Perspectives - septembre 2015
Transcription
Perspectives - septembre 2015
SEPTEMBRE 2015 APERÇU Marché baissier – nous en doutons! Une correction des marchés boursiers était attendue compte tenu des valorisations élevées et du ralentissement de la croissance mondiale. Il ne manquait que l’élément déclencheur, et la décision de la Chine de dévaluer sa monnaie en a été le catalyseur. En outre, il s’est écoulé quatre années depuis le dernier repli de plus de 10 % de l’indice S&P 500, alors qu’un repli de cette ampleur se produit normalement tous les 12 à 14 mois (graphique 1). Indice S&P 500 (cours) 2 200 2 000 Correction Correction de 13 % de 7 % Indice Graphique 1 1 800 1 600 Correction de 19 % 1 400 1 200 1 000 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Source : Thomson Reuters Datastream Nous ne faisons pas partie de ceux qui croient que nous sommes dans un marché baissier parce que, normalement, les marchés baissiers se produisent uniquement lorsqu’il y a une convergence de plusieurs facteurs, dont les suivants : La courbe des taux est aplatie ou inversée et une récession se dessine à l’horizon. En ce moment, la pente de la courbe des taux est très accentuée. Si l’on exclut la Chine, la croissance mondiale est faible, mais commence à s’améliorer, comme en témoignent la récente révision du PIB des États-Unis (+3,7 % au dernier trimestre) et la progression constante en Europe. L’économie tourne à plein régime et l’écart de production diminue fortement. La capacité manufacturière mondiale est excédentaire, l’offre de produits de base est abondante et il n’y a pas de pénurie de main-d’œuvre. Une forte hausse des dépenses non discrétionnaires, comme les aliments et l’énergie, mine le pouvoir d’achat des consommateurs et force les banques centrales à maintenir une politique de resserrement monétaire. C’est tout le contraire en ce moment : les consommateurs profitent d’un répit à la pompe et la détente monétaire prévaut à l’échelle mondiale. Une perturbation majeure du crédit prend la forme d’un désendettement forcé des sociétés, des consommateurs ou des banques. Certains pays, comme la Chine, sont aux prises avec un endettement excessif, ce qui pourrait poser problème. Les écarts entre les taux des obligations de sociétés à rendement élevé et ceux des obligations gouvernementales augmentent fortement (plus de 400 points de base). Les écarts de taux des obligations à rendement élevé s’élargissent et se situent à leur plus haut niveau depuis 2012 (hausse de 250 points de base depuis leurs creux aux États-Unis), mais ce phénomène est imputable au secteur de l’énergie et n’est pas représentatif de l’ensemble de l’économie. De fait, l’élargissement des écarts de taux observé cet été dans les secteurs autres que celui de l’énergie est semblable à ce qui se produit chaque été depuis quatre ans, ce qui donne à penser que la faible liquidité durant l’été est peut-être à l’origine de ce phénomène. La croissance des bénéfices stagne alors que la hausse des coûts de main-d’œuvre ou des prix des produits de base exerce une pression sur les marges bénéficiaires. À l’échelle mondiale, les révisions des bénéfices ont été faibles, mais sont en train de se stabiliser et même de s’améliorer aux États-Unis. Les valorisations sont très élevées (ratios C/B supérieurs à 20). Le ratio C/B de l’indice S&P 500 était de 17,6 lors de son récent sommet (il est de 16 en ce moment), ce qui n’est pas excessif étant donné la faiblesse de l’inflation et les bas niveaux historiques des taux d’intérêt qui rendent les primes de risque des actions plus attrayantes (graphique 2). L’optimisme excessif des investisseurs les pousse à spéculer davantage sur le marché. Au cours du présent cycle, les actions sont parvenues à se redresser malgré les préoccupations, les particuliers étant constamment des vendeurs nets d’actions. Prime de risque des actions américaines Rendement prévu des actions sur 10 ans moins le rendement des obligations à long terme Les actions sont très intéressantes selon ce paramètre 15,0 Pourcentage Graphique 2 12,5 10,0 Les actions sont intéressantes 7,5 5,0 2,5 1990 Les actions ne sont pas intéressantes 1995 2000 2005 Sources : Gestion de placements Connor, Clark & Lunn Ltée, Thomson Reuters Datastream 2010 2015 Creux du marché Bien que les données ne nous permettent pas de croire que nous sommes dans un marché baissier, comme nous l’avons souligné précédemment, certains facteurs pourraient faire pencher la balance de l’autre côté. Comme nous en faisions état dans le bulletin Perspectives du mois d’août, la transition de l’économie chinoise d’un modèle mercantile axé sur les exportations à un modèle axé sur la consommation s’avère difficile. Plus précisément, l’éclatement de la bulle boursière et des bulles du crédit et des stocks est problématique. Non seulement freinera-t-elle la croissance économique en Chine – la deuxième économie mondiale –, mais elle aura aussi un effet sur la croissance à l’échelle de la planète. Voilà ce qui inquiète les investisseurs et ce qui a entraîné la récente débâcle boursière. Il y a également un risque que la dévaluation du yuan crée un effet de contagion parmi ses partenaires commerciaux en Asie en déclenchant une guerre des devises dans la région – qui ne serait pas très différente de ce qui s’est produit en 1998. Par ailleurs, les autorités chinoises ont à leur disposition un grand nombre d’outils budgétaires et monétaires. Les récentes décisions de la Banque populaire de Chine de réduire les réserves obligatoires des banques et les taux d’intérêt montrent que les autorités tentent de stabiliser la situation. La Chine cherche sans doute à éviter une série de dévaluations compétitives de ses partenaires commerciaux, car elle a dit vouloir que sa monnaie soit incluse dans l’influent panier de monnaies de réserve du Fonds monétaire international (droits de tirage spéciaux). De plus, on peut s’attendre à ce que d’autres banques centrales dans le monde surveillent la situation de près et conservent une politique monétaire très expansionniste. Cela favorisera la croissance économique, mais devrait aussi contribuer à atténuer l’effet de contagion en provenance de la Chine. Il est intéressant de constater que les bilans des banques centrales augmentent au rythme de 14 % en moyenne par année, ce qui est de bon augure pour l’expansion future du crédit. Les politiques monétaires expansionnistes maintiendront les taux d’intérêt à de bas niveaux, de sorte que l’écart entre les taux nominaux des obligations et la croissance du PIB nominal demeurera élevé sur le plan historique. Dans le passé, une telle situation s’est traduite par une forte croissance économique et une progression des cours boursiers, comme entre 2004 et 2007. Nous sommes toujours d’avis que les États-Unis seront le moteur de la reprise mondiale, et les statistiques économiques publiées récemment nous donnent raison. Le PIB des États-Unis au deuxième trimestre a progressé de 3,7 % (taux annuel), grâce à la vigueur du marché de l’habitation et à la solide croissance des emplois et des ventes au détail. La confiance des consommateurs demeure solide. L’économie dans la zone euro s’améliore également, la demande accumulée et la reprise soutenue du crédit bancaire entraînant une hausse des dépenses de consommation. À l’échelle mondiale, la baisse des taux d’intérêt et des prix des produits de base, surtout le pétrole, prépare le terrain à une croissance future. Dans un premier temps, un repli des prix des produits de base ralentit la croissance mondiale, car les dépenses en capital diminuent, la production des sociétés de matières premières baisse et le marché de l’emploi faiblit. Les consommateurs ont tendance à croire que l’heureux coup du sort ne durera pas, et ils se mettent à épargner. Cependant, comme les prix sont bas, les consommateurs finissent par recommencer à dépenser. Il semble que nous entrons dans cette dernière phase. MARCHÉS FINANCIERS Comme nous l’avons mentionné plus haut, la dernière correction majeure (supérieure à 10 %) de l’indice S&P 500 remonte à plus de quatre ans. Cette correction était la troisième en importance depuis le début du marché haussier le 9 mars 2009 (l’indice S&P 500 a reculé de 16 % en 2010 et de 19 % en 2011); il s’agit également de la quinzième correction d’au moins 5 % depuis cette date. Au cours des quatre dernières années, le niveau artificiellement bas des taux d’intérêt et la faible volatilité boursière ont créé les conditions propices à une augmentation constante des valorisations. Mais l’histoire montre que les valorisations ne peuvent pas augmenter indéfiniment. Compte tenu de la détérioration des perspectives de l’économie chinoise (voir le numéro de Perspectives du mois d’août) et de l’incertitude entourant la politique monétaire américaine (relativement au moment, à l’ampleur et à la période du relèvement des taux), les marchés boursiers étaient mûrs pour un repli. La décision maladroite de la Chine de dévaluer sa monnaie et la réaction des autorités lors de l’éclatement de sa bulle boursière en ont été les éléments déclencheurs. À certains égards, cette déroute des marchés financiers n’est pas très différente de ce qui s’est produit à l’été de 1998. À cette époque, une crise secouait les pays émergents d’Asie, le pétrole avait chuté de 50 % depuis son récent sommet, le dollar américain avait atteint un niveau non compétitif et les ratios C/B étaient excessifs malgré des perspectives médiocres de croissance des bénéfices des sociétés. À l’époque, tout comme aujourd’hui, les marchés boursiers mondiaux ont trébuché, et l’indice S&P 500 s’est replié (de 19 % en 1998 contre 13 % récemment). Les banques centrales étaient passées à l’action, la Réserve fédérale américaine (Fed) ayant réduit les taux d’intérêt trois fois de suite (la Banque populaire de Chine semble jouer ce rôle aujourd’hui). Les marchés boursiers ont rebondi et les taux d’intérêt ont augmenté. La phase baissière du marché boursier n’est arrivée que deux ans et demi plus tard. Un scénario semblable se déroule peut-être en ce moment, parce que les banques centrales tenteront d’assurer le bon fonctionnement du système financier grâce à d’abondantes liquidités et à de bas taux d’intérêt. De plus, les données fondamentales de l’économie qui sous-tendent les marchés boursiers sont favorables à une hausse des cours, puisque l’économie mondiale, si l’on exclut la Chine et quelques marchés émergents, repose sur de solides bases. Les valorisations sont également devenues plus intéressantes depuis le récent repli. Les problèmes de la Chine et la volonté exprimée par la Fed de relever les taux d’intérêt entraîneront toutefois une volatilité boursière plus prononcée que celle observée ces dernières années ainsi que des gains plus modestes. Nous nous attendons donc à ce que les marchés boursiers soient tributaires des bénéfices plutôt que de la variation des primes de risque (graphique 3). Bénéfices des sociétés américaines Milliards $ 1 250 Graphique 3 Très faible croissance Les gains des marchés boursiers sont dus à la hausse des ratios C/B 1 500 ? 1 000 750 500 2000 2002 2004 2006 Sources : Bureau of Economic Analysis, département américain du Commerce 2008 2010 2012 2014 Récessions aux États-Unis À long terme, les actions demeurent plus intéressantes que les titres à revenu fixe sur une base relative (primes de risque des actions). Cependant, en ce qui a trait aux valorisations absolues fondamentales, les actions semblent quelque peu surévaluées lorsque l’on considère le ratio de Tobin, le ratio capitalisation boursière/PIB, le ratio C/B de Shiller (bénéfices corrigés des variations conjoncturelles) et les ratios cours/bénéfices tendanciels. Cela signifie que les rendements réels américains seront plus faibles, probablement inférieurs à 5 % comparativement à la moyenne de 6,9 % que les investisseurs ont obtenue depuis 1900. Les rendements réels dans les autres pays développés avoisineront également les 5 %, ce qui demeure intéressant comparativement aux autres catégories d’actif. STRATÉGIE DE PORTEFEUILLE Les investisseurs demeurent très pessimistes, le niveau de confiance se situant à 31 % (selon Investors Intelligence) comparativement à un sommet de 51 % atteint en mai 2015. De plus, les particuliers restent d’importants vendeurs nets d’actions. Ce sont des indicateurs à contre-courant qui, conjugués avec les données fondamentales susmentionnées, laissent entrevoir d’autres gains sur les marchés boursiers d’ici la fin de l’année et en 2016. À court terme, il est fort possible que les marchés reviennent à leurs creux récents étant donné que l’été est une période peu active et que les nerfs des investisseurs sont mis à rude épreuve. Dans une telle éventualité, nous en profiterions pour accroître la surpondération des actions dans les portefeuilles équilibrés. La récente débâcle des marchés financiers nous a permis d’apporter des ajustements aux portefeuilles d’actions (opérations dans le secteur du pétrole et du gaz) et aux placements dans les titres à revenu fixe (diminution de la durée).