Appellations régionales

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Appellations régionales
Appellation
Appellations régionales
Bourgognes
qui rient...
Bourgognes qui rient, mais aussi bourgognes qui pleurent.
D’un côté, des vins recherchés pour leur rapport qualitéprix impeccable ; de l’autre, des cuvées faiblardes boudées
par le négoce, et des producteurs sur la corde raide.
Plus que jamais, le vignoble évolue à deux vitesses...
Repères
LES A.O.C. RÉGIONALES
Surface et Productions*:
* 12 400 hectares ;
* 822 427 hl (58% de vins blancs),
soit 53% de la production totale
bourguignonne ;
* dont 183 257 hl d’A.O.C.
bourgogne (36% de vins blancs),
première A.O.C. régionale en volume.
La commercialisation :
62% par le négoce-éleveur.
Les marchés :
48% France (la moitié en grande
distribution) ;
52% exportation ;
Principaux pays clients : Royaume-Uni,
Allemagne, USA, Japon,
Belgique/Luxembourg.
* Chiffres de récolte pour 2001 – sources B.I.V.B.
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C
ostume gris et chemise
blanche impeccable à carreaux bleu ciel, Jean-Michel
Chartron tapote sur le
clavier de son ordinateur.
Sur l’écran, s’alignent les chiffres indispensables au suivi des affaires. JeanMichel Chartron (maison Chartron et
Trébuchet et domaine Chartron) fait partie de cette génération de négociants qui
“bichonne” ses régionales et croit en leur
avenir. Une entrée de gamme, peu chère
et de qualité, dont les ventes sont tirées
par les vins plus prestigieux. “L’image
haut de gamme nous aide, il est plus facile
de vendre des bourgognes lorsque l’on
fait des puligny”, concède-t-il.
Changement de décor, dans le département voisin de la Saône-et-Loire.
De beaux domaines, commercialisant
leurs vins en bouteilles, et souvent producteurs d’appellations villages (mercurey, rully, givry, montagny, bouzeron...),
Entre les régions de production, les différents
producteurs, les bourgognes offrent une large
palette de goûts et d’arômes, du meilleur au pire...
côtoient de modestes propriétés entièrement dépendantes de la vente en vrac.
Chez ces fantassins du vignoble, pas de
cuves inox thermorégulées, de pressoirs
pneumatiques dernier cri, de fûts neufs
de diverses origines alignés comme à la
parade. On vinifie parfois dans des cuves
en résine, et la futaille, lorsqu’elle existe,
a viré du blond au gris sous l’effet des
ans. Lorsque la qualité des vins laisse à
désirer, ce qui est souvent le cas, ils se
vendent mal ou pas du tout. Certaines
caves sont encore pleines de rouges
pâlots du millésime 2000, que le négoce
n’a pas achetés, car il n’existe pas de
marché pour ces cuvées faibles.
“Le négoce achète quand le négoce vend.
Or, le marché est très calme”, affirme Denis
Duveau, représentant le Syndicat des
négociants en vins fins de Bourgogne.
Les maisons s’efforcent d’écouler leurs
stocks de 2000 et de 2001. Tout en développant le principe de la contractualisation ➢
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Appellations régionales
avec leurs fournisseurs, elles font preuve
de prudence sur les achats de 2002. “On n’est
pas encore dans une situation de redémarrage (...) il faudrait que les fondamentaux
de l’économie s’améliorent”, poursuit
Denis Duveau, qui pointe la faiblesse du
Dollar comme frein à l’exportation. Pierre
Meurger (maison Champy) se montre
moins pessimiste : “Nous avons connu un
début d’année difficile, avec un gros ralentissement de certains marchés, mais les
perspectives semblent raisonnablement
bonnes”. Les “régionales” pourraient bénéficier d’une éventuelle reprise : “les vins
d’entrée de gamme vont retrouver un
attrait, grâce à leurs prix accessibles, car on
constate aujourd’hui moins d’excitation sur
les grandes appellations (...) D’ailleurs, les
rares transactions de l’automne se sont faites
sur les belles cuvées d’A.O.C. régionales.”
Vignobles d’appellations régionales en côte
chalonnaise ; les plus touchés par la crise actuelle.
Se trouve donc posé une fois de plus
-les résultats de notre dégustation en
témoignent- le problème de la qualité.
Dans ce domaine, la Bourgogne marche
toujours à deux vitesses. D’un côté, les
vins réussis, qui se vendent sans difficulté, de l’autre, les vins faibles, pour lesquels il n’existe plus de débouchés.
Des centaines d’exploitations de Saône-etLoire seraient aux abois. Pour les aider,
le Bureau interprofessionnel des vins de
Bourgogne vient de mettre en place les
Contrats qualité+ (Bourgogne Aujourd’hui
n°51) : les producteurs qui en feront la
demande bénéficieront d’un audit de l’ensemble de l’activité du domaine, qualité
des vins, moyens de production, commercialisation, gestion, compétences... Cette
expertise se soldera par un contrat d’accompagnement individualisé, comprenant
aides à la formation et aides à l’investissement. L’interprofession veut ainsi permettre
aux “lâchés” de recoller au gros du peloton.
36% des 386 échantillons présentés
-un record- ont été retenus par notre jury.
Un résultat en recul par rapport à la dernière sélection de la revue (42,26%), mais
conforme au profil des millésimes en
vente. Les rouges 2000 (26% de réussite !)
démontrent qu’il est très difficile de dénicher de bons pinots noirs “génériques”
dans ce millésime difficile. Les blancs,
mieux constitués, s’en sortent honorablement. C’est l’inverse en 2001, avec des
blancs qui manquent parfois de maturité,
et des rouges très corrects (résultats
complets pages suivantes).
“COUSINS”
DES MEURSAULT
Cette revue de détail des bourgognes a permis de mettre en évidence les meilleures
régions de production. En blanc, la palme
de l’homogénéité peut être attribuée une
nouvelle fois aux vins issus du secteur de
Meursault. “Si le village avait été plus
petit, tout aurait été classé en meursault”,
estime Sylvain Dussort, vigneron dans la
commune. Ces blancs dorés ne manquent
ni de classe, ni de personnalité : de beaux
bébés, dans la lignée de leurs célèbres cousins. Les bons bourgognes blancs de
l’Yonne soutiennent la comparaison, avec
cette assise minérale qui leur confère un
Précipitez-vous sur les cuvées
réussies. De bonnes introductions
à la Bourgogne, à prix d’ami...
profil plus tendu. Athlètes au corps longiligne, ils cachent des muscles vifs et fins
sous leur robe pâle. En rouge, le “cœur de
la côte”, côte de Beaune et côte de Nuits,
s’illustre à nouveau, avec des cuvées joliment constituées (surtout en 2001) exhibant un fruité frais. De quoi amener de
l’eau au moulin des défenseurs du projet
d’appellation bourgogne Côte-d’Or, dont
le dossier a été refusé deux fois par le
comité régional de l’I.N.A.O. “Nous ne
demandons rien d’autre que la reconnaissance de ce qui existe, c’est à dire d’une
origine géographique, au même titre que la
côte chalonnaise, les côtes-d’auxerre ou
Vezelay”, rappelle Sylvain Dussort.
Mais d’où qu’elles viennent, précipitezvous sur les cuvées réussies. De bonnes introductions à la Bourgogne, à prix d’ami... ■
Jean-Philippe Chapelon
photographies : Lionel Georgeot, David Clémencet,
Thierry Gaudillère
L’avis de
Gaël Chauvet,
caviste
“La Bourgogne est la plus extraordinaire et la pire des régions. Neuf fois sur dix, je suis déçu par
les appellations régionales, surtout les rouges, souvent dilués et végétaux. Les blancs supportent
mieux de ne pas être au top... Heureusement, les “génériques” permettent de sélectionner les bons
vignerons. Celui qui réussit son entrée de gamme réussit tout le reste. Je me régale avec les bourgognes de jeunes producteurs comme Pascal Roblet (domaine Roblet-Monnot), Fred Cossard
(domaine de Chassornay) ou Rémi Jobard... Un bon générique ? Il faut qu’un verre pousse l’autre.”
Les bons bourgognes
rouges devraient retrouver
un attrait grâce à leurs
prix accessibles.
Gaël Chauvet est responsable des achats de vins français chez Lavinia, 3-5 Bd de la Madeleine,
à Paris (1er arrondissement).
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Appellation
Les terroirs des bourgognes
En quête d’une véritable identité
Retrouvez notre sélection des meilleurs
Bourgogne dans la version papier du magazine
Avec le bourgogne, la diversité des expressions prévaut.
Difficile de savoir
ce qui se cache
derrière
l’appellation
bourgogne.
La multiplicité
des terroirs sous
une même étiquette
laisse souvent
le consommateur
perplexe.
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C
ette gigantesque appellation
rassemble en son sein une
multitude de climats et de
terroirs. Quatre grandes
régions bourguignonnes se
partagent les terroirs de l’A.O.C. L’Yonne
au nord où sont produits des vins blancs
fins, frais et minéraux dans l’esprit chablisien, mais aussi dans l’Auxerrois des
rouges légers (pour la plupart), flatteurs et
gourmands. La Côte-d’Or ensuite qui
fournit des blancs plus gras et profonds,
notamment en côte de Beaune, ainsi que
des rouges puissants et charnus en côte de
Nuits. Les rouges de la côte de Beaune affichent un caractère plus délicat. La côte chalonnaise dévoile généralement des rouges
souples et séduisants et des blancs frais et
plaisants. Enfin le Mâconnais, au sud, qui
délivre différents styles en fonction des sols
et des expositions. Difficile donc, de définir
ce que sont où ce que doivent être les bourgognes blancs et rouges. Si l’on ajoute à cela
les vins pouvant bénéficier de l’étiquette
bourgogne en cas de déclassement on entre
dans un véritable labyrinthe.
Il existe pourtant dans l’A.O.C. régionale
des vins de terroirs. Si certains se sont déjà
vus octroyer une définition géographique
plus précise comme bourgogne côtesd’auxerre, bourgogne côte chalonnaise ou
encore bourgogne côtes du couchois,
il devient néanmoins urgent d’affiner
encore cette classification. Tout cela, non
pas pour dire que certains sont meilleurs
ou moins bons, mais pour que chacun
puisse arborer fièrement l’identité du
terroir qu’il défend. Il existe d’ailleurs
dans chacun des quatre grands secteurs,
des cuvées recherchées, élaborées par des
viticulteurs de talents. Les appellations
régionales représentent aujourd’hui plus
de 50% de la production bourguignonne et
se révèlent souvent la porte d’entrée pour
découvrir notre région viticole.
En conclusion, faut-il que les bourgognes
puissent sortir du lot en pouvant afficher
leur origine géographique, ce afin de renseigner au mieux le consommateur sur le produit qu’il achète ou au contraire fondre tout
le monde dans un moule bourgogne, unique
et plus facile à promouvoir ? À suivre… ■
François Laborier
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