Explication de la lettre extraite des Lettres persanes, Montesquieu

Transcription

Explication de la lettre extraite des Lettres persanes, Montesquieu
Explication de la lettre extraite des Lettres persanes, Montesquieu (séquence 1)
I.
Le dispositif épistolaire :
A. La forme épistolaire :
- titre de l’œuvre : Les Lettres persanes
- présence d’un destinateur : « Rica » et d’un destinataire « à Ibben » l.1 que l’on retrouve dans
le texte sous la forme d’un « nous » (Rica +Usbek, un ami) l. 3 et d’un « tu » l.10
- présence d’un lieu de destination « à Smyrne » l.2 et d’un lieu d’expédition « à Paris » l. 36
- date d’envoi : « le 4 de la lune de Rebiab 1712 » l. 36 → des lettres fictives (cf date de l’œuvre
1721)
B. Le regard étonné d’un Persan sur l’occident :
- les références au monde oriental : noms à consonances orientales, date faisant référence au
calendrier oriental « le 4 de la lune de Rebiab » l. 36
- le monde oriental comme outil de comparaison : l. 6 « Paris est aussi grand qu’Ispahan », l.12
« le pas réglé de nos chameaux les ferait tomber en syncope »
- les marques de l’étonnement : début des paragraphes « Tu ne le croirais peut-être pas » l. 10,
« Ne crois pas que » l. 19, « ce que je te dis […] ne doit pas t’étonner » l. 32 ; des tournures
intensives « les maisons sont si hautes qu’on jugerait qu’elles ne sont habitées que par des
astrologues » l. 6 ; « il n’y a pas de gens au monde qui » l. 11 ; métaphores « un grand
magicien » l.26, « prodige » l. 24, « un autre magicien » l. 32
- le persan est surpris de la hauteur des maisons de Paris, l’agitation des parisiens et du pouvoir
du roi et du pape
C. Les intérêts d’un tel dispositif :
- se servir du regard naïf d’un étranger pour mettre en évidence des dysfonctionnements qui
n’apparaissent pas forcément aux yeux des habitants : décentrage (rupture avec
l’ethnocentrisme) : voir le monde par d’autres yeux permet de le voir autrement
- ce regard naïf est une source de comique : comparaisons l. 6-7, l.14 « j’enrage comme un
chrétien » ou l. 17-18
- utilisation d’une fiction pour masquer une critique virulente
II.
La critique de la société française :
A. La satire de la vie parisienne :
- champ lexical de l’agitation : « mouvement » l.3, « embarras » l.9, « courent » (métaphore)
« volent » l.12, « train » l.13, « coups de coude » l. 15, « passe » l.16, « croise » l.16,
« soudain » l.17 : image comique du persan bousculé dans un sens puis dans l’autre
- ségrégation sociale : il faut « bien des affaires avant qu’on soit logé » (l.4) [Paris connaît alors
une forte crise immobilière], on construit alors des hôtels particuliers mais les pauvres
manquent du nécessaire cf l. 5 ; gens littéralement entassés les uns sur les autres l. 7-9
- vanité des comportements : Rica s’étonne du manque de courtoisie, de la brutalité ou de
l’inconséquence des passants qui le bousculent (l. 17) ; naïveté populaire qui permet au roi de
s’enrichir, « de la vanité de ses sujets » (l. 22) ou de leur soumission (« il n’a qu’à » l. 29)
B. La critique des autorités politique et religieuse :
- dénonciation de la cupidité de la politique coloniale (soif de l’or) à travers la comparaison
entre le roi d’Espagne et Louis XIV : l. 22 : « il n’a point de mines d’or comme le roi
d’Espagne »
- références aux nombreuses guerres de Louis XIV qui ruinent le pays : l.23, l. 28
- dénonciation de son pouvoir de manipulation : métaphore du magicien, hyperbole « le plus
puissant prince de l’Europe » l. 21 ; accumulation l. 25 « ses troupes se trouvaient payées, ses
places munies et ses flottes équipées » et parallélisme de la construction des deux phrases l. 27
et 28 « S’il n’a …, il n’a qu’à » et « S’il a … il n’a qu’à » qui montrent la facilité avec laquelle
les actions sont accomplies ; tournure intensive « tant est grande la force et la puissance qu’il
a sur les esprits » l. 31 ; voc « exerce son empire » l. 26, « il les fait penser » l. 27,
« persuader » « croire » l. 28, « mettre dans la tête » l. 29, « convaincus » l. 30
- ce pouvoir repose sur la vanité et l’ignorance de ses sujets
- remise en cause de certains dogmes religieux : la trinité (l. 34) et l’eucharistie (l. 34-35) : au
nom de la raison : incohérence relevée « le vin qu’on boit n’est pas du vin » l. 35
Texte enjoué et rythmé qui cache une critique audacieuse : sous le masque faussement naïf de Rica, Montesquieu
s’attaque au fondement de la Monarchie absolue : son essence divine.