«Coming back» ?
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«Coming back» ?
interview «Coming back» ? Isabelle Durant, Sénatrice écolo et ex-Ministre des Transports En tant qu’ex-Ministre des Transports, comment analysezvous l’action de vos successeurs Messieurs Anciaux et Landuyt ? Je ne dirai rien sur le dossier de l’aéroport de Bruxelles National, il vaut mieux pas !! Côté route, mes successeurs n’ont manifestement pas poursuivi la concertation approfondie avec le secteur du transport routier. Celle que j’avais entamée dans le vacarme des klaxons rue de la Loi avait fait place à un dialogue continu : pas toujours d’accord mais toujours à l’écoute des arguments. L’absence d’attention portée à la nécessaire coordination des politiques, indépendamment des niveaux de pouvoir, m’a également frappée, alors que l’outil existe (la Conférence interministérielle mobilité, infrastructure et transport).Quel manque de prise de responsabilités! Le protocole conclu en 2001 avec le secteur pour une concurrence équitable doit être actualisé et retenir plus clairement l’attention des Ministres concernés (Mobilité, Justice, Finances, Affaires Sociales, Emploi) ; pensons par exemple à l’étonnante absence de limiteurs de vitesse et tachygraphes sur les camions légers qui permet de facto la relance d’une concurrence inéquitable de la part de certains. Peu de choses ont été bien suivies, à l’exception du plan d’action coordonné des services de contrôle qui se déploie bien et de manière ciblée. Par contre, les nouvelles dispositions de la loi sur le transport de choses n’ont pas connu une réelle mise en oeuvre ce qui est éminemment regrettable. Les nouveaux moyens d’action donnés à la Commission du transport de choses, permettant de mettre en cessation une entreprise douteuse n’ont pas été utilisés. Le rapport annuel sur l’état du secteur n’a pas non plus été réalisé ni soumis au Ministre et aux représentants des partenaires sociaux du secteur. Enfin, l’absence de politique de poursuites en matière de co-responsabilité, soulignée par les deuxièmes Etats Généraux de la Sécurité Routière est préoccupante. L’UPTR a le sentiment que le Transport et la Mobilité n’ont pas suffisamment été une priorité du Gouvernement fédéral. Quel est votre sentiment à cet égard ? Vous avez parfaitement raison. Ce n’est évidemment pas une priorité très «populaire» . Les camions, les gens n’aiment pas. C’est pourtant injuste et incohérent, car cette activité est nécessaire et vitale pour notre économie. Les entreprises et les travailleurs du secteur, en particulier les chauffeurs, sont indispensables et ont la vie dure. Il faut les valoriser plutôt que les montrer du doigt. Il faut aussi veiller à leur formation car le métier a profondément changé. A cet égard je me réjouis des orientations reprises dans la récente directive 2003/59 sur la formation de base et continue des chauffeurs professionnels que tous devront suivre, y compris le secteur du transport pour compte propre Aujourd’hui, j’entends tous les partis parler beaucoup sur les questions environnementales et climatiques après nous avoir laissé très seuls sur le sujet pendant 25 ans. Mais l’enjeu de la réduction des gaz à effet de serre, ce n’est pas des belles paroles ou la menace du retour à la bougie. L’enjeu c’est de faire cette réduction indispensable pour nous tous, pour nos enfants, mais avec tous les secteurs (le transport représente environ 20% de la production des gaz à effet de serre : il n’est donc pas le seul). L’enjeu, c’est d’en faire quelque chose de profitable économiquement. Et ça, ça passe par un dialogue ouvert, des objectifs clairs. Au niveau européen, la révision à mi-parcours du Livre Blanc a souligné que la croissance économique européenne était inévitablement liée à une augmentation du transport de marchandises ? Sous le concept de «co-modalité» on aperçoit désormais que le transport routier est et restera incontournable. JUIN 2007 I NON STOP Que pensez-vous de ce nouveau concept qui place au second rang celui de « transfert modal »? Il me semble que l’évolution ainsi poussée par le Commissaire Barrot est une erreur; rappelons ce que vise le «transfert modal»: renverser la tendance du «tout à la route» qui n’a plus de sens quand on observe la réalité de la chaîne logistique aujourd’hui. Mais à vrai dire, cela ne m’étonne pas tellement quand je vois les positions que prend la commission européenne dans d’autres domaines. La croissance économique s’accompagne d’une augmentation du transport de marchandises: c’est une évidence. Les pouvoirs publics doivent donc veiller à ce que les différents modes jouent à plein sur le marché du transport, sans que celui-ci reste figé et axé sur le routier. Si le concept de «comodalité» allait vraiment dans ce sens, il est aussi acceptable qu’un autre, mais visiblement ce n’est pas cela que pensent Mr Barrot et les partis de droite au sein du Parlement européen. Il y a pourtant énormément à faire pour encourager le transport combiné, la voie d’eau, le rail. C’est d’autant plus indispensable que sans cela, vous les transporteurs, vous n’avancerez plus dans les bouchons permanents. Le stress et la congestion sont mauvais pour l’économie, mais aussi pour la sécurité routière, pour tous. La collaboration intelligente entre les modes, traités sur pied d’égalité est la seule voie d’avenir, pour que le déve- 13 14 interview loppement du transport soit compatible avec la politique du développement durable. La mobilité est - et deviendra plus encore à l’avenir - un facteur clé de la rentabilité de nos entreprises. Quelles solutions préconisez-vous pour améliorer la mobilité globale en Belgique ? Quelle est votre vision de l’avenir du Transport et de la Logistique en Belgique ? Il me semble important que les décideurs économiques entament une réflexion sur les limites du « just in time » : Vous qui êtes sur le terrain, vous savez que ce modèle est en train d’atteindre ses limites. A quoi sert-il de vouloir accroître encore cette tendance à faire bouger les stocks de marchandises à tout prix ? Le prix devient impayable, pour l’économie comme pour la société. Avant de se retrouver immobilisés par la congestion, définissons de nouvelles lignes de force pour les flux de marchandises et leur production. Les pistes récemment évoquées par certains, comme les combinaisons longues de véhicules et les horaires de chargement et déchargement de nuit, doivent être examinées avec beaucoup de prudence. L’emploi de megatrucks, en faveur desquels les constructeurs déploient un lobbying intense, pourrait aboutir dans les faits à ne rien résoudre à la congestion routière, mais à faire reculer les parts du rail et de la voie d’eau. D’autre part, l’accentuation des horaires de nuit ne serait pas sans conséquence sur la sécurité : il est clair que les chauffeurs qui roulent de nuit sont soumis à un autre type de fatigue que ceux qui roulent de jour. A cet égard, je voudrais plaider pour que l’on avance plus vite dans la mise en route concrète d’études d’accidentologie dans notre pays, en collaboration étroite chaque fois avec les secteurs et acteurs concernés ; l’expérience Suédoise a montré combien cette collaboration pouvait être fructueuse pour dessiner les réponses aux problèmes étudiés. Je suis persuadée que les possibilités de la voie d’eau, du short sea shipping, et du rail doivent être prises en mains avec plus de volonté politique et de moyens. Je souhaite que l’on fasse plus dans ces différents domaines devant le risque d’engorgement de nos ports, notamment celui d’Anvers. Un développement de voie d’eau en direction de la France (avec les travaux que cela supposerait pour rehausser certains ponts, est nécessaire), compte tenu des efforts entrepris par nos voisins pour relier les ports du Nord de la France aux nôtres. De plus il faudrait songer sérieusement à investir dans des infrastructures ferroviaires partant et arrivant aux ports et dédiées au fret. Il me semble également assez clair que les coûts externes occasionnés par le transport routier (émissions, dégradation de l’infrastructure) doivent être couverts par lui (quel que soit le pays d’origine du transporteur routier évidemment) si nous voulons un vrai marché du transport mettant les différents modes à égalité. Si l’on prend au sérieux le développement d’un transport compatible avec les objectifs de Kyoto et les principes de développement durable, la situation de notre pays en matière logistique au plan mondial nous donne de très belles possibilité de développement économique et de création d’emplois. Je pense donc que le prochain gouvernement doit absolument donner une place adéquate au transport dans ses lignes de force politiques et donc dans ses options budgétaire. A cet égard la majorité violette aura brillé par son manque de vision. Politiquement le plan Kyoto et la problématique de la réduction des émissions de CO2 est omniprésente. Ecolo a édité un manifeste intitulé «Union nationale pour le climat». Pouvez- vous nous en préciser le contenu ? Quels sont les points spécifiques pour le secteur transport & logistique ? L’appel à une «Union nationale pour le climat» dont vous pouvez trouver le contenu complet sur www.jecliquepourlaplanete.be, est avant tout un appel à l’action intelligente, concertée, dans tous les secteurs et dans la durée. Car il n’y a rien de pire que des petites mesures au petit bonheur la chance et que l’on modifie en fonction de paramètres budgétaires par exemple. Autrement dit, nous préconisons qu’au JUIN 2007 I NON STOP lendemain des élections, sous la houlette du fédéral, on entame un plan d’action national, sur 3 législatures et en 32 mesures dans tous les secteurs d’activité (habitat, entreprises, transport, agriculture, etc…) et qui mobilise toutes les entités (fédéral, régions, communautés) et tous les acteurs (patronaux, syndicaux, associatifs). Avec des objectifs chiffrés, des échéances et un monitoring permanent. Un peu comme cela a été fait sur l’isolation de quelques 300.000 logements en Allemagne, avec la contribution des partenaires sociaux, et avec à la cléf la création de 150.000 emplois. En matière de production de gaz à effet de serre en Belgique, et par rapport à d’autres secteurs comme le secteur résidentiel ou les entreprises, le transport n’est pas le 1er producteur (18 ,5% des gaz à effet de serre) mais c’est le secteur dans lequel la croissance augmente le plus vite. L’ “union nationale pour le climat” préconise un transfert fiscal pour un transfert modal, une taxation en fonction des émissions et des distances parcourues, une alternative à la voiture de société (il faut cesser de payer les gens avec des voitures et donc avec du CO2) et un renforcement important du transport en commun et de tous les modes alternatifs à ‘ “l’autosolisme”. Une dernière question : êtes vous candidate au poste de Ministre des Transports ? Minute papillon ! Il faut d’abord faire partie d’une majorité politique pour envisager ce type de questions. Comme vous le savez les choses sont très ouvertes à la veille des élections du 10 juin. Et puis ce qui importera ne sera pas tant ma personne mais le cas échéant la place donnée effectivement à mon parti et à sa vision politique dans la dynamique d’un nouveau gouvernement. Cela étant, le passage d’une Ministre ECOLO à la Mobilité a été l’occasion pour la première fois de sortir de certaines ornières et d’affronter les problèmes dans tous les secteurs ( voyez par exemple la réforme de la SNCB qui est précisément celle que j’ai définie) et c’est un secteur essentiel pour le développement durable… Plus que quelque fois dormir…et votez bien !! O