LES FRACTURES DE LA CHARNIERE
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LES FRACTURES DE LA CHARNIERE
LES FRACTURES DE LA CHARNIERE LOMBOSACREE ET DU SACRUM Les problèmes diagnostiques et thérapeutiques Revue de la littérature et rapport de 7 cas sur 10 ans Lombosacral fracture-dislocation Diagnosis and treatment of the report of 7 cases and review of literature J. Godard Service de Neurochirurgie (Pr Czorny) - CHU - Hôpital Jean Minjoz - Boulevard Fleming 25030 Besançon cedex. Résumé Summary es fractures dislocations de la charnière lombosacrée et du sacrum sont rares. Ces lésions traumatiques peuvent poser parfois des problèmes diagnostiques et thérapeutiques. Les publications font état souvent de cas isolés et les auteurs rapportent leur traitement. Dans quelques publications, un essai de synthèse et de classification est tenté. Watson-Jones (34) a été l’un des premiers auteurs en 1940, à décrire ce type de lésion. Nous ajoutons 7 nouveaux cas à ceux de la littérature pour discuter le diagnostic et le traitement de ces fractures rares. Le diagnostic est actuellement favorisé par l’utilisation d’une étude au scanner de la fracture. Il s’agit le plus souvent de fractures instables. L’orientation thérapeutique moderne est en faveur d’une réduction et fixation chirurgicale de la plupart de ces fractures afin d’éviter la survenue de douleurs chroniques secondaires à des déplacements de L5 sur S1. Seuls quelques cas peuvent bénéficier d’un traitement conservateur. L he lumbosacral fracture-dislocation or subluxation are very rare injury. They can be associated with sacral and pelvic fractures. About one hundred cases are reported, often one case by the authors. The lombosacral dislocation must be characterized by computed tomography. A preoperative MRI study appears mandatory in order to evaluate the integrity of the disc L5-S1 and the nervous roots L5, S1, S2 specialy. We report seven new cases for the discussion of the diagnosis and treatment. The management of the fractures is open reduction and internal fixation with lombosacral fusion. Only somes cases can be treated without surgery. Mots-clefs : Spondylolisthésis post-traumatique - Fracture de la charnière lombosacrée - Fracture du sacrum et du pelvis - Thérapeutique. Key-words : Lombosacral fracture - Dislocation of lombosacral junction - Sacrum fracture - Pelvic trauma - Spine treatment. RACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. T 191 DOSSIER Article original J. Godard es fractures de la charnière lombosacrée sont rares ; elles sont souvent associées à d’autres lésions fracturaires de la ceinture pelvienne et du sacrum. Dans la littérature, les cas rapportés sont souvent sporadiques. Seuls quelques auteurs (19, 26) ont essayé de proposer une classification soit des fractures sacrées, soit des fractures lombosacrées à partir de recueil de séries. S1-S2 passe par les articles sacro-iliaques et donne l’angle de rétroversion pelvienne. Ainsi, lors de fracture touchant le couple charnière lombosacrée, il existe brutalement une rupture d’équilibre antéropostérieur, voire latéralement si un côté est plus atteint que l’autre. L’absence ou la mauvaise consolidation de ces fractures va être responsable d’un trouble pouvant engendrer des douleurs lombaires basses chroniques souvent difficiles à traiter. La fracture isolée du sacrum a un retentissement sur la statique selon le trait de fracture vertical ou horizontal. Une fracture en-dessous de S2 aura en général peu d’effet si la mobilité du couple charnière lombosacrée et du couple sacro-iliaque est respectée. Ces fractures sacrées peuvent être parfois responsables d’avulsion radiculaire d’où une étude neurologique précise lors de leur présence. Les traits de fractures verticaux du sacrum sont souvent instables avec également un risque neurologique accru ; il faut alors bien chercher l’atteinte de l’article L5-S1. A partir de la littérature un essai de classification peut être proposé. L Nous avons revu de 1994 à 2003, notre série de fractures du rachis secondaires et du sacrum pour isoler seulement 7 dossiers présentant de telles lésions. Ces dossiers vont servir à alimenter la discussion sur le diagnostic et le traitement de ces lésions spécifiques. Avant d’aborder ces lésions de la charnière lombosacrée, il nous a paru intéressant de faire un rappel anatomophysiologique de cette région. Rappel anatomophysiologique Les travaux de Kapandji (15), de Vidal et Marnay (33) permettent de mieux comprendre et analyser l’importance de cette charnière lombosacrée. Le sacrum apparaît comme un os plat ayant la forme d’un chapeau pointu terminant la colonne vertébrale. Il vient s’articuler avec les deux membres inférieurs par l’intermédiaire du pelvis et en particulier des articulations sacro-iliaques et des articulations coxo-fémorales. Le positionnement de l’une ou l’autre des articulations va retentir sur la statique rachidienne avec la notion d’hyperlordose, de sacrum plus ou moins horizontalisé. L’axe rachidien mobile utilise le couple charnière L5S1 pour compléter le mouvement antéro-postérieur du tronc. Aussi, il semble démontré que le poids du tronc s’applique sur le plateau supérieur de S1, et que la rotation passe par le centre de la 2ème pièce sacrée. Les différentes articulations, renforcées par le puissant ligament sacro-iliaque, agissent comme de véritables haubanages et permettent une certaine suspension de la région sans oublier dans ce rôle les muscles lombosacrés s’insérant en partie sur les apophyses transverses. Le bon fonctionnement de ces éléments permet à l’homo-sapiens de se maintenir debout avec un équilibre sagittal du rachis. L’inclinaison de la pente sacrée dépend du glissement L5-S1 et de la lordose lombaire selon le morphotype individuel homme ou femme. La rotation RACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. Mécanisme et classification Dans tous les travaux et les cas rapportés de fracture de la charnière lombosacrée, le mécanisme rapporté est violent. En raison de la mobilité et de l’importance musculaire fessière, la charnière est souvent bien protégée, d’où la rareté des fractures touchant la vertèbre L5 et S1, et le sacrum. Il s’agit habituellement d’un traumatisme violent avec une haute énergie associant hyperflexion et compression. Il peut exister des contraintes en rotation donnant souvent des phénomènes de luxation unilatérale L5-S1, et des fractures pelviennes unilatérales. Isler en 1990 (16) propose une classification en 3 types : Type 1 Fracture extra-articulaire L5-S1+ fracture du sacrum Type 2 Fracture articulaire L5-S1 + fracture sacrée verticale ; avec 3 sous groupes : 2a : dislocations 2b : subluxation 2c : complète dislocation Type 3 Complexe fracture L5-S1 + fracture du sacrum. 192 Les fractures de la charnière lombosacrée et du sacrum... En 1992, Pohlemann et al. (26) ont revu 377 fractures du sacrum, sans tenir compte du retentissement sur la charnière lombosacrée (schéma 1). Il est noté la fréquence des fractures unilatérales verticales du sacrum à partir de cette étude. En 1998, Aihara et al. (1) ont fait l’analyse surtout des fractures dislocations touchant la vertèbre L5 et son retentissement sur le couple charnière lombosacrée (schéma 2) : Type 1a : luxation d’une facette plus ou moins fracture unilatérale Type 2b : luxation (ou dislocation) des facettes bilatérales Type 3c : luxation unilatérale et fracture facette articulaire controlatérale Type 4d : glissement du corps de L5 et fracture isthmique bilatérale (spondylolisthésis post-traumatique) Type 5e : luxation du corps de L5 avec fracture bipédiculaire ou corporéale È Schéma 1. ÍSchéma 2. RACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. 193 J. Godard Schéma 3 : Fracture verticale du sacrum passant par la partie médiale de l’articulaire de S1. b : Fracture extra-articulaire L5-S1 et fracture articulaire de S1 (Isler 1). c : Fracture dislocation (Isler 2a). d : Fracture subluxation L5-S1 (Isler 2b). Enfin, en 1997, Leone et al (19) ont proposé une classification proche de celle d’Isler mettant en relation les fonctions de la charnière lombosacrée et du sacrum (schéma 3). Malgré l’importance du traumatisme les troubles neurologiques sont souvent peu importants voire minimes, prédominant à un côté (11), touchant les racines L5 et S1. Ces classifications ont pour intérêt de bien mettre en évidence la notion d’instabilité de ces fractures, tout en identifiant un nombre important de fractures minimes stables, non rapportées dans la littérature car ne posant pas ou peu de problème diagnostique. Les récupérations neurologiques sont fréquentes (9, 12, 17, 27) montrant la bonne tolérance aux traumatismes des éléments radiculaires. Cependant la présence d’un syndrome de la queue de cheval est de récupération plus aléatoire, avec souvent la persistance de séquelles neurologiques (11). De 1992 à 2003, nous avons été amenés à prendre en charge 7 patients avec une fracture lombosacrée dont 4 cas avaient une dislocation importante. Dans 1 cas la fracture de la charnière lombosacrée était peu déplacée associée à une fracture du sacrum. Un spondylolisthésis L5-S1 a été découvert quelques mois après le traitement, et dans 1 cas une fracture tassement S1-S2 déplacée ne présentait aucun trouble neurologique. Aspects cliniques et nos observations Ces fractures se rencontrent le plus souvent chez l’adulte, jeune, mais elles peuvent se voir également chez l’enfant, un cas âgé de 5 ans est rapporté (4) et chez l’adolescent (24, 29, 32). Les douleurs sont très intenses, localisées au niveau de la ceinture pelvienne et de la base du rachis lombaire. RACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. 1er cas : Mme GRO..., Marie, née en 1956 était prise en charge à la suite d’une tentative d’autolyse par défe194 Les fractures de la charnière lombosacrée et du sacrum... nestration (chute de 2 étages). Elle présentait un syndrome de la queue de cheval avec paralysie des releveurs bilatérale. Le bilan radiologique mettait en évidence une fracture de L1 et une fracture de L5 avec listhésis L5-S1 (Figures 1 et 2). Elle fut opérée en urgence avec libération du canal rachidien en L1 et recalibrage puis ostéosynthèse D12-L2, et recalibrageostéosynthèse de L4 à S1, associé à une arthrodèse postérolatérale (Figure 3). Un corset fut laissé en place pour trois mois. Un an après, la patiente marche, elle a gardé un déficit moteur des releveurs du pied droit et une hypoesthésie dans le territoire L5 droit. Elle est suivi en milieu psychiatrique. 2ème cas : Mr PAG... Valéri, né en 1965, reçoit pour protéger sa fille, une cheminée sur le dos alors qu’il est en hyperflexion, en octobre 1991. Il est paraplégique à son arrivée aux urgences. Le bilan radiologique montre une double luxation T12-L1 et L1-L2. Il est opéré en urgence. Une réduction est faite par ostéosynthèse étendue de T10 à L3. Il a une récupération sensitive des membres inférieurs mais aucune récupération motrice. Quelques mois plus tard, sur les radiographies de contrôle il existe un glissement de L5 sur S1 non visible sur les premières radiographies. Ce spondylolisthésis est progressivement responsable de douleurs lombaires basses et le patient accepte en Janvier 1992 Figure 2 : CT Scan - Cas n°1 - Fracture de l’apophyse transverse de L5 droite. Figure 3 : Radiographie de contrôle - Cas n°1 - Cliché de face avec ostéosynthèse plus arthrodèse postérolatérale. une opération avec réduction et fixation L5-S1 par plaque vissée et arthrodèse postérolatérale. Ses douleurs lombaires basses vont alors disparaître dans les suites opératoires. Figure 1 : CT scan - Cas n°1 - Fracture de la facette articulaire de S1 droite. RACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. 195 J. Godard 3ème cas : Mr LEV... Sébastien, né en 1979, est victime d’un accident de voiture en Juin 2000. Après quelques jours, alors que le patient n’avait pas été hospitalisé, il apparaît une lombosciatique droite hyperalgique. Le patient ne peut plus marcher. Le bilan radiologique, le scanner et l’IRM montrent une fracture éclatement de L5 avec plusieurs fragments dans le canal rachidien en particulier à droite expliquant la sciatique et l’hypoesthésie dans le territoire S1. Il existe également une fracture de la facette articulaire de S1 droite se prolongeant dans l’aileron sacré droit. Le patient est opéré le 13 Juin 2000, un recalibrage du canal rachidien, une réduction et ostéosynthèse L5-S1 avec arthrodèse postérolatérale sont faits. Quatre mois après, le patient reprend son travail. En 2002, le matériel d’ostéosynthèse est enlevé à sa demande. Le patient n’a aucun trouble neurologique, ni douleur. Figure 5 : CT Scan - Cas n°5 - Luxation rotatoire L5-S1 gauche. 4ème cas : Mr PAN... Patrick, né en 1979, est victime d’un grave accident de voiture, le 12 Décembre 2000. Il est coincé en hyperflexion et une désincarcération est nécessaire. A son arrivée aux urgences, il n’a aucun trouble neurologique. Le bilan radiologique montre une fracture de l’apophyse transverse de L5 gauche, une fracture articulaire de S1 droite avec latérolisthésis de L5. A noter une lombalisation de S1. Il a par Figure 6 : CT Scan - Cas n° 4 - Fracture disjonction du sacrum droit. ailleurs, une disjonction pubienne et sacro-iliaque gauche. Le scanner montre une fracture-luxation rotatoire L5-S1 avec fracture de la facette S1 droite se prolongeant dans l’aileron sacré droit. La disjonction sacroiliaque gauche et de la symphyse pubienne sont confirmées (Figures 3, 4, 5, 6 et 7). Il est opéré, en urgence, le 12 Décembre 2000, par voie postérieure avec laminectomie de S1, ostéosynthèse L4-S1 et arthrodèse L5-S1 postérolatérale. La réduction n’a été que partielle, et un temps antérieur complémentaire, 8 jours plus tard, est effectué avec mise en place de cages intersomatiques vissées + de l’os en L5-S1 (Figure 8). Figure 4 : Cas n°4 - Radiographie de face - Fracture dislocation rotatoire L5-S1 gauche, fracture de l’apophyse transverse L5 droite, fracture disjonction du sacrum droit. A noter une lombalisation. RACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. 196 Les fractures de la charnière lombosacrée et du sacrum... È Figure 7 : CT Scan - Cas n° 4 - Extension latérale droite de la fracture du sacrum sur plusieurs coupes. Figure 8 : Cas n° 4 - Radiographie de contrôle de profil post-opératoire après les temps postérieur et antérieur. Ë En Janvier 2003, le matériel d’ostéosynthèse postérieur est enlevé pour récupérer le disque L4-S1 sain. Le patient va bien, a repris des activités professionnelles. 5ème cas : Mr AMB... Franck, né en 1978, est victime en 1998, d’un accident du travail. Il reçoit un objet lourd dans le dos alors qu’il est en hyperflexion. Il n’a pas de troubles neurologiques mais le bilan radiologique montre un spondylolisthésis L5-S1 post-traumatique et des fractures des apophyses transverses L3, L4 et L5 gauches. Il est opéré en urgence avec réduction et fixation L5-S1. En 2000, il se plaint de douleurs lombaires basses ; le bilan radiologique montre l’aggravation d’une scoliose lombaire au-dessus du spondylolisthésis opéré . Début 2001, il est réopéré pour une fixation étendue jusqu’en L1. Actuellement, il va bien malgré la raideur rachidienne. RACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. 197 J. Godard 6ème cas : Mr AUT... Florian, né en 1980, est victime d’un accident de circulation, moto contre bus, le 13 Septembre 2000. Il est polytraumatisé : luxation de la hanche gauche, disjonction symphyse postérieure, fracture des apophyses transverses L3, L4 et L5 gauches, fracture du promontoire sacré et un listhésis L5S1, fracture de l’omoplate et clavicule gauches, fractures de côtes, hémothorax gauche, fracture de la rate. En urgence, il est opéré dans l’Hôpital qui le reçoit, d’une rupture de rate (splénectomie) et subit une réduction de la luxation de hanche. Au 17ème jour il sort de Réanimation et il est adressé rapidement en rééducation du fait d’un déficit du membre inférieur gauche avec paralysie des releveurs du pied gauche. Il récupère de son déficit du membre inférieur gauche mais garde une paralysie des releveurs du pied gauche avec des douleurs. Un EMG du 5 Février 2003 confirme une souffrance de L5 gauche ; le patient marche sans canne. Il est vu seulement dans notre Service, en Juillet 2003, avec une consolidation de sa fracture-dislocation L5-S1. Le myéloscanner montre un étirement des racines L5 sans compression évidente. Le patient ne souhaite pas d’opération, la poursuite du traitement antalgique est proposé, avec suivi radiologique en raison du risque de déviation scoliotique secondaire en rapport avec l’absence de prise en charge de cette fracture de façon précoce. Figure 9 : CT Scan - Cas n°7 - De profil, fracture déplacement S1-S2 du sacrum. transverses de L4, L5 et, si c’est le cas, de rechercher une fracture de la charnière lombosacrée avec un examen tomodensitométrique. En effet, l’association est fréquente tant dans nos observations que dans les cas rapportés. Le scanner de la charnière lombosacrée et du sacrum en coupes coronale et sagittale apparaît l’examen essentiel pour bien analyser les traits de fractures, traits pouvant passer par les facettes articulaires, les trous de conjugaison, d’où sortent les racines. Il permet aussi d’apprécier la verticalité ou l’horizontalité de ces traits de fractures. La présence d’un fragment osseux comprimant une racine est importante à reconnaître pour décider d’une décompression. Plus les traits de fractures sont verticaux au niveau du sacrum et des facettes articulaires, plus l’instabilité de la charnière risque d’être importante. 7ème cas : Mme ERA... née en 1966 fait une chute d’un étage dans des circonstances mal définies, le 24 Mars 2002. La patiente n’a aucun trouble neurologique. Le bilan radiologique montre la présence d’une fracture de T12, du sacrum en S1-S2 (Figure 9) et une fracture de l’astragale. Seule la fracture de T12 est opérée par voie antérieure. En Juillet 2003, la patiente a repris son activité et se plaint surtout de la fracture du calcanéum. La fracture du sacrum est consolidée. L’utilisation des classifications de ces fractures peut permettre d’établir une conduite thérapeutique. Discussion La description des fractures de la charnière lombosacrée est récente (34). Peu de cas sont publiés et chaque fois les auteurs rapportent leur propre expérience (5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 20, 22, 23, 25, 27, 28, 30, 31). Le diagnostic n’est pas toujours facile à faire en urgence, en raison de la mauvaise qualité fréquente des clichés radiographiques de cette région. Il est important de rechercher une fracture des apophyses RACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. En dehors des fractures de type I, habituellement stables, les autres types de fractures ont en effet un fort potentiel d’instabilité. L’IRM est surtout utile pour faire l’analyse des parties molles et des plexus lombosacrés (3, 20) en particulier lors de l’association à des fractures pelviennes et la présence de troubles neurologiques ; il peut s’agir d’un 198 Les fractures de la charnière lombosacrée et du sacrum... rieure complémentaire peut être proposée avec une arthrodèse L5-S1 soit avec de l’os (péroné ou os iliaque) plus ostéosynthèse (17), soit avec de l’os seul ou une cage intersomatique comme dans l’un de nos cas. simple étirement des plexus lombaires ou d’une rupture rachidienne, ou plus souvent d’une compression par hématome. Sur l’IRM, la présence d’une pseudoméningocèle est le signe pathognomonique d’un arrachement plexique. La radiculographie n’est actuellement plus utilisée mais elle peut être utile en cas de doute sur un arrachement plexique. Cette approche antérieure nous semble indispensable lors d’une réduction incomplète, pour renforcer le nouveau bloc charnière lombosacrée et essayer d’améliorer la réduction. Les fractures isolées du sacrum sont rarement responsables de troubles neurologiques ; sur une analyse de 377 cas, Pohlemann T et al. (26) montre que la plupart des troubles neurologiques sont dus à l’instabilité pelvienne associée, surtout sacro-iliaque, plutôt qu’à la fracture spécifique du sacrum. La méconnaissance d’une fracture articulaire lombosacrée peut entraîner une consolidation en mauvaise position et le risque d’évolution vers des douleurs chroniques, et une modification de la statique rachidienne comme pour notre observation n°6. Le traitement de ces fractures a été longtemps conservateur, avec alitement prolongé (6 semaines environ) ; parfois essai de réduction orthopédique sous anesthésie générale, avec risque d’aggravation neurologique, ensuite traction avec genou et hanche fléchis à 90° pendant 45 jours, puis corset pendant deux mois. Chez l’enfant et l’adulte jeune, néanmoins, ce traitement peut être proposé avec de bons résultats (4, 24). Chez l’adulte, malgré quelques bons résultats (22) il apparaît assez rapidement des douleurs chroniques lombosacrées, d’approche thérapeutique difficile. En l’absence de troubles neurologiques, du fait de fractures complexes, la consolidation peut être obtenue spontanément par traitement conservateur malgré des contrôles radiologiques très imparfaits (22) avec persistance du glissement L5-S1. Lors d’une disjonction sacro-iliaque importante (2) associée, une fixation transversale iliaque doit être envisagée afin de renforcer la stabilité lombosacrée (29). Les disjonctions de la symphyse pubienne ne doivent pas être négligées si elles sont importantes et là aussi une réduction et fixation de l’anneau pelvien doit être faite (9). L’utilisation d’un fixateur externe pelvien peut parfois être nécessaire après fixation postérieure L5-S1 (31) lors de fracture pelvienne associée. Les fractures du sacrum sont souvent négligées en dessous de S1-S2. Si une compression radiculaire par fragment osseux, est mise en évidence, une laminectomie sacrée peut être faite (9). Dans la série de Pohlemann (26) seulement 10 fractures du sacrum (sur 377) ont nécessité un geste chirurgical postérieur sans précision de celui-ci. Avant 1976, les patients opérés bénéficiaient essentiellement d’une libération radiculaire suivie d’une arthrodèse et d’un alitement prolongé. Actuellement, le geste chirurgical consiste en une ostéosynthèse après réduction et libération suivie d’une arthrodèse. L’alitement reste souvent long de 4 à 6 semaines en raison d’autres problèmes fracturaires du bassin plus ou moins déplacé. Tous les patients bénéficiait ensuite d’un corset pendant une durée moyenne de deux mois. L’amélioration du matériel d’ostéosynthèse et les progrès techniques conduisent pour la plupart des auteurs à un abord chirurgical de ces fractures. Un abord classique par voie postérieure simple pour un spondylolisthésis post-traumatique est réalisé, avec ostéosynthèse lombosacrée et greffe postérolatérale. Cependant, dans ce type de fracture une arthrodèse intersomatique par cages complémentaires L5-S1 peut être discutée si cela est possible en l’absence de fracture corporéale associée. Conclusion Il faut retenir la rareté des fractures de la charnière lombosacrée. Il faut cependant y penser, en particulier en présence d’une fracture des apophyses transverses ; dans ce cas, ne pas hésiter à faire un scanner centré sur Du fait de fractures complexes, la fixation réduction du listhésis n’est pas toujours aussi simple, il faut parfois se contenter d’une fixation en place avec une arthrodèse postérolatérale. Dans quelques cas, une voie antéRACHIS - Vol. 15, n°3, Septembre/Octobre 2003. 199 J. Godard retardé de quelques jours voire un mois, en particulier chez les polytraumatisés, afin d’éviter une consolidation en mauvaise position et la persistante de compression et d’étirement radiculaire. Un seul cas de reprise chirurgicale (13), 200 jours après le traitement, a été rapporté, de façon efficace mais il s’agissait d’un spondylolisthésis post-traumatique simple (comme notre cas n°2). ■ la charnière lombosacrée. Chez l’enfant, un traitement orthopédique peut être tenté avec succès, mais en cas d’échec, il ne faut pas hésiter à proposer une intervention chirurgicale. Chez l’adulte, en présence d’une instabilité suite à une fracture de la charnière lombosacrée, le traitement chirurgical doit être proposé afin d’éviter une évolution des lésions instables et la survenue de douleurs chroniques. Le traitement peut être Bibliographie 10- Fabris D, Costantini S, Nena U, Lo Scalzo V Traumatic L5-S1 spondylolisthesis : report of three cases and a review of the literature. Eur Spine J 1998 ; 8 : 290-5. 11- Fardon DF - Displaced fracture of the lumbosacral spine with delayed cauda equina deficit : report of a case and review of literature. Clin Orthop 1976 ; 120 : 155-8. 12- Fourney DR, Prabhu SS, Cohen ZR, Gokaslan ZL, Rhines LD - Early sacral stress fractures after reduction of spondylolisthesis and lumbosacral fixation : case report. 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