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LEX N°1194 du Vendredi 27 Juillet 2012 HEBDO Le vrai journal du droit LE MARABOUT ET LA SOCIÉTÉ PAR Me DOUDOU NDOYE Dans le langage naturaliste, le marabout est « un oiseau échassier d’Asie et d’Afrique, au bec énorme et dont le cou déplumé est enfoncé entre les ailes » Dans les temps de l’introduction de l’Islam en Afrique noire, difficiles furent les sacrifices consentis par certains personnages pour accéder à la sagesse et à la science islamique. Ces personnages, rares, étaient souvent remarqués par leur minceur, tout de blanc vêtus, appuyés sur cette canne «échassier » ; le colonisateur, par l’image, les a appelé marabout. Ces marabouts ont été les fers de lance de la lutte contre le colonisateur, certains par les armes, et d’autres par la sagesse puisée dans la religion. Ils ont contribué fortement à l’émergence d’un Sénégal indépendant, équilibré et convivial; nous leur devons sûrement le respect des valeurs républicaines. Au cours de la dernière campagne électorale présidentielle, j’ai vu, j’ai vécu, Serigne Mansour Sy Djamil aux côtés de celui qui devait devenir le Président Macky SALL, arpenter tout le Sénégal, de nuit et de jour, bravant la faim, la soif, jetant sa santé dans cette aventure républicaine. Le Mouvement du 23 juin eût- il été, si Serigne Mansour Sy Djamil et bien d’autres, n’avaient ils contribué aussi bien à la réflexion préparatoire qu’à l’action ? Que serait devenu le Mouvement du 23 juin, lorsque Alioune Tine et autres étaient sur le point de décréter sa dissolution après le retrait par Monsieur Abdoulaye Wade de son projet constitutionnel ? Serigne Mansour Sy Djamil était en face de moi dans la Salle de l’Hôtel Ngor Diarama lorsque j’arrivai à les convaincre que ce mouvement ne pouvait disparaître, alors que pourtant je répondais encore aux couleurs du Parti Démocratique Sénégalais ? La victoire éléctorale de Monsieur le Président Macky Sall est une représentation d’une âme collective, de contributions quantitatives et qualitatives associées. Douleur fut pour moi de lire un échange acerbe entre un membre de notre Gouvernement et le député Serigne Mansour Sy Djamil sur les risques républicains que pourrait nous faire courir la présence en politique des religieux... et des banquiers. Les critères initiaux observés par la France et les français pour donner à nos sages et érudits l’appellation marabout, sont-ils restés actuels au 21ème siècle ? Au cours de cette campagne électorale, alors que nous étions tous épuisés, Serigne Mansour Sy Djamil fut encore de tous les hommes politiques, à ma connaissance, le seul qui continuait à se préoccuper de notre Constitution au delà de l’oppositon à Abdoulaye Wade et de la seule conquête du pouvoir : en effet, il me signala qu’entre le livre que Monsieur le professeur Ismaël Madior FALL a consacré à notre Constitution et le mien, il y avait une discordance qui le préoccupait. C’est une question sûrement de détail mais quand même importante; il n’y a pas de détail dans la vie des sociétés humaines – beaucoup de guerres sont issues de faits que d’autres plus sages auraient considérés comme détails. Suspendant alors ma campagne avec le Président Macky Sall pour une nuit, j’ai étudié cette remarque et je me suis rendu compte que c’est le texte du professeur Ismaël Madior Fall qui était plus exact que le mien ; la SA Editions Juridiques Africaines EDJA exécuta le lendemain matin un papillon de correction qui fut immédiatement inséré dans tous les livres en stock et envoyé aux acquéreurs. Serigne Mansour Sy Djamil a sûrement gardé la lettre de remerciement, de félicitation et d’encouragement que je lui envoyai au cours de cette campagne présidentielle du 2ème tour pour louer son engagement, jusqu’à la science juridique, au service de notre République et aussi de la bonne gouvernance que nous espérons de notre nouveau Président. De quelle légitimité peut-on se réclamer pour dire que la présence des marabouts à l’Assemblée nationale est un danger pour la République ? De quelle légitimité historique ou actuelle peut-on se réclamer pour se permettre d’exclure de notre vie les descendants de Cheikh Omar Al Fouti TALL, de Cheikh Sidy El Hadj Malick SY, de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, de Seydina Limamoulaye THIAW, de Cheikh Abdoulaye NIASSE ... Ceux-là mêmes qui, avec les dignitaires civils d’hier et d’aujourd’hui ont bâti l’unité de notre Nation. L’équilibre de notre société dépend de la qualité du lien qui unit les opposés. Notre tendance, hélàs souvent, à refuser l’histoire, verse de l’eau au moulin de ceux qui dénient à l’Afrique son appartenance à la conscience historique universelle. Me Doudou NDOYE Lex hebdo n°1194 du Vendredi 27 Juillet 2012