Cancers du rhinopharynx (145b)

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Cancers du rhinopharynx (145b)
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Cancers du rhinopharynx (145b)
Professeur Emile REYT
Octobre 2003 (Mise à jour Mars 2005)
Pré-Requis :
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Sémiologie des cancers des voies aérodigestives supérieures
Anatomie du pharynx
Obstruction nasale
Diagnostic des surdités
Résumé :
Carcinomes du rhinopharynx :
Il s’agit souvent de carcinomes indifférenciés .
Les facteurs épidémiologiques sont environnementaux (Chine Sud-Est, Maghreb) et liés à
Epstein Bar virus.
Le mode d’apparition est une hypoacousie de transmission (OSM) et une adénopathie
cervicale ++. Un seul de ces signes doit faire examiner attentivement le rhinopharynx.
L’envahissement de la base du crâne (TDM, atteinte des paires crâniennes) aggrave le
pronostic.
Le traitement est une chimiothérapie néo-adjuvante suivie de radiothérapie ou une
chimioradiothérapie concomitante en cas de carcinome indifférencié.
Mots-clés :
Cancer, rhinopharynx, cavum, otite séreuse, diagnostic, chimioradiothérapie.
Références :
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Cancers du nasopharynx (cavum) Jean Bourrhis Guy Schwaab Traité d’ORL EMC
20-590-A-10,1999
Santemaghreb.com ; le guide de la santé et de la médecine en Algérie :
http://www.santemaghreb.com/algerie/cavum.htm
Altun M, Fandi A, Dupuis O, Cvitkovic E, Krajina Z, Eschwege F Undifferentiated
nasopharyngeal cancer (UCNT) : current diagnostic and therapeutic aspects. Int J
Radiat Oncol Biol Phys 1995 ; 32 : 859-877
Wei Wi, Sham JS, Zong YS, Choy D, Ng MH The efficacy of fiberoptic endoscopic
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Cancer 1991 ; 67 : 3127-3130
World Health Organisation. WHO handbook for reporting results of cancer
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Preliminary results of a randomized trial comparing neoadjuvant chemotherapy
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survival. VUMCA I Trial. International Nasopharynx Cancer Study Group (INCSG).
Int J Radiat Oncol Biol Phys 1996 ; 35 : 463-469
Liens :
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Santemaghreb.com ; le guide la santé et de la médecine en Algérie :
http://www.santemaghreb.com/algerie/cavum.htm
Exercices :
1. Introduction
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Les cancers du rhinopharynx se distinguent des autres cancers des VADS par de nombreux
caractères :
• leur développement dans une cavité profondément située sous la base du crâne
difficile d’accès,
• leur symptomatologie d’emprunt, fréquemment liée à l’atteinte des structures
anatomiques voisines,
• leurs caractères histologiques: carcinomes indifférenciés ou carcinomes épidermoïdes
peu différenciés,
• leur plus grande radiosensibilité,
• l’absence de facteurs étiologiques éthyliques et/ou tabagiques et des foyers
endémiques connus.
2. Rappel anatomique
Le rhinopharynx appelé cavum ou nasopharynx ou épipharynx est situé sous la base du crâne,
en arrière des fosses nasales, au-dessus de l’oropharynx et en avant des 2 premières vertèbres
cervicales. C’est un organe impair et médian.
Les parois latérales sont musculo-aponévrotiques. Dans chaque paroi latérale s’abouche
l’orifice de la trompe d’Eustache. Les parois latérales séparent le cavum des espaces
parapharyngés rétrostylien et préstylien et leur contenu vasculaire et nerveux.
Le toit du cavum est osseux répondant au-dessus au plancher du sinus sphénoidal. La paroi
postérieure est formée par le clivus et les 2 premières vertèbres cervicales.
En avant, le cavum communique avec les cavités nasales par les choanes.
Photo : Rhinopharynx vue endoscopique postérieure
(E. Reyt)
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Le cavum communique en bas avec l’oropharynx et n’est fermé que pendant la déglutition par
la face postérieure du voile du palais.
La muqueuse du cavum est un épithélium de type respiratoire riche en éléments lymphoïdes.
3. Anatomie pathologique
3.1. Les cancers du rhinopharynx appartiennent à 3 groupes
histologiques principaux
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Les carcinomes épidermoides différenciés plus ou moins kératinisants;
Les carcinomes indifférenciés appelés carcinomes naso-pharyngiens ou UCNT
(“undifferenciated carcinoma of nasopharyngeal type”), les plus fréquents.
Les lymphomes sont plus rares.
Les autre tumeurs malignes sont exceptionnelles chez l’adulte (plasmocytome,
adénocarcinome, cylindrome).
3.2. Les carcinomes du cavum sont très lymphophiles et
s’accompagnent d’adénopathies dans 60 % à 80 % des cas,
souvent bilatérales
4. Epidémiologie
Il s‘agit d’une localisation cancéreuse rare en France. Sa répartition géographique est
particulière; il est fréquent dans toute l’Asie du Sud- Est ( en particulier la Chine du Sud)
(incidence 35 à 40 / 100 000. Il est fréquent dans les pays du Maghreb (incidence 15 / 100
000) et dans le bassin méditerranéen ainsi que chez les Esquimaux. Il survient à tout âge et le
sex-ratio est de 3 hommes pour une femme.
Des facteurs différents interviennent dans sa genèse:
• Liaison avec le virus Epstein-Barr : présence de marqueurs viraux dans les cellules
tumorales épithéliales, taux élevé d’anticorps anti-EBV en particulier un taux élevé
d’IgG anti VCA (viral capside antigen), d’IgG anti EA (early antigen), d’IgA anti
VCA.
• Facteurs génétiques
• Facteurs d’environnement (aliments fumés, nitrosamines.)
Le rôle de l’alcool et du tabac n’est pas retrouvé comme dans les autres cancers du larynx ou
du pharynx.
5. Signes cliniques d’appel
Le diagnostic est souvent tardif devant la latence clinique de cette localisation tumorale.
Les signes cliniques révélateurs les plus fréquents sont :
5.1. Des signes otologiques
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Hypoacousie unilatérale progressive de transmission par dysfonctionnement de la
trompe d’Eustache créant un épanchement séro-muqueux de l’oreille moyenne.
Acouphènes, autophonie.
L’examen au miroir du rhinopharynx ou à l’aide d’un nasofibroscope doit être systématique
en présence d’un dysfonctionnement tubaire chez un adulte d’autant qu’il est unilatéral.
5.2. Des signes rhinologiques
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Epistaxis récidivantes
Rhinorrhée purulente ou sanguinolente ne cédant pas à un traitement antibiotique bien
conduit
Obstruction nasale uni ou bilatérale d’apparition progressive.
Ces signes doivent évoquer une origine tumorale surtout s’ils sont unilatéraux.
5.3. Des signes neurologiques peuvent être révélateurs
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Paralysie oculo-motrice du VI (diplopie)
Syndrome douloureux de l’hémiface ou du pharynx par atteinte du V ou du IX,
Céphalées.
Cette symptomatologie est trompeuse car on ne pense pas toujours à bien examiner le cavum
en cas d’atteinte de ces paires crâniennes.
5.4. Le premier signe est fréquemment une ou des
adénopathies cervicales haut situées
Dans le territoire sous-digastrique ou le territoire spinal haut (triangle postérieur du cou) de
distribution uni ou bilatérale. Plus de 50 % des patients consultent pour une adénopathie
prévalente.
6. Bilan clinique
6.1. L’examen clinique
Il est conduit sous bon éclairage au miroir en rhinoscopie postérieure.
L’examen est facilité par l’utilisation d’optiques rigides par voie nasale ou à 90° par voie de
l’oropharynx ou à l’aide d’un nasofibroscope au besoin après anesthésie locale. Il permet de
visualiser la tumeur et de préciser sa taille et son extension.
6.2. Un bilan clinique régional
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Précise l’extension ganglionnaire cervicale, le nombre, la taille, le siège, la consistance des
adénopathies et leur mobilité par rapport à la peau et aux gros vaisseaux. La présence d’une
adénopathie aggrave le pronostic et peut modifier l’indication thérapeutique.
L’examen des tympans et de l’audition a une valeur d’orientation.
L’examen des paires crâniennes, du fond d’oeil et du champ visuel précise l’extension aux
structures de voisinage.
7. Les examens complémentaires comprennent
7.1. Un examen endoscopique
Sous anesthésie générale par voie endonasale avec une optique rigide ou examen conduit sous
microscope opératoire en relevant le voile du palais vers l’avant par voie orale (technique
classique de Debain). Il permet de préciser l’aspect ulcérant ou infiltrant de la tumeur et
l’extension tumorale dont les limites sont reportées sur un schéma. Des biopsies profondes
sont réalisées pour préciser la nature de la tumeur. Le bilan débouche sur une classification T .
7.2. La tomodensitométrie (TDM) avec injection iodée
Est devenue indispensable. Elle précise le siège de la tumeur, l’extension aux structures
voisines orbitaires, endocraniennes, parapharyngées et de la base du crâne. L’IRM est
indiquée secondairement si la TDM ne suffit pas pour préciser certaines extensions comme
les espaces méningés.
7.3. Le dosage des anticorps anti-EBV
Est systématique avant de commencer le traitement. Leur taux est souvent élevé en cas de
carcinome indifférencié (UCNT). Les taux d’IgG anti VCA, d’IgG anti EA et d’IgA anti VCA
peuvent être élevés. Le taux d’IgA anti VCA est très spécifique de carcinome indifférencié
nasopharyngé. Si ces taux élevés se normalisaient à la fin du traitement, ils pourraient être
utilisés pour suivre l’évolution. En pratique, cette situation est rare pour être employée.
7.4. Le bilan général
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Recherche une métastase viscérale pulmonaire, hépatique, osseuse ou cérébrale.
Seules doivent être systématiquement demandées une radiographie pulmonaire et une
échographie hépatique. La scintigraphie osseuse ou la TDM cérébrale ne seront
demandées qu’en présence de signes d’appel.
On évalue aussi l’état cardiorespiratoire, la fonction rénale, l’état nutritionnel et l’état
de la dentition cliniquement et par un cliché panoramique dentaire.
8. Les formes cliniques
8.1. Les formes de l’enfant
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Sont rares et représentent 25% des cancers cervico-faciaux de l’enfant. Le diagnostic est
souvent tardif car la symptomatologie est voisine de l’hypertrophie des végétations adénoïdes.
Une adénopathie cervicale peut être révélatrice.
8.2. Les lymphomes
Représentent 30 % des localisations tumorales du cavum.
Ils se révèlent le plus souvent par des adénopathies cervicales hautes mais sans
symptomatologie douloureuse et sans atteinte des paires crâniennes. Le diagnostic doit être
évoqué en l’absence de facteurs de risque et des prélèvements frais doivent parvenir au
laboratoire pour des techniques d’immunomarquage et d’hybridation in situ
Le pronostic est relativement favorable si le traitement est précoce.
9. Classification TNM
Classification T :
• T1 atteinte d’une paroi du cavum
• T2 atteinte de plus d’une paroi
• T3 atteinte des choanes et/ou de l’oropharynx
• T4 atteinte de la base du crâne (paires crâniennes)
Classification N :
• N0 absence d’adénopathie
• N1 adénopathie < 3 cm
• N2 a adénopathie unique > 3 cm et < 6 cm
• N2 b adénopathies multiples homolatérales
• N2 c adénopathies bilatérales
• N3 adénopathie > 6 cm
Classification M :
• M0 absence de métastase
• M1 Présence de métastases
10. Le diagnostic différentiel
10.1. Chez l’adulte
Il peut s’agir d’un kyste, d’un polype solitaire de Killian, d’une tuberculose ou d’une
sarcoïdose. La biopsie confirmera le diagnostic dans tous les cas.
10.2. Chez l’enfant ou l’adolescent
Il peut s’agir d’une hypertrophie adénoïdienne ou d’un angiofibrome. Chez l’adolescent
masculin, la tomodensitométrie injectée suivie d’une artériographie préciseront le diagnostic,
la localisation et la vascularisation de l’angiofibrome. La biopsie, en raison du risque
hémorragique, peut être dangereuse si l’on suspecte un angiofibrome.
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11. Le traitement
11.1. Les méthodes
11.1.1. La radiothérapie
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L’irradiation externe est délivrée sur le site tumoral incluant la base du crâne et les
aires ganglionnaires cervicales bilatérales à la dose de 65 à 70 Gy. . La radiothérapie
reste le principal traitement des UCNT. Les progrès récents permettent maintenant
d'envisager une meilleure probabilité de contrôle tumoral tout en limitant la morbidité
(modulation d’intensité, radiothérapie conformationnelle). Parmi les patients
présentant une maladie localement évoluée, la chimiothérapie néoadjuvante ou
concomitante à la radiothérapie a permis d'augmenter la survie sans récidive dans
plusieurs essais randomisés récents
La curiethérapie ou la radiothérapie de contact peuvent être utilisées sur des reliquats
tumoraux.
11.1.2. La chirurgie
Est essentiellement une chirurgie cervicale ganglionnaire pour effectuer un évidement
ganglionnaire. L’accès chirurgical du rhinopharynx est difficile car en rapport étroit avec la
base du crâne. Des voies infratemporales sont alors utilisées, ceci rarement en Europe en cas
de carcinome différencié ou indifférencié.
11.1.3. La chimiothérapie néo-adjuvante
A un intérêt démontré sur l’amélioration de la survie sans rechute dans plusieurs essais
randomisés: les drogues les plus efficaces sont le 5 Fluoro-uracile et le Cisplatine,
administrées par un cathéter veineux central. Le Cisplatine peut être associé à d’autres
drogues telle l’Adriamycine ou la Bléomycine. Elle peut être associée à la radiothérapie de
façon concomitante essentiellement dans les carcinomes épidermoïdes différenciés.
11.2. Les indications
11.2.1. En cas de carcinome indifférencié UCNT
On a habituellement recours à la chimiothérapie néoadjuvante suivie de radiothérapie à la
dose de 70 Gy. Ce traitement peut être suivi d’un évidement ganglionnaire en cas de nonstérilisation ou de récidive ganglionnaire.
11.2.2. En cas de carcinome épidermoïde
L’indication est une chimioradiothérapie concomitante qui peut être précédée d’un évidement
ganglionnaire en cas d’adénopathie supérieure à 3 cm (N2 ou N3).
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11.2.3. Chez l’enfant
On a facilement recours à une chimiothérapie pour diminuer les doses d’irradiation délivrée
sur la base du crâne.
11.2.4. En cas de lymphome
Sont indiquées chimio et/ou radiothérapie après un bilan d’extension complet.
12. Evolution et pronostic
Localement, l’extension tumorale entraîne une atteinte des nerfs crâniens donnant un
syndrome de l’apex orbitaire (amaurose), un syndrome du sinus caverneux (paralysie des III,
IV, VI et exophtalmie), un syndrome pétro-sphénoidal (atteinte du V, VI, troubles cochléovestibulaires).
L’extension peut se faire vers le voile du palais, vers les fosses nasales et les sinus, vers la
fosse infra-temporale entraînant un trismus.
Le pronostic est sombre, la survie globale à 5 ans étant de 35%. Cependant, il est fonction de
l’extension à la base du crâne qui aggrave le pronostic.
Ce cancer présente un taux élevé de métastases ganglionnaires, et surtout viscérales, qui
explique une partie des échecs thérapeutiques malgré une radiosensibilité marquée permettant
d'obtenir un taux de contrôle locorégional de la maladie relativement élevé.
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