LES TUMEURS MALIGNES DU RHINOPHARYNX

Transcription

LES TUMEURS MALIGNES DU RHINOPHARYNX
Item 145
Item 145 : Tumeurs malignes du rhinopharynx.
OBJECTIFS
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•
•
savoir diagnostiquer une tumeur du rhinopharynx
apprécier les signes de gravité et les facteurs pronostiques
l'étudiant doit connaître les stratégies de prévention, de dépistage, de diagnostic
et de traitement des principales tumeurs bénignes et malignes afin de participer
à la décision thérapeutique multidisciplinaire et à la prise en charge du malade à
tous les stades de la maladie.
RAPPEL ANATOMIQUE
Le rhinopharynx appelé cavum est situé sous la base du crâne en arrière des fosses nasales, audessus de l'oropharynx et en avant des deux premières vertèbres cervicales. Dans chaque paroi
latérale s'abouche l'orifice de la trompe d'Eustache. Les parois latérales du cavum entretiennent
des rapports étroits avec les espaces parapharyngés rétrostyliens et préstyliens et avec leur
contenu vasculo-nerveux. En haut, le cavum est en rapport avec le sinus sphénoïdal et le sinus
caverneux plus latéralement. En avant, le cavum communique avec les fosses nasales par les
choanes. La muqueuse du cavum est un épithélium de type respiratoire riche en éléments
lymphoïdes.
Par sa topographie profonde, peu accessible à l'examen, et malgré une symptomatologie
d'emprunt riche mais trompeuse, le diagnostic est tardif et son pronostic sombre.
ANATOMO-PATHOLOGIE
Les cancers du rhinopharynx appartiennent à trois groupes histologiques principaux :
-Les carcinomes épidermoïdes ou malpighiens différenciés plus ou moins kératinisants ;
-Les carcinomes épidermoïdes indifférenciés appelés carcinomes naso-pharyngiens UCNT
(undifferenciated carcinomas of nasopharyngeal type).
-Les lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) sont plus rares.
Les carcinomes du cavum sont très lymphophiles et s'accompagnent d'adénopathies dans 60 à 80
% des cas, le plus souvent de façon bilatérale.
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EPIDEMIOLOGIE
Dans sa forme d'épithélioma indifférencié, la plus fréquente, le cancer du cavum occupe une
place originale liée à quatre facteurs :
Une distribution géographique mondiale particulière permettant la distinction de trois zones
d'endémie :
-L'Asie du Sud-Est, en particulier la Chine du Sud.
-Les pays du Maghreb et du bassin méditerranéen.
-L'Alaska chez les Esquimaux.
L'Europe, les USA et le Japon constituent des zones à très faible risque de cancer du cavum. Ce
cancer survient à tout âge et le sexe ratio est de 3 hommes pour 1 femme.
Différents facteurs interviennent dans sa genèse :
-liaison avec le virus Epstein Barr (présence de marqueurs viraux dans les cellules tumorales
épithéliales et augmentation du taux d'anticorps anti EBV) ;
-des facteurs génétiques
-des facteurs d'environnement.
L'alcool et le tabac ne sont pas des carcinogènes rencontrés dans ce type de cancers.
DIAGNOSTIC
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Les signes cliniques d'appel
Le diagnostic est souvent tardif devant la latence clinique de cette localisation tumorale.
Les signes cliniques révélateurs les plus fréquents sont :
o des signes otologiques : hypoacousie unilatérale, progressive, de transmission par
dysfonctionnement de la trompe d'Eustache, acouphènes, otophonie.
o des signes rhinologiques : épistaxis récidivantes, rhinorrhée purulente ou
sanguinolante ne cédant pas à un traitement classique, obstruction nasale uni ou
bilatérale d'apparition progressive.
o des signes neurologiques peuvent être révélateurs : paralysie oculo-motrice du VI,
syndrome douloureux de l'hémiface ou du pharynx avec atteinte du V ou du IX,
céphalées.
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Le premier signe fréquemment rencontré est une ou des adénopathies cervicales haut
située(s) dans le territoire sous-digastrique ou spinal haut (triangle postérieur du cou) de
distribution uni ou bilatérale(s).
BILAN CLINIQUE
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o L'examen clinique est conduit au nasofibroscope ou avec des optiques rigides par voie nasale
ou à 90° par voie de l'oropharynx. Cet examen est toujours complété d'un bilan endoscopique
sous anesthésie générale. Cet examen permet de préciser l'aspect macroscopique de la tumeur
(ulcérant ou infiltrant) et son extension tumorale dont les limites seront reportées sur un
schéma. Des biopsies profondes seront réalisées pour préciser la nature de la lésion.
o Le bilan clinique régional va préciser l'extension ganglionnaire cervicale, la présence d'une
adénopathie aggrave le pronostic et peut modifier l'indication thérapeutique.
L'examen des tympans et de l'audition a une valeur d'orientation.
L'examen des paires crâniennes, le fond d’œil et le champ visuel précise l'extension aux
structures de voisinage, en particulier de la base du crâne.
o Le bilan général comprend la recherche de métastases viscérales, pulmonaires, hépatiques,
osseuses ou cérébrales. Il apprécie l'état cardio-respiratoire, la fonction rénale et l'état
nutritionnel ainsi que l'état de la dentition en vue d'une radiothérapie.
LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
Ils comprennent :
o Le bilan radiologique qui précise l'extension locale de la tumeur.
-
La tomodensitométrie est devenue indispensable et précise le siège exact de la tumeur,
ses limites et son extension osseuse aux structures de voisinage.
L'IRM permet de préciser l'extension de la tumeur aux structures endocrâniennes
parapharyngées ou à la fosse ptérygo-maxillaire.
Une scintigraphie osseuse permet également d'apprécier l'extension tumorale locale à la
base du crâne et la recherche de métastases osseuses disséminées.
o Le dosage des anticorps anti-EBV est systématique avant de commencer le traitement. Leur
taux est élevé en cas de carcinome épidermoïde indifférencié et permettra de suivre
l'évolution de la maladie.
Au terme de ce bilan, la tumeur sera classée selon la CLASSIFICATION TNM DE L'AJCC –
UICC (97) :
Tis Carcinome in situ
T1 Tumeur limitée à un seul site du nasopharynx
T2 Extension tumorale aux tissus mous de l’oropharynx et/ou à la fosse nasale
T2a sans extension parapharyngée
T2b avec extension parapharyngée
T3 Invasion tumorale des structures osseuses et/ou des sinus maxillaires
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T4 Tumeur avec extension intracrânienne et/ou atteinte des nerfs crâniens, de la fosse soustemporale, de l’hypopharynx ou de l’orbite
Adénopathies cervicales
N0 Pas d’adénopathie régionale métastatique
N1 Adénopathie(s) métastatique(s) unilatérale(s), < ou égale à 6 cm dans la plus grande
dimension, au-dessus du creux sus-claviculaire (NB : les adénopathies situées sur la ligne
médiane sont considérées comme homolatérales)
N2 Adénopathies métastatiques bilatérales,< ou égale à 6 cm dans la plus grande dimension, audessus des creux sus-claviculaires
N3 Adénopathie(s) métastatique(s) :
N3a > 6 cm
N3b au niveau du creux sus-claviculaire
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Métastases à distance
M0 Pas de métastases à distance
M1 Présence de métastase(s) à distance
LES FORMES CLINIQUES
o Les formes de l'enfant sont rares et représentent 25 % des cancers cervico-faciaux de
l'enfant. Le diagnostic est souvent tardif car la symptomatologie est voisine de
l'hypertrophie des végétations adénoïdes.
o Le lymphome malin non hodgkinien représente 30 % des localisations tumorales du
cavum. Il se révèle le plus souvent par des adénopathies cervicales hautes, mais sans
symptomatologie douloureuse, sans paralysie d'un nerf crânien, ni épistaxis.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
o Chez l'adulte, il peut s'agir d'un kyste du cavum, d'un reliquat embryonnaire ou d'une
hypertrophie des végétations adénoïdes. Les localisations nasopharyngées de la
tuberculose, de la sarcoïdose ou de la syphilis sont devenues rares de nos jours.
o Chez l'enfant ou l'adolescent, il peut s'agir d'une hypertrophie adénoïdienne ou d'un
angiofibrome. Le caractère vasculaire de l'angiofibrome à l'endoscopie permet de
suspecter le diagnostic chez un adolescent de sexe masculin et conte-indique
formellement la biopsie. L'IRM évoquera le diagnostic qui sera confirmé par une
artériographie préopératoire qui permettra également une embolisation de la lésion.
TRAITEMENT
o Les méthodes
o La radiothérapie : l'irradiation externe est d'autant plus efficace qu'il s'agit
d'une forme histologique indifférenciée. Elle est délivrée sur le site tumoral
incluant la base du crâne et les aires ganglionnaires cervicales bilatérales à
une dose usuelle de 70 grays. La curiethérapie peut être employée sur des
reliquats tumoraux.
o La chirurgie : elle est essentiellement cervicale ganglionnaire pour
effectuer un évidement ganglionnaire sur des reliquats postcobaltothérapie.
o La chimiothérapie peut être proposée, soit en induction, soit à titre
systématique dans certains types histologiques (forme indifférenciée avec
adénopathies métastatiques).
o Les indications
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o Chez l'adulte, la radiothérapie peut être utilisée seule ou en association
avec la chimiothérapie. Le traitement peut être suivi d'un évidement
ganglionnaire en cas de non stérilisation ou de récidive ganglionnaire
cervicale.
o Chez l'enfant, l'association radiothérapie, chimiothérapie, est la plus
fréquemment utilisée. En cas de lymphome malin non hodgkinien, la
radiothérapie externe est le plus souvent associée à une chimiothérapie en
fonction du typage de la lésion et des données du bilan d'extension.
EVOLUTION ET PRONOSTIC
La surveillance posthérapeutique doit être clinique et paraclinique avec au minimum une
fibroscopie du cavum et un examen IRM de surveillance.
La survie est en moyenne de 30 % pour les carcinomes épidermoïdes, dépendant de l'atteinte
osseuse qui est péjorative, du caractère différencié ou non de la tumeur et de l'âge (le
pronostic est meilleur chez le sujet jeune).
Les lymphomes très radio et chimiosensibles ont un pronostic relativement favorable lorsque
le diagnostic est précoce.
ON RETIENDRA
-Le cancer du cavum est souvent un carcinome indifférencié. Il s'observe à tout âge,
notamment chez le jeune. Son épidémiologie est originale par ses facteurs géographiques et
viraux.
-Le diagnostic est difficile et les signes d'appel trompeurs (signes d'emprunt).
-L'examen du rhinopharynx en nasofibroscopie doit être systématique en présence d'un
dysfonctionnement tubaire chez l'adulte, d'autant qu'il est unilatéral.
-Une paralysie du VI isolée, doit comporter dans le bilan étiologique, un examen du cavum.
-L'examen du cavum est également systématique devant une adénopathie cervicale sans
origine retrouvée, surtout si elle siège à la partie supérieure et postérieure du cou.
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