l`hôtellerie de luxe, précurseur de bonnes

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l`hôtellerie de luxe, précurseur de bonnes
MÉTIER
58 Veille
SERVICE
L’HÔTELLERIE DE LUXE,
PRÉCURSEUR
DE BONNES PRATIQUES
Dans cette rubrique, Laurent Deslandres, directeur associé du cabinet
Colorado Conseil, décrypte une tendance ou une innovation.
Pour ce numéro, il s’intéresse à la relation client dans l’hôtellerie
de luxe, qui devrait inspirer d’autres secteurs.
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FOTOLIA
Le secteur hôtelier, particulièrement dans son segment
haut de gamme, a souvent été un
précurseur des bonnes pratiques
en matière de relation client. La
notion de service attentionné a
été modélisée, codée et portée à
un niveau d’excellence d’abord
dans les hôtels de luxe, avant
d’être adaptée à d’autres secteurs.
La qualité de l’accueil des boutiques Apple, par exemple, doit
beaucoup aux meilleurs acteurs
de l’“hospitality” outre-Atlantique.
Aujourd’hui, le segment de l’hôtellerie de luxe est en pleine réinvention, avec de nouveaux
entrants puissants. C’est le cas,
notamment, des groupes asiatiques, qui ont culturellement un
sens très aigu du service et du
raffinement et des investissements massifs.
Aujourd’hui, la compétition pour
séduire une cible très aisée, mais
aussi très réduite et ô combien exigeante se révèle de plus en plus
féroce. Les établissements haut de
gamme continuent de miser sur
des fondamentaux : des emplacements idéaux, de l’élégance, du
prestige… bien sûr. Mais c’est à
l’échelle de la relation client que les
évolutions sont les plus tangibles,
car elle devient un axe majeur de
Relation Client Magazine / Automne 2014
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Laurent Deslandres,
directeur associé
de Colorado Conseil
différenciation. Et derrière les établissements de luxe, c’est toute
l’hôtellerie haut de gamme qui vit
des bouleversements dans la gestion de la relation client. Quelles
sont ces évolutions majeures et que
peut-on en retenir ?
La technologie
pour repenser
l’expérience client
Les outils technologiques n’ont
pas servi à améliorer l’expérience
client mais à la réinventer. Dans
l’hôtellerie haut de gamme, les
traditionnels check-in et checkout, avec leur queue inévitable
aux heures d’affluence, ont disparu : ces opérations peuvent être
désormais réalisées à distance.
Plus besoin, donc, d’un comptoir
à l’entrée, avec un personnel “statue”. Le check-in peut être pris en
charge par les employés de l’hôtel
dans le lobby ou directement par
le client lui-même. Dès son entrée
à l’hôtel, ce dernier évolue sans
contrainte, et vit son séjour
comme il l’entend.
Les chambres elles-mêmes sont
pilotables et personnalisables. À
partir d’une seule tablette, le
client peut tout contrôler : de la
climatisation à l’ambiance, en
passant par les accès aux services
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de l’établissement. Dans l’hôtellerie de luxe, cette nouvelle expérience sait même se faire oublier
pour renforcer le rôle de l’humain. La technologie permet, en
effet, au “guest relation manager”,
entièrement dédié au bien-être
des clients, de soutenir, voire de
renforcer l’attention portée au
client. Seul l’humain – avec des
ressources, elles aussi, d’exception – sait conserver ce mélange
de discrétion, de connivence et de
professionnalisme qui fait le
charme absolu d’un hôtel de luxe.
La personnalisation
proactive
L’objectif de l’hôtellerie haut de
gamme n’est plus seulement de
personnaliser les attentions aux
clients mais de le faire de manière
proactive. Une personne qui fréquente régulièrement un établissement n’a plus besoin de rappeler
la marque de son champagne
­ référé, le bouquet ou la décorap
tion qui lui font plaisir, d’indiquer
si l’arrangement de la chambre lui
convient, etc. Ses moindres désirs
sont anticipés. Cette forme de
reconnaissance – très appréciée –
favorise la f idélisation. La
machinerie CRM qui la sous-tend
est, à sa façon, spectaculaire. À
noter que la proactivité s’arrête
exactement là où le client le
décide et à aucun moment elle ne
prend le risque d’être intrusive. Le
programme “Starwood Preferred
Guest” des chaînes telles que
Sheraton et Le Méridien est un
bon exemple de différenciation
réussie. L’offre “Your 24” permet
au client premium de profiter de
son séjour pendant 24 heures à
partir de son heure d’arrivée, sans
tenir compte des traditionnels
horaires de check-in et de
­c heck-out. La différenciation
porte donc sur les fondamentaux
du service et non sur des éléments
anecdotiques. Cette différenciation s’incarne dans des programmes de fidélité et de reconnaissance ciblés sur les meilleurs
c l ie nt s. Un m i n i mu m de
100 nuits par an pour le service
“Ambassadeur” de Starwood
Hotels, un summum, sans doute,
en termes de service exclusif, où
chaque client a un représentant
dédié pour toutes ses interactions
et réservations avec l’ensemble des
hôtels du groupe. À l’instar de
St a r wo o d Hote l s, H i lton
­communique, par exemple, systématiquement sur son programme “Hilton HHonors”
auprès de ses meilleurs clients,
plus que sur sa marque. De telles
Point de vue :
Raphaelle Begue,
directrice marketing
de Louvre Hotels Group
«
Un des domaines où le
secteur de l’hôtellerie
s’est révélé comme un pionnier
incontesté est la prise en
compte des avis consommateurs sur Internet et l’e-réputation. Aujourd’hui, consulter
l’avis des clients sur
­TripAdvisor ou sur les sites de
réservation tels que Booking.
com ou Hotels.com s’impose
comme un réflexe pour les
consommateurs. L’e-réputation est devenue stratégique
pour les hôtels : les avis client
sont des générateurs directs
de business et font l’objet
d’une surveillance continue.
Peu à peu, ils prennent même
plus d’importance que les
enquêtes de satisfaction
menées en interne. Issus d’une
expression directe du client,
non sollicitée, non filtrée, ces
commentaires permettent de
mesurer en temps réel la satisfaction. Ils constituent même
un KPI pour la direction des
établissements, grâce à une
consolidation quantitative.
L’e-réputation est donc
innovations sont désormais
reprises par des acteurs de milieu
de marché, qui les adaptent à leur
business model. CitizenM a fait
grand bruit avec une offre hôtelière f­ortement décalée : des
chambres totalement personnalisables, un lobby qui ressemble au
salon bibliothèque d’un riche
appartement, un accès
24 heures sur 24 et sept jours sur
sept au restaurant, le wi-fi et la
vidéo à la demande gratuits, des
C’est à l’échelle de la relation client
«
que les évolutions sont les plus tangibles
car elle devient un axe majeur de différenciation.
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aujourd’hui la colonne vertébrale d’un processus continu
d’amélioration. Cette voix du
client est aussi un outil de
management et de mobilisation des équipes en interne. Il
s’agit, au fond, d’un phénomène de désintermédiation de
la relation, qui a joué un rôle
majeur et vertueux pour fournir
aux clients un séjour pleinement adapté à leurs attentes.
Plus globalement, l’enjeu, pour
les années à venir, tiendra à la
bonne utilisation des réseaux
sociaux et à son intégration
dans le continuum de l’expérience client : intégrer pleinement le social CRM dans la
stratégie des marques. »
lits taille XL, en somme, tout ce
qui compte vraiment pour le
client. “Probably the coolest hotel
we stayed in”, souligne un internaute sur TripAdvisor. Le tout à
des prix accessibles. Les fondamentaux de coûts viennent compenser les innovations : taille des
chambres et effectifs revus à
la baisse. Cette diffusion vers les
segments plus larges du marché
annonce les prémices d’une transmission à d’autres secteurs.
Gageons que les refontes d’expérience client à base de digitalisation, que ­l’ultrapersonnalisation
proactive et non intrusive et que
la différenciation forte pour les
meilleurs clients n’ont pas fini de
nous inspirer ! ■
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