Les marchés publics

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Les marchés publics
Les marchés publics
L'accès au marché et la sélection qualitative
Sylvie Bollen , Mathieu Lambert et Marie-Laure Van Rillaer - Dernière mise à jour: Novembre 2016
1. Les causes d'exclusion
Doit être exclu de l'accès au marché à quelque stade que ce soit de la procédure le
candidat ou le soumissionnaire qui a fait l'objet d'un jugement ayant force de chose jugée
dont le pouvoir adjudicateur a connaissance pour (A.R. 15.7.2011, art. 61, par. 1er):
1. participation à une organisation criminelle telle que définie à l'article 324bis du Code
pénal;
2. corruption, telle que définie à l'article 246 du Code pénal;
3. fraude au sens de l'article 1er de la convention relative à la protection des intérêts
financiers des communautés européennes, approuvée par la loi du 17 février 2002;
4. blanchiment de capitaux tel que défini à l'article 3 de la loi du 11 janvier1993 relative à la
prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du
financement du terrorisme.
Le pouvoir adjudicateur peut ainsi, lorsqu'il a des doutes sur la situation personnelle d'un
candidat ou soumissionnaire, s'adresser aux autorités compétentes belges ou étrangères
pour obtenir les informations qu'il estime nécessaires à ce propos.
Le pouvoir adjudicateur ne peut déroger à cette obligation d'exclusion que pour des
exigences impératives d'intérêt général.
En outre, peut être exclu de la procédure d'attribution du marché, le candidat ou le
soumissionnaire (A.R. 15.7.2011, art. 61, par. 2):
1. qui est en état de faillite, de liquidation, de cessation d'activités, de réorganisation
judiciaire ou dans toute situation analogue;
2. qui a fait l'aveu de sa faillite ou fait l'objet d'une procédure de liquidation, de
réorganisation judiciaire ou de toute autre procédure de même nature existant dans les
législations et réglementations nationales;
3. qui a fait l'objet d'une condamnation pour tout délit affectant sa moralité professionnelle;
3. qui a fait l'objet d'une condamnation pour tout délit affectant sa moralité professionnelle;
4. qui a commis une faute grave en matière professionnelle;
5. qui n'est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité
sociale;
6. qui n'est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement de ses impôts et taxes;
7. qui s'est rendu gravement coupable de fausses déclarations en fournissant des
renseignements exigibles en l'occurrence.
La preuve que l'intéressé ne se trouve pas dans un des cas cités peut être apportée par la
production de divers documents délivrés par les autorités et administrations compétentes.
L'exclusion n'est pas automatique lorsqu'un candidat ou un soumissionnaire se trouve
dans l'une des hypothèses d'exclusion. Le pouvoir adjudicateur conserve en effet la
faculté d'apprécier la gravité du manquement et, le cas échéant, de ne pas exclure
l'intéressé. Il conviendra cependant, dans un tel cas, de particulièrement bien motiver la
décision de poursuivre la procédure avec cette personne.
Enfin, est exclu de l’accès au marché tout candidat ou soumissionnaire pour lequel il est
établi qu’il a occupé, en tant qu’employeur, des ressortissants de pays tiers en séjour
illégal au sens de la loi du 11.2.2013[1].
Il est à noter que seule l’exclusion est facultative. Il est par contre obligatoire de vérifier
l’ensemble des causes d’exclusion.
Alors que l’ancien libellé du quatrième paragraphe de l’article 61 de l’arrêté royal du 15
juillet 2011 ne faisait que proposer de recourir à la déclaration sur l’honneur, le nouveau
libellé[2] de cette disposition impose en procédures ouverte, négociée directe avec
publicité et négociée sans publicité[3], le recours à la déclaration sur l’honneur implicite
uniquement dans la mesure où le pouvoir adjudicateur a accès gratuitement par des
moyens électroniques aux renseignements ou documents relatifs aux causes d’exclusion.
En cas de procédures restreintes ou négociées avec publicité[4], le recours à la
déclaration sur l’honneur peut être prévu par le pouvoir adjudicateur. Il en va de même
lorsque le pouvoir adjudicateur n’a pas accès gratuitement par des moyens électroniques
aux renseignements ou documents relatifs aux causes d’exclusion, il peut prévoir le
aux renseignements ou documents relatifs aux causes d’exclusion, il peut prévoir le
recours à la déclaration sur l’honneur implicite.
La déclaration sur l’honneur est un outil de simplification administrative permettant aux
soumissionnaires de ne pas être contraints à remettre les documents relatifs au droit
d’accès tandis que le pouvoir adjudicateur procédera à la vérification à l’égard, en
principe, du soumissionnaire pressenti adjudicataire.
Notez que, depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté royal dit de réparation[5], le pouvoir
adjudicateur qui a un accès gratuit par moyens électroniques aux renseignements d’ordre
fiscal, doit procéder à la vérification de la situation des candidats ou des
soumissionnaires dans les quarante-huit heures suivant la séance d’ouverture des offres
ou le moment ultime de l’introduction des demandes de participation ou des offres, selon
le mode de passation envisagé[6].
En ce qui concerne la procédure négociée sans publicité, notez que les causes
d’exclusion obligatoires ainsi qu’une partie des causes d’exclusion facultatives (ONSS et
dettes fiscales) s’appliquent sauf en cas de marchés sur simple facture acceptée.
2. La sélection qualitative
A. Le principe
La sélection qualitative doit permettre aux pouvoirs adjudicateurs de veiller à ce que
ceux qui accèdent aux marchés publics disposent des capacités financière, économique et
technique nécessaires (A.R. 15.7.2011, art. 67-79).
Il n'est donc pas question, à ce niveau, d'examiner le contenu des offres des
soumissionnaires potentiels, mais bien l'expérience passée des candidats, leur "assise",
afin de déterminer s'ils sont en principe capables – financièrement, économiquement et
techniquement – de répondre à la commande.
Les circulaires précitées du 10 février 1998 des services du Premier Ministre et du 21
mai 2001 et du 5 mai 2007 du Ministère de la Région wallonne apportent des précisions
et des éclaircissements en la matière.
B. Le contenu
Le ou les critères de sélection qualitative sont prédéterminés par le pouvoir adjudicateur
(dans l'avis de marché ou l'invitation à déposer une offre), afin de permettre un choix
motivé et objectif des candidats.
La capacité financière et économique peut être justifiée notamment par des déclarations
bancaires appropriées (dont un modèle obligatoire figure désormais en annexe 3 de
l'arrêté royal du 15 juillet 2011); par la présentation des bilans, d'extraits de bilans ou de
comptes annuels de l'entreprise; ou encore par une déclaration concernant le chiffre
d'affaires de l'entreprise au cours des trois derniers exercices.
Quant à la capacité technique en marché de travaux, pour ne prendre que cet exemple,
elle peut être justifiée par diverses références, comme des titres d'études et
professionnels de l'entrepreneur ou/et des cadres de l'entreprise et, en particulier, du ou
des responsables de la conduite des travaux; la liste des travaux exécutés au cours des
cinq dernières années; une déclaration mentionnant l'outillage, le matériel et
l'équipement technique dont l'entrepreneur disposera pour l'exécution de l'ouvrage; une
déclaration mentionnant les effectifs moyens annuels de l'entreprise et l'importance de
ses cadres pendant les trois dernières années; ou encore une déclaration mentionnant les
techniciens ou les services techniques, qu'ils soient ou non intégrés à l'entreprise, dont
l'entrepreneur disposera pour l'exécution de l'ouvrage.
L'on notera à cet égard que les pouvoirs adjudicateurs doivent veiller à solliciter des
documents en rapport avec l'importance du marché et dont ils pourront utilement tirer
profit (p.ex., l'analyse de bilans requiert du personnel qualifié).
Les documents de marché doivent indiquer précisément le ou les critères retenus, pas
seulement les documents à déposer, en mentionnant les seuils minimaux exigés de
capacité technique et financière (C.E., n° 156.657, 7.6.2006). Pratiquement, il ne peut
normalement être question de seulement indiquer l'exigence de références dans des
travaux similaires par exemple, mais bien le nombre précis de ces travaux sur tel nombre
travaux similaires par exemple, mais bien le nombre précis de ces travaux sur tel nombre
d'années précédentes et pour tels montants minimaux (voir aussi la circ. précitée du
21.5.2001 et celle du Ministre des pouvoirs locaux du 1er octobre 2014). L'on notera
d'ailleurs que l'arrêté royal du 15 juillet 2011 prévoit désormais expressément que "en
procédure ouverte et procédure négociée directe avec publicité, la fixation d'un niveau
minimum est obligatoire" (art. 58, par. 1er, al. 1er, 2°).
Le rapport au Roi de l’arrêté royal du 15 juillet 2011 relatif à la passation des marchés
publics dans les secteurs classiques fournit des explications assez claires en la matière.
Il explique que, quelle que soit la procédure, ouverte ou restreinte, la fixation d’un niveau
d’exigence est obligatoire.
La distinction entre procédure ouverte et restreinte ne se situe donc pas au niveau de la
fixation ou non du niveau d’exigence mais au niveau des conséquences pratiques de
l’atteinte de ce niveau sur la sélection du participant.
En procédure ouverte, ce niveau constitue un minimum à atteindre pour les
soumissionnaires, ce qui implique que, dès qu’un soumissionnaire l’atteint, il est
automatiquement sélectionné.
En procédure restreinte par contre, un candidat peut très bien atteindre le niveau
d’exigence requis mais ne peut pas être sélectionné. Le pouvoir adjudicateur peut en
effet avoir prévu dans son avis de marché, conformément à l’article 58, § 3, que, parmi
les candidats, il ne sélectionnera que les X meilleurs (minimum 5 en adjudication
restreinte et appel d’offres restreint, minimum 3 en procédure négociée avec publicité).
Un candidat peut donc atteindre le niveau d’exigence mais ne pas être dans le mes
meilleurs et, en conséquence, ne pas être sélectionné.
Il ne faut pas oublier que le but de la sélection qualitative, quelle que soit la procédure,
est de disposer d’un adjudicateur qui aura les reins suffisamment solides tant d’un point
de vue financier que d’un point de vue technique pour réaliser votre marché.
L’adjudicataire ne doit pas être dépassé par la prestation qui lui est confiée.
La fixation d’un niveau d’exigence prend tout son sens quand on envisage les choses
sous cet angle.
Cette étape ne remplace pas, en marchés de travaux, l'agréation des entrepreneurs. Il
s'agit d'un système qui ne concerne que les entrepreneurs de travaux (L. 20.3.1991),
permettant de réaliser une première sélection entre eux, selon les classes et catégories de
travaux auxquelles ils appartiennent (p.ex.: catégorie C – Travaux routiers;
sous-catégorie C1 – Travaux d'égouts courants; cf. A.R. 27.9.1991), sur la base
également de critères financiers et techniques. Aussi, malgré le fait que l'agréation
témoigne de certaines capacités des entrepreneurs, le pouvoir adjudicateur pourra
considérer qu'elle ne lui apporte pas de garanties suffisantes au regard de tel marché et
exiger des garanties supplémentaires au niveau de la sélection qualitative.
C. Application selon le mode de passation
1. En procédure ouverte
En adjudication ouverte et en appel d'offres ouvert, de même qu'en procédure négociée
directe avec publicité, suite à la publication de l'avis de marché, les soumissionnaires
déposent une offre; les éléments requis en matière de sélection qualitative sont joints à
celles-ci.
Aussi, bien que l'examen de la capacité des soumissionnaires précède nécessairement
l'examen de leurs offres, il n'y a formellement pas deux phases distinctes. La décision du
pouvoir adjudicateur porte à la fois sur la sélection et l'attribution du marché.
Dans cette hypothèse, tous ceux qui remplissent les exigences minimales de sélection
voient leurs offres examinées, sans qu'il soit possible d'en réduire le nombre; le marché
est ensuite attribué au moins-disant ou au mieux-disant parmi ceux-ci.
2. En procédure restreinte
En revanche, s'agissant des adjudications et appels d'offres restreints, de même qu'en
procédure négociée avec publicité, deux phases sont clairement distinguées. L'étape de la
sélection précède en effet l'étape du choix de l'adjudicataire et de l'attribution du marché.
Les candidats répondent ainsi à l'avis de marché par l'envoi de demandes de participation
contenant les éléments nécessaires à l'examen de leurs capacités financière, économique
et technique. Le pouvoir adjudicateur procède alors à l'examen de ces éléments et ne
retient que les meilleurs candidats, compte tenu des critères qu'il s'était fixés. Seuls ces
candidats retenus pourront ensuite soumissionner.
Tous les candidats remplissant les critères de sélection fixés par le pouvoir adjudicateur
ne seront cependant pas systématiquement sélectionnés, ce dernier pouvant en effet
mentionner dans l'avis de marché un nombre maximal (assorti le cas échéant d'un
nombre minimal) de candidats admis à remettre une offre. Selon la jurisprudence de la
Cour de justice des Communautés européennes (26.9.2000), ce nombre ne peut être
inférieur à cinq soumissionnaires, afin d'assurer une concurrence réelle.
3. En procédure négociée sans publicité
La sélection qualitative fait de facto partie de la procédure négociée sans publicité,
puisque le pouvoir adjudicateur est censé consulter des entreprises dont il connait les
capacités. Si toutefois le pouvoir adjudicateur décide de formaliser cette phase, celle-ci
s'opérera alors sur la base d'un dossier déposé par les entreprises consultées, soit sur la
base des exigences fixées dans l'invitation à présenter une offre (circ. précitée 10.2.1998).
D. Question particulière: la sous-traitance
Le pouvoir adjudicateur a la possibilité de formuler des exigences de sélection
qualitative à l'égard des sous-traitants éventuels des candidats[7], comme à l'égard des
candidats eux-mêmes. De la même manière qu'en ce qui concerne ces derniers, les
exigences visant les sous-traitants devront être formulées dans les documents de marché.
La réglementation des marchés publics prévoit expressément la possibilité pour un
candidat de faire valoir, au stade de la sélection qualitative, les capacités d'autres entités,
quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités, donc
notamment la sous-traitance. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur que,
pour l'exécution du marché, il disposera des moyens nécessaires, et ce par la production
de l'engagement de ces entités de mettre de tels moyens à la disposition de l'entrepreneur
(A.R. 15.7.2011, art. 74).
3. Le document unique de marché européen
L’article 59 de la directive européenne 2014/24/UE qui devait être transposée en droit
belge pour le 18 avril 2016 prévoit, dans le cadre du droit d’accès et de la sélection
qualitative, l’utilisation d’un formulaire appelé document unique de marché européen
(DUME). Le formulaire-type a été adopté par un règlement de la Commission
européenne du 5 janvier 2016[8] qui prévoit son utilisation à partir de la date limite de
transposition.
Selon un avis de la Commission fédérale des marchés publics[9], l’utilisation du DUME
n’est pas obligatoire avant l’entrée en vigueur des lois transposant les nouvelles
directives européennes. Cependant, si un soumissionnaire utilise le DUME, la
Commission invite les pouvoirs adjudicateurs à accepter ce document.
[1] L. 11.2.2013 prévoyant des sanctions et des mesures à l’encontre des employeurs de
ressortissants de pays tiers en séjour illégal ;
nouveauté légale introduite par la L. 15.5.14 mod. L. 15.6.2006.
[2] Formulé par l’A.R. dit de réparation du 7.2.14, M.B. 21.2.2014.
[3] Lorsqu’elle se déroule en une seule phase.
[4] Et procédure négociée sans publicité lorsqu’elle se déroule en deux phases.
[5] 3.3.2014.
[6] Pour plus d’informations, il est utile de consulter la circulaire de Monsieur le
Ministre Furlan du 23.7.2015 et relative à la
simplification administrative dans le cadre des marchés publics de Travaux depuis
l’entrée en vigueur de la loi du 15.6.2006 et de
ses arrêtés d’exécution.
[7] A.R. 14.1.2013, art. 12.
[8] Règlement d’exécution (UE) n°2016/17 de la Commission du 5 janvier 2016
établissant le formulaire-type pour le document
unique de marché européen, J.O.U.E., L3, 6.1.2016, p. 16.
[9] Avis de la Commission des marchés publics. Recommandation relative à
l’utilisation du Document unique de marché européen
après la date ultime de transposition des directives 2014/24/UE et 2014/25/UE.
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