmes, parmi lesquels se trouvait
le fait que le mot Corocotta inonde le texte. De surcroît, comme il est expliqué
dans le roman, il est très probable que celui-ci soit un surnom et non un prénom
réel. C'est pourquoi j'ai choisi un prénom court. Et celui qui me convenait le plus,
ne me demandez pas pourquoi, était celui d'un petit village près de Vega de Pas,
en Cantabrie.
Médullio, mont : Ou monts, de la même manière que le mont Vindio. Les dernières
investigations indiquent, avec suffisamment de certitude, qu'il s'agit du massif
montagneux qui se nomme aujourd'hui Peña Sagra. Autrefois, il occupait le centre
géographique de la Cantabrie.
38
El último soldurio de Javier Lorenzo
Namnasa, rivière : Malgré les polémiques qui existent encore à propos de la
toponymie des cours d'eau cantabres, tout porte à croire qu'il s'agit de l'actuelle
rivière Nansa.
Obulco : L'actuel village de Porcuna (province de Jaén).
Salduba : L'actuelle ville de Marbella, dans la province de Malaga.
Sexi : L'actuelle commune d'Almuñécar (province de Grenade).
Soldurio : Bien qu'il ne figure pas dans le Dictionnaire de la Real Academia Española, le
terme soldurio existe depuis plus de deux mille ans et il s'applique à ces guerriers,
qui en prenant un dieu pour témoin, mettait leur vie au service d'un seigneur.
Caractéristiques du monde celte, et même du territoire ibérique –la "devotio"
ibérique–, les soldurios étaient bien plus que des mercenaires et tant leur courage
que leur indifférence par rapport à la vie se sont convertis en légende. D'ailleurs,
de nombreux empereurs et généraux romains ont choisi des soldurios hispaniques
en vue de former leur garde personnelle.
Tablinum : C'était la pièce exclusivement réservée au chef de famille. Il servait de
bureau, mais il était fréquent de le voir y vivre et y dormir. En général, il n'y avait
qu'une armoire pour ranger les vêtements.
Vindio, mont : Il s'agit, selon toute vraisemblance des Pics d'Europe. Son nom, vindio
(blanc), provient de la couleur particulière de la roche.
39
Bonus : Le Test de Proust par Javier Lorenzo
El último soldurio de Javier Lorenzo
Afin de connaitre un peu mieux Javier Lorenzo et ce, de façon ludique, je lui ai
proposé de répondre au questionnaire rendu célèbre par Marcel Proust. Et il s'est
volontiers prêté au jeu…
Le principal trait de mon caractère ? J'essaie toujours d'agir de front et avec noblesse.
C'est parfois une erreur.
La qualité que je préfère chez un homme ? L'imagination.
La qualité que je préfère chez une femme ? La fantaisie.
Ce que j'apprécie le plus chez mes amis ? La loyauté.
Mon principal défaut ? Je suis davantage l'esclave de mes paroles que le maître de
mes silences.
Mon occupation préférée ? Cela dépend du moment.
Mon rêve de bonheur ? Me débarrasser de mes cauchemars.
Quel serait mon plus grand malheur ? L'écrire me portera la poisse.
Ce que je voudrais être ? Moi-même, évidemment.
Le pays où je désirerais vivre ? En Espagne.
La couleur que je préfère ? Le noir.
La fleur que j'aime ? Celle de certains cactus.
L'oiseau que je préfère ? L'aigle.
Mes auteurs favoris en prose ? Cela, Delibes, García Márquez, Mahfuz, Hemingway
et, bien évidemment, Kafka. Herman Hesse m'a également beaucoup marqué.
Mes poètes préférés ? Lorca, Neruda... Sincèrement, j'ai quelque peu abandonnée la
poésie.
Mes héros dans la fiction ? El capitán Trueno, Tintin, Mortadel et Filémon, ainsi que
Corto Maltés.
41
El último soldurio de Javier Lorenzo
Mes héroïnes favorites dans la fiction ? Celles qui apparaissent dans mes livres. Elles
sont toutes du tonnerre.
Mes compositeurs préférés ? Bach, Mozart, Puccini, Pallestrina, Elton John, Lou
Reed et Joaquín Sabina, entre autres.
Mes peintres favoris ? Fffff. Goya, Picasso, Dalí, Pollock, Van Gogh, Matisse...
Mes héros dans la vie réelle ? Ceux qui s'efforcent encore de bien faire leur travail.
Mes héroïnes dans la vie réelle ? Les femmes au foyer avec peu de revenu.
Mes héros dans l'Histoire ? Tous les conquistadores de l'Amérique, du premier au
dernier. Blas de Lezo, Jules César, le Roi Baudouin IV, le Lépreux… Il y en a des
millions.
Mes héroïnes dans l'Histoire ? Augustine d'Aragon, La Malinche, Jeanne d'Arc...
Mes prénoms favoris ? Diego, Alonso, Rodrigo... Des prénoms bien de chez nous.
Ce que je déteste par-dessus tout ? Le mépris envers les personnes humbles.
Personnages historiques que je méprise le plus ? Franco, Godoy, la plupart des Rois
Bourbon et, curieusement, Fouché.
Le fait militaire que j'admire le plus ? La conquête de l'Amérique. À mon avis –en
tenant compte de la pénurie d'hommes, de la faiblesse des moyens et de
l'éloignement, ainsi que de tout ce qui a été obtenu et transformé en si peu de
temps–, il n'y a aucun autre haut fait comparable dans toute l'Histoire de
l'Humanité... Pardon, je me laisse emporter par mon hispanophilie.
La réforme que j'estime le plus ? Celle des consciences, mais cela va être un peu
compliqué.
Le don de la nature que je voudrais avoir ? Voler.
Comment j'aimerais mourir ? Vite, sans douleur, mais conscient.
État présent de mon esprit ? Dans l'expectative.
Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence ? Les vices personnels.
Ma devise ? La vie ne dure qu'un instant…
42