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Son engagement …
A ce sujet, risquons ce qui est quasiment un anti-parallèle avec Vian sur le thème de
l’engagement. Il aurait été séduisant d’affirmer que cette « Marseillaise » relookée
reggae est une réponse tardive au « Déserteur » de Vian. Mais il n’en est rien. La
vérité est que si Boris Vian a été un auteur engagé qui a pris des risques, Serge
Gainsbourg s’est toujours considéré en marge des institutions. C’est un librepenseur.
Très clairement, la politique ne l’intéresse pas. Pendant les événements de 68 il fait
l’acteur et il travaille en studio. Plus tard il prendra curieusement parti pour Giscard
contre Mitterrand. Et s’il habille « La Marseillaise » en reggae sept ans plus tard c’est
plus une pirouette patriotique et ce n’est pas du tout une quelconque provocation
contre l’ordre établi – rappelons-nous que Gainsbourg a toujours affiché son respect
et son amitié pour les représentants des forces de l’ordre : les militaires qu’il aime
bien, les policiers avec qui il partage des apéritifs dans les dernières années de sa
vie et qui le ramèneront régulièrement chez lui certains soirs…, les légionnaires à qui
il a sûrement dédié inconsciemment « Mon légionnaire » à l’extrême fin de sa
carrière.
Mais cette « Marseillaise » provoquera tout de même une sorte de cabale contre lui
et ce fameux concert de Strasbourg où il fera chanter une salle sous influence
devant un groupe de parachutistes hallucinés… Quelques mois plus tard le point
d’orgue de l’affaire survient quand Gainsbourg achète l’un des manuscrits de Rouget
de l’Isle dans une vente aux enchères. Un geste élégant et aristocratique pour
acquérir l’un des symboles fondateurs de la République : tout Gainsbourg est làdedans…
Quant au point culminant de « Mauvaises nouvelles des étoiles », en dehors de ce
« Negusa Nagast » qui fustige de manière violente la mythologie rasta, le « pauvre
rasta » qui « tire sur son joint » et Haïlé Sélassié qui est protégé par des esclaves
« sous de noirs parasols », c’est peut-être « Juif et Dieu ». Gainsbourg y aborde sa
judéité, quelque chose d’évidemment fondamental pour lui mais dont il parle peu.
On peut définir cet axe de la judéité comme un peu comme un secret qu’il a porté
tout au long de sa vie, même s’il a souvent raconté que pendant la guerre, il était fier
d’avoir porté l’étoile jaune… En 67, l’année de la guerre des six jours, il offre une
chanson, « Les soldats et le sable », à l’Etat d’Israël. En 75, il chante « Nazi rock »,
« Yellow star » et « S.S. in Uruguay ». En 1981 il déclame : « Dieu est juif / Juif et
dieu ». Et à titre posthume, il reçoit l’un de ses plus beaux tributs musicaux de la part
de John Zorn, grande figure de l’underground new yorkais qui revendique clairement
son identité juive, dans le disque « Great Jewish Music », qui sonne aussi comme un
écho à la « Great Black Music » des jazzmen libertaires.
C’est aussi pendant cette période « rasta » que Gainsbourg, plus boulimique que
jamais, publie son roman « Evguenie Sokolov » chez Gallimard en 80, qu’il écrit
notamment pour Martin Circus, Sacha Distel, Shake, Catherine Deneuve et Alain
Bashung (son album « Play blessures »), réalise une bonne quinzaine de spots
publicitaires, tourne son film « Equateur ». Et puis, la rupture avec Jane Birkin
coïncide avec l’apparition de Gainsbarre, son alter-ego éthylique qui devient une
figure médiatique fascinante et dérangeante.

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