Analyse de document en histoire L`expérience combattante pendant
Transcription
Analyse de document en histoire L`expérience combattante pendant
Analyse de document en histoire L’expérience combattante pendant la Première Guerre mondiale Consigne : Après avoir présenté le document, vous montrerez en quoi ce témoignage est révélateur de l’expérience combattante des soldats pendant la Première Guerre mondiale Document : lettre de Joseph Deschanet à son frère, le 15 février 1915 Mon cher Henri, J’ai reçu ta lettre du 3 février dans les tranchées et je me hâte de te répondre pendant que nous sommes dans le calme. (… ) Depuis des mois et des mois, on est là, face à face, sans bouger, sans pouvoir bouger. Nous partons le soir, à la nuit tombante, par n’importe quel temps, pour gagner les tranchées de première ligne. Pour y parvenir, il faut suivre des boyaux d’approche qui garantissent contre les balles qui, en tout temps, à toute heure, sillonnent les plaines. C’est une boue infecte, épouvantable, inouïe. On enfonce jusqu’aux genoux, et il faut parfois l’aide d’un camarade pour s’en tirer. Après une heure d’efforts, de glissades, de chutes, de « bains de pieds » , nous arrivons dans les fameuses tranchées. On se courbe, on se cache car les balles pleuvent et les boches illuminent de tous côtés la plaine avec leurs fusées éclairantes pour tâcher de découvrir la « relève » afin de la canonner. Et, couverts de boue, les pieds pleins d’eau, l’on s’installe. On est à 150, 100, 10 mètres de l’ennemi. Allemands et Français cherchent à se rapprocher le plus possible et pour cela creusent des sapes qui parfois se rencontrent. Nous passons ainsi la nuit sous la pluie, la neige, la gelée. (…) On grelotte, on claque des dents, on « bat la semelle » on fume cigarette sur cigarette, on boit de l’alcool et encore de l’alcool, pour se réchauffer et …. s’abrutir.(…). On entend un petit bruit sourd, bien connu. Alors, chacun se lève ! « Une bombe ! » Les yeux se lèvent avec frayeur vers le ciel où va apparaitre l’engin terrible ! Un cri ! « La voilà ! Gare ! Gare ! La bombe ! » (…) et l’on voit d’horribles choses. Des hommes lancés à 40 mètres de là ! ou plutôt…des débris d’hommes… des hommes enterrés vivants, d’autres devenus fous, d’autres sourds et hébétés par la commotion. (…) Que je suis heureux de t’écrire, de pouvoir converser avec toi, te raconter un peu de vérité dans toute sa dureté. Ah ! Les belles phrases, les belles poésies, les beaux discours des journaux ! (…) Et l’on dit, sans doute, tu entends dire, j’en suis sûr, parfois ceci « Qu’est-ce qu’ils f...ichent ? Qu’attendent-ils pour les mettre dehors ? Ils ne font rien ! Ça ne marche pas ! » Je voudrais les voir un peu à notre place, les beaux parleurs de café et du coin de feu ! Lettres de poilus, éditions OML, p 139 et p.160, 2008 Proposition de Corrigé Accroche : Le conflit qui éclate en Aout 1914 est l’un des plus meurtriers de l’histoire. Pour la première fois les soldats vont être confrontés à une nouvelle forme de guerre, inédite juqusqu’alors. Présentation du document : Ainsi le document présenté est une lettre écrite par Joseph Deschanet , soldat français adressée à son frère, le 15 février 1915, quelques mois après le début des hostilités contre la Triple Alliance ( et notamment l’Allemagne – Août 1914) ; Extrait de lettres de Poilus , publié par les Editions OML en 2008, ce texte est un témoignage de la guerre . Problématique : Comment l’auteur met-il en relief l’expérience combattante des soldats durant la 1ère guerre mondiale ? ►L’expérience combattante se caractérise en premier lieu par une nouvelle forme de guerre dite de position En effet, . L’incapacité pour les belligérants de remporter une bataille oblige les soldats à s’enterrer dans des « tranchées », « face à face, sans bouger » séparés des positions adverses d’un no man s land de quelques « 150- 100 ou 50 m » qu’il convient de s’emparer en lançant des offensives. L’objectif étant de percer le front adverse par des offensives parfois inutiles « ça ne marche pas » C’est une guerre où les batailles sont longues « depuis des mois et des mois » à l’image de Verdun (février à décembre 1916) une guerre d’usure ►Cette nouvelle forme de guerre donne lieu à des expériences combattantes inconnues jusqu’alors et liées à la guerre totale. En effet les soldats se trouvent confrontés à de nouveaux armements« fusée éclairante, bombe… l’engin terrible », issus de la production industrielle , des avancées technologiques et scientifiques et dont la puissance de feu est redoutable et où les soldats « voient d’horrible chose » « des hommes lancés à 40 mètres de là et enterrés vivants » et où les pertes sont catastrophiques à l’image de Verdun où l’on compte près de 1000 morts par jour. ►A cette boucherie humaine s’ajoutent des souffrances morales facteurs de déshumanisation : la vue insoutenable des morts et des blessés « des débris d’hommes » engendre des traumatismes psychologiques où l’homme est rabaissé au rang de l’animal et où certains soldats « deviennent fous». mais aussi et surtout des conditions de vie et de combats pour ces poilus extrêmement éprouvantes confrontés au froid, à la pluie, ils vivent dans un véritable bourbier « la nuit sous la pluie , la neige, la gelée » « cette boue infecte » dans l’attente de la relève ►Pour tenir au front pour défendre la patrie, se développe entre les soldats un esprit de solidarité ou pour survivre il faut l’aide « d’un camarade» et où le courrier joue un rôle de réconfort et où le soldat est« heureux de pouvoir converser ». Néanmoins dès le début de cette guerre un sentiment d’incompréhension entre le front et l’arrière se fait sentir « « ils ne font rien , qu’est-ce qu’ils fichent ? » et de lassitude se développe « je voudrais les voir à notre place » la guerre devait être pour ces poilus courte et facile alors que « ça ne marche pas ». Tous ces aspects préfigurent les mutineries et les désertions de 1917 . ► Intérêt et Limite pour les L et ES : Ce document est donc intéressant dans la mesure où il dresse un panorama de la guerre des tranchées et des conditions de combat des soldats dans cette nouvelle expérience combattante Comprendre la souffrance des poilus, c’est aussi examiner les conditions de vie dans les tranchées, le processus de brutalisation qui va toucher certains soldats suite aux horreurs vécues, ce que l’auteur omet de signaler. Il touchera tous les soldats, français comme Allemands. Ecrite en 1915, cette lettre n’a sans doute pas été adressée à son destinataire. Dans le cadre de la guerre totale, la censure jouait un rôle primordial pour ne pas dévoiler l’état d’esprit des soldats à leurs proches, ni critiquer les ordres des « beaux parleurs » les Etatsmajors, ceux que l’on nommera les planqués Conclusion La première guerre mondiale est donc bien une expérience combattante pour les soldats. Principales victimes de la guerre totale, de la violence de masse, ils appartiennent à ce qu’on appelle la « génération du feu »