Orientation diagnostique devant un trouble de la marche et de l

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Orientation diagnostique devant un trouble de la marche et de l
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Orientation diagnostique devant un trouble de la
marche et de l’équilibre (340)
Docteur Valérie FRAIX
Novembre 2005
Pré-requis :
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Organisation anatomo-fonctionnelle des systèmes moteurs et sensitifs du système
nerveux
Organisation anatomo-fonctionnelle des voies vestibulaires
Organisation anatomo-fonctionnelle du cervelet
Résumé :
La marche est une fonction essentielle et commune à tous les individus. Son altération
peut être consécutive à de nombreuses maladies neurologiques et peut constituer une
cause majeure de handicap moteur. Malgré la complexité de l’organisation anatomofonctionnelle et la diversité des structures impliquées dans la locomotion et le maintien
de l’équilibre, les troubles de la marche ont une présentation souvent stéréotypée. La
conduite de l’interrogatoire, et l’examen clinique constituent les étapes essentielles pour
l’orientation diagnostique et la définition de la stratégie d’exploration à visée étiologique
et la prise en charge thérapeutique.
Mots-clés :
Marche, équilibre, posture, handicap moteur
Références :
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De Recondo J. Sémiologie du système nerveux, du symptôme au diagnostic.
Editions Médecine-Sciences Flammarion, Paris, 1995.
Collège des Enseignants de Neurologie. Deuxième cycle des études médicales.
Enseignement de Neurologie. Revue Neurologique, Editions Masson, Paris,
Septembre 2003.
Sudarsky L. Geriatrics: gait disorders in the elderly. N Engl J Med 1990; 322 (20):
1441-1446.
Nutt J.G., Horak F.B. Gait and balance disorders. In Movement disorders.
Neurologic principles and practice. R.L. Watts and W.C Koller eds. Mc Graw Hill,
1996: 649-660.
Site de la Faculty of Medicine, McGill University, Montreal, Canada. Molson Medical
Informatics, student projects: http://sprojects.mmi.mcgill.ca/
Liens :
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Site de la Faculty of Medicine, McGill University, Montreal, Canada. Molson Medical
Informatics, student projects: http://sprojects.mmi.mcgill.ca/
Site de la Faculté de Médecine de Grenoble : http://www-sante.ujfgrenoble.fr/SANTE/alpesmed/corpus.htm : Item 62: http://www-sante.ujfgrenoble.fr/SANTE/corpus/disciplines/geria/vieillissement/62/lecon62.htm
Site de la Faculté de Médecine de Grenoble : http://www-sante.ujfgrenoble.fr/SANTE/alpesmed/corpus.htm : Item 322: http://www-sante.ujfgrenoble.fr/SANTE/corpus/disciplines/neuro/troublsensimot/322/lecon322.htm
1. Bases physiologiques de la marche et de l’équilibre
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La marche est une activité volontaire, automatique et réflexe impliquant de nombreuses
structures anatomiques du système nerveux central et périphérique et nécessitant l’intégrité de
l’appareil ostéo-articulaire.
La mise en jeu de l’appareil musculo-squelettique, principal effecteur de la marche, est
dépendante de l’activation de structures spinales, supraspinales et sous-cortico-corticales.
Pour être réalisée correctement, la marche nécessite l’intégrité des capacités de contrôle de la
posture, et du maintien de l’équilibre. Le contrôle de la posture est assuré par la contraction
permanente des muscles antigravitaires, le maintien de l’équilibre nécessite pour sa part une
interaction permanente entre signaux afférents en provenance des différents systèmes
sensoriels et signaux efférents activant les motoneurones spinaux et permettant la contraction
des muscles antigravitaires. La locomotion proprement dite se décompose en une phase
oscillatoire, représentant 60-65% du temps de marche et une phase d’appui uni- ou bipodal,
représentant 20 à 25% du temps.
2. Orientation diagnostique devant un trouble de la marche et
de l’équilibre
L’orientation diagnostique devant un trouble de la marche ou de l’équilibre s’appuie
essentiellement sur l’interrogatoire et l’examen clinique. L’indication des examens
complémentaires dépend des hypothèses diagnostiques effectuées en fonction de la
présentation clinique.
2.1. L’interrogatoire
Lorsqu’il est bien orienté, il permet de préciser :
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Les plaintes fonctionnelles du patient
o Incapacité liée aux troubles de la marche et de l’équilibre
o L’ancienneté des troubles
o Leur mode d’installation (brutal ou progressif)
o Les circonstances de survenue
o Les facteurs favorisants
o Les éventuelles douleurs associées,
o Les conséquences, notamment le risque de chutes
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Les antécédents
o Familiaux : pourront orienter le diagnostic vers une affection
neurodégénérative héréditaire
o Personnels : neurologiques, neurochirurgicaux, ostéo-articulaires,
ophtalmologiques, ORL
•
Les traitements et habitudes toxiques
o Médicaments psychotropes (benzodiazépines, neuroleptiques, antidépresseurs)
o Médicaments antiépileptiques
o Médicaments dopaminergiques
o Médicaments à tropisme cardio-vasculaire (hypotenseurs, antiarythmiques)
o Consommation d’alcool
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2.2. L’examen clinique
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L’examen de la marche et de l’équilibre
Il s’effectue si possible sans chaussures et membres inférieurs dénudés mais également à
l’insu du patient, par exemple lorsqu’il rentre dans la salle de consultation. L’examinateur
doit pouvoir apprécier :
La locomotion
Mouvements des membres inférieurs, taille et vitesse des pas
Mouvements des membres supérieurs (caractère symétrique du balancement par exemple)
Posture du tronc, allure générale lors de la marche
Survenue de troubles dans des circonstances particulières (transferts, demi-tour, montéedescente des escaliers, marche en tandem ou les yeux fermés).
La posture
Elle peut être normale ou inclinée en avant, en arrière ou latéralement.
L’équilibre
Il est testé yeux ouverts puis fermés, en appui bipodal pieds joints ou écartés, en appui
monopodal, lors de manœuvres de résistance à la rétro- ou antépulsion.
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L’examen neurologique
Il doit comporter la recherche d’un déficit moteur, incluant une étude des réflexes ostéotendineux et cutanés plantaires, la recherche d’une amyotrophie, la recherche d’un déficit
sensitif, d’un syndrome cérébelleux, d’un syndrome vestibulaire périphérique ou central, d’un
syndrome parkinsonien ou de troubles du mouvement, de troubles vésico-sphinctériens, de
troubles cognitifs.
•
L’examen général
Examen dermatologique : recherche de cicatrices de traumatismes ou de chirugie ostéoarticulaire, neurochirurgie, vasculaire, recherche de troubles trophiques cutanés.
Examen ostéoarticulaire : recherche de douleurs, limitations de mobilité ou de déformations
articulaires.
Examen cardio-vasculaire : recherche d’une hypotension artérielle orthostatique, de troubles
du rythme ou de la conduction cardiaque, d’une artériopathie.
Examen ophtalmologique : recherche d’une baisse d’acuité visuelle.
2.3. Les examens complémentaires
Dans un certain nombre de cas, l’enquête étiologique peut être complétée par des examens
complémentaires.
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Les explorations fonctionnelles
Une audiométrie, un électronystagmogramme, des potentiels évoqués auditifs peuvent
permettre de caractériser un syndrome vestibulaire et d’identifier un syndrome labyrinthique.
Un électromyogramme est nécessaire pour caractériser une neuropathie périphérique, une
myopathie ou une affection neuromusculaire.
Les potentiels évoqués somesthésiques permettent d’objectiver et de localiser des troubles
sensitifs.
Un doppler artériel des membres inférieurs peut être utile en cas de suspicion d’artériopathie
face à un tableau de claudication.
•
Les examens d’imagerie
Les radiographies standard osseuses sont indiquées en cas de syndrome douloureux ou de
limitation de la mobilité ostéo-articulaire.
L’IRM médullaire est réservée aux tableaux cliniques associant de façon plus ou moins
complète un syndrome pyramidal, des troubles sensitifs et des troubles vésico-sphinctériens,
évoquant une lésion médullaire.
La tomodensitométrie cérébrale ou l’IRM encéphalique sont indiquées en cas d’anomalie à
l’examen neurologique faisant suspecter une lésion focale.
•
Les examens biologiques sont rarement nécessaires, ils permettent d’identifier une
anémie, une carence vitaminique, un trouble métabolique, endocrinien ou hépatique
•
L’examen du liquide céphalo-rachidien n’est indiqué qu’en cas de suspicion
d’affection méningée s’exprimant par des troubles de la marche.
3. Sémiologie des troubles de la marche d’origine neurologique
L’analyse sémiologique de la marche permet de classer ses troubles en fonction du
mécanisme supposé, déficitaire, ataxique, par trouble de la programmation ou psychogène. Le
diagnostic étiologique est déterminé par les données de l’interrogatoire et les résultats des
examens complémentaires.
3.1. Les démarches déficitaires
Un déficit moteur consécutif à une atteinte nerveuse, musculaire ou pyramidale peut
engendrer des troubles de la marche ou de l’équilibre lorsqu’il affecte les membres inférieurs
ou la ceinture pelvienne.
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Les troubles de la marche et de l’équilibre dans les atteintes des racines ou des
nerfs périphériques
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Le steppage de la marche est caractérisé par une élévation exagérée du genou et une
posture en varus équin du pied lors de la phase d’élévation du membre inférieur au cours
de la locomotion.
Une démarche salutante, souvent douloureuse et caractérisée par un appui bref du
membre inférieur avec flexion exagérée du genou et du tronc, est évocatrice d’une lésion
radiculaire L5-S1.
Une boiterie avec décharge du membre inférieur peut être consécutive soit à une lésion
radiculaire L3-L4, elle est alors associée à une douleur crurale, soit à une compression des
nerfs interdigitaux plantaires, responsable de douleurs des 3ème et 4ème espaces
interdigitaux évoquant une métatarsalgie de Morton.
Une claudication intermittente radiculaire, caractérisée par des douleurs radiculaires et
des troubles sensitivo-moteurs intermittents est évocatrice d’un canal lombaire étroit.
• Les troubles de la marche et de l’équilibre dans les atteintes musculaires
La démarche dandinante est consécutive à un déficit moteur des muscles des racines des
membres inférieurs et de la ceinture pelvienne, elle peut-être associée à une hyperlordose
avec bascule du bassin en avant, tronc et tête rejetés en arrière. Elle est caractéristique des
démarches myopathiques. Elle peut être précédée ou associée à des myalgies, des crampes
musculaires lorsque la myopathie est de type métabolique ou inflammatoire.
• Les troubles de la marche et de l’équilibre dans les atteintes pyramidales
La démarche en fauchant complique généralement une hémiplégie. L’atteinte pyramidale,
responsable d’un déficit moteur et souvent secondairement compliquée d’une hypertonie
spastique oblige le patient à mobiliser son membre inférieur en réalisant un arc de cercle,
l’avant-bras est par ailleurs souvent fléchi sur le bras.
La démarche spasmodique au cours de laquelle la pointe et le bord externe des pieds «
frottent » sur le sol est observée chez les sujets paraparétiques et traduit une atteinte
pyramidale bilatérale des membres inférieurs.
Une claudication médullaire est caractérisée par un déficit moteur intermittent et non
douloureux des membres inférieurs, survenant après une marche prolongée et cédant avec
le repos
3.2. Les troubles de la marche et de l’équilibre consécutifs à
un trouble de la programmation motrice
• Les troubles de la marche au cours de la maladie de Parkinson
Les troubles de la marche et de l’équilibre ne sont pas systématiquement présents en début
d’évolution. Lorsqu’ils apparaissent, ils peuvent être initialement caractérisés par une
hésitation au démarrage, une démarche à petits pas traînant au sol, une décomposition du
demi-tour. La survenue précoce d’un trouble des réflexes posturaux doit faire évoquer un
syndrome parkinsonien atypique (paralysie supranucléaire progressive, atrophie
multisystématisée).
Au cours de l’évolution de la maladie de Parkinson, deux autres types de troubles peuvent
apparaître :
La festination : accélération pathologique du rythme de la marche, avec conservation de la
taille des pas et posture anormale du tronc fléchie en avant, le patient « court après son
centre de gravité ».
Le « freezing » de la marche : enrayage kinétique de la marche au démarrage, lors du
demi-tour ou du passage des portes avec réduction de la taille des pas et augmentation de
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leur nombre. De mécanisme physiopathologique méconnu il peut être prévenu par des
stimuli visuels ou auditifs lors de la locomotion.
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Les troubles de la marche et de l’équilibre au cours des autres troubles du
mouvement
Les dystonies et les chorées peuvent être compliquées de troubles de la marche. Les
caractéristiques sémiologiques de ces affections sont détaillées dans l’item « orientation
diagnostique devant des mouvements anormaux » (322).
• L’apraxie de la marche
Elle est caractérisée par une marche précautionneuse, à petits pas, les pieds adhérents au
sol avec un élargissement plus ou moins important du polygone de sustentation, une
rétropulsion, le patient cherchant à s’agripper pour se déplacer. Elle est consécutive à un
trouble de la programmation motrice et peut être observée dans le syndrome post-chute du
sujet âgé ou compliquer un état multilacunaire, une hydrocéphalie à pression normale.
Photo : IRM encéphalique (coupes axiales T2) infarctus lacunaires multiples
(V. Fraix)
Photo : TDM cérébrale (coupe axiale) hydrocéphalie à pression normale avec dilatation ventriculaire et
résorption transépendymaire
(V. Fraix)
3.3. Les démarches ataxiques
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• Les troubles de la marche et de l’équilibre des ataxies sensitives
Dans les ataxies proprioceptives les troubles de la marche sont facilement mis en
évidence dans l’obscurité et se caractérisent par une démarche talonnante.
Dans les ataxies vestibulaires (labyrinthiques) la marche aveugle est déviée en étoile avec
une latéropulsion du côté du labyrinthe lésé pour les lésions périphériques, ou ébrieuse
dans les lésions vestibulaires centrales. La marche peut être impossible lors d’un accès
vertigineux rotatoire dans les atteintes vestibulaires aigues les plus sévères.
• Les troubles de la marche et de l’équilibre des ataxies cérébelleuses
La démarche ébrieuse du syndrome cérébelleux est caractérisée par un élargissement du
polygone de sustentation, les membres supérieurs étant en abduction. Les oscillations du
corps autour de sa position d’équilibre ne sont pas aggravées par la fermeture des yeux.
3.4. Les troubles de la marche d’origine psychogène
Ils ont parfois une présentation très caractéristique avec une marche « bondissante » ou
d’allure robotique. La plupart du temps, leur diagnostic est difficile et nécessite une parfaite
connaissance de l’expression clinique des différents types de troubles de la marche. Les
indices en faveur d’un trouble psychogène sont :
• le début soudain, la rémission spontanée ou la survenue paroxystique
• l’inconstance dans le temps
• la discordance dans l’expression clinique par rapport aux caractéristiques d’un trouble
de la marche d’origine neurologique
• la modification spontanée du trouble, incompatible avec l’anomalie initialement
observée
• disparition du trouble par des manœuvres de distraction. Inversement le trouble se
majore lorsque l’attention du sujet se porte sur la marche.
• réponse au placebo, à la suggestion ou la psychothérapie.
Les incongruences qui peuvent être relevées au cours de l’examen clinique et le cours évolutif
permettent d’évoquer le diagnostic en évitant de considérer comme psychogène un trouble
somatique dont l’origine est considérée comme « organique ».
4. Conclusion
La variété des troubles de la marche et de l’équilibre observée dans les affections
neurologiques et ostéo-articulaires, rend compte de la complexité et de la diversité des
mécanismes impliqués dans cette fonction essentielle. Leur présentation clinique malgré tout
relativement stéréotypée rend leur diagnostic plus aisé et une bonne connaissance de leurs
caractéristiques peut faciliter leur prise en charge et limiter ainsi leurs conséquences
éventuelles en termes de retentissement personnel ou social. Il est cependant important de
garder en mémoire l’éventualité de l’association de plusieurs processus pathologiques
notamment chez le sujet âgé (item 62 : troubles de la marche et de l’équilibre, chutes chez le
sujet âgé).
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