Extrait de Le peintre et le guerrier

Transcription

Extrait de Le peintre et le guerrier
Extrait de
Le peintre et le guerrier
Jean-Pierre Kerloc’h
ÉDITIONS ALBIN MICHEL JEUNESSE
– Que chacun de vous me dessine un cheval.
Celui qui réussira le plus beau recevra cent ryos
d’argent et un sabre à poignée d’or en témoignage
de ma gratitude.
Les peintres poussèrent des cris d’étonnement et
d’admiration. Seuls les guerriers avaient le droit de
posséder un sabre. Le sabre d’un samouraï était son
âme. C’était donc un incroyable honneur pour un
simple peintre.
– Combien de temps nous accordes-tu, ô
Multiple Splendeur ? demandèrent-ils.
– Je veux mon tableau avant le prochain lever
du soleil.
– Mais c’est impossible, ô Magnificence
Illustrissime.
Ashikaga posa la main sur la garde de son sabre.
Ils comprirent aussitôt. Car, en ces temps lointains
et barbares, les têtes volaient facilement. Pour un
oui. Pour un non.
La peur au ventre et l’espérance au cœur, chacun
se mit donc au travail.
Quand l’aube se leva, ils vinrent présenter leur
travail. Alignés et tremblants.
Ashikaga arriva, accompagné de sa garde et de
ses conseillers. Il s’arrêta devant chaque peinture, la
considéra en secouant la tête :
– J’ai demandé un cheval, pas un âne !
– Il a des oreilles de lapin.
– Quelle légèreté ! On dirait une grosse vache !
– Regardez-moi cette tête d’ahuri ! Il a l’air aussi
bête que toi.
– Et celui-là, avec ses grades dents ! Il ricane
comme un imbécile.
Rien ne trouvait grâce à ses yeux.
Les peintres, terrorisés, pensaient très fort au
sabre. Pas au sabre d’or, mais au sabre d’acier passé
dans la ceinture de leur maître.
L’assistance entière faisait silence.
Ashikaga finit par éclater d’un mauvais rire.
– N’y a-t-il donc pas un seul peintre digne de ce
nom dans ce pays ?

Documents pareils